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AFFAIRE : N° RG 21/01385 –
N° Portalis DBVC-V-B7F-GYA6
ARRÊT N°
JB.
ORIGINE : DECISION du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CAEN en date du 22 Mars 2021 RG n° 20/00814
COUR D’APPEL DE CAEN
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2022
APPELANTS :
Monsieur [C] [H]
né le 21 Janvier 1974 à [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [J] [O]
née le 26 Septembre 1983 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentés et assistés de Me Stéphane PIEUCHOT, substitué par Me DIOUF, avocats au barreau de CAEN
INTIMEE :
S.A.S. AMS
N° SIRET : 438 901 936
[Adresse 4]
[Localité 2]
prise en la personne de son représentant légal
représentée et assistée de Me Noël LEJARD, substitué par Me BONNEAU, avocats au barreau de CAEN
DEBATS : A l’audience publique du 13 juin 2022, sans opposition du ou des avocats, Monsieur GOUARDIN, Conseiller, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme LE GALL, greffier
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme EMILY, Président de Chambre,
Mme COURTADE, Conseillère,
M. GOUARIN, Conseiller,
ARRÊT prononcé publiquement le 13 octobre 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, Président, et Mme LE GALL, greffier
* * *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS
Selon acte sous seing privé du 27 juillet 2001, la SCI Delfa a donné à bail à la société Le clos normand, dont M. [C] [H] était le dirigeant, un ensemble immobilier situé [Adresse 4] à usage d’hôtel restaurant et de logement de fonction.
Par jugement du 9 février 2011, le tribunal de commerce de Caen a arrêté un plan de redressement judiciaire à l’égard de la société Le clos normand pour une durée de 10 ans.
Selon jugement du 27 mars 2019, le tribunal de commerce de Caen a, sur déclaration de cessation des paiements de M. [H], prononcé la résolution de ce plan et ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société Le clos normand avec poursuite d’activité, désignant la SELARL Trajectoire en la personne de Me [K] comme administrateur judiciaire et Me [Z] [L] comme liquidateur judiciaire.
Par jugement du 23 juillet 2019, le tribunal de commerce d’Alençon a arrêté le plan de cession totale des actifs de la société Le clos normand au profit de la société Automobile montfortaise (la société AMS), rappelant que le cessionnaire a exclu du périmètre de reprise le bail commercial et justifié d’un accord pris directement avec le bailleur pour le rachat des murs incluant l’hôtel restaurant et la maison d’habitation adjacente avec entrée en jouissance le 5 août 2019.
Le 17 août 2019, Me [L], ès qualités, a procédé à la résiliation du bail commercial en cause.
Le 30 septembre 2019, la société AMS a acquis l’ensemble immobilier litigieux.
Selon ordonnance du 7 novembre 2019, confirmée par arrêt de cette cour du 26 juin 2020, le juge des référés du tribunal d’instance de Caen a, notamment, constaté que M. [H] et tout occupant de son chef étaient sans droit ni titre à occuper l’immeuble situé [Adresse 4], a ordonné à celui-ci de quitter les lieux sous astreinte et a autorisé la société AMS à faire procéder à l’expulsion de M. [H] ainsi que de tout occupant de son chef.
Suivant acte d’huissier du 7 février 2020, la société AMS a fait assigner M. [H] et Mme [J] [O] devant le tribunal judiciaire de Caen aux fins, notamment, de les voir condamner solidairement au paiement de la somme mensuelle de 1.075 euros à titre d’indemnité d’occupation à compter du 5 août 2019 jusqu’à libération effective des lieux.
