Chauffeur de Car : 2 octobre 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 17/02171

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Chauffeur de Car : 2 octobre 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 17/02171
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRÊT DU 02 Octobre 2018

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 17/02171

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Janvier 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY RG n° F13/03846

APPELANTE

SARL TRANSDEV AEROPORT TRANSIT

[…]

représentée par Me Annie X…, avocat au barreau de MEAUX

INTIME

Monsieur Y… M Z…

[…]

représenté par Me Eric A…, avocat au barreau de PARIS, toque : E0895

LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D’APPEL DE PARIS

en ses bureaux au Palais de Justice de PARIS

[…]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Juin 2018, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

MINISTERE PUBLIC : L’affaire a été communiquée au Ministère Public représenté lors des débats par Antoine PIETRI, Avocat Général, qui a été entendu en ses observations.

Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats

ARRET :

– Contradictoire

– par mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

– signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur Y… M Z… occupait l’emploi de conducteur de car au sein de la société TRANSROISSY, laquelle fournissait des prestations de service pour le transport des passagers sur l’aéroport de Paris Charles C…, lorsque le marché a été attribué par la société ADP à la Société TRANSDEV AEROPORT TRANSIT selon courrier du 8 avril 2009, la société TRANSROISSY en étant informée le 18 avril.

Les deux sociétés relèvent de la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport.

Le 15 juin 2009, un accord d’entreprise a été signé au sein de la société TRANSROISSY dans le cadre de la Négociation Annuelle Obligatoire.

Le 25 juin 2009 la Société TRANSDEV AEROPORT TRANSIT a transmis au salarié un avenant à son contrat de travail matérialisant le transfert, devenu effectif le 1er juillet.

Le 1er juillet 2013, Monsieur Y… M Z… a saisi le Conseil de Prud’hommes de Bobigny aux fins de condamnation de la société TRANSDEV AEROPORT TRANSIT à lui payer diverses sommes à titre de rappel de salaires et autres avantages résultant de l’accord d’entreprise du 22 juin, ainsi que des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

Par jugement du 23 janvier 2017, le Conseil de Prud’hommes a condamné la société TRANSDEV AEROPORT TRANSIT à payer à Monsieur Y… M Z… les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2013 :

– 2910,82 € à titre de rappel de salaires de juillet 2009 à avril 2016 et les congés payés afférents ;

– 197,39 € à titre de rappel de salaire sur le 13ème mois ;

– 500,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

Monsieur Y… M Z… a été débouté du surplus de ses demandes.

Le 2 février 2017, la société TRANSDEV AEROPORT TRANSIT a fait appel de cette décision.

Par conclusions communiquées par le RPVA le 13 octobre 2017 auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, la société TRANSDEV AEROPORT TRANSIT demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Monsieur Y… M Z… de ses demandes relatives à la prime de langage, et aux primes revalorisées par l’accord NAO, de l’infirmer sur le surplus, de débouter Monsieur Y… M Z… de ses demandes et de le condamner à lui payer 1 500,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Par conclusions communiquées par le RPVA le 27 juin 2017 auxquelles il est expressément fait référence en ce qui concerne ses moyens, Monsieur Y… M Z… demande à la Cour de condamner la société TRANSDEV AEROPORT TRANSIT à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal et anatocisme :

– 2910,82 € à titre de rappel de salaire pour la période allant du mois de juillet 2009 au mois d’avril 2016 et les congés payés afférents (heures normales + heures supplémentaires) ;

– 807,20 € au titre du non-respect de la revalorisation de la prime repas :

– 372,25 € au titre du non-respect de la revalorisation de la prime qualité ;

– 1984,65 € au titre du non-respect de sa participation à la mutuelle des salariés ;

– 3738,29 € au titre du non-respect de la prise en charge du nettoyage de la tenue vestimentaire ;

– 10136,38 € au titre du non-respect de la prime langage ;

– 197,39 € à titre de rappel de 13ème mois ;

– 3000,00 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Il sollicite la délivrance de bulletins de paie conformes sous astreinte, la capitalisation des intérêts article 1154 du Code Civil et la condamnation de la société TRANSDEV AEROPORT TRANSIT à lui payer 2500,00 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Le Ministère public a soutenu à l’audience ses observations écrites.

MOTIFS

Sur les dispositions applicables au transfert

Les dispositions de l’article L 1224-1 du code du travail entraînant de plein droit le transfert du contrat de travail s’appliquent lorsque ce transfert porte sur un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui poursuit un objectif propre ; or en l’espèce, il est constant et non contesté que la reprise du marché par la société TRANSDEV ne s’est pas accompagnée de celle des moyens d’exploitation, si bien que le Conseil de Prud’hommes a considéré, à juste titre, que le transfert du contrat de travail du salarié relevait des dispositions de l’article 28, alors en vigueur, de la convention collective des Transports Routiers et Activités Auxiliaires de Transport ;

Sur le maintien des primes et de la rémunération prévues par l’accord NAO du 15 juin 2009

Le processus de négociation (NAO) sur les mesures salariales au sein de société TRANSROISSY a été engagé le 15 mars 2009 pour aboutir au protocole d’accord du 15 juin, entré en vigueur le 1er juin, par lequel ont été convenues une augmentation générale de salaire de 2% avec effet rétroactif au 1er avril 2009, une revalorisation des primes repas, des primes qualités, primes d’objectifs, participation de l’employeur à la mutuelle, indemnité kilométrique, modification de l’indemnisation des temps de coupure, enfin augmentation de la prise en charge du nettoyage de la tenue vestimentaire ;

