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SOC.
MA
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 juin 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10626 F
Pourvoi n° Q 19-24.768
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 JUIN 2021
La société Keolis Yvelines, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 19-24.768 contre l’arrêt rendu le 26 septembre 2019 par la cour d’appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [D] [P], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle Emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Keolis Yvelines, après débats en l’audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Il est donné acte à la société Keolis Yvelines du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre Pôle emploi.
2. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
3. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Keolis Yvelines aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Keolis Yvelines ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Keolis Yvelines
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que la mise à pied du 29 mai 2015 et le licenciement pour faute grave n’étaient pas justifiés et d’AVOIR condamné la société Keolis Yvelines à payer à M. [P] les sommes de 365,60 euros à titre de rappels de salaire, outre les congés payés afférents, 4.919 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 9.838 euros à titre d’indemnité légale de licenciement et 20.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la mise à pied disciplinaire du 29 mai 2015 et le licenciement pour faute grave. Ces deux sanctions reposent sur le même grief, à savoir le refus du salarié d’exécuter certaines des tâches confiées par son employeur. Ainsi, par lettre recommandée en date du 29 mai 2015, la société Keolis Yvelines notifiait à M. [P] une mise à pied disciplinaire dans les termes suivants : Durant quatre jours consécutifs, les 21, 22, 23 et 24 avril 2015, vous avez refusé d’effectuer les services que nous vous avions confiés. Vous n’avez pas effectué le travail qui vous était confié, nous avons été contraints d’envoyer un conducteur de réserve, normalement dédié au remplacement des absents pendant que vous attendiez dans nos locaux que nous vous confions de nouveaux services conformes à vos attentes et la lettre de licenciement pour faute grave du 7 mars 2016 indique pour sa part : Le mardi 05 janvier 2016, vous étiez en réserve. Afin de palier à l’absence d’un conducteur, le service exploitation vous a demandé d’effectuer le service [B] (service régulier sur [Localité 1]). Vous avez refusé de le faire prétextant que dans votre contrat de travail, vous n’êtes pas habilité à rouler sur des services de type urbain. Vous avez donc effectué la première partie du service qui était un service scolaire sur [Localité 2], puis vous avez refusé d’assurer la suite du service prévu dans le roulement car il s’agissait du service [B] (service régulier sur [Localité 1]). Le 18 et 19 janvier 2016, vous avez de nouveau refusé d’effectuer les services réguliers sur [Localité 1] qui vous ont été confiés. A l’appui de sa contestation, M. [P] soutient qu’en lui demandant d’effectuer un service de lignes urbaines, la société Keolis Yvelines a modifié son contrat de travail puisque depuis son embauche, il exerçait ses fonctions en qualité de conducteur grand tourisme au coefficient 150 V et assurait la conduite de car de tourisme et occasionnellement des services scolaires, qu’il n’exerçait donc pas les fonctions de conducteur receveur, qui sont distinctes avec un coefficient 140, n’assurait pas les services de lignes urbaines, n’avait pas à gérer une clientèle ni à tenir une caisse, que c’est ainsi qu’il a refusé légitimement d’effectuer les services réguliers mentionnés, qui ne correspondaient pas à la qualification pour laquelle il a été embauché. Ilestime également que la procédure de licenciement ayant été engagée le 12 février 2016 pour des faits datant du 5, 18 et 19 janvier 2016, la société Keolis Yvelines ne peut prétendre que son maintien dans l’entreprise était impossible puisqu’il a continué à travailler dans l’intervalle. La société Keolis Yvelines expose qu’elle développe en Île de France de nombreuses lignes de transport régulières et que le marché Eurolines visé dans le contrat de travail de M. [P] a disparu, que son emploi a été toutefois maintenu, le salarié devant réaliser des missions conformes à sa qualification conventionnelle, que la convention collective applicable prévoit que les conducteurs tourisme et grand tourisme remplissent toutes les conditions des emplois de conducteur de car et de conducteur-receveur de car, que M. [P] avait donc toutes les capacités pour effectuer des trajets de lignes régulières et ne justifie pas d’une diminution de ses responsabilités par la réalisation de tâches de conducteur-receveur. Elle expose, par ailleurs, que son activité touristique représente moins de 10 % du chiffre d’affaire global et qu’elle compte