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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 00A
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 JANVIER 2021
N° RG 19/07247 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TQD2
AFFAIRE :
[P] [H]
…
C/
SAS VALEO VISION
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 Septembre 2019 par le Président du TC de VERSAILLES
N° chambre :
N° Section :
N° RG :
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Bertrand LISSARRAGUE
Me Christophe DEBRAY
TC VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [P] [H]
né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 9] (31)
de nationalité Française
[D] [L] N°[Adresse 3]
[Localité 4]
POLOGNE
Représenté par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1962863
Société VARROC LIGHTING SYSTEMS S.R.O. société de droit tchèque ayant son siège social [Adresse 2] RÉPUBLIQUE TCHÈQUE agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social de sa succursale en France
[Adresse 6]
[Localité 10]
Représentée par Me Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1962651
Assistée de Me Richard WILLEMANT de L’AARPI FERAL SCHUHL SAINTE-MARIE, avocat au barreau de PARIS
APPELANTS
****************
SAS VALEO VISION prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité
N° SIRET : 950 344 333
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 – N° du dossier 19461
Assistée de Me Marie-Aimée PEYRON de la SELARL HAUSSMANN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 18 Novembre 2020, Madame Marie LE BRAS, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Marie LE BRAS, Conseiller,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sophie CHERCHEVE
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Valeo Vision, société du groupe Valeo qui est un équipementier automobile, conçoit et produit des systèmes d’éclairage et d’essuyage innovants permettant d’améliorer la sécurité des passagers.
M. [P] [H] a été engagé par la société Valeo Vision à compter du 1er mars 2014 en qualité de directeur ‘Achat groupe du segment composants éclairage’. Il a été promu le 1er juillet 2017 au poste de directeur ‘Achats projets et opération du groupe de produits systèmes d’éclairage’.
Il a démissionné de ses fonctions par courrier du 27 mai 2018 et la société Valeo Vision a pris acte de cette démission par lettre recommandée du 15 juin 2018, le déliant de sa clause de non-concurrence. Elle lui a cependant rappelé ses obligations de loyauté, discrétion et confidentialité prévues à l’article 13 de son contrat de travail.
M. [H] a quitté l’entreprise le 28 août 2018 à l’expiration du délai de préavis de 3 mois.
Suivant un contrat de travail signé le 1er juin 2018, ce dernier a rejoint en septembre 2018 la société de droit tchèque Varroc Lighting Systems S.R.O (la société Varroc) dont une des succursales est installée à [Localité 10] (78) et qui appartient au groupe Varroc, équimentier automobile mondial, après avoir signé un contrat de travail.
Cette société concurrente à la société Valeo Vision conçoit et développe des produits innovants pour les systèmes d’éclairage extérieur des véhicules et M. [H] y occupe désormais le poste de ‘Senior Vice-président’, en charge de la direction des achats, de la direction logistique et de la direction du développement et de la performance fournisseur.
Expliquant avoir découvert après son départ que concomitamment et postérieurement à sa démission, M. [H] aurait téléchargé sur son ordinateur puis transféré sur un disque dur externe des fichiers contenant des informations confidentielles, notamment 125 documents le 21 août 2018 et 353 documents le 23 août 2018 et également transféré le 21 août trois documents importants depuis sa messagerie professionnelle vers sa messagerie personnelle, la société Valeo Vision a soupçonné son ancien salarié d’avoir violé ses obligations de loyauté, de discrétion et de confidentialité et détourné des fichiers confidentiels au profit de son nouvel employeur, la société Varroc Lighting Systems.
C’est dans ce contexte que la société Valeo Vision a déposé une première requête le 26 novembre 2018 fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, aux fins de désignation d’un huissier de justice chargé de se rendre au domicile de M. [H] afin de rechercher et prendre copie d’éléments de preuve des actes de violation dénoncés.
Par ordonnance rendue le 27 novembre 2018, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a fait droit à cette requête sans toutefois ordonner de mesure de séquestre des éléments appréhendés. Les opérations de constat ont été réalisées le 18 décembre 2018 au domicile de M. [H].
Celui-ci a fait assigner la société Valeo Vision en rétractation et la société Varroc Lighting Systems est intervenue volontairement à l’instance. Par ordonnance rendue le 12 mars 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a débouté M. [H] et la société Varroc Lighting Systems de l’ensemble de leurs demandes.
Sur appel interjeté par les intéressés, la cour d’appel de Versailles, par arrêt rendu le 5 décembre 2019, a, entre autres dispositions, confirmé l’ordonnance susvisée sauf à modifier la mission de l’huissier instrumentaire et ordonner le placement sous séquestre provisoire des éléments appréhendés par l’huissier de justice le 18 décembre 2018 au domicile de M. [H] jusqu’à ce que le juge éventuellement saisi autorise leur communication ou que les parties en soient d’accord.
En parallèle à son action à l’égard de M. [H], la société Valeo Vision a déposé une requête similaire le 3 décembre 2018 devant le président du tribunal de commerce de Versailles aux fins de désignation d’un huissier de justice chargé de se rendre dans les locaux de la société Varroc Lighting systems et de rechercher et prendre copie des éléments de preuve se trouvant sur les ordinateurs, les espaces ‘Cloud’ et messageries utilisés par M. [H] dans la perspective d’une action en concurrence déloyale.
Par ordonnance rendue le 4 décembre 2018, le président du tribunal de commerce de Versailles a autorisé la saisie de certains documents dans les locaux français de la société Varroc Lighting Systems et a ordonné leur placement sous séquestre jusqu’à ce que le juge en autorise la communication. L’huissier commis à cet effet a exécuté sa mission le 18 décembre 2018.