M. [H] et Mme [O] ont quitté les lieux le 3 juillet 2020.
Par jugement du 22 mars 2021, le tribunal judiciaire de Caen a :
– dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer dans l’attente de la procédure pénale engagée par M. [H],
– prononcé l’irrecevabilité des demandes en fixation et en paiement d’une indemnité d’occupation pour la période antérieure au 30 septembre 2019,
– condamné in solidum M. [H] et Mme [O] à payer à la société AMS une indemnité d’occupation d’un montant mensuel de 1.075 euros sur la période du 30 septembre 2019 au 3 juillet 2020,
– condamné in solidum M. [H] et Mme [O] à payer à la société AMS la somme de 9.890 euros au titre des indemnités d’occupation arrêtées au 3 juillet 2020, mois de juillet 2020 inclus, pour la période du 30 septembre 2019 au 3 juillet 2020,
– autorisé M. [H] et Mme [O] à s’acquitter in solidum de cette somme par 24 versements mensuels de 300 euros, le solde en principal et intérêts étant dû lors de la dernière échéance, avant le 10 de chaque mois, le premier versement devant intervenir au plus tard dans le mois suivant la signification de sa décision,
– dit qu’en cas de défaillance à l’une de ses échéances, les débiteurs seront déchus du bénéfice du terme et devront s’acquitter du solde de la dette,
– dit n’y avoir lieu de donner acte à M. [H] et Mme [O] de la possibilité qu’ils se réservent de former une demande d’indemnisation de l’ensemble de leur préjudice ressortant de l’occupation du logement au titre de l’intégralité du préjudice de jouissance,
– débouté M. [H] et Mme [O] de leur demande de dommages-intérêts,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– condamné in solidum M. [H] et Mme [O] à verser à la société AMS la somme de 500 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux entiers dépens.
Selon déclaration du 14 mai 2021, M. [H] et Mme [O] ont interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions du 16 août 2021, les appelants, outre des demandes de « dire et juger » ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demandent à la cour d’infirmer le jugement attaqué sauf en ce qu’il a prononcé l’irrecevabilité des demandes en fixation et en paiement d’une indemnité d’occupation pour la période antérieure au 30 septembre 2019.
A titre principal, ils demandent à la cour, statuant à nouveau, de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure pénale engagée par eux à l’encontre de M. [M] [E], Mme [J] [E] et leur fils aîné.
Subsidiairement, ils demandent à la cour de débouter la société AMS de toutes ses demandes.
À titre reconventionnel, les appelants demandent à la cour de condamner l’intimée à leur verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts et de prononcer, le cas échéant, la compensation judiciaire entre les créances réciproques des parties.
« À titre très subsidiaire et/ou complémentaire », ils demandent de leur accorder des délais de paiement de 24 mois à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, assortis d’une franchise de 6 mois.
En toute hypothèse, ils sollicitent la condamnation de l’intimée à leur verser la somme de 6.500 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de leur conseil.
Par dernières conclusions du 1er septembre 2021, la société AMS demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, de débouter les appelants de toutes leurs prétentions et de condamner ceux-ci au paiement de la somme de 6.500 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux entiers dépens.
La mise en état a été clôturée le 11 mai 2022.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIVATION
1. Sur la demande de sursis à statuer
M. [H] et Mme [O] exposent avoir déposé plainte les 12 et 26 juin 2020 contre M. [M] [E], Mme [J] [E] et leur fils aîné pour des faits de harcèlement consistant en des nuisances sonores commises par ces derniers alors qu’ils résidaient dans les chambres de l’hôtel Le clos normand situées au dessus des lieux occupés par les appelants. Ils indiquent que le dossier a été transmis au parquet du tribunal judiciaire de Caen en décembre 2020 et que l’issue de cette plainte a une incidence sur le présent litige en ce qu’elle pourrait être invoquée à l’appui de leur demande de dommages-intérêts pour trouble de jouissance.
Toutefois, c’est à juste titre que le tribunal a dit n’y avoir lieu de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte pénale déposée par les appelants à l’encontre de M. et Mme [E] ainsi que de leur fils aîné, dès lors que ces plaintes ne concernent pas la personne morale qu’est la société AMS, portent sur des faits dont certains sont imputés à des personnes non identifiées et d’autres se rattachent à des travaux d’assainissement en cours selon arrêté municipal du 23 août 2019 et qu’il ressort de l’arrêt de cette cour rendu le 25 juin 2020 entre les mêmes parties que les coupures d’électricité évoquées dans ces plaintes ne sont étayées par aucun élément technique.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
2. Sur les indemnités d’occupation et le préjudice de jouissance
Au visa de l’article 1719 du code civil, M. [H] et Mme [O] soutiennent qu’en s’abstenant de leur assurer une jouissance paisible des lieux qu’ils occupaient « M. [E], propriétaire des lieux par l’intermédiaire de la société AMS » a commis une faute quasi délictuelle leur ayant causé un préjudice et « de nature à anéantir ou, à tout le moins, à réduire significativement son droit de percevoir une indemnité d’occupation ». Ils sollicitent de ce chef la condamnation de la société AMS à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts et qu’il soit ordonné la compensation de cette somme avec celle due au titre des indemnités d’occupation.
