Chauffeur de Car : 29 avril 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/01345

·

·

,
Chauffeur de Car : 29 avril 2022 Cour d’appel de Rennes RG n° 19/01345
Ce point juridique est utile ?

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°223

N° RG 19/01345 –

N° Portalis DBVL-V-B7D-PSIG

SASU TRANSPORTS [X]

C/

M. [T] [W]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 AVRIL 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Février 2022

En présence de Madame [C] [Z], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Avril 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SASU TRANSPORTS [X] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

6 La Fontaine

49160 SAINT PHILBERT DU PEUPLE

Représentée par Me Sandrine VIVIER substituant à l’audience Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Bruno ROPARS, Avocat plaidant du Barreau d’ANGERS

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [T] [W]

né le 13 Mai 1980 à NANTES (44)

demeurant 32 rue de la Chabossière

44115 HAUTE GOULAINE

Ayant Me Isabelle GUIMARAES de la SELARL GUIMARAES & POULARD, Avocat au Barreau de NANTES, pour Avocat constitué

M. [T] [W] a été embauché par la SASU TRANSPORTS [X] selon contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 25 août 2014 en qualité de conducteur de car.

M. [W] a été inscrit pour la période du 8 au 12 février 2016 à une session de renouvellement de sa formation continue obligatoire (FCO) avant expiration de sa période de validité de 5 ans le 4 mars 2016.

M. [W] a été placé en arrêt maladie du 6 au 12 février 2016 et n’a pas pu suivre cette session de formation. La société TRANSPORTS [X] a inscrit Monsieur [W] à une nouvelle session du 11 au 15 avril 2016.

Le 1er mars 2016, la société TRANSPORTS [X] a demandé à M. [W] s’i1 acceptait de poser des heures de repos compensateurs et/ou des jours de congés payés pour la période du 4 mars au 10 avril 2016. M. [W] n’a pas donné son accord.

Par courrier du 22 mars 2016, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 1er avril 2016.

Le 6 avril 2016, la SASU TRANSPORTS [X] a notifié à M. [W] son licenciement pour faute simple en raison du non-respect de directives données par l’entreprise lors d’un service occasionnel du 31 janvier 2016.

Le salarié a été dispensé de l’exécution de son préavis d’un mois.

Par courrier en date du 3 mai 2016, M. [W] a contesté son licenciement, sollicité sa réintégration, un rappel de salaire et la requalification de son contrat de travail à temps partiel en un temps plein.

Par courrier en date du 23 mai 2016, la SASU TRANSPORTS [X] a répondu que le contrat n’avait pas à être requalifié et que le licenciement était bien fondé.

Le 28 août 2017, M. [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de voir, dans le dernier état de ses écritures :

‘ Rejeter les pièces adverses n°18 à 21,

‘ Requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet,

‘ Dire que le licenciement de M. [W] est dénué de cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner la SASU TRANSPORTS [X] à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts de droit et capitalisation :

– 7.251,55 € brut à titre de rappel de salaire sur la requalification du contrat de travail à temps complet,

– 725,15 € brut au titre des congés payés afférents,

– 10.500 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 83,15 € net au titre du reliquat de l’indemnité légale de licenciement,

– 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner la SASU TRANSPORT [X] à remettre à M. [W] des bulletins de salaires récapitulatifs mois par mois et une attestation Pôle Emploi rectifiés, tous documents conformes à la décision à intervenir et sous astreinte de 100 € par jour de retard, le conseil de prud’hommes se réservant compétence pour liquider cette astreinte,

‘ Fixer la moyenne mensuelle des salaires de M. [W] à la somme de 1.763,98 € brut,

‘ Ordonner l’exécution provisoire sur l’intégralité de la décision à intervenir,

‘ Condamner la SASU TRANSPORTS [X] aux entiers dépens.