Par acte en date du 16 janvier 2019, la société Varroc Lighting Systems a fait assigner en référé la société Valeo Vision aux fins d’obtenir la rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 4 décembre 2018, la nullité des opérations réalisées en exécution de l’ordonnance et la destruction ou la restitution des éléments saisis.
Par acte des 15 et 18 janvier 2019, la société Valeo Vision a pour sa part fait assigner la société Varroc Lighting Systems en référé, en présence de la SELARL Asperti-Duhamel, huissier de justice, pour que soient ordonnées l’ouverture du séquestre et la communication intégrale des pièces.
M. [H] est intervenu volontairement à l’instance.
Par ordonnance contradictoire rendue le 5 septembre 2019, le juge des référés du tribunal de commerce de Versailles a :
– au principal, renvoyé les parties à se pourvoir,
– joint les causes,
– constaté l’absence de la SELARL Asperti-Duhamel,
– donné acte à M. [H] de son intervention volontaire,
– débouté la société Varroc Lighting Systems de sa demande de rétractation de l’ordonnance rendue le 4 décembre 2018 et, par voie de conséquence, de sa demande de destruction ou restitution des éléments saisis, sauf à écarter la promesse d’engagement, la lettre d’engagement ou le contrat de travail de M. [H] qui devront être restitués par l’huissier instrumentaire s’ils sont sur support papier et détruits s’ils sont sur support informatique,
– donné acte à la société Valeo Vision qu’elle se désiste de ses demandes concernant la levée du séquestre,
– condamné par provision la société Varroc Lighting Systems à payer à la société Valeo Vision la somme de 1 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Varroc Lighting Systems aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe le 15 octobre 2019, la société Varroc Lighting System a interjeté appel de cette ordonnance en ses dispositions la déboutant de sa demande de rétractation et de ses demandes subséquentes ainsi qu’en celles la condamnant aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance. La procédure a été enrôlée sous le numéro RG n°19/7247.
Par déclaration reçue au greffe le 26 novembre 2019, M. [H] a également interjeté appel de cette ordonnance en ses mêmes chefs de disposition. La procédure a été enrôlée sous le numéro RG 19/8208.
Par ordonnance de jonction rendue le 5 octobre 2020, les deux procédures d’appel ont été jointes sous le numéro RG 19/7247.
En cours de procédure, le premier juge, statuant sur une requête en erreur matérielle de la société Valeo Vision, a par ordonnance du 7 novembre 2019 remplacé la disposition de la décision dont appel aux termes de laquelle il donnait acte à la société Valeo Vision de son désistement concernant les demandes de levée de séquestre par une disposition sursoyant à statuer sur lesdites demandes dans l’attente de l’arrêt de cette cour sur l’éventuelle rétractation.
Dans ses dernières conclusions déposées le 9 novembre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Varroc Lighting Systems demande à la cour, au visa des articles 145, 147, 493, 496 alinéa 2, 497, 561, 700, 874, 875 du code de procédure civile, de :
– infirmer l’ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Versailles rendue le 5 septembre 2019 en toutes ses dispositions ;
et, statuant à nouveau :
à titre principal,
– prononcer la rétractation de l’ordonnance sur requête rendue le 4 décembre 2018, avec toutes conséquences de droit et de fait ;
en conséquence,
– constater la nullité subséquente des opérations réalisées en exécution de l’ordonnance sur requête rendue le 4 décembre 2018 et du procès-verbal dressé pour en rendre compte ;
– ordonner, au choix de la cour d’appel de Versailles, soit la destruction soit sa restitution de la totalité des éléments saisis en exécution de l’ordonnance rendue le 4 décembre 2018 ;
à titre subsidiaire,
– constater la nécessité de modifier l’ordonnance sur requête rendue le 4 décembre 2018 ;
en conséquence,
– modifier l’ordonnance sur requête rendue le 4 décembre 2018 en supprimant les éléments suivants cités entre guillemets :
* quant aux courriels et fichiers à rechercher et emporter : ‘VLS, VIS, Visibility, plus particulièrement un email du 21 août 2018 ainsi que les pièces jointes dénommées L43 EPL Nego Follow, PI 2018 Jan Forecast-20180115, Cost & Price Roadmap L43’ ;
* quant aux documents à rechercher et prendre :
– « Chrzanow Purchasing Day »
– « Résultats Auction PCBA Fabrinet
– « VIS Lighting RFQ STATUS 2017 ‘ 2018 »
– « Auction sign off grid MAS Sept 2017 »
– « SMART 2018 »
– « VLS MTP 2017 presentation »
– « Presentation Visibility MTP2 Electronic 2018 »
– « VLS MTP April 2018 – Proposal V1 »
– « Presentation Purchase Controlling from CAA to Purchase Index » ;
* quant aux mots clés à utiliser pour effectuer des recherches : ‘VLS, VIS, Visibility, L43 EPL Nego Follow, PI 2018 Jan Forecast-20180115, Cost & Price Roadmap L43, PCM, SPM, PCBA, Auction Electronic Group Q4, Chrzanow’ ;
– ordonner, au choix de la cour d’appel de Versailles, soit la destruction soit sa restitution des éléments saisis hors périmètre de l’ordonnance rendue le 4 décembre 2018 ainsi modifiée ;
en tout état de cause,
– débouter la société Valeo Vision de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner la société Valeo Vision à lui verser la somme de 10 000 euros, au titre des frais irrépétibles, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Valeo Vision aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 9 novembre 2020 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [H] demande à la cour, au visa des articles 16, 145, 146, 367, 493, 564 et suivants du code de procédure civile, de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et article 9 du code civil, de :
– déclarer irrecevable car nouvelle en cause d’appel la demande de la société Valeo Vision tendant à voir déclarer son appel irrecevable pour défaut d’intérêt à agir ;
– déclarer mal fondé l’appel incident formé par la société Valeo Vision ;
– débouter la société Valeo Vision de l’intégralité de ses demandes ;
– déclarer recevable et bien-fondé son appel interjeté ;
– réformer l’ordonnance et statuant à nouveau,
à titre principal,
– rétracter l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Versailles rendue le 4 décembre 2018 ;
– ordonner la restitution par tout détenteur, dont la SCP Asperti-Duhamel, huissiers de justice et la société Valeo Vision, de toutes pièces, documents, fichiers, correspondances, et plus généralement de tout élément recueilli lors des opérations de constat ;