Les appelants affirment avoir été victimes de nuisances volontairement commises dans le but de leur faire quitter les lieux par M. [E], gérant de la société AMS, consistant en des coupures quotidiennes d’électricité, des intrusions dans leur logement, des tentatives de détournement de leur courrier, des nuisances sonores quotidiennes, des violents claquements de portes délibérés, des bruits de pas appuyés sur le plancher « confinant bien souvent à de véritables cavalcades » et en l’utilisation intempestive d’une perceuse tournant à vide dans le seul but de générer un bruit important, et ce de jour comme de nuit.
Cependant, M. [H] et Mme [O] étaient occupants sans droit ni titre des lieux en cause comme l’a constaté l’ordonnance de référé du 7 novembre 2019 confirmée par arrêt de cette cour du 26 juin 2020, de sorte qu’ils ne sauraient invoquer à leur profit l’obligation contractuelle pesant sur le bailleur de faire jouir paisiblement des lieux le preneur pendant la durée du bail résultant de l’article 1719 3° du code civil.
Si un manquement contractuel qui lui est préjudiciable peut constituer une faute délictuelle à l’égard d’un tiers, les appelants ne sauraient en l’espèce invoquer en tant que tiers une faute quasi délictuelle résultant d’un manquement de la société AMS à son obligation contractuelle de bailleur d’assurer une jouissance paisible au preneur, dès lors qu’aucun bail n’a été conclu par celle-ci avec un quelconque tiers preneur.
En outre, M. [H] et Mme [O] ne rapportent pas la preuve de la réalité de ces nuisances ni du préjudice qui en aurait résulté autrement que par la production des procès-verbaux de leur propre audition par les services de gendarmerie lors du dépôt de leurs plaintes en juin 2020, alors que leurs seules déclarations n’ont pas de valeur probante suffisante.
Enfin, il ressort des éléments de la procédure que la société AMS a fait procéder à des travaux de rénovation de l’hôtel Le clos normand après sa reprise et avant sa réouverture et a dû y faire réaliser des travaux d’assainissement en exécution de l’arrêté pris par le maire de [Localité 7] le 23 août 2019, de sorte que l’intention de nuire invoquée par les appelants ne se trouve pas établie.
Les appelants ne discutent pas le montant des indemnités d’occupation mises à leur charge par le jugement entrepris.
À ces motifs, le jugement déféré sera donc confirmé sur ces points.
3. Sur la demande de délais de paiement
Le tribunal a accordé un délai de paiement de 24 mois à M. [H] et Mme [O] pour s’acquitter de la somme de 9.890 euros mise à leur charge.
Les appelants poursuivent l’infirmation du jugement entrepris de ce chef, sollicitant un délai de paiement de 24 mois à compter de la signification du présent arrêt et avec une « franchise » de 6 mois.
Toutefois, la société AMS justifie que M. [H] et Mme [O] ont intégralement exécuté les causes du jugement entrepris, ce qui démontre que leur situation financière leur permettait de payer les sommes mises à leur charge et que la demande de délai de paiement formée en cause d’appel n’a plus d’objet.
Le jugement attaqué sera donc infirmé de ce chef et, la cour statuant à nouveau, la demande de délais de paiement formée par les appelants sera rejetée.
4. Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.
M. [H] et Mme [O], qui succombent, seront condamnés aux dépens d’appel, déboutés de leur demande d’indemnité de procédure et condamnés à payer à la société AMS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.