La cour est saisie d’un appel régulièrement formé par la société TRANSPORTS [X] le 27 février 20 9 contre le jugement du 29 janvier 2019 par lequel le conseil des prud’hommes de Nantes a :

‘ Rejeté les pièces n°18 à 21 de la partie défenderesse et n°29 et 32 de la partie demanderesse

‘ Dit que le licenciement de M. [W] est justifié par une cause réelle et sérieuse,

‘ Débouté M. [W] de sa réclamation indemnitaire à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ Requalifié le contrat de travail à temps partiel de M. [W] en contrat de travail à temps complet,

‘ Condamné la SASU TRANSPORTS [X] à verser à M. [W] les sommes suivantes :

– 7.251,55 € brut à titre de rappel de salaire sur la requalification du contrat de travail à temps complet,

– 725,15 € brut au titre des congés payés afférents,

– 83,15 € net à titre de reliquat de l’indemnité de licenciement,

– 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de l’introduction de l’instance, les intérêts produisant eux-mêmes des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,

‘ Ordonné à la SASU TRANSPORTS [X] de remettre à M. [W] les bulletins de salaire récapitulatifs mois par mois, une attestation Pôle Emploi rectifiée, tous documents conformes au présent jugement, sous astreinte de 15 € par jour de retard, du 1er au 45ème jour à compter de la notification du présent jugement, le conseil se réservant la compétence pour liquider le cas échéant ladite astreinte,

‘ Ordonné 1’exécution provisoire du jugement pour la totalité des condamnations à caractère salarial,

‘ Fixé la moyenne mensuelle des salaires de M. [W] à la somme de 1.763,98 € brut,

‘ Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

‘ Condamné la SASU TRANSPORTS [X] aux dépens de l’instance comprenant les éventuels frais d’exécution forcée.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 18 novembre 2019, suivant lesquelles la SASU TRANSPORTS [X] demande à la cour de :

‘ La recevoir en ses présentes écritures et la disant bien fondée, lui en adjuger l’entier bénéfice,

‘ Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a :

– Requalifié le contrat de travail à temps partiel de M. [W] en un temps plein,

– Condamné la société au paiement d’une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Confirmer le jugement entrepris s’agissant du bien fondé du licenciement,

Statuant à nouveau,

‘ Débouter M. [W] de sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps plein, de sa demande de rappel de salaire avec congés payés inclus, de sa demande de reliquat d’indemnité légale de licenciement,

‘ Dire que le licenciement de M. [W] est justifié par une cause réelle et sérieuse et le débouter de sa réclamation indemnitaire,

‘ Le condamner à payer à la SASU TRANSPORTS [X] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l’instance.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 17 février 2020, suivant lesquelles M. [W] demande à la cour de :

‘ Le recevoir en toutes ses demandes,

‘ Réformer partiellement le jugement entrepris,

‘ Le recevoir en son appel incident,

‘ Requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet depuis le 25 août 2015,

‘ Dire que le licenciement de M. [W] est dénué de cause réelle et sérieuse,

‘ Condamner la SASU TRANSPORTS [X] à lui verser les sommes suivantes, avec intérêts de droit et capitalisation :

– 7.251,55 € brut à titre de rappel de salaire sur la requalification du contrat de travail à temps complet,

– 725,15 € brut au titre des congés payés afférents,

– 10.500 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 83,15 € net au titre du reliquat de l’indemnité légale de licenciement,

– 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à M. [W] la somme de 1.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ Condamner la SASU TRANSPORT [X] à remettre à M. [W] des bulletins de salaires récapitulatifs mois par mois et une attestation Pôle Emploi rectifiés, tous documents conformes à la décision à intervenir et sous astreinte de 100 € par jour de retard,

‘ Condamner la SASU TRANSPORTS [X] aux entiers dépens, outre les éventuels frais d’exécution forcée.

La clôture a été prononcée le 3 février 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la qualification du contrat à temps partiel en contrat temps plein

La SASU TRANSPORTS [X] soutient pour infirmation que la durée de travail du salarié était prévue par son contrat et que des plannings étaient arrêtés de manière hebdomadaire’; que M. [W] a d’ailleurs refusé de travailler à temps plein pour pouvoir cumuler ses allocations avec ses salaires’; qu’il disposait d’une certaine liberté pour gérer ses périodes d’activité et n’était donc pas à la disposition permanente de l’employeur’; qu’il n’a jamais été contraint d’effectuer des missions contre son gré’; qu’il a ainsi été en mesure de prendre des congés sans solde à plusieurs reprises’: que sa demande de requalification ainsi que les demandes financières afférentes ne sont donc pas fondées.