– prononcer la nullité du constat d’huissier établi en exécution de l’ordonnance ;
– dire que le constat d’huissier et l’ensemble des éléments recueillis lors des opérations de constat devront être écartés de tout débat, et ne pourront faire l’objet d’aucune communication ou production en justice ;
à titre subsidiaire,
– constater la nécessité de modifier l’ordonnance sur requête rendue le 4 décembre 2018 ;
– modifier l’ordonnance sur requête rendue le 4 décembre 2018, en supprimant :
– les éléments suivants cités entre guillemets :
* quant aux courriels et fichiers à rechercher et emporter : ‘l’ensemble des courriels accompagnés de leurs pièces jointes et fichiers relatifs à VALEO, VLS, VIS, VISIBILITY, plus particulièrement un email du 21 août 2018 ainsi que les pièces jointes dénommées L43 EPL Nego Follow, PI 2018 Jan Forecast-20180115, Cost & Price Roadmap L43 se trouvant sur les ordinateurs, espaces clouds et boites de messagerie utilisés par M. [H]’ ;
* quant aux documents à rechercher et prendre : ‘Chrzanow Purchasing Day’, ‘Résultats Auction PCBA Fabrinet’, ‘VIS Lighting RFQ STATUS 2017-2018″, ‘Auction sign off grid MAS Sept 2017’, ‘SMART 2018’, ‘VLS MTP 2017 presentation’, ‘Presentation0 Visibility MTP2 Electronic 2018’, ‘VLS MTP April 2018- Proposal V1’, ‘Presentation Purchase Controlling from CAA to Purchase Index’ ;
– la possibilité pour l’huissier commis de procéder à des recherches par mots clefs ;
– ordonner la restitution par tout détenteur, dont la SCP Asperti-Duhamel, huissiers de justice et la société Valeo Vision, de toutes pièces, documents, fichiers, correspondances, et plus généralement de tout élément recueilli hors périmètre de l’ordonnance rendue le 4 décembre 2018 ainsi modifiée ;
– prononcer la nullité du constat d’huissier relativement aux suppressions ainsi opérées ;
en tout état de cause, si par extraordinaire la cour considérait qu’il n’y a pas lieu de rétracter ni de modifier l’ordonnance rendue le 4 décembre 2018,
– confirmer l’ordonnance dont appel en ce qu’elle a écarté la promesse d’engagement, la lettre d’engagement ainsi que son contrat de travail, lesquels devront être restitués par l’huissier instrumentaire s’ils sont sur support papier et détruit s’ils sont sur support informatique ;
– condamner la société Valeo Vision à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d’appel lesquels pourront être directement recouvrés par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles en application de l’article 699 du code procédure civile.
Dans ses dernières conclusions déposées le 14 février 2020 dans l’affaire sous numéro RG 19/07247 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Valeo Vision demande à la cour, au visa des articles 812, 145 et 493 du code de procédure civile, de :
– la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures ;
y faisant droit,
– confirmer partiellement l’ordonnance rendue le 5 septembre 2019 par le président du tribunal de commerce de Versailles en ce qu’elle a débouté la société Varroc Lighting Systems de ses demandes de rétractation et de modification de l’ordonnance rendue le 4 décembre 2018 ;
pour le surplus et statuant à nouveau,
– réformer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Versailles en ce qu’elle a ordonné la restitution de la promesse d’embauche, la lettre d’engagement ou le contrat de travail de M. [H] ;
en conséquence,
à titre principal,
– débouter la société Varroc Lighting Systems de sa demande de rétractation de l’ordonnance rendue le 4 décembre 2018 par le président du tribunal de commerce de Versailles et, par voie de conséquence, de sa demande de destruction ou restitution des éléments saisis ;
à titre subsidiaire,
– débouter la société Varroc Lighting Systems de sa demande de modification de l’ordonnance rendue le 4 décembre 2018 par le président du tribunal de commerce de Versailles ;
– débouter la société Varroc Lighting Systems de sa demande de restitution de la promesse d’embauche, la lettre d’engagement ou le contrat de travail de M. [H] ;
en tout état de cause,
– condamner la société Varroc Lighting Systems et M. [H] à lui verser chacun la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Varroc Lighting Systems et M. [H] aux dépens.
Par ailleurs, dans ses dernières conclusions déposées le 4 septembre 2020 dans l’affaire sous numéro RG 19/08208 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Valeo Vision demande à la cour, au visa des articles 32-1, 122, 367, 812, 145 et 493 du code de procédure civile, de :
– la déclarer recevable et bien fondée en ses écritures ;
y faisant droit,
à titre liminaire,
– déclarer irrecevable M. [H] en son appel et en ses demandes, celui-ci ne disposant d’aucun intérêt pour interjeter appel ;
– ordonner la jonction de l’instance avec celle enregistrée sous le n°RG 19/07247 ;
en tout état de cause,
– confirmer partiellement l’ordonnance rendue le 5 septembre 2019 par le président du tribunal de commerce de Versailles en ce qu’elle a débouté la société Varroc Lighting Systems de ses demandes de rétractation et de modification de l’ordonnance rendue le 4 décembre 2018 ;
pour le surplus et statuant à nouveau,
– réformer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Versailles en ce qu’elle a ordonné la restitution de la promesse d’embauche, la lettre d’engagement ou le contrat de travail de M. [H] ;
en conséquence,
à titre principal,
– débouter M. [H] de sa demande de rétractation de l’ordonnance rendue le 4 décembre 2018 par le président du tribunal de commerce de Versailles et, par voie de conséquence, de sa demande de destruction ou restitution des éléments saisis ;
à titre subsidiaire,
– débouter M. [H] de sa demande de modification de l’ordonnance rendue le 4 décembre 2018 par le président du tribunal de commerce de Versailles ;
– débouter M. [H] de sa demande de restitution de sa promesse d’embauche, sa lettre d’engagement ou son contrat de travail ;
en tout état de cause,
– condamner M. [H] à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– condamner M. [H] à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [H] aux dépens dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 novembre 2020.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La jonction des deux procédures ayant été ordonnée le 5 octobre 2020, il convient de constater que la demande en ce sens formée par M. [H] n’a plus d’objet.
