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SOC.
ZB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 juin 2021
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10627 F
Pourvoi n° X 20-16.407
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 JUIN 2021
La société Keolis Yvelines, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-16.407 contre l’arrêt rendu le 7 mai 2020 par la cour d’appel de Versailles (21e chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [H] [N], domicilié [Adresse 2],
2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations écrites de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Keolis Yvelines, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], après débats en l’audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, M. Pion, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Keolis Yvelines aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Keolis Yvelines et la condamne à payer à M. [N], la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Keolis Yvelines
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [N] aux torts exclusifs de la société Keolis Yvelines, d’AVOIR condamné la société Keolis Yvelines à payer à M. [N] les sommes de 20.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5.311,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 27.736,45 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, 467,80 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, outre les congés payés afférents et 34,52 euros à titre de salaire sur prime de qualité d’avril 2016 et d’AVOIR ordonné à la société Keolis Yvelines de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [N] dans la limite de six mois d’indemnités ;
AUX MOTIFS QU’ « Un employeur ne peut imposer au salarié une modification de sa qualification ou de la nature de ses fonctions et s’il peut, sans l’accord du salarié, l’affecter à une tâche différente de celle qu’il exerçait antérieurement, c’est à la condition qu’elle corresponde à sa qualification et ne s’accompagne pas de la perte d’avantages salariaux ou d’une baisse de responsabilités. La nomenclature et la définition des emplois des ouvriers des transports routiers de voyageurs de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport prévoient les emplois suivants : – dans le groupe 7, 8- conducteur de car. – Ouvrier chargé de la conduite d’un car, aide le receveur dans la manipulation des colis et dépêches postales transportés ; doit être capable d’assurer le dépannage courant (carburateur, bougie, changement de roue, etc.) (…) ; – dans le groupe 9, ‘9- conducteur-receveur de car. – Ouvrier chargé de la conduite d’un car et de la perception des recettes voyageurs, bagages et messageries ; manipule et surveille les colis et dépêches postales transportés ; veille à l’application des règlements (…) ; – dans le groupe 9bis, ’10 bis- conducteur de tourisme. – Ouvrier ayant exercé pendant au moins deux ans la conduite d’un car et remplissant toutes les conditions définies aux emplois nº 8 et 9, exécute en outre des services de tourisme à grandes distances d’une durée d’au moins 3 jours ; a en toutes circonstances une présentation particulièrement soignée ; fait preuve à l’égard de la clientèle de courtoisie et de correction ; peut être amené à fournir des explications succinctes sur l’intérêt du parcours ; a une excellente pratique des documents douaniers et du change des monnaies étrangères si nécessaire ; assure, le cas échéant, la bonne exécution des prestations auprès des hôteliers et restaurateurs (…)’ ; – dans le groupe 10, ’11- conducteur grand tourisme. – Ouvrier chargé habituellement de la conduite d’un car de grand luxe comportant au moins 32 fauteuils ; exécute des circuits de grand tourisme, c’est-à-dire d’une durée d’au moins 5 jours ; a une excellente pratique des documents douaniers, de change et de monnaies étrangères ; a en toutes circonstances une présentation impeccable ; fait preuve à l’égard de la clientèle de courtoisie et de correction ; assure la bonne exécution des prestations, notamment auprès des hôteliers et des restaurateurs (…)’. Il ressort de ce document que sont précisément définis les emplois de conducteur de tourisme et grand tourisme, lesquels n’assurent pas de services de ligne de bus urbaine régulière, n’ont pas à manier des