un seul car grand tourisme en raison du caractère résiduel de cette activité, que la convention collective, laquelle prévoit la garantie d’emploi en cas de transfert de marché, a nécessairement prévu la flexibilité de l’emploi au regard de l’activité de l’entreprise, que sa structure ne permet pas que certains salariés exercent uniquement des missions portant sur des lignes ou des marchés qui disparaissent. La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute, et le doute profite au salarié. Le contrat de travail de M. [P] mentionne qu’il est engagé en qualité de conducteur de tourisme au coefficient 150 V, pour assurer les services EUROLINES ainsi que des services occasionnels. La société précise, aux termes de ses conclusions, qu’en dernier lieu M. [P] bénéficiait de la qualification de conducteur grand tourisme, comme cela ressort également des mentions portées sur ses fiches de paie. Il est établi qu’à plusieurs reprises le salarié a refusé d’exécuter des services de lignes régulières ressortant de la qualification de conducteur-receveur de car, coefficient 140. La nomenclature et les définitions des emplois des ouvriers des transports routiers de voyageurs de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport prévoit les emplois suivants : -dans le groupe 7, 8-conducteur de car. -Ouvrier chargé de la conduite d’un car, aide le receveur dans la manipulation des colis et dépêches postales transportés ; doit être capable d’assurer le dépannage courant (carburateur, bougie, changement de roue, etc.) (…) ; -dans le groupe 9, 9-conducteur-receveur de car. -Ouvrier chargé de la conduite d’un car et de la perception des recettes voyageurs, bagages et messageries ; manipule et surveille les colis et dépêches postales transportés ; veille à l’application des règlements (…) ;-dans le groupe 9bis, 10 bis-conducteur de tourisme. -Ouvrier ayant exercé pendant au moins deux ans la conduite d’un car et remplissant toutes les conditions définies aux emplois nº 8 et 9, exécute en outre des services de tourisme à grandes distances d’une durée d’au moins 3 jours ; a en toutes circonstances une présentation particulièrement soignée ; fait preuve à l’égard de la clientèle de courtoisie et de correction ; peut être amené à fournir des explications succinctes sur l’intérêt du parcours ; a une excellente pratique des documents douaniers et du change des monnaies étrangères si nécessaire ; assure, le cas échéant, la bonne exécution des prestations auprès des hôteliers et restaurateurs (…) ; -dans le groupe 10, 11-conducteur grand tourisme. -Ouvrier chargé habituellement de la conduite d’un car de grand luxe comportant au moins 32 fauteuils ; exécute des circuits de grand tourisme, c’est-à-dire d’une durée d’au moins 5 jours ; a une excellente pratique des documents douaniers, de change et de monnaies étrangères ; a en toutes circonstances une présentation impeccable ; fait preuve à l’égard de la clientèle de courtoisie et de correction ; assure la bonne exécution des prestations, notamment auprès des hôteliers et des restaurateurs (…). Un employeur ne peut imposer au salarié une modification de sa qualification ou de la nature de ses fonctions et s’il peut, sans l’accord du salarié, l’affecter à une tâche différente de celle qu’il exerçait antérieurement, c’est à la condition qu’elle corresponde à sa qualification et ne s’accompagne pas de la perte d’avantages salariaux ou d’une baisse de responsabilités. Il ressort du document susvisé que sont précisément définis les emplois de conducteur tourisme et grand tourisme, lesquels n’assurent pas de services de ligne de bus urbaine régulière, n’ont pas à manier des espèces, à la différence d’un conducteur-receveur, et disposent d’une certaine autonomie dans l’exécution des transports organisés sur plusieurs jours, les coefficients affectés à ces emplois étant également différents, à savoir 145 et 150 pour les premiers et 140 pour le dernier. Si, comme soutenu par la société Keolis Yvelines, un conducteur de tourisme doit, pour exercer ses fonctions, remplir les conditions définies aux emplois nº8 et nº9, c’est-à-dire les emplois de conducteur de car et conducteur-receveur de car, il n’en demeure pas moins que M. [P] a été engagé pour occuper l’emploi spécifique de conducteur de tourisme du groupe 9bis et pouvait légitimement refuser d’exécuter des tâches qui ne correspondaient pas à sa qualification contractuelle et ressortaient d’une classification conventionnelle inférieure, peu important l’absence de modification de sa rémunération et de son coefficient. Si également le contrat prévoyait, en sus des liaisons Eurolines, des services occasionnels, ces précisions s’inscrivaient dans le cadre des fonctions de conducteur de tourisme et ne sauraient justifier une affectation sur des lignes urbaines régulières en qualité de conducteur-receveur et la circonstance que M. [P] ait accepté d’être affecté à des services scolaires ne saurait davantage permettre une modification unilatérale de ses fonctions. Enfin, le fait que l’activité de la société évolue vers des services de lignes urbaines plutôt que de tourisme est inopérant à justifier une modification du contrat de travail imposée au salarié et, comme soutenu par ce dernier, il appartenait à l’employeur de proposer une modification du contrat de travail pour motif économique, avec la mise en oeuvre éventuelle d’une procédure de licenciement économique. Il se déduit de ses observations que les refus d’affectation opposés par M. [P] ne sont pas fautifs et que la mise à pied du 29 mai 2015 et le licenciement sont injustifiés » ;
