Nuisances sonores : décision du 12 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08980

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Nuisances sonores : décision du 12 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/08980
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/08980 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQGX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Avril 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 17/01838

APPELANT

Monsieur [E] [P]

[Adresse 9]

[Localité 11]

Représenté par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

INTIMÉE

SARL LYZENCO

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Hélène PEREZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A0662

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée déterminée à compter du 12 février 2013 puis contrat à durée indéterminée à compter du 13 avril 2013, M. [P] a été engagé en qualité d’agent de service par la société Lyzenco, ladite société employant habituellement moins de 11 salariés et appliquant la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.

M. [P] a fait l’objet d’avertissements en date des 1er et 26 septembre 2014.

Après avoir été convoqué, suivant courrier recommandé du 28 avril 2016, à un entretien préalable fixé au 11 mai 2016, M. [P] a été licencié pour cause réelle et sérieuse suivant courrier recommandé du 9 juin 2016.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et s’estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [P] a saisi la juridiction prud’homale le 13 mars 2017.

Par jugement du 25 avril 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– débouté le demandeur de l’ensemble de ses demandes et la partie défenderesse de sa demande reconventionnelle,

– condamné la partie demanderesse au paiement des entiers dépens.

Par déclaration du 9 août 2019, M. [P] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 15 juillet 2019.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 novembre 2019, M. [P] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en l’ensemble de ses dispositions et, statuant à nouveau,

– dire que la rupture du contrat de travail est abusive,

– condamner la société Lyzenco à lui payer les sommes suivantes :

– 9 072 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

– 2 250 euros à titre de rappel de salaire sur temps de trajet entre les chantiers,

– 9 072 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé,

– 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour absence de temps de pause,

– condamner la société Lyzenco, à titre principal et sous réserve de l’admission de l’appelant au bénéfice de l’aide juridictionnelle, à payer à Maître [R] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État au titre de l’aide juridictionnelle et, à titre subsidiaire, en cas de rejet de la demande d’aide juridictionnelle, à payer à M. [P] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner la remise de bulletins de salaire conformes à la décision à intervenir,

– ordonner l’intérêt au taux légal à compter de la saisine,

– condamner la société Lyzenco aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 décembre 2019, la société Lyzenco demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [P] de l’ensemble de ses demandes,

– débouter en conséquence M. [P] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner M. [P] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’instruction a été clôturée le 10 mai 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 15 juin 2022.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

L’appelant fait valoir que son licenciement est abusif en ce que, dans un premier temps, il a été victime de deux avertissements notifiés les 1er et 26 septembre 2014 parfaitement injustifiés compte tenu du respect des horaires mentionnés dans ses plannings, que cherchant à préserver le respect de ses droits, il a fait intervenir l’inspection du travail le 28 octobre 2014, provoquant ainsi l’ire de l’intimée qui n’a eu de cesse de faire preuve d’une mauvaise foi patente dans l’exécution du contrat de travail à compter de cette date en lui faisait de multiples reproches réitérés tout aussi injustifiés les uns que les autres, et ce s’agissant notamment du dépôt de demandes de congés payés, de la remise de courriers en mains propres ou de la mauvaise qualité de ses prestations de ménage, et qu’au terme de plus de 18 mois de relation de travail sensiblement dégradée, l’employeur a finalement prétendu le licencier pour cause réelle et sérieuse. Il souligne qu’une partie des griefs retenus dans la lettre de licenciement sont prescrits et que la majorité de ceux-ci ne sont en toute hypothèse pas précisément datés par l’employeur de sorte qu’il est impossible de s’assurer de la réalité des faits tels que relatés par l’intimée mais surtout de leur éventuelle prescription. Il indique que les seules pièces justificatives communiquées par l’intimée, dont la force probante est plus que relative, ne permettent pas de démontrer la réalité des griefs développés sur quatre pages dans la lettre de licenciement.

L’intimée réplique que l’appelant conteste le bien fondé du licenciement pour cause réelle et sérieuse sans apporter aucun élément probant à ses demandes, qu’il suffit de se rapporter à la chronologie des faits pour se convaincre que la procédure de licenciement n’a pas été engagée en raison de la saisine de l’inspection du travail par le salarié et que les répétitions d’erreurs, de négligences ainsi que la réitération d’un comportement virulent du salarié à l’égard des clients de l’entreprise justifient parfaitement son licenciement, la réitération des faits par le salarié malgré l’avertissement de l’employeur constituant une faute caractérisée.

Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée de la manière suivante :

« […] En votre qualité de salarié vous aviez pour mission d ‘effectuer des prestations de ménage dans les locaux de nos clients.

Nous avons reçu de nombreuses plaintes de leur part vous concernant autant sur votre prestation de ménage que sur votre comportement à leur égard.

Le Syndicat des copropriétaires sis [Adresse 6], nous a demandé en juin 2014, un changement d’employé puisque vous ne donniez pas satisfaction.

En effet, il nous a été rapporté de nombreuses plaintes des copropriétaires estimant que vous ne faisiez pas votre travail consciencieusement et que vous passiez beaucoup plus de temps sur votre téléphone portable plutôt que d ‘effectuer votre travail.

Ainsi, cette copropriété nous a demandé de vous remplacer puisque lors de l’assemblée générale des copropriétaires qui s’était tenue le 24 juin 2014, les copropriétaires se sont plaints de nouveau de votre travail et de votre comportement.

Nous avons du procéder à votre remplacement et nous vous avons demandé de vous reprendre.

Or, en décembre 2015, le Syndicat des propriétaires sis [Adresse 3], nous a fait savoir que vos prestations de ménage ainsi que votre comportement à l’égard des copropriétaires n ‘étaient plus acceptables. Dans ces conditions, le client a préféré mettre fin à notre contrat.

Nous vous avons encore demandé de vous reprendre et espérions que vous auriez su tirer des leçons des mécontentements multiples des clients et de nos remarques. Nous avons souhaité vous laisser une nouvelle chance.

Or, nous avons constaté que votre travail était toujours approximatif, effectué que partiellement et que votre comportement envers vos collègues, les clients et votre responsable était irrespectueux.

D’ailleurs, nous avons appris début mai courant que des copropriétaires sis [Adresse 7] se plaignaient aussi bien de votre travail que de votre attitude. Une copropriétaire, exaspérée par la situation a même sollicité directement notre client afin de mettre fin à votre présence dans les locaux.

Elle a indiqué que votre prestation de ménage était superficielle, le passage de l ‘aspirateur trop rapide et un passage de serpillière qui n’était pas effectué ou que partiellement. Elle indique même que vous vous seriez permis de l’insulter. Selon le syndicat des copropriétaires, ces plaintes étant trop fréquentes, il a sollicité votre remplacement.

Compte tenu de la réitération des faits, nous n’avons eu d’autre choix que d ‘engager cette procédure.

En outre, vos collègues se sont aussi plaints de votre comportement et de votre agressivité.

Monsieur [V] nous a rapporté que vous n’avez pas hésité à plusieurs reprises d’étre virulent à son égard, ricané lorsqu ‘il vous posait une question.

Nous avons même appris que vous avez dénigré votre responsable, Madame [W] auprès de Monsieur [V]. Vous lui avez dit qu ‘il s ‘agissait d ‘une « voleuse ” et « qu ‘elle verra ce qu’elle verra. ”.

Vous adoptez un ton très arrogant et virulent non seulement à l’égard de certains copropriétaires mais aussi à l’égard de votre collègue et responsable.

Nous vous avons rappelé à l’ordre à plusieurs reprises, mais nous sommes au regret de constater que votre comportement ne change pas.

Nous avons appris que sur le site situé au [Adresse 1], les copropriétaires se seraient plaints directement à vous du travail partiel que vous effectuez. Vous auriez répondu, que c’était du fait de l ’employeur qui ne vous payait pas et qu ‘il ne vous donne pas d ‘aspirateur.

Vous avez d’ailleurs demandé directement au client de vous apporter un aspirateur.

Or vous saviez qu’en tout état de cause, vous deviez nous sollicitez directement pour l ‘obtention d ‘un matériel supplémentaire.

En outre, il y a toujours eu des aspirateurs au local situé [Adresse 8].

Cette attitude a naturellement porté atteinte à l’image de l ‘entreprise.

Nous avons appris le 5 mai dernier, que dans l’immeuble sis [Adresse 2], vous avez de nouveau critiqué votre employeur en indiquant à un des copropriétaires que c ‘était une voleuse et qu ‘elle ne réglait pas ses salariés.

Par ailleurs, vous ne respectez pas les instructions, nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise.

En effet, nous avons constaté que vous ne respectiez pas l ‘ordre des chantiers et que vous débutiez les chantiers avant 9h du matin, et parfois même à 7h00 du matin.

Nous avons d’ailleurs enregistré des plaintes de nos clients pour qui les nuisances sonores à 7h00 du matin étaient inacceptables.

Nous vous avions rappelé à l’oral qu ‘il était nécessaire de respecter l ‘ordre des chantiers prévu par votre planning et de ne pas débuter avant 9h00 dans les immeubles.

Nous avons constaté que malgré nos demandes, vous n’avez pas respectez ces instructions.

En date du 1er septembre 2014, nous avons dû vous adresser un avertissement afin que cette situation cesse.

Pourtant malgré l ‘avertissement nous avons constaté des errements encore durant un mois puis vous avez enfin accepté de respecté cette demande.

Vous n ‘avez pas plus, respecté le principe de vous annoncer avant d’entrer chez le client, en présence des salariés. Nous vous avons donc rappelé que dans les sociétés, vous deviez sonner. Pourtant, malgré nos demandes, notre client s’est plaint que vous fassiez le code d ‘entrée sans sonner.

Vous avez alors indiqué qu’un salarié de cette société vous aurait communiqué le code d ‘entrée ce qui vous donnez le droit de l ‘utiliser. Ce n ‘est qu ‘après moult demandes que vous avez enfin accepté de sonner avant d ‘entrer.

En mai 2016, lors d’une visite de votre responsable, il vous a été demandé de passer la serpillière aussi dans les coins. Vous lui avez répondu que vous faîtes ce métier depuis assez longtemps et que vous n ‘avez pas besoin de consigne.

Or, le client s ‘est plaint à de nombreuse reprise d’un travail approximatif et bâclé.

Nous avons du constater avec regret que malgré les nombreuses demandes vous vous entêter à ne pas respecter vos obligations professionnelles.

Vous refusez systématiquement de recevoir des courriers en main propre, ce qui nous oblige à vous les adresser par lettre recommandée A.R.

En date du 26 mai 2016, vous avez demandé une attestation de travail et sollicité qu’elle vous soit remise avant le 1er juin suivant.

Compte tenu des brefs délais, Madame [W] s’est déplacée sur le chantier situé [Adresse 4] pour pouvoir vous la remettre dans les délais. Vous avez encore refusé d’en accuser réception. Vous lui avez indiqué « tu n ‘as qu’à l ‘envoyer en recommandée ». Tout en ricanant.

Pourtant vous reprochez à votre employeur de vous adresser trop de courriers !

Dans le même sens, vous avez refusé de poser dans les délais vos dates de congés ou encore de répondre toujours dans les délais au courrier du 21 décembre 2015 portant sur votre adhésion ou non à la mutuelle.

Ce comportement fait montre aussi de votre déloyauté à l ‘égard de la société.»

S’agissant de la prescription alléguée par l’appelant, il sera tout d’abord rappelé qu’en application des articles L. 1332-4 et L. 1332-5 du code du travail, l’employeur est fondé à prendre en compte un fait antérieur de plus de deux mois si le comportement fautif du salarié s’est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai et s’il s’agit de faits de même nature, l’existence de nouveaux griefs autorisant l’employeur à tenir compte de griefs antérieurs, et ce qu’ils aient ou non déjà été sanctionnés, à la condition cependant, s’ils ont fait l’objet de sanctions, que celles-ci ne soient pas antérieures de plus de trois ans à l’engagement des poursuites.

Par ailleurs, s’agissant des avertissements des 1er et 26 septembre 2014 concernant le non-respect des plannings relativement à l’horaire de début des chantiers ainsi qu’à l’ordre d’exécution lesdits chantiers, il convient de relever que si l’appelant en conteste le bien-fondé, ce dernier s’abstient cependant, de manière pour le moins contradictoire avec ses affirmations, d’en solliciter expressément l’annulation dans le cadre de la présente procédure.

Concernant les plannings précités, il sera de surcroît observé que les affirmations du salarié concernant le fait qu’antérieurement au 1er septembre 2014, lesdits plannings faisaient état d’une heure de début des chantiers à 7h00 et non à 9h00, ne reposent que sur les photocopies de plannings qu’il verse aux débats et qui comportent des mentions manuscrites détaillant les horaires de chacun des chantiers, et ce alors que les plannings produits par l’employeur, revêtus pour la grande majorité d’entre eux de la signature en original du salarié, ne comportent pas les mentions manuscrites litigieuses. Il résulte par ailleurs des attestations rédigées par des assistantes de copropriété travaillant pour le compte du cabinet Paris GTB, dont le nettoyage des locaux est assuré par la société intimée, que celle-ci n’intervient jamais avant 9h00 du matin en ce que les bureaux n’ouvrent qu’à 9 heures et qu’il a été demandé à l’entreprise de n’intervenir qu’en présence des salariés du cabinet.

S’agissant des plaintes émanant de copropriétaires concernant la qualité des prestations de ménage fournies par l’appelant ainsi que son comportement, il résulte des mails des 23 juin et 10 juillet 2014 du syndic de copropriété de l’immeuble situé [Adresse 6], que les copropriétaires ont effectivement expressément demandé un changement d’employé sur l’immeuble car celui-ci ne donne pas satisfaction, les intéressés indiquant : « à savoir que la prestation de ménage n’était pas correctement effectuée et que par ailleurs l’employé de votre entreprise passait beaucoup de temps au téléphone durant le temps où il était sur place ». Il résulte par ailleurs du courrier du 9 octobre 2015 que le syndic de copropriété de l’immeuble situé [Adresse 3], site sur lequel était affecté l’appelant, a indiqué à la société intimée qu’il résiliait le contrat d’entretien des parties communes de l’immeuble à compter du 2 novembre 2015. Il ressort enfin des courriers de réclamation d’une copropriétaire (Mme [C]) de l’immeuble situé [Adresse 7] en date des 3 novembre 2015 et 26 avril 2016 (courrier remis au syndic de copropriété), lesdits courriers de réclamation, qui ne sont pas des attestations, n’étant pas soumis aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile, que « Les problèmes posés par Monsieur [E] [P] sont toujours les mêmes. Je pourrais même dire que la situation s ‘aggrave. En effet, non content de me narguer lorsque nous nous croisons, il manifeste de plus en plus sa tendance à la paresse absolue […] La surveillance qui devrait être exercée sur son travail permettrait de rétablir une situation déplorable et insupportable. Par la présente, je vous intime l’ordre de prendre en main cet employé incorrect autant qu’insuffisant » (1er courrier), « Depuis trois ans, les services de [E] n’ont cessé de se dégrader. Malgré mes appels (au moins deux fois) à la responsable, Mme [Z] [W], la situation n’évolue pas ! […] Je vous recommande maintenant de donner suite à la présente lettre, au risque, pour votre bureau, d’apparaître comme complice de malfaçons et maltraitements » (2ème courrier), aucun autre élément versé aux débats ne permettant, mises à part les seules affirmations de l’appelant, de remettre en cause le contenu des affirmations de cette copropriétaire, laquelle fait expressément et clairement mention de l’identité et de la responsabilité personnelle de l’appelant concernant les manquements relevés.

S’agissant du comportement irrespectueux de l’appelant, s’il ne résulte pas des courriers de réclamation précités que l’intéressé aurait effectivement insulté la copropriétaire de la [Adresse 12], cette dernière se limitant à indiquer qu’il la nargue, il résulte cependant des différents mails de « debrief » adressés par M. [V] à sa direction, en sa qualité de chef d’équipe de la société intimée, que l’appelant ne respectait pas les consignes lui étant données, qu’il refusait de rendre compte de l’accomplissement de ses tâches, qu’il refusait de prendre avec lui les produits d’entretien, qu’il n’obéissait pas aux directives de son chef d’équipe, qu’il se plaignait lorsqu’un nouveau site lui était confié, qu’il adoptait un ton arrogant et moqueur ayant pour conséquence d’énerver les copropriétaires et qu’il soupirait ou rigolait « sur un air sarcastique » lorsque son responsable lui faisait des remarques sur son travail, étant observé que le seul fait que M. [V] soit sous lien de subordination avec l’intimée n’est en lui-même pas de nature à établir sa partialité ou à faire perdre toute force probante au contenu de ses déclarations.

Au vu de ces éléments, la cour ne peut par ailleurs que relever que l’appelant, qui avait fait l’objet de plusieurs rappels à l’ordre et mises en garde concernant son attitude et la qualité de son travail ainsi que de deux avertissements en date des 1er et 26 septembre 2014, n’a cependant pas estimé nécessaire de modifier son comportement. Il ne justifie enfin aucunement, mises à part ses propres déclarations et affirmations, que la dégradation de la relation de travail et l’apparition de multiples reproches seraient la conséquence du fait qu’il avait sollicité l’intervention de l’inspection du travail le 28 octobre 2014, et ce alors que les sanctions disciplinaires précitées sont antérieures à ladite intervention et que l’intimée apparaît avoir répondu aux courriers et interrogations de l’inspection du travail.

Par conséquent, eu égard aux agissements fautifs du salarié rendant impossible son maintien dans l’entreprise compte tenu de leur réitération ainsi que de la désorganisation de l’activité et de l’atteinte portée à la bonne marche et à l’image de l’entreprise, la cour retient, par confirmation du jugement, que le licenciement pour cause réelle et sérieuse prononcé à son encontre est justifié et déboute en conséquence l’appelant de ses différentes demandes afférentes à la ruptur

e du contrat de travail.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des temps de trajet entre les différents chantiers

L’appelant fait valoir que le temps de trajet pour se rendre d’un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif, qu’il est constant qu’il était contraint de se déplacer d’un chantier à un autre sur sa journée de travail et qu’il intervenait ainsi sur deux à quatre chantiers par jour sans que l’employeur n’ait jamais rémunéré ce temps de travail.

L’intimée réplique que même en tenant compte des mentions manuscrites sur les plannings, les temps de trajet sont parfaitement décomptés et rémunérés par l’employeur.

En application des dispositions de l’article L. 3121-1 du code du travail, il est établi que le temps de trajet pour se rendre d’un lieu de travail à un autre lieu de travail constitue un temps de travail effectif.

Cependant, étant observé en l’espèce que l’appelant se limite à solliciter le paiement d’une somme globale de 2 250 euros à titre de rappel de salaire de ce chef, et ce sans justifier du détail et des modalités de son calcul ni produire un tableau récapitulatif faisant état de manière précise et détaillée pour chaque journée de travail des temps de trajet dont il sollicite le paiement, la seule production d’itinéraires RATP ou Google Maps étant insuffisante de ce chef, de même que le seul renvoi aux plannings versés aux débats, lesquels apparaissent inopérants dans ce cadre compte tenu des difficultés précédemment relevées par la cour concernant la présence de mentions manuscrites apposées sur lesdits plannings.

Dès lors, la cour confirme le jugement en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de rappel de rémunération formée de ce chef.

Sur le travail dissimulé

L’appelant soutient que l’intimée n’a jamais jugé utile de régulariser sa situation malgré les trois rappels de l’inspection du travail, que l’employeur s’est donc délibérément soustrait à son obligation de déclarer la totalité des heures de travail effectuées en omettant intentionnellement de mentionner les heures de travail effectuées au titre des différents déplacements entre les chantiers sur les bulletins de salaire et que l’intention frauduleuse est ainsi parfaitement caractérisée.

L’intimée réplique que l’appelant, qui peine à justifier sa demande, n’apporte ni la preuve d’heures non rémunérées ni celle de l’élément intentionnel.

En application des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, le salarié, qui a été débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des temps de trajet ainsi que cela résulte des développements précédents, ne justifiant en toute hypothèse aucunement du caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi alléguée, la cour confirme le jugement en ce qu’il a rejeté cette demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause

L’appelant soutient qu’il ressort des plannings qu’il a régulièrement été contraint de travailler plus de six heures de suite sans se voir octroyer la moindre minute de pause et que les temps séparant ses différentes interventions étaient en réalité consacrés au déplacement entre les différents chantiers et correspondaient donc à du temps de travail effectif et non à des temps de pause.

Aux termes de l’article L. 3121-33 du code du travail, dans sa version applicable au litige, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes. Des dispositions conventionnelles plus favorables peuvent fixer un temps de pause supérieur.

Etant rappelé qu’en application des dispositions précitées combinées avec celles de l’article 1315, devenu 1353, du code civil, la preuve du respect des temps de pause incombe à l’employeur, et étant constaté en l’espèce qu’aucun élément justificatif de nature à démontrer que le salarié a effectivement pu bénéficier d’un temps de pause minimal conforme n’est versé aux débats par l’intimée, il convient d’allouer à l’appelant, par infirmation du jugement, la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de pause.

Sur les autres demandes

Compte tenu du rejet précité de la demande de rappel de salaire au titre des temps de trajet entre les différents chantiers, il convient de débouter l’appelant de sa demande de remise de bulletins de paie rectifiés.

En application de l’article 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.

En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile (l’appelant ne justifiant pas être bénéficiaire de l’aide juridictionnelle dans le cadre de la présente instance en cause d’appel), l’employeur sera condamné, par infirmation du jugement, à payer au salarié la somme de 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens.

L’employeur, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d’appel.

 


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