– sur la recevabilité de l’appel de M. [H] :
La société Valeo Vision soutient que M. [H] est irrecevable en son appel interjeté le 26 novembre 2019 pour défaut d’intérêt à agir.
Elle fait valoir d’une part que cette cour a déjà statué sur l’appel de l’intéressé relatif à l’ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre et d’autre part que les mesures ordonnées par le président du tribunal de commerce dans la décision dont appel visent la société Varroc et non M. [H] et que les opérations de saisie ont été exécutées au sein des locaux de la première sur l’ordinateur professionnel qu’elle a mis à la disposition de l’intéressé.
En réponse, M. [H] soulève l’irrecevabilité de la société Valeo Vision à lui opposer un supposé défaut d’intérêt à agir pour la première fois à hauteur d’appel. Il prétend en outre que son appel est parfaitement recevable dès lors qu’en application de l’article 496 du code de procédure civil, l’action en rétractation est ouverte ‘à tout intéressé’ et que par le biais des mesures de saisie, la société Valeo Vision est en mesure de recueillir des données qui lui sont personnelles.
Sur ce,
Il sera en premier lieu retenu que la société Valeo est nécessairement recevable à soulever pour la première fois à hauteur de cour l’irrecevabilité de l’appel de M. [H] pour défaut d’intérêt à agir, une telle fin de non-recevoir ne pouvant par nature être soutenue en première instance.
L’article 546 dispose que le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, notamment si elle a succombé au moins en partie en ses prétentions de première instance.
Selon l’article 496 alinéa 2 du code de procédure civile, s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l’ordonnance.
Est sans incidence sur l’appréciation de l’intérêt à faire appel de M. [H], l’arrêt rendu le 5 décembre 2019 dans la mesure où le litige soumis alors à cette cour portait sur une mesure de saisie distincte autorisée par ordonnance du 27 novembre 2018 et exécutée au domicile de M. [H] et non dans les locaux de son employeur actuel.
Il est en outre constant que celui-ci, intervenant volontaire devant le premier juge, s’est vu débouter de sa demande principale tendant à la rétractation totale de l’ordonnance sur requête rendue le 4 décembre 2018, de sorte qu’il a un intérêt à faire appel pour qu’il soit fait droit à ses prétentions originaires.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le moyen d’irrecevabilité avancé par la société Valeo Vision sera déclaré recevable mais rejeté.
– sur la dérogation au principe de la contradiction :
Les appelants soutiennent que la requête de la société Valeo Vision est lapidaire sur la justification du recours à une procédure non contradictoire, n’invoquant que des motifs généraux repris dans l’ordonnance ayant autorisé la mesure de saisie litigieuse.
La société Varroc fait observer que l’intimée n’indique pas dans sa requête les raisons laissant penser qu’elle organiserait avec M. [H] la suppression des éléments sollicités. Elle estime également que rien ne permet de considérer les messages électroniques comme étant des données particulièrement fragiles par nature alors qu’il existe des moyens techniques pour les récupérer après un éventuel effacement.
Elle considère que la société Valeo Vision se contente de lui faire un procès d’intention pour accéder par le biais de la saisie sollicitée à ses documents confidentiels et pour la déstabiliser, les termes employés dans sa requête étant à eux seuls révélateurs de l’absence totale d’implication de sa part dans les agissements de son nouveau salarié, M. [H].
En réponse, la société Valeo Vision rappelle qu’à travers sa requête et les pièces jointes, elle a évoqué les téléchargements et transferts de documents et données confidentiels réalisés par M. [H] avant son départ et que c’est au vu de ces circonstances que le juge des requêtes a retenu que le recours à une procédure non contradictoire se justifiait, faisant également état du risque de destruction ou de délocalisation de données intrinsèquement fragiles tels que des messages électroniques.
Sur ce,
En application des articles 493 et 495 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête rendue non contradictoirement doit être motivée de façon précise, le cas échéant par l’adoption des motifs de la requête, s’agissant des circonstances qui exigent que la mesure d’instruction sollicitée ne soit pas prise contradictoirement.
Le juge saisi d’une demande de rétractation ne peut suppléer la carence de la requête ou de l’ordonnance sur ce point et n’a pas à rechercher ces circonstances dans les pièces produites ou les déduire du contexte de l’affaire.
Il statue donc, au besoin d’office, sur la seule motivation de la requête ou de l’ordonnance justifiant qu’il soit dérogé au principe de la contradiction, motivation qui doit s’opérer in concreto et ne peut pas consister en une formule de style.
En l’espèce, après un exposé des faits qui se seraient révélés après le départ de M. [H], la société Valeo Vision énonce dans sa requête qu’elle entend introduire une action à l’encontre de la société Varroc pour concurrence déloyale, la mesure d’instruction ayant pour but de lui permettre ‘de compléter les éléments d’ores et déjà en sa possession et qui tendent à démontrer que la société Varroc utilise des informations confidentielles qui ont été détournées par M. [H] (…)’ et que par voie de conséquence, elle s’estime fondée à être autorisée à consulter et prendre copie du contenu de l’ensemble des courriels et documents visés dans sa requête.