M. [W] soutient pour confirmation que l’absence de planning prévisionnel et de toute répartition conventionnelle du temps de travail, le nombre réel d’heures effectuées et l’irrégularité des horaires ont rendu imprévisible ses heures de travail et l’ont conduit à rester à la disposition permanente de son employeur.

Il ressort du contrat de travail du 1er août 2014 (pièce n°1 de l’employeur/ pièce n°2 du salarié) que M. [W] a été recruté sur la base d’un temps partiel, à hauteur d’une «’durée mensuelle contractuelle théorique (‘) hors heures complémentaires (‘) de 100 heures’» (article 5- durée du travail) les dispositions relatives à la rémunération (article 7) prévoyant «’une rémunération mensuelle brute de base de 1066,10 € correspondant à 104 H x taux horaire 10,251’». L’article 5 précise que’:

– «’l’horaire hebdomadaire de l’intéressé est réparti sur 6 jours’»,

– «’la répartition quotidienne de ses heures de travail est indiquée sur le roulement de travail »,

– «’en cas de modification entraînant une nouvelle répartition hebdomadaire de son horaire de travail, l’intéressé sera averti au moins 3 jours à l’avance, sous réserve que l’entreprise ait eu connaissance de ces modifications dans ce délai’»,

– ‘«Sa répartition journalière pourra être modifiée selon les dispositions conventionnelles en vigueur. Afin de compléter la différence entre le temps de travail de son roulement régulier et la durée annuelle théorique de son contrat de travail, Monsieur [T] [W] sera amené à effectuer des missions de transport occasionnel en fonction des besoins de l’exploitation. »

L’article 6 de ce même contrat de travail prévoit également que «’le salarié pourra être amené à effectuer des heures complémentaires dans les conditions fixées par l’accord du 18 avril 2002 et son avenant n°1 du 28 avril 2003 ».

Aux termes de l’article L 3123-14 du Code du travail dans sa version applicable (résultant de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 en vigueur du 17 juin 2013 au 10 août 2016), le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit et doit mentionner :

« 1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois’;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat (…)’»

L’accord national voyageur du 18 avril 2002 rappelle notamment en son article XIX la nécessité de mentionner dans le contrat à temps partiel «’la durée du travail, la répartition des horaires et les éventuelles modifications de ces derniers’».

La société appelante verse aux débats’:

– une attestation de M. [S], responsable de site (pièce n°18) qui indique que «’les conductrices et conducteurs de l’entreprise sont affectés sur des services scolaires réguliers et que ponctuellement des missions appelées «’billet collectif’» leur sont proposées suffisamment à l’avance. Les salariés ont la possibilité d’accepter ou de refuser ces missions occasionnelles en fonction de leurs activités annexes chez d’autres employeurs (collectivité locales, cantines, services d’aide à la personne) et de leurs emplois du temps»’;

– une attestation de M. [K], responsable d’Exploitation (pièce n°19) qui expose que «’les conducteurs (‘) ont une ligne régulière qui leur [est] affectée pour l’année. Nous leur proposons également des missions périscolaires ou occasionnelles de manière ponctuelle. Ces missions sont proposées suffisamment à l’avance afin de les rendre compatibles avec leur emploi du temps personnel ou une seconde activité professionnelle (‘) nos conducteurs ne sont aucunement contraints d’accepter ces missions supplémentaires’»’;

– une attestation de M. [O], conducteur de car (pièce n°20) qui indique «’j’ai des lignes régulières et ensuite on me propose des missions ponctuelles en avance pour que je puisse accepter ou refuser en fonction de mon emploi du temps ».

Aucune de ces attestations ne précise à quel délai de prévenance correspond une demande formée «’suffisamment à l’avance’» et la société appelante ne produit non plus aucune pièce justifiant des conditions dans lesquelles étaient établis les «’roulements scolaires réguliers » auxquels M. [W] était selon elle, comme tous les chauffeurs, affecté au titre d’une ligne régulière.

La société TRANSPORTS [X] vise également un courriel de M. [F] (pièce n°9), conducteur de car, dans lequel l’intéressé informe le 26 octobre 2015 M. [S] de son impossibilité, pour des raisons de santé qu’il détaille, d’effectuer des missions supplémentaires sur quatre jours précis du mois suivant et dont la société argue (page 7 de ses écritures) qu’il démontre que «’M. [W], comme les autres, pouvait tout à fait refuser d’accomplir un service qui n’était pas inclus dans le planning hebdomadaire’». Mais ce document, qui concerne un autre salarié dont la durée du travail n’est au demeurant pas précisée, est dépourvu de valeur probante s’agissant de la situation de M. [W].

La société appelante vise également (sa pièce n°10) un courriel du 5 novembre 2015 adressé par M. [S] à M. [W] (et son transfert le lendemain à M. [K]) dans lequel il indique «’je t’ai laissé un message début de semaine te demandant si tu voulais effectuer un billet collectif pour le compte du Rugby de Clisson, samedi 07 novembre prochain », dont la société entend tirer la preuve (page 7 de ses écritures) que «’les missions qui n’étaient pas incluses dans le planning hebdomadaire étaient seulement proposées et ce, avec un délai de prévenance suffisant (6 jours en l’occurrence)’»’; ce document, dont la suite précise dans la situation individuelle considérée n’est pas connue, ne peut suffire en tout état de cause à rapporter la preuve d’une organisation permanente du fonctionnement de l’entreprise et des conditions dans lesquels le planning de M. [W] était formalisé et le cas échéant modifié.

La société TRANSPORTS [X] produit également un courriel du 28 janvier 2016 adressé par M. [K] à M. [G] (Directeur général) mentionnant’: «’Appel [T] [W]’: Ce dernier m ‘a appelé et envoyé un sms pour me dire que sa formation commence lundi 1er février 2016, mais qu’il souhaite rester chez nous car s’il démissionne, il perd tous ses droits pôle emploi. Il propose de travailler le samedi ou faire un service le matin si son heure d’entrée en formation le permet » (pièce N°13)’; l’appelante entend tirer de ce courriel la démonstration (page 9 de ses écritures) de ce que M. [W] était « tellement libre dans l’organisation de son temps de travail qu’en février 2016, il a effectué une formation personnelle de formateur AFTRAL en informant la société, à la dernière minute, qu’il ne serait désormais plus disponible que le samedi, voire certains matins’» ; mais la société appelante oublie opportunément de citer la fin du courriel et la «’proposition’» du responsable au directeur formulée en ces termes : «’Ma réponse pourquoi pas sous certaines conditions’: – validation de [M] [G], – avenant au contrat en CPS 10 heures, – pas question de payer les 10 heures en heures supplémentaires dès lors que sa formation fait 35 heures, – courrier de sa part mentionnant sa demande et autre courrier mentionnant son renoncement aux heures supplémentaires’»’; outre que rien n’est indiqué sur les suites données (aucun courrier du salarié n’est produit, la réponse du directeur n’est pas précisée, aucun avenant correspondant n’est mentionné), force est de constater que ce seul courriel est insuffisant à justifier de la répartition habituelle des heures de travail de M. [W].

En tout état de cause, la société appelante, qui reconnaît dans ses écritures (page 5) que «’le contrat de travail [de M. [W]] ne stipule pas expressément la répartition des horaires de travail’» ajoute que «’dans les faits, elle était mentionnée sur un planning hebdomadaire, tant pour Monsieur [W] que les autres conducteurs de l’entreprise.’» mais ne produit aucun exemplaire de ces plannings, et n’explique ni dans quelles conditions ils étaient portés à la connaissance du salarié, en particulier dans quel délai, ni dans quelles conditions ils étaient effectivement susceptibles d’être modifiés. La société appelante ne justifie pas davantage des conditions dans lesquelles le salarié pouvait se trouver affecté aux transports «’périscolaires’» ou «’occasionnels » dont elle affirme qu’ils étaient facultatifs, encore une fois sans justifier des conditions et des délais dans lesquels étaient décidées les affectations.

Les autres pièces invoquées par la société appelante au soutien de son argumentation (pièce N°4 et 8) correspondent à des courriers rédigés par son Directeur général et ne peuvent, à défaut de pièces venant corroborer leur contenu, rapporter la preuve de la réalité de l’organisation qu’elles décrivent.

