Nuisances sonores : décision du 12 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09407

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Nuisances sonores : décision du 12 octobre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 21/09407
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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 2

ARRET DU 12 OCTOBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09407 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDV6R

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Creteil – RG n° 19/07561

APPELANT

Monsieur [U] [A] [V]

Exploitant un fonds de commerce sous l’enseigne Café du Parc (RCS de Créteil 381 956 176)

né le [Date naissance 3] 1964 à Vale Flor Meda (Portugal)

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représenté par Me Maximilien STEINKRAUSS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1465

INTIMES

Monsieur [D] [X]

né le [Date naissance 2] 1976 à Tizi Ouzou

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Btissam DAFIA de la SELARL DAFIA & SEIZOVA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1410

Madame [Y] [Z]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 9]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010

ayant pour avocat plaidant : Me Ghislaine JACQUES-HUREAUX, avocat au barreau de PARIS, toque : D0235

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

Mme Muriel PAGE, Conseillère

Mme Nathalie BRET, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors du prononcé.

* * * * * * * * * * * *

FAITS & PROCÉDURE

M. [D] [X] est propriétaire d’un appartement situé [Adresse 5]).

Mme [Y] [Z] est propriétaire d’un local commercial situé au rez de chaussée de l’immeuble qu’elle a donné à bail à M. [U] [A] [V]. Ce dernier exploite, dans le local, un établissement servant de bar, de restaurant et de café sous l’enseigne Le Café du Parc.

Se plaignant de nuisances sonores provenant du Café du Parc pouvant se produire à des heures tardives, M. [D] [X] a fait assigner Mme [Z] et M.[V] devant le tribunal judiciaire de Créteil par exploits d’huissier des 1 et 5 août 2019.

Par jugement réputé contradictoire du 22 février 2021, le tribunal judiciaire de Créteil a :

– condamné in solidum Mme [Y] [Z] et M. [U] [A] [V] à réaliser des travaux d’isolation phonique dans le local commercial dans lequel s’exerce l’activité du Café du Parc au [Adresse 5] dans un délai de six mois à compter de la signification du jugement, sous peine d’une astreinte de 100 € par jour de retard pendant trois mois à l’issue desquels il sera à nouveau statué par le juge de l’exécution,

– condamné in solidum Mme [Y] [Z] et M. [U] [A] [V] à payer à M. [D] [X] la somme de 8.000 € en réparation de son préjudice de jouissance,

– condamné in solidum Mme [Y] [Z] et M. [U] [A] [V] aux dépens, ainsi qu’à payer à M. [D] [X] la somme de 1.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement.

M. [U] [V] a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 18 mai 2021.

Par ordonnance du 12 janvier 2022 le conseiller de la mise en état a donné acte à M. [D] [X] de son désistement de l’incident de radiation de l’appel pour défaut d’exécution du jugement assorti de l’exécution provisoire.

La procédure devant la cour a été clôturée le 15 juin 2022.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions en date du 6 décembre 2021 par lesquelles [U] M. [V], appelant, invite la cour, à :

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamné in solidum à :

‘ payer la somme de 8.000 € à M. [X] au titre du préjudice pour trouble anormal de voisinage,

‘ payer la somme de 1.000 € à M. [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ réaliser à ses frais les travaux d’insonorisation de l’immeuble,

A titre principal,

– rejeter l’incident soulevé par M. [X],

– rejeter les demandes indemnitaires présentées par M. [X],

A titre subsidiaire,

– imputer la charge exclusive des travaux d’insonorisation à Mme [Z], propriétaire du fonds de commerce exploité en location-gérance,

– constater qu’il ne peut être déclaré responsable des préjudices causés à M. [X] avant le 27 juillet 2018,

– débouter les demandes indemnitaires présentées par M. [X] ou les réduire à de plus justes proportions,

En tout état de cause,

– condamner M. [X] aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 2.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 9 novembre 2021 par lesquelles M. [D] [X], intimé, demande à la cour, au visa des articles 1728, 1729 et 1240 du code civil et 56 du code de procédure civile, de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– débouter M. [V] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– condamner in solidum Mme [E] [Z] et M. [U] [V] à réaliser les travaux d’isolation phonique dans le local commercial dans lequel s’exerce l’activité du Café du Parc au [Adresse 5], dans un délai de 6 mois à compter de la signification du jugement, sous peine d’une astreinte de 100 € par jour de retard,