La requérante dans la motivation de sa requête se prévaut ainsi d’un motif légitime à établir les relations établies entre la société Varroc et ses propres clients et fournisseurs grâce aux fichiers détournés et fait valoir que ‘les circonstances exigent qu’il soit dérogé au principe de la contradiction puisqu’il existe un risque de dépérissement des preuves car il est manifeste que Varroc Lighting Systems ne manquerait pas de faire disparaître et/ou ne communiquerait pas les éléments que M. [H] a détourné quelques jours avant son départ’.
Elle ajoute qu”en outre, l’efficacité de la mesure sollicitée est subordonnée à l’effet de surprise de l’investigation demandée, ce qui justifie que la présente procédure soit engagée conformément aux dispositions de l’article 493 du code de procédure civile et ce, afin que Varroc Lighting Systems ne supprime l’intégralité des éléments qui démontrerait qu’elle se livre à ses actes de concurrence déloyale’.
L’ordonnance rendue le 4 décembre 2018 vise la requête et les pièces qui y sont jointes, ce qui vaut adoption implicite des motifs figurant dans la requête.
De plus, le juge des requêtes, après avoir retenu que par les faits et pièces rapportés, la requérante présente un intérêt légitime à rechercher les éléments de preuve venant corroborer les indices recueillis ‘susceptibles de caractériser les agissements déloyaux commis par la société Varroc Lighting Systems et qui permettrait de quantifier un éventuel préjudice dans le cadre d’une action en concurrence déloyale’, a considéré que ‘la préservation des fichiers, correspondances et documents captés par M. [H] au détriment de son ancien employeur qui conforteraient les faits déjà constatés par la requérante justifie d’une dérogation au principe du contradictoire; que l’effet de surprise attaché au mode d’exécution de la mesure d’investigation permettra d’éviter un risque de destruction ou à une délocalisation de données intrinsèquement fragiles, telles que des messages électroniques; que dans ces circonstances, une mesure d’instruction s’impose’.
En renvoyant ainsi aux circonstances de l’espèce, plus particulièrement aux agissements de concurrence déloyale dénoncés, et en évoquant très concrètement la nécessité de préserver les fichiers, correspondances et documents que M. [H] est soupçonné d’avoir captés lorsqu’il était encore salarié chez la société Valeo Vision ainsi que le risque de leur destruction ou délocalisation en raison de leur nature, prenant pour exemple les messages électroniques, l’ordonnance du 4 décembre 2018 par sa motivation propre et le renvoi à celle de la requête, a suffisamment caractérisé les circonstances nécessitant de déroger au principe de la contradiction, et ce sans que la société Valeo Vision n’ait à ce stade besoin de démontrer la déloyauté de la société Varroc, son implication dans les faits dénoncés ou encore à établir qu’il serait impossible de récupérer les données informatiques éventuellement détruites et d’en obtenir la communication dans le cadre d’un débat contradictoire.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, le moyen de rétractation invoqué par les appelants ne peut dès lors prospérer.
– sur la supposée déloyauté procédurale de la société Valeo Vision :
M. [H], rejoint en son argumentation par la société Varroc, dénonce la déloyauté dont la société Valeo Vision a fait preuve pour obtenir la mesure d’instruction, lui faisant grief d’avoir omis d’informer le juge des requêtes du tribunal de commerce de Versailles de l’existence de la première ordonnance ayant autorisé une mesure de saisie à son domicile et surtout des restrictions apportées à la mission de l’huissier de justice par le président du tribunal de grande instance de Nanterre.
Il considère que cette déloyauté procédurale est un motif suffisant de rétractation.
En réponse, la société Valeo Vision, par renvoi à un arrêt de la Cour de cassation, lui oppose que le prétendu manque de loyauté ne peut justifier la rétractation de l’ordonnance sur requête, le juge devant uniquement s’assurer de l’existence d’un motif légitime.
Sur ce,
La cour n’est tenue d’apprécier les mérites de la requête qu’au regard des seules conditions de l’article 145 du code de procédure civile qui dispose que ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de fait dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
Aussi, est inopérant le moyen de rétractation tiré du manque de loyauté du requérant à l’égard du juge dès lors que celui-ci doit uniquement vérifier que les éléments allégués dans la requête et les pièces qui s’y rapportent sont suffisants pour caractériser l’existence d’un motif légitime à la mesure d’instruction sollicitée et que son contenu est légalement admissible.
– sur l’existence d’un motif légitime :
Les appelants soutiennent que la société Valeo Vision ne rapporte pas la preuve d’un motif légitime au soutien de la mesure d’instruction.
La société Varroc fait ainsi valoir que le premier juge a commis une erreur d’interprétation de l’article 145 du code de procédure civile en considérant que le motif légitime pouvait découler de la mesure d’instruction ordonnée, alors qu’il doit découler de la requête, ce qui ferait défaut au cas d’espèce.
Selon elle, l’intimée aurait seulement extrapolé les éléments découverts concernant les téléchargements de fichiers et documents prétendument faits par M. [H] pour soutenir, sans autre début de preuve tangible ou même d’indice, qu’elle s’en serait rendue complice et en aurait bénéficié.
L’appelante considère que le simple fait qu’elle ait engagé ce dernier ne peut suffire à caractériser l’existence d’un motif légitime à la mesure de saisie sollicitée, rappelant en outre que l’intimée n’a pas jugé nécessaire à la suite de la démission de M. [H] de maintenir la clause de non-concurrence prévue à son contrat, ce qui selon elle confirme que la société Valeo Vision ne voyait aucun obstacle à ce qu’il rejoigne une société concurrente.