La société appelante se réfère enfin à un courrier de Mme [L] (pièce n°11), désignée comme «’Chargée de Mission sur le dossier de Monsieur [W]’» et affirmant à l’attention du Directeur en septembre 2017′: « – M [W] n’était en rien à la disposition constante de l’employeur puisqu’il se permettait de refuser des transports, – ne voulait pas voir sa durée du travail augmentée car il percevait parallèlement un complément chômage (votre avocat devrait demander une injonction de communiquer ses avis d’imposition pour les années 2014/2015 et 2016), il a d’ailleurs refusé une augmentation de sa durée à temps partiel pour cette raison (passage à 130h), – préférait conserver des heures d’avance pour pouvoir se mettre en congé sans solde quand cela l’arrangeait, – a suivi une formation (personnelle) de plusieurs jours en informant très tardivement son employeur, – l’employeur ne l’a jamais obligé d’exécuter un service quand il prétextait une impossibilité, – enfin, il n’a jamais indiqué qu’il souhaitait cumuler un second emploi (bien au contraire) »’; mais ce courriel, dont le contexte n’est pas précisé, dont l’auteur n’est pas davantage identifié et qui ne fait que reprendre les arguments développés par la société employeur sans les étayer davantage, ne permet pas d’ajouter un élément de preuve supplémentaire.

Il ressort ainsi de l’ensemble des pièces versées aux débats strictement aucune preuve de la stabilité et de la régularité des horaires du salarié qui ne sont attestées par aucun élément et rien ne permet d’établir les conditions dans lesquelles M. [W] était informé du rythme auquel il devait travailler ni des délais dans lesquels il avait connaissance de ses jours et heures de travail.

Dans ces conditions, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que M. [W] se trouvait dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et devait se tenir constamment à la disposition de son employeur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de requalification du contrat en contrat de travail à temps complet et condamné la société employeur à verser au salarié à titre de rappel de salaire correspondant la somme totale, non autrement contestée, de 7 251,55 € bruts, outre 725,15 € bruts au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera également confirmé s’agissant de la moyenne des salaires qu’il a retenue en intégrant le montant des heures réglées au titre du rappel de salaire et de l’attribution du reliquat d’indemnité de licenciement pour une somme non autrement contestée.

Sur la contestation du licenciement

Pour infirmation, M. [W] conteste les griefs qui lui sont reprochés dans la lettre de licenciement et fait valoir essentiellement’:

– que l’habitude était de lui permettre d’utiliser son véhicule professionnel pour ses trajets domicile-travail et qu’en l’espèce rien ne venait exclure cette autorisation implicite,

– que le retard de son retour est dû à un retard du client qui est également à l’origine de la réduction de la coupure à moins de 9 heures avant sa reprise le lendemain,

– que la procédure de licenciement est tardive alors que la société n’a pas pu découvrir que le 22 mars le’«’retard’» du 31 janvier dans la mesure où les cartes des conducteurs sont transmises au fur et à mesure,

– qu’il y a lieu de considérer que le licenciement a été décidé en conséquence du report du stage FCO et est donc abusif.

La SASU TRANSPORTS [X] soutient le bien-fondé du licenciement de M. [W] qui repose sur les motifs suivants :

– la violation de ses obligations contractuelles en matière de sécurité / infractions à la réglementation ;

– le dépassement des temps de service et irrespect des temps de repos,

– les répercussions économiques pour la société de l’augmentation du temps de travail du salarié,

– les infractions à la législation sur temps de repos qui en découlent pour l’employeur, en l’absence d’information de son responsable.

Par application de l’article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement (pièce n°6 de l’appelante/pièce n°5 de l’intimé) du 6 avril 2016, qui fixe les limites du litige, est rédigée en ces termes’:

« Nous faisons suite à l’entretien du 1er avril 2016 et nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant :

Comme nous vous l’avons expliqué lors de cet entretien, nous avons relevé, à la lecture de votre carte chronotachygraphe, un non-respect des directives qui vous avaient été données.

En effet, nous vous avions remis un billet collectif en vue d’un service occasionnel le 31 janvier 2016. Ce document mentionnait une prise de service à 10h05 au dépôt de Gétigné pour une prise en charge du client à 10h15 ainsi qu’un retour au dépôt à 20h15.

Pourtant, vous avez indiqué un horaire de départ à 9h35, un retour au dépôt de Gétigné à 21h23 et une fin de service à 22h15.