espèces, à la différence d’un conducteur-receveur, et disposent d’une certaine autonomie dans l’exécution des transports organisés sur plusieurs jours, les coefficients affectés à ces emplois étant également différents, à savoir 145 et 150 pour les premiers et 140 pour le dernier, confirmant ainsi le niveau supérieur de responsabilités des chauffeurs de tourisme et grand tourisme. Si, comme le soutient l’employeur, un conducteur de tourisme doit, pour exercer ses fonctions, remplir les conditions définies aux emplois nº8 et nº9, c’est-à-dire les emplois de conducteur de car et conducteur-receveur de car, il n’en demeure pas moins que M. [N], engagé à l’origine en qualité de conducteur-receveur a ensuite évolué pour occuper l’emploi spécifique de “conducteur de tourisme” au coefficient supérieur 150, ce que rappelait l’avenant en date du 22 décembre 2008 conclu avec la société Keolis Yvelines, cette dernière précisant en outre dans ses écritures que le salarié “bénéficie désormais de la qualification de conducteur grand tourisme”, laquelle est mentionnée sur ses bulletins de paie. La société ne peut donc être suivie lorsqu’elle indique que les conducteurs sont polyvalents par rapport aux activités proposées et que l’emploi est déconnecté de l’activité confiée. La société expose, par ailleurs, qu’elle développe en Île de France de nombreuses lignes de transport régulières, effectue des services scolaires et des prestations occasionnelles de tourisme ces dernières représentant moins de 10 % du chiffre d’affaire global et qu’elle ne compte qu’un seul car ‘grand tourisme’ en raison du caractère résiduel de cette activité. Elle considère qu’au regard de l’évolution de l’activité transport et des transferts de personnel lors des gains de marché, la convention collective, laquelle prévoit une garantie d’emploi, a nécessairement prévu la ‘flexibilité’ de l’emploi au regard de l’activité de l’entreprise et que sa structure ne permet pas, en l’occurrence, que certains salariés exercent uniquement des missions portant sur des lignes ou des marchés qui disparaissent. Le fait que l’activité de la société évolue vers des services de lignes urbaines plutôt que de tourisme, ce qui résulte des choix de gestion de l’employeur, est inopérant à justifier la modification imposée au salarié de ses fonctions et donc de son contrat de travail, et comme soutenu par ce dernier, il appartenait alors à l’employeur de proposer une modification du contrat de travail pour motif économique, avec la mise en ?uvre éventuelle d’une procédure de licenciement économique en cas de refus. Contrairement à ce que soutient la société, la convention collective ne prévoit pas de fongibilité entre les diverses classifications qu’elle opère, et, en toute hypothèse, sauf exception légale qui n’est pas prévue en l’espèce, l’accord collectif ne permet pas de procéder à une modification du contrat de travail. Enfin, la circonstance que M. [N] ait les capacités pour effectuer des trajets de lignes régulières et qu’il ait effectivement assuré des services scolaires et, dans un premier temps, des lignes régulières, ne sauraient caractériser son accord exprès et non équivoque à une modification de ses fonctions. D’ailleurs, le 15 février 2016, il écrivait à la société dans ces termes : “Comme je l’ai signalé verbalement à maintes reprises à Y?, ainsi qu’aux responsables du planning, je me permets de vous dire aujourd’hui que je ne souhaite pas travailler sur une ligne régulière de transport en commun. J’ai commencé ma carrière en tant que conducteur receveur et me suis accompli dans mon travail de conducteur grand tourisme depuis 35 ans. Je ne souhaite pas reprendre une mission que je ne voulais plus exercer il y a 35 ans”. Il ressort de ces observations que l’affectation du salarié à des lignes régulières, comme à du transport scolaire, caractérise bien une modification de son contrat de travail qui devait recueillir son accord exprès » ;