La société Varroc rejette la valeur probante des courriers rédigés par la société Valeo Vision aux termes desquels elle lui reproche le débauchage de salariés et le démarchage de clients et de prestataires. Elle ajoute que les courriels émanant de salariés de la société Valeo Vision concernant ces prétendues tentatives de débauchage n’ont également aucune force probante et sont contredits par les déclarations de son propre directeur des ressources humaines, M. [E], et du cabinet de recrutement Proco Global qu’elle avait mandaté pour trouver ses futurs collaborateurs.
M. [H] fait quant à lui plus particulièrement valoir que le listing des fichiers téléchargés et le document qualifié de ‘preuve de la connexion d’un disque dur externe sur l’ordinateur de M. [H]’ ne sont nullement probants pour établir qu’il aurait effectué de tels téléchargements pour son propre compte, rappelant qu’il travaillait encore pour la société Valeo Vision à l’époque et avait donc vocation à lire les fichiers litigieux, cette lecture entraînant nécessairement leur téléchargement.
Il dénie également que l’adresse de messagerie utilisée soit son adresse personnelle.
Il conteste par ailleurs avoir utilisé des manoeuvres dolosives pour se faire délier de la clause de non-concurrence, réfutant sur ce point la valeur probante des attestations de salariés de l’intimée.
Il rejoint enfin la société Varroc quant à l’absence de début de preuve d’une tentative de débauchage de salariés et d’actes de concurrence déloyale par son nouvel employeur.
En réponse, la société Valeo Vision rappelle en premier lieu qu’elle a présenté sa requête en vue d’une action à l’encontre de la société Varroc pour concurrence déloyale, suspectant cette dernière d’avoir bénéficié de l’aide de M. [H] qu’elle soupçonne d’avoir téléchargé des fichiers confidentiels au profit de son nouvel employeur.
Elle expose en second lieu qu’elle a la preuve du transfert par courriel le 21 août 2018, soit à peine 7 jours avant son départ effectif de la société, sur l’adresse personnelle de M. [H] de pièces confidentielles relatives aux résultats des négociations avec les fournisseurs, à la liste de tous les composants électroniques pour Shenzen Lighting et à la stratégie achat du groupe concernant certains segments électroniques.
Selon elle, la concomitance entre d’une part ces téléchargements de pas moins de 476 documents et la connexion détectée avec un disque dur externe et d’autre part son départ vers la société Varroc ne laisse planer aucun doute sur les intentions de M. [H] d’utiliser ces données confidentielles au profit de son nouvel employeur.
L’intimée se fonde également sur des attestations de salariés pour établir que ce dernier a tenté de débaucher 2 salariés entre octobre et décembre 2018, et a débauché 12 autres salariés au Maroc en vue de l’implantation par la société Varroc de son usine à Tanger.
Elle s’appuie sur ces différents éléments pour suspecter la société Varroc de profiter des agissements de son ancien salarié, la mesure de saisie sollicitée ayant pour objet de compléter les pièces déjà en sa possession.
L’intimée évoque également les résultats des constatations opérées par l’huissier de justice le 18 décembre 2018 dans le cadre de l’exécution de la mesure litigieuse pour conforter ses soupçons.
Sur ce,
L’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile rappelées plus haut suppose que soit constaté qu’il existe un procès ‘en germe’ possible, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui.
Il sera également rappelé qu’il appartient au requérant de justifier de ce que sa requête était fondée, et non au demandeur à la rétractation de rapporter la preuve qu’elle ne l’est pas.
Le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque au soutien de sa demande de mesure in futurum puisque celle-ci est destinée à les établir, l’application de l’article 145 du code de procédure civile n’impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure, ni sur les chances de succès du procès susceptible d’être ultérieurement engagé.
Il lui incombe simplement de justifier d’éléments rendant crédibles les griefs allégués, étant précisé que l’existence du motif légitime s’apprécie à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête initiale et de ceux produits ultérieurement devant le juge des référés et la cour à sa suite.
En revanche, il ne peut être tenu compte des constatations et éléments révélés dans le cadre de l’exécution de la mesure litigieuse, de sorte que la société Valeo Vision ne peut se prévaloir ni des résultats obtenus dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance du 4 décembre 2018, ni du procès-verbal de constat établi par l’huissier instrumentaire les 18 et 26 décembre 2018 (pièce 17 de l’intimé).
Il est en l’espèce acquis aux débats que M. [H] est tenu à une obligation de loyauté, discrétion et confidentialité à l’égard de son ancien employeur, y compris à l’expiration de son contrat de travail, ainsi qu’il est stipulé dans le code d’éthique de la société qui a été expressément porté à sa connaissance le 21 mai 2015 et surtout à l’article 13 de son contrat de travail aux termes duquel le salarié s’engage :
– à ne pas communiquer, directement ou indirectement, et à ne pas utiliser pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, les informations relatives aux activités de la société ou de Valeo, à leurs projets, dossiers, méthodes, process (en particulier process industriel) et à leur organisation ;
– à ne pas divulguer, à quiconque, les informations par nature confidentielles ou secrètes qu’il aurait pu connaître dans le cadre de son activité, que ces informations concernent la Société, un client ou un fournisseur de celle-ci ;
– à respecter le secret professionnel le plus absolu sur les affaires traitées directement par la Société ou celles conclues avec des tiers (…).
L’article IV.1 du code d’éthique mentionne les informations confidentielles à protéger activement y compris après le départ des collaborateurs de la société, soit :
– les projets ainsi que les accords commerciaux,
– les données financières, les prix ainsi que les coûts,
– les stratégies commerciales, d’investissement et de développement,
– les clients et les fournisseurs,
– les droits de propriété intellectuelle, les droits d’auteur ainsi que les plans,
– les informations personnelles concernant les employés ou les clients,
– les informations technologiques ainsi que toute autre information sensible, notamment celles qui concernent la rentabilité des unités de production, les projets de recherche et de développement, les brevets,
– autres documents et informations non destinés au grand public.
Il est également constant que M. [H], qui a démissionné le 27 mai 2018, a signé un contrat de travail le 1er juin 2018 avec la société Varroc qu’il a effectivement rejoint dès le mois de septembre 2018, soit quelques jours après la fin de son préavis qui s’est achevé le 28 août 2018.
Or, le listing de fichiers produit aux débats par la société Valeo Vision, en sa pièce 12, fait apparaître des téléchargements (‘download’) par M. [H] (‘User’) à partir de sa boîte mail professionnelle de centaines de documents les 21 août (125 documents) et 23 août 2018 (353 documents), soit à peine 7 jours avant de quitter la société, de tels téléchargements ne pouvant correspondre à de simples lectures.
De même, la pièce 13 dont les quelques termes en anglais sont parfaitement compréhensibles et au demeurant non discutés en leur traduction, fait apparaître la connexion d’un disque dur externe à ces mêmes dates (‘USB Mass Storage’) à l’ordinateur professionnel dont il était l’utilisateur principal (‘User Principal Name [08]@valeo.com’) au sein de la société Valeo Vision.
Il est également démontré par la pièce 14 de l’intimée que le 21 août 2018, M. [H] a transféré par courriel depuis sa boîte de messagerie professionnelle vers une boîte à l’évidence personnelle compte-tenu de sa dénomination ([08]@gmail.com), trois fichiers joints dont le contenu n’est pas contesté, portant sur des informations relatives à des négociations avec les fournisseurs, à des composants électroniques avec leur prix et aux stratégies d’achat de la société Valeo Vision.
Ces différentes opérations informatiques sont d’ailleurs confirmées par le procès-verbal de constat (pièce 15) en date des 14 et 21 novembre 2018 établi à la demande de la société Valeo Vision et qui révèle que 492 téléchargements ont été réalisés entre le 21 et 27 août 2018 ainsi que par la note d’étude faite par le cabinet Expertis mandaté pour assister l’huissier de justice en ses constatations sur la base des données informatiques ainsi extraites.
Etant rappelé que M. [H] a présenté sa démission le 27 mai 2018 et que la société Varroc reconnaît en page 4 de ses écritures l’avoir embauché par un contrat de travail signé dès le 1er juin 2018, ce dont il se déduit que les appelants étaient en relations antérieurement et concomitamment aux opérations litigieuses, la société Valeo Vision justifie d’un faisceau d’indices rendant plausibles les griefs de concurrence déloyale par l’utilisation de données confidentielles détournées par son ancien salarié au profit de la société Varroc pendant sa période de préavis et surtout quelques jours seulement avant son arrivée effective au sein de ladite société Varroc en septembre 2018, et ce peu importe que la preuve ne soit pas rapportée, à ce stade de la procédure, d’une utilisation avérée desdites données par cette dernière.
Sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs allégués par la société Valeo Vision relatifs notamment au débauchage de ses salariés, les éléments susvisés suffisent à établir qu’elle justifie d’un motif légitime à la mesure de saisie sollicitée.
– sur la mesure ordonnée :
La société Varroc dénonce le caractère trop général et intrusif de la mission confiée à l’huissier de justice, en ce qu’il a été autorisé à procéder à la saisie de tous courriels, pièces jointes et fichiers relatifs à ‘VLS’ et ‘VIS’ et à utiliser les recherches par le mot clé ‘VLS’ sans considération de l’existence ou non d’un lien avec les faits rapportés par la société Valeo Vision, alors que ‘VLS’, ou ‘VIS’ si la seconde lettre est un L minuscule, correspondent également à ses propres initiales.
Elle soutient également que la saisie de ces éléments est susceptible de porter une atteinte disproportionnée au secret de ses affaires qui ne se justifie pas par un éventuel lien avec les faits dénoncés, relevant que le premier juge lui-même a admis l’ambiguïté de ces initiales sans en tirer toutefois les conséquences quant à la mission de l’huissier de justice.
L’appelante fait observer que le juge des requêtes du tribunal de grande instance de Nanterre avait, s’agissant de la mesure de saisie opérée au domicile de M. [H], écarté de nombreux termes dont ‘VLS’ de la mission de l’huissier instrumentaire du fait qu’il s’agissait des initiales du nouvel employeur de l’intéressé.
A titre subsidiaire, la société Varroc sollicite la modification de la mesure de saisie pour en écarter ‘VLS’ et ‘VIS’ ainsi que le terme ‘Visibility’ qui est particulièrement générique au regard de son secteur d’activité qui porte sur la fourniture de systèmes d’éclairage extérieur.
Reprenant les restrictions apportées par le juge des requêtes du tribunal de grande instance de Nanterre à la mesure de saisie exécutée chez M. [H], elle sollicite enfin la suppression de ces mêmes fichiers et mots-clés qu’elle détaille en pages 25 et 26 ainsi que dans le dispositif de ses conclusions.
M. [H] insiste quant à lui sur le fait que les recherches à partir du nom de son ancien employeur sont susceptibles de porter atteinte au respect de sa vie privée et des correspondances ainsi qu’à sa liberté de travail, en ce qu’elles vont aboutir au recueil de correspondances et documents de nature exclusivement personnelle relatifs par exemple à des échanges de courriels privés sur sa situation professionnelle, son CV, son avis d’imposition, les informations et alertes relatives à ses messagerie VIADEO et LinkedIN.