La société TRANSDEV prétend que cet accord, négocié en toute connaissance de cause par la société TRANSROISSY après la notification de la perte de marché, ne lui a jamais été transféré ; que l’augmentation de 2% n’a été appliquée qu’à compter de la paie du 30 juin 2009 alors que la rémunération devant être maintenue est celle des 12 derniers mois précédant la notification de la perte du marché visée à l’article 28.2.1, en l’occurrence le 8 avril 2009, antérieure à a signature de la NAO le 15 juin 2009 ;

L’article 28 de l’accord du 18 avril 2002 de la convention collective applicable énonce :

’28-2 : obligations à la charge du nouveau prestataire

L’entreprise entrante est tenue de se faire connaître à l’entreprise sortante dès qu’elle obtient ses coordonnées. Elle doit également informer ses représentants du personnel de l’attribution du nouveau marché.

28.2.1 conditions d’un maintien d’emploi

Le nouveau prestataire s’engage à garantir l’emploi du personnel affecté au marché faisant l’objet de la reprise lorsqu’il remplit les conditions suivantes (…)

28.2.2 B… du maintien de l’emploi. Poursuite du contrat de travail

Le maintien de l’emploi entraînera la poursuite du contrat de travail au sein de l’entreprise entrante.

A. Etablissement d’un avenant au contrat.

L’entreprise entrante établira un avenant au contrat de travail, pour mentionner le changement d’employeur, dans lequel elle reprendra les clauses attachées à celui-ci.

B. B… du maintien de la rémunération

Le salarié bénéficiera du maintien de sa rémunération mensuelle brute de base correspondant à son horaire contractuel calculé sur la base des 12 derniers mois précédant la notification visée ci-dessus. En cas de changement de l’horaire contractuel au cours des 12 derniers mois, il sera tenu compte de la dernière situation du salarié.

Le nouvel employeur ne sera pas tenu de maintenir les différents libellés et composantes de la rémunération, ni d’en conserver les mêmes modalités de versement, compte tenu de la variation des situations rencontrées dans les entreprises, sous réserve de préserver le niveau de rémunération définie ci-dessus’;

C’est d’abord à juste titre que le Conseil de Prud’hommes a débouté le salarié de ses demandes de revalorisation de prime repas et prime qualité, prise en charge majorée de la participation à la mutuelle, augmentation de la prise en charge du nettoyage de la tenue vestimentaire, l’article 28.2.2 précité ne prévoyant qu’un maintien de la rémunération brute de base et non celle des autres éléments de rémunération ;

Monsieur Y… M Z… se fonde de façon inopérante sur le principe de faveur, édicté par l’article L 1251-1 du code du travail ; le transfert étant d’origine conventionnelle, ce sont les dispositions de l’accord de 2002 qui s’appliquent, dont l’article 28 précité dispose expressément que le statut collectif du nouvel employeur se substitue dès le premier jour de la reprise à celui du précédent employeur ;

En revanche, s’agissant du maintien de la rémunération brute de base, l’interprétation par la société TRANSDEV des dispositions de l’article 28.2.1, selon laquelle la notification visée par cet article serait celle de la perte du marché, est sans fondement dès lors que l’article 28.2 précité prévoit certes, une obligation d’information à la charge de l’entreprise, mais sans en préciser les modalités formelles ;

Elle est en outre non conforme aux dispositions relatives au transfert conventionnel qui ne peut prendre effet qu’au jour du changement de prestataire avec l’accord des salariés, en l’occurrence, comme le font valoir les intimés, le 25 juin 2009, date à laquelle les avenants ont été notifiés et approuvés ;

En toute hypothèse, et contrairement là encore à la lecture que la société TRANSDEV fait de l’article 28.2 dans ses écritures, c’est l’horaire contractuel qui est ‘calculé’ sur la base des douze derniers mois, et non la rémunération, laquelle doit être maintenue à son niveau tel qu’il était au jour du transfert effectif, soit le salaire du mois de juin 2009 ;

Il convient, en conséquence de confirmer le jugement sur le rappel de rémunération, correspondant à la différence entre le montant du salaire de base du mois de juin 2009 et celui perçu après le transfert, les congés payés afférents et le rappel de 13ème mois ;

Sur la prime de langue

C’est par de justes motifs, adoptés par la cour que le Conseil de Prud’hommes a débouté Monsieur Y… M Z… de sa demande à ce titre ; celui-ci persiste à la maintenir devant la cour sans produire aucun élément ni sur la pratique courante d’une langue étrangère ni sur la conduite d’un car de tourisme tel que défini par la convention collective dont il se prévaut ;

Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

La tentative de la société TRANSDEV d’interpréter à son avantage les dispositions de la convention collective concernant le maintien de la rémunération du salarié ne suffit pas à caractériser une exécution de mauvaise foi du contrat de travail et le salarié ne justifie, en outre, d’aucun préjudice que les intérêts de retard ne suffiraient pas à réparer ;

Le jugement sera également confirmé sur la remise de bulletins de paie conformes, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une astreinte ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne la société TRANSDEV AEROPORT TRANSIT à payer à Monsieur Y… M Z… 200 Euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions prescrites par l’article 1343-2 du code civil;

Déboute Monsieur Y… M Z… de ses autres demandes, plus amples ou contraires ;

Met les dépens à la charge de la société TRANSDEV AEROPORT TRANSIT.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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