– condamner in solidum Mme [E] [Z] et M. [U] [V] à lui verser la somme de 8.000 € en réparation de son préjudicie de jouissance,

– condamner M. [U] [V] aux dépens, ainsi qu’à lui payer la somme de 4.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner l’exécution provisoire sur le tout ;

Vu les conclusions en date du 17 novembre 2021 par lesquelles Mme [Y] [Z], intimée ayant formé appel incident, invite la cour, au visa de l’article 1241 du code civil, à :

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a :

condamnée in solidum avec M. [U] [A] [V] à réaliser les travaux d’isolation phonique dans le local commercial dans lequel s’exerce l’activité du Café du Parc au [Adresse 5] dans le délai de six mois à compter de la signification du présent jugement sous peine d’une astreinte de 100 € par jour de retard pendant trois mois à l’issue desquels il sera nouveau statué par le juge de l’exécution,

condamnée in solidum à payer à M. [X] la somme de 8.000 € en réparation de son préjudice de jouissance,

condamnée in solidum à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

condamnée in solidum aux dépens,

Statuant à nouveau,

– débouter M. [V] et M. [X] de toutes leurs demandes à son encontre,

– condamner M. [V] aux dépens ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

Sur les troubles anormaux du voisinage

Il est de principe que nul ne doit causer à autrui des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage ; en outre le règlement de copropriété de l’immeuble qui a valeur contractuelle stipule que chaque copropriétaire peut jouir librement des parties privatives comprises dans son lot sans troubler la tranquillité des autres copropriétaires ;

En outre, le propriétaire d’un bien immobilier donné à bail est responsable des dommages causés à des tiers par son locataire de par l’article 1384 du code civil devenu l’article 1241 du même code selon lequel l’on est également responsable des personnes dont on doit répondre ;

Il n’est pas contesté que M. [U] [V] exploite le débit de boissons situé en dessous de l’appartement de M. [X] depuis le 28 juillet 2018 en vertu d’un contrat de location gérance consenti par Mme [Z] (pièce [Z] n° 1) ;

Pour justifier de la réalité des nuisances sonores qu’il subit M. [X] verse aux débats les récépissés de déclaration de main courante qu’il a effectuées les 23 septembre 2018, 10 novembre 2018, 24 février 2019, 10 mars 2019 (pièce n° 5) ;

Il produit un procès verbal de constat dressé le 19 mars 2019 à 23 heures 30 par Maître [W] [H], huissier de justice, duquel il ressort que dans la salle de séjour et les chambres de l’appartement de M. [X], l’on entend les conversations et la musique émanant du Café du Parc ;

L’huissier indique (pièce [X] n° 6) :

‘Me suis transporté ce jour à [Adresse 5], où étant à 23 heures 30, j’ai procédé aux constatations suivantes en présence du requérant :

‘..

Depuis la voie publique, je constate que ce café est ouvert, que deux clients du café stationnent à l’extérieur du local en fumant des cigarettes et en discutant.

A l’intérieur du café, il existe un téléviseur allumé qui diffuse de la musique que l’on entend depuis la voie publique.

‘.

Je me transporte alors dans l’appartement du requérant.

Je constate que dans la salle de séjour, ainsi que dans les chambres de l’appartement, on entend distinctement les discussions et surtout la musique qui est diffusée en permanence dans le restaurant’ ;

Il produit une lettre valant mise en demeure de cesser les troubles qui a été adressée à M. [U] [V] le 8 avril 2019 avec copie à Mme [Z] (pièces [X] n° 7 et 8), toutes deux restées sans effet ;

Il communique une attestation de M. [O] [J], référant sécurité de la ville de [Localité 8], datée du 9 septembre 2021, lequel relate :

‘Je me suis rendu à son domicile à plusieurs reprises où j’ai pu constater le bruit provenant de l’établissement visiblement très mal isolé pour l’activité d’un débit de boisson. De plus, le fonctionnement était problématique car en plus de la clientèle de journée des soirées étaient organisées les week-end générant un bruit important tard dans la nuit.