A titre subsidiaire, il demande comme la société Varroc que la mission de l’huissier de justice soit restreinte comme proposé dans le dispositif de ses conclusions, rappelant que cette cour dans son arrêt du 5 décembre 2019 a aussi écarté certains mots-clés.
Il conclut en revanche à la confirmation de l’ordonnance critiquée en ce qu’elle a écarté de la mesure, la saisie de ses promesse et lettre d’engagement ainsi que du contrat de travail signé avec la société Varroc, rappelant qu’il s’agit de données personnelles dont l’appréhension, non justifiée par la société Valeo Vision, porte atteinte à sa vie privée.
En réponse, l’intimée rappelle que les initiales ‘VLS’ la désignent également et que les mots ‘visibility system’ ou ‘système de visibilité’ renvoient sur les moteurs de recherche au nom Valeo et non à la société Varroc, ‘Visibility systems’ étant le nom du pôle auquel elle est rattachée au sein du groupe Valeo.
Elle précise que le courriel du 21 août 2018 dont elle sollicite la recherche est celui par lequel M. [H] a transféré des fichiers sur son adresse personnelle, et que les fichiers contenant les mots-clés ‘VIS’, ‘VLS’ et ‘Visibility’ dont elle demande la recherche et la saisie sont une partie de ceux que l’intéressé a téléchargés et transférés sur un disque dur externe avant son départ.
La société Valeo Vision fait enfin valoir que selon une jurisprudence constante le secret des affaires ou le respect de la vie privée ne font pas obstacle à l’application de l’article 145 du code de procédure civile.
L’intimée conclut en revanche à l’infirmation de l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la saisie des documents relatifs à l’embauche de M. [H] par la société Varroc, précisant que ces éléments lui permettraient de confirmer que les agissements de l’intéressé ont débuté dès qu’il a eu confirmation de son embauche par cette dernière.
Sur ce,
Au sens de l’article 145, les mesures légalement admissibles sont celles prévues par les articles 232 à 284-1 du code de procédure civile et qui ne doivent pas porter une atteinte disproportionnée aux intérêts légitimes du défendeur.
Le secret des affaires, de même que le secret des correspondances et le respect de la vie privée, ne constituent pas en soi des obstacles à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile dès lors que les mesures ordonnées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.
Enfin, le juge de la rétractation peut modifier la mission en la complétant ou l’amendant afin qu’elle soit limitée dans son étendue et dans le temps, conformément aux articles 149 et 497 du code de procédure civile.
En l’espèce, l’huissier de justice, assisté d’un expert en informatique indépendant, a été notamment autorisé par l’ordonnance du 4 décembre 2018 à :
– se faire remettre, procéder à une copie et emporter copie de la promesse d’engagement, de la lettre d’engagement et/ou du contrat de travail de M. [H],
– rechercher, se faire remettre et prendre copie de l’ensemble des courriels accompagnés de leurs pièces jointes et fichiers relatifs à ‘Valeo’, ‘VLS’, ‘VIS’ et ‘Visibility”, plus particulièrement un email du 21 août 2018 ainsi que les pièces jointes dénommées ‘L43 EPL Nego Follows’, ‘PI 2018 Jan Forecast-20180115″, ‘Cost&Price Roadmap L43″ se trouvant sur les ordinateurs, les espaces cloud et les boîtes de messagerie utilisés par M. [H],
– rechercher, se faire remettre et prendre copie de fichiers et documents précisément listés dans l’ordonnance, présents sur le disque dur des ordinateurs de M. [H] ainsi que sur tout autre support notamment sur un disque dur externe ou une clé USB,
et pour ce faire, notamment :
– accéder à l’ensemble des documents et moyens informatiques, serveurs, postes utilisateurs, espace cloud ou autres susceptibles de contenir tout ou partie des éléments susvisés,
– utiliser en tant que de besoin les recherches par les mots clés ci-joints :
‘ Valeo, VLS, VIS, Visibility, L43 EPL Nego Follows, PI 2018 Jan Forecast-20180115, Cost&Price Roadmap L43, Rebate agreement Azamoldes, Rebate agreement Brenta PCM, SK48, BOM Skoda KK37X, NDA NICHIA, MPS, SPM, MLCC, PCBA Fabrinet, SMART, Auction Electronic Group Q4, Chrzanow, 2018 E Commodity Strategy review-SQA data, 2018 Segment EA Purchasing Strategy V1 short, 2018 strategy review EB 2018″.
Il convient en premier lieu de circonscrire d’office les recherches des courriels à la période comprise entre le 1er mai 2018 et le 30 septembre 2018 telle que sollicitée par la société Valeo Vision dans sa requête.
Contrairement à ce que soutient l’intimée, les termes ‘VLS’ et ‘Visibility’ apparaissent trop génériques pour la recherche de courriels, ces initiales pouvant correspondre tant à la société Varroc qu’à la société Valeo et le terme ‘Visibility’ pouvant s’appliquer aux deux sociétés concurrentes. Ce point de la mission de l’huissier de justice sera en conséquence modifié afin d’écarter ces deux mots-clés pour la recherche de courriels.
Par ailleurs, si l’huissier de justice a été autorisé à prendre copie des courriels et pièces jointes de M. [H] avec le mot clé ‘Valeo’ se rapportant au nom de son ancien employeur, il n’est pas exclu que cette recherche conduise à l’appréhension de documents personnels sans lien avec l’objectif de la mesure (tels que des échanges de courriels privés sur la situation professionnelle, son curriculum vitae).
Dès lors il convient de préciser que cette recherche doit être limitée aux courriels et fichiers joints comportant le mot clé ‘Valeo’ dans l’objet, le nom ou l’adresse mail de l’émetteur et/ou du destinataire du courriel afin que la société Valeo Vision puisse établir par ces recherches que le courriel du 21 août 2018 et ses pièces jointes ont ou pas été transférés sur les ordinