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Dans l’un de ses numéros, l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur, a publié un dossier consacré à un sujet intitulé «Juifs et musulmans des ennemis si intimes». Dans ce dossier était publié un cliché photographique représentant des manifestants participant à la «Marche contre le racisme et l’antisémitisme suite à l’affaire Merah, à Paris le 25 mars 2012», sur lequel apparaît en premier plan, à gauche, une femme portant un foulard et brandissant la main symbole de l’association SOS Racisme sur laquelle est écrit «Pas de printemps pour le racisme» et, à droite, un jeune garçon coiffé de la kippa suivi par une femme portant une petite fille sur ses épaules.
Les parents des enfants représentés ont poursuivi sans succès l’hebdomadaire. En vertu de l’article 9 du Code civil, toute personne a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection, que toute personne dispose également en vertu du même texte, d’un droit exclusif sur son image, attribut de la personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, qui lui permet, en principe, de s’opposer à la diffusion de son image sans son autorisation et d’obtenir réparation du préjudice qui lui aurait été causé de ce fait.
Toutefois, ces droits peuvent cependant céder devant les nécessités de la liberté d’expression lorsque la diffusion des informations ou des images est légitime au regard de ces nécessités, l’appréciation de cette légitimité étant fonction d’un ensemble de circonstances tenant essentiellement à la personne qui se plaint de l’atteinte aux droits protégés par l’article 9 du Code civil, notamment sa qualité et son comportement antérieur, et à l’objet de la publication en cause – son contenu, sa forme, l’absence de malveillance, de détournement et d’atteinte à la dignité de la personne, ainsi que sa participation à un débat d’intérêt général -; que dans ce cas cependant il doit être pris en compte la qualité de l’information délivrée ; ces critères sont conformes aux stipulations des articles 8 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Une personne ne peut non plus se prévaloir des droits consacrés par l’article 9 du Code civil lorsque sont évoqués des éléments qu’elle a elle-même fait sortir de la sphère protégée de la vie privée ou lorsqu’elle a implicitement accepté la reproduction de son image.
En l’espèce les parents ne contestaient pas que le cliché photographique a été pris alors qu’ils participaient avec leurs enfants à une manifestation sur la voie publique «organisée en solidarité avec les victimes de Mohamed MERAH, le 25 mars 2012, quelques jours après la manifestation de Toulouse». Le principe même d’une manifestation sur la voie publique a pour objet de permettre à ceux qui y participent d’exprimer publiquement une adhésion, une protestation ou une prise de position sur le sujet de la manifestation laquelle constitue, en elle-même, un événement d’actualité dont l’objet est qu’il en soit rendu compte.
Il peut donc être légitimement déduit de la nature d’une telle manifestation que les participants acceptent nécessairement d’être photographiés et que leur image soit reproduite, à condition que cette reproduction ne porte pas atteinte à la dignité ni ne soit détournée de son contexte et illustre, de manière pertinente et adéquate, une information légitime.
C’est à juste titre que l’hebdomadaire faisait valoir que le cliché photographique illustrait pertinemment le dossier consacré aux relations entre juifs et musulmans à l’occasion de la publication par les éditions ALBIN MICHEL d’une encyclopédie intitulée «Histoire des relations entre juifs et musulmans des origines à nos jours» ayant, selon les propos de son éditeur cités dans le dossier en cause, l’ambition de «contrer les représentations globalement négatives de l’autre», et de la diffusion sur la chaîne de télévision Arte du film «Juifs et musulmans. Si loin, si proche», retraçant «1 400 ans d’histoire», «de la naissance de l’islam jusqu’au conflit du Proche-Orient».
Le dossier en cause aborde les relations entre les fidèles de ces deux religions dans leurs dimensions historique, politique, culturelle et personnelle en insistant sur leurs ressemblances et leurs différends, de sorte que le cliché litigieux qui montre la participation, à une même manifestation contre des violences racistes et antisémites, d’une femme que le lecteur peut identifier comme musulmane et d’une famille identifiable comme juive du fait du port de la kippa par le jeune garçon, suivies d’une foule en arrière plan est tout à fait en lien avec le sujet traité peu important que cette manifestation soit vieille d’un an. En outre, le sujet abordé relève, à l’évidence, d’un sujet d’intérêt général et les informations délivrées et répond incontestablement aux exigences du droit du public à l’information sur un tel sujet.