ET AUX MOTIFS DU JUGEMENT A LES SUPPOSER ADOPTES QU’ « au regard de la convention collective, le poste de conducteur de grand tourisme correspond au groupe 10 tandis que le poste de conducteur-receveur de car relève du groupe 9 (pièce 18) ; qu’il ressort des termes de la convention collective applicable qu’il existe bien deux fonctions distinctes corroborant ainsi les dires de Monsieur [N] ; que si la société demandait à Monsieur [N] d’assurer des lignes urbaines alors que ces missions ne s’inscrivaient pas dans le cadre de son contrat, il lui appartenait de modifier son contrat de travail ; que toute modification du contrat de travail suppose l’accord exprès du salarié ; que l’employeur ne peut imposer au salarié une modification de sa qualification ou même de la nature de ses fonctions ; que le refus d’un salarié d’accomplir une tâche ne correspondant pas à sa qualification ne constitue pas une faute ; qu’en l’espèce, la société ne pouvait donc pas sanctionner Monsieur [N] » ;
1. ALORS QUE dans l’exercice de son pouvoir de direction, l’employeur peut confier au salarié des tâches différentes, dès lors qu’elles correspondent à sa qualification ; que, selon l’accord du 16 juin 1961 relatif à la nomenclature et la définition des emplois annexé à la convention collective des transports routiers, le « conducteur-receveur de car » (emploi n° 9) est un « ouvrier chargé de la conduite d’un car et de la perception des recettes voyageurs, bagages et messageries », le « conducteur de tourisme » (emploi n° 10 bis) est un « ouvrier ayant exercé pendant au moins deux ans la conduite d’un car et remplissant toutes les conditions définies aux emplois n° 8 ou 9 » qui « exécute en outre des services de tourisme à grandes distances d’une durée d’au moins 3 jours » et le « conducteur grand tourisme » (emploi n° 11) est un « ouvrier chargé habituellement de la conduite d’un car de grand luxe comportant au moins 32 fauteuils » qui « exécute des circuits de grand tourisme, c’est-à-dire d’une durée d’au moins 5 jours » ; que la qualification « conducteurs de tourisme » et « conducteurs grand tourisme » est donc attribuée aux salariés qui exécutent habituellement un service de tourisme, sans exclure l’accomplissement d’autres services de conduite de car ; qu’il en résulte que l’employeur peut, sans modifier le contrat de travail des salariés ayant la qualification de « conducteur de tourisme » ou « conducteur grand tourisme », les affecter non seulement sur des services de tourisme, mais aussi à la conduite d’un car sur des lignes régulières ou de transport scolaire, à condition de maintenir leur classification et leur rémunération ; qu’en affirmant cependant que, selon la nomenclature des emplois précitée, les emplois de « conducteur tourisme » et « conducteur grand tourisme », d’un niveau de responsabilités supérieur aux emplois de conducteur receveur, n’assurent pas de services de ligne de bus urbaine régulière et n’ont pas à manier des espèces à la différence d’un conducteur receveur, pour en déduire que l’affectation de M. [N], qui avait la qualification de « conducteur de tourisme », à des lignes urbaines régulières, comme à du transport scolaire, caractérise une modification de son contrat de travail, peu important l’absence de modification de sa rémunération et de son coefficient, la cour d’appel a violé l’accord collectif précité, l’article 1134 (devenu 1103) du code civil dans sa rédaction applicable au litige et l’article L. 1221-1 du code du travail ;
2. ALORS QUE la classification des emplois définie par une convention ou un accord collectif de branche a pour objet de déterminer le niveau de classification et la rémunération minimale due au salarié, en fonction de l’emploi qu’il occupe ; qu’au regard de la nomenclature des emplois résultant de l’accord du 16 juin 1961, un conducteur qui peut être affecté à la conduite de car sur des lignes régulières et de transports scolaires ainsi qu’à la conduite de car de tourisme occupe un emploi relevant de la qualification de « conducteur de tourisme » ou « conducteur grand tourisme » et doit être classé aux coefficients 145 ou 150 ; qu’il en résulte que la qualification de « conducteur grand tourisme » mentionnée sur le contrat de travail oblige l’employeur à payer au salarié la rémunération correspondante, indépendamment des fonctions réellement exercées, mais ne lui impose pas d’affecter ce salarié, de manière exclusive, sur des services touristiques ; qu’en considérant néanmoins que, dès lors que l’avenant conclu avec M. [N], lors du transfert de son contrat, rappelait qu’il avait la qualification de « conducteur grand tourisme » coefficient 150, le salarié devait être affecté de manière exclusive à un service de tourisme et qu’en l’affectant sur des lignes régulières et à du transport scolaire, la société Keolis Yvelines a modifié son contrat de travail, la cour d’appel a violé l’accord collectif précité, l’article 1134 (devenu 1103) du code civil et l’article L. 1221-1 du code du travail ;
3. ALORS QUE la définition des emplois d’une grille de classification résultant d’un accord de branche n’a pas pour objet de fixer le contenu des postes au sein des entreprises du secteur, mais de déterminer le positionnement des salariés dans la grille de classification et la rémunération minimale à laquelle ils peuvent prétendre ; qu’en conséquence, un accord collectif peut parfaitement prévoir que les salariés qui occupent un emploi de cette grille peuvent être affectés, en plus de leurs attributions habituelles, à des tâches de même nature relevant d’un emploi de qualification inférieure de la grille ; que l’accord du 7 juillet 2009 annexé à la convention collective des transports routiers prévoit, en cas de reprise d’un marché de transport interurbain de voyageurs, que « le nouveau prestataire établira un avenant au contrat de travail dans lequel il reprendra les éléments suivants attachés au contrat avec l’ancien employeur : le temps de travail contractuel, le coefficient et l’ancienneté au moment du transfert et les éléments en termes de rémunération (?) » ; que l’exposante en déduisait que la définition des différents emplois de conducteur de car résultant de la grille conventionnelle présentait une nécessaire flexibilité pour assurer le respect de cette garantie d’emploi, les salariés bénéficiant du maintien de leur coefficient lors d’un transfert pouvant être affectés à des tâches d’un coefficient inférieur au besoin ; qu’en refusant néanmoins de reconnaître cette flexibilité de la définition conventionnelle des différents emplois de conducteur, au motif que la convention collective ne peut autoriser l’employeur à confier à un salarié ayant la qualification contractuelle de « conducteur de tourisme » ou « conducteur grand tourisme » des services autres que touristiques, après s’être pourtant fondée sur la définition conventionnelle des emplois de conducteur de car pour déterminer les tâches relevant de la qualification contractuelle du salarié, la cour d’appel a violé les accords de branches des 16 juin 1961 et 7 juillet 2009, l’article 1134 (devenu 1103) du code civile et l’article L. 1221-1 du code du travail ;
4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE l’employeur peut volontairement accorder au salarié une qualification supérieure à celle qui correspond aux fonctions réellement exercées ; qu’un tel engagement l’oblige à verser au salarié la rémunération correspondant à cette qualification, mais ne l’oblige pas à lui confier des tâches correspondant à cette qualification ; que, pour démontrer que l’octroi de la qualification de « conducteur grand tourisme » n’est pas réservée aux salariés qui accomplissent exclusivement des services de tourisme, la société Keolis Yvelines faisant encore valoir qu’elle s’est engagée, par accord d’entreprise du 15 mai 2008, à accorder les coefficients 145 et 150 et la qualification correspondante aux conducteurs receveurs disposant d’une ancienneté respectivement de 15 et 20 ans ; qu’en s’abstenant de se prononcer sur ce moyen déterminant des conclusions de l’exposante, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE
Il est fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [N] aux torts exclusifs de la société Keolis Yvelines, d’AVOIR condamné la société Keolis Yvelines à payer à M. [N] les sommes de 20.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 5.311,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, 27.736,45 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, 467,80 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire, outre les congés payés afférents et 34,52 euros à titre de salaire sur prime de qualité d’avril 2016 et d’AVOIR ordonné à la société Keolis Yvelines de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [N] dans la limite de six mois d’indemnités ;
AUX MOTIFS QUE « En application de l’article 1184, devenu 1224, du code civil, le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat. M. [N] fait valoir que depuis plus d’un an, la société tentait de modifier son contrat de travail, en lui imposant d’effectuer des services de lignes urbaines, ce qu’il a, à maintes reprises, refusé de faire et qu’elle n’a rien mis en oeuvre pour l’affecter à des lignes de tourisme, qu’il a été sanctionné abusivement pour ce motif le 14 mars 2016, que la société a également multiplié les manifestations de défiance et de remise en cause, que notamment elle a ordonné une mesure de contrôle d’un arrêt de travail et depuis la fin de l’année 2016, elle lui a imposé de prendre des congés payés durant les vacances scolaires, sans recueillir son accord. La société, qui soutient l’absence de modification du contrat, considère que le salarié, par son comportement, a créé lui même la situation dans laquelle il se trouve. Il a été précédemment jugé que l’affectation du salarié à des lignes de transport régulières caractérisait une modification du contrat de travail de M. [N] qu’il était en droit de refuser et que la mise à pied disciplinaire en date du 14 mars 2016 motivée sur ce refus était injustifiée. Il ressort également des courriers du salarié du 22 janvier 2017 et de la société du 2 février 2017 que cette dernière a imposé à M. [N] de prendre des congés payés, durant les vacances scolaires, au motif de son refus, sur ces périodes, d’assurer des services de lignes régulières. La société indique, elle même, dans ses conclusions que le comportement de M. [N] était ‘incompatible’ avec son activité et que si en période scolaire elle pouvait l’affecter à des services scolaires qu’il acceptait de faire, elle ne pouvait l’affecter qu’à des services réguliers lors des vacances, et que du fait de son refus et dans l’attente de la décision à intervenir du conseil de prud’hommes, elle n’a eu d’autre choix que de le placer en congés payés. Cette décision de l’employeur, fondée sur un motif illégitime, puisque le salarié pouvait refuser d’exécuter une tâche ne relevant pas de sa qualification, caractérise le manquement reproché. Enfin, il ressort du tableau établi par la société sur les activités confiées au salarié entre 2015 et 2017, que si sur l’année 2017, il n’a plus été affecté sur des lignes régulières, il a été principalement chargé de transport scolaire et de transport dit ‘occasionnel’ et que l’activité ‘tourisme’ correspondant pourtant à sa qualification n’a représenté que 0,46% de ses affectations. Ainsi, il est établi que la société Keolis Yvelines a affecté M. [N] à des lignes de transport ne relevant pas de sa qualification, sans recueillir son accord exprès et alors qu’il lui appartenait de donner à son salarié des tâches conformes à son contrat de travail, et l’a placé en position de congés payés, pour un motif illégitime et sans tenir compte des droits que tient le salarié des dispositions des articles L. 3141-12 et suivants du code du travail, ce qui rendait effectivement impossible la poursuite de la relation contractuelle. Le jugement qui a prononcé la résiliation du contrat sera donc confirmé » ;
ALORS QUE le juge ne peut prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur qu’à la condition qu’à la date à laquelle il statue, les manquements de l’employeur empêchent la poursuite de l’exécution du contrat ; qu’en l’espèce, il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que M. [N], qui refusait d’être affecté sur des lignes régulières, avait en revanche accepté d’assurer des services scolaires ; que la société Keolis Yvelines justifiait qu’à la suite du refus de M. [N] d’effectuer des services réguliers, elle ne l’avait plus affecté sur ces services ; qu’ainsi, en 2016, M. [N] avait accompli moins de 2% de son temps de travail sur des lignes régulières et en 2017, il n’avait jamais été affecté sur des lignes régulières ; qu’en jugeant néanmoins que l’affectation de M. [N] sur des lignes de transport ne relevant pas de sa qualification, sans son accord exprès, rendait impossible la poursuite de son contrat, cependant que le salarié n’avait jamais refusé d’assurer du transport scolaire, même si cette activité ne relevait pas de sa qualification, et qu’à la date à laquelle les premiers juges se sont prononcés, il n’était plus jamais affecté sur des lignes régulières, la cour d’appel a violé les articles L. 1231-1 du code du travail et 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016.