1. ALORS QUE l’employeur peut, dans l’exercice du pouvoir de direction, modifier les tâches confiées au salarié, dès lors qu’elles correspondent à sa qualification ; que selon l’accord du 16 juin 1961 relatif à la nomenclature et la définition des emplois, le « conducteur-receveur de car » (emploi n°9)est un « ouvrier chargé de la conduite d’un car et de la perception des recettes voyageurs, bagages et messageries », le « conducteur de tourisme » (emploi n°10 bis) est un « ouvrier ayant exercé pendant au moins deux ans la conduite d’un car et remplissant toutes les conditions définies aux emplois n° 8 ou 9 » qui « exécute en outre des services de tourisme à grandes distances d’une durée d’au moins 3 jours » et le « conducteur grand tourisme » (emploi n° 11)est un « ouvrier chargé habituellement de la conduite d’un car de grand luxe comportant au moins 32 fauteuils » qui « exécute des circuits de grand tourisme, c’est-à-dire d’une durée d’au moins 5 jours » ; que la qualification « conducteurs de tourisme » et « conducteurs grand tourisme » est attribuée aux salariés qui exécutent habituellement un service de tourisme, le caractère habituel étant apprécié en fonction du nombre annuel de découchers ; qu’il en résulte que les salariés ayant la qualification de « conducteur de tourisme » ou « conducteur grand tourisme » peuvent être appelés à assurer, en plus de services de tourisme, la conduite d’un car sur des lignes régulières, à condition de conserver leur classification et leur rémunération ; qu’en affirmant cependant que, selon la nomenclature des emplois précitée, les salariés occupant des emplois de conducteur tourisme et grand tourisme n’assurent pas de services de ligne de bus urbaine régulière et n’ont pas à manier des espèces à la différence d’un conducteur receveur, pour en déduire que M. [P], qui avait été engagé pour occuper un emploi de « conducteur de tourisme » pouvait légitimement refuser son affectation sur des lignes urbaines régulières correspondant à un emploi de conducteur-receveur, peu important l’absence de modification de sa rémunération et de son coefficient, la cour d’appel a violé l’accord collectif précité et l’article 1134 (devenu 1103) du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;
2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE si l’employeur ne peut affecter durablement et exclusivement un salarié à l’exécution de tâches qui ne correspondent pas à sa qualification, il peut, lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie, lui demander d’assurer ponctuellement des tâches qui, bien que correspondant à une qualification inférieure, relèvent de ses compétences, sans modifier son coefficient, ni sa rémunération ; qu’en l’espèce, la société Keolis Yvelines soutenait que, compte tenu de la forte diminution de son activité de transport de tourisme, elle ne peut affecter tous les salariés classés aux coefficients 145 et 150, correspondant aux emplois de « conducteur de tourisme » et « conducteur grand tourisme », exclusivement sur des services de tourisme et est contrainte de confier à ces salariés d’autres services ; qu’elle expliquait avoir ainsi été conduite, pour pallier l’absence d’un conducteur, à demander à M. [P] d’effectuer ponctuellement un service sur une ligne urbaine régulière et s’était heurtée, à chaque fois, au refus du salarié d’accomplir un tel service ; qu’en jugeant que les explications de l’exposante tirées de l’évolution de l’activité de l’entreprise ne permettaient pas d’exiger du salarié qu’il accomplisse, même ponctuellement, un service sur une ligne régulière, dès lors qu’il a été recruté pour occuper un emploi de « conducteur grand tourisme », la cour d’appel a donc encore violé l’accord du 16 juin 1961 et l’article 1134 (devenu 1103) du code civil dans sa version applicable au litige ;
3. ALORS QUE la société Keolis Yvelines soutenait, dans ses conclusions d’appel, que le mécanisme de garantie d’emploi en cas de reprise d’un marché prévu par la convention collective des transports routiers implique une flexibilité de l’emploi des salariés repris, le repreneur d’un marché étant tenu de proposer la reprise des personnels, avec leur coefficient, peu important qu’il ne soit pas en mesure de leur fournir un travail correspondant à ce coefficient ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen déterminant des conclusions de l’exposante, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.