Il s’avère que vous avez utilisé un véhicule professionnel (autocar) pour effectuer les trajets domicile-travail et que, dans ces circonstances, ces temps, au lieu de constituer un temps de déplacement domicile-travail, doivent être considérés comme des temps de travail effectif.

Pourtant la remise du billet collectif mentionnait expressément une prise de service au dépôt. Il ne vous appartenait pas de prendre la décision d’utiliser le car affecté au service régulier que vous assurez sans autorisation préalable de votre Direction.

D’une part cette initiative a eu pour conséquence d’augmenter votre durée de travail sur cette prestation alors que le devis fait au client ne prenait pas en compte cette durée. Il en ressort que ce temps supplémentaire, qui de toute façon n’avait pas lieu d’être, ne pourra pas être facturé.

D’autre part, votre initiative était susceptible d’engendrer des infractions au temps de repos et d’amplitude pour lesquelles la personne physique représentant l’entreprise est pénalement responsable. En effet en qualité de conducteur professionnel vous n’êtes pas sans ignorer (sic) que des règles très strictes régissent la profession en matière d’amplitude et de temps de repos.

En l’espèce, le non-respect des directives a eu pour conséquence de vous priver de votre repos journalier complet dans la mesure où vous n’avez bénéficié que de 8 heures 36 minutes de repos avant la reprise de votre activité le lendemain.

Le service exploitation a pour mission d’organiser et de coordonner l’ensemble de l’activité de l’entreprise dans le respect de la réglementation française et européenne.

Il n’appartient donc pas eux conducteurs de modifier leur planning.

Par ailleurs, à aucun moment vous n’avez prévenu l’exploitant d’astreinte pour lui signifier que vous ne pourriez pas prendre votre service scolaire le lendemain matin sans être en infraction.

Pourtant, vous étiez présent lors de la réunion de pré-rentrée du 31 août 2015 au cours de laquelle nous avons rappelé qu’il était essentiel de veiller à respecter la réglementation spécifique liée au transport de voyageurs et faisant également l’objet d’une clause de votre contrat de travail.

Le respect de la réglementation est, en effet, indispensable afin d’assurer la sécurité de nos clients et en particuliers celle des enfants.

Ces faits mettent en cause la bonne marche de l’entreprise et les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits reprochés.

Votre préavis d’une durée de 1 mois, que nous vous dispensons d’exécuter, débutera à la date de la présentation de cette lettre, il s’achèvera donc le 7 mai 2016. »

En l’espèce, la société produit les pièces suivantes’:

– le billet collectif / ordre de mission du service occasionnel collectif de transport routier de voyageurs du 31 janvier 2016 (pièce n°14) mentionnant une «’H. de départ’: 10h05’» avec un «’lieu de départ’: dépôt de Gétigné’», une heure de prise en charge à 10h15 et une heure de « départ client’: 10h30’», puis une heure de «’ dépose client’: 20h00’», une heure «’de retour dépôt’: 20h15’», à Gétigné’» correspondant à la «’fin de service’» ;

– la feuille de route de la journée du 31 janvier 2016 (pièce n°15) qui détaille les temps sur cette même journée en distinguant les périodes de temps de travail effectif (TTE) incluant les temps de pause rémunérés à 100’% et les coupures rémunérées à 50’%, avec le relevé du tachygraphe numérique de cette journée du 31 janvier 2016 (pièce n°l6).

Il ressort des pièces produites que le lieu de départ et de retour pour cette journée du 31 janvier 2016 est clairement mentionné sur l’ordre de mission comme étant le «’dépôt de Gétigné’», contrairement à d’autres mentions sur d’autres missions prévoyant un départ et un retour à «’domicile’»(pièces n°9 et 10 du salarié) ; d’une part cette prestation ne prévoyait manifestement pas que M. [W] fasse usage pour se rendre au dépôt d’un véhicule professionnel qu’il utilisait régulièrement pour ses trajets domicile travail ; d’autre part M. [W] ne peut sérieusement prétendre avoir été induit en erreur par l’ordre de mission.

Pour autant, le dépassement résultant de cette confusion par le salarié avec l’usage habituel ‘ non contesté’ de son car pour se rendre jusqu’à son domicile n’est à l’origine que d’un dépassement total de moins d’une heure sur la journée (2 fois 23 minutes de trajet domicile-travail ‘ pièce n°32 de l’intimé).

Or il n’est pas discuté par ailleurs, ni la feuille de route susvisée ni le relevé du chronotachygraphe n’étant sujets à discussion, que l’heure de retour a été décalée en raison d’un retard dans l’heure de prise en charge du client (18h25 au lieu de 18h15), retard qui n’est nullement imputé par l’appelante à son salarié, dont aucune pièce ne démontrait sur ce point la responsabilité.

Dans ces conditions, la société ne peut sérieusement reprocher à M. [W] d’avoir de son seul fait augmenté son temps de travail effectif au-delà du billet collectif ni d’avoir ainsi engendré un risque d’infraction à la législation sur le temps de travail’s’agissant des temps de repos alors que seule une demi-heure de retard sur l’heure de retour résulterait de cette «’confusion’» de M. [W], de sorte que :

– la circonstance que son temps de repos aurait été réduit à 8h36 au lieu de 11 heures minimum jusqu’au lendemain ne lui est pas imputable

– l’heure de retour mentionné sur l’ordre de mission (20h15) ne permettait pas davantage de respecter un temps de repos de 11heures consécutives avant sa reprise du lendemain (6h56), de sorte qu’il ne peut non plus lui être reproché de n’avoir pas alerté son employeur de cette difficulté avant sa prise de service du lendemain.

Le dépassement du temps d’amplitude sur la journée (12h31 au lieu de 12h00), partiellement imputable à M. [W], ne peut suffire à constituer une cause réelle et sérieuse de son licenciement, étant relevé enfin que M. [W] fait observer à juste titre que la société employeur n’a convoqué l’intéressé que le 22 mars pour un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu’à un licenciement alors qu’elle n’a pu ignorer après le 31 janvier 2016 la réalité de cette situation au regard de la transmission régulière des feuilles de route et des copies de disques de chronotachygraphe.

Dans ces circonstances, l’agissement fautif de M. [W] est certes établi et de nature à justifier une sanction disciplinaire mais ce seul manquement à ses obligations ne peut être considéré comme suffisamment sérieux dans les circonstances rapportées pour fonder à lui seul un licenciement, à plus forte raison s’agissant d’un salarié dépourvu d’antécédent disciplinaire en trois années dans l’entreprise.

La sanction ainsi retenue s’avère en effet, à tout le moins, disproportionnée au regard des circonstances dans lesquels se sont inscrits les faits et des autres moyens de réponse disciplinaire à disposition de l’employeur.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières

Aux termes de l’article L1235-5 du code du travail dans sa version applicable (en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016)’:

«’Ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, les dispositions relatives :

(‘)

2° A l’absence de cause réelle et sérieuse, prévues à l’article L. 1235-3 ;

3° Au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L. 1235-4.

Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

(…)’»

Compte tenu d’un salaire moyen s’élevant à 1.763,98 € € brut par mois, de la perte d’une ancienneté de 1 an et 8 mois pour un salarié âgé de 36 ans lors du licenciement, et des conséquences matérielles et morales de la rupture à son égard, notamment de la précarité de sa situation professionnelle et de sa perte de revenus par suite de la rupture de son contrat puisqu’il n’a retrouvé un emploi à durée déterminée qu’en mars 2017 et à durée indéterminée qu’en janvier 2018, situation dont M. [W] justifie contrairement à ce qu’allègue l’employeur par les pièces qu’il produit (notamment ses pièces n°25, 26’et 35), il conviendra d’allouer au salarié une somme de 9.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif en application de l’article L.1235-5’du code du travail.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe. Il conviendra d’y faire droit, sans pour autant que le prononcé d’une astreinte soit nécessaire pour en assurer l’exécution.

Sur les frais irrépétibles

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant contradictoirement et en dernier ressort par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME partiellement le jugement en ce qu’il a débouté M. [W] de sa demande d’indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Et statuant à nouveau de ce chef,

DÉCLARE abusif le licenciement de M. [W],

CONDAMNE la société TRANSPORTS [X] à payer à M. [W] la somme de 9.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

CONDAMNE la société TRANSPORTS [X] à remettre à M. [W] les documents de fin de contrat rectifiés,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société TRANSPORTS [X] à payer à M. [W] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société TRANSPORTS [X] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société TRANSPORTS [X] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x