‘.

Les nuisances occasionnées par ce café restaurant se sont poursuivies et les habitants des immeubles situés face à l’établissement sur l’avenue Dumotel se sont joins aux plaignants faisant état des soirées s’éternisant dans la nuit avec une clientèle alcoolisée hurlant à l’intérieur comme à l’extérieur du débit de boissons certaines dégénérant en bagarres dans la rue et occasionnant l’intervention de la police;

Le fonctionnement problématique de cet établissement et l’attitude de son gérant sourd aux mises en garde à amener les services de police en coordinations avec notre service d’hygiène et de sécurité, avec l’URSSAF et les services de Trésor à effectuer un contrôle qui a mis en évidence de nombreuses infractions notamment en matière d’hygiène, de salubrité qui ont entraînées un arrêté de fermeture administratives non levé à ce jour.

‘.

La situation de cet établissement n’a été qu’en se dégradant, les nuisances de voisinage ne faisant que s’aggraver devenant conflictuelles avec les habitations voisines’ (pièce n°9) ;

La matérialité du trouble anormal de voisinage subi par M. [X] est donc établie ; M. [U] [V] et Mme [Z] ne peuvent se retrancher derrière l’antériorité de l’exploitation du débit de boissons par rapport à l’arrivée dans les lieux de M. [X] pour s’exonérer de leur responsabilité de plein droit tirée de la théorie de la prohibition des troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage

Le premier juge a justement retenu que les nuisances sonores constatées dans le procès verbal de constat du 19 mars 2019, corroborées par les autres pièces produites visées plus haut, causent à M. [X] un trouble anormal dans la mesure où, à cause des bruits de voix et surtout de la musique, il ne peut pas dormir et qu’il s’agit là par ailleurs d’une infraction au règlement de copropriété de l’immeuble qui tient lieu de loi à l’égard de Mme [Z] de par l’article 1134 du code civil devenu l’article 1103 du même code ;

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné in solidum Mme [Y] [Z] et M. [U] [V] à réaliser les travaux d’isolation phonique du local dans lequel s’exerce l’activité du Café du Parc dans un délai de six mois à compter de la signification du présent jugement sous peine d’une astreinte de 100 € par jour de retard pendant trois mois à l’issue desquels il sera à nouveau statué par le juge de l’exécution ;

Il n’est pas contesté que Mme [Z] a réalisé les travaux d’isolation phonique courant octobre 2021, suivant facture du 2 novembre 2021 produite dans le cadre de l’incident de radiation dont M. [X] s’est désisté ; depuis cette date, il n’est plus fait état de nuisances sonores ;

Du fait des nuisances sonores dont il est victime tard dans la soirée, M. [X] subit un préjudice de jouissance, lequel ne se confond pas avec un préjudice corporel, contrairement à ce que soutient M. [V] ;

Ce préjudice a été subi du mois de septembre 2018 (première main courante en septembre 2018 et attestation de M. [J]) au 31 octobre 2021, soit durant 38 mois, ou 1.140 jours ; il sera réparé sur la base d’une indemnité de 210 € par mois ou 7 € par jour, compte tenu de la persistance du trouble toutes les nuits :

210 € x 38 = 7.980 € arrondi à 8.000 €,

ou 7 € x 1.140 = 7.980 €, arrondi à 8.000 € ;

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu’il a condamné Mme [Z] et M. [V] à payer à M. [X] la somme de 8.000 € de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance ;

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l’application qui y a été équitablement faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile .

M. [U] [V], partie perdante, doit être condamné aux dépens d’appel ainsi qu’à payer à M. [D] [X] la somme supplémentaire de 3.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l’article 700 du code de procédure civile formulée par M. [U] [V] ; 

Sur la demande d’exécution provisoire en appel

L’arrêt n’étant pas susceptible d’une voie ordinaire de recours est exécutoire de droit ; la demande de M. [X] tendant au prononcé de l’exécution provisoire doit être rejetée comme étant sans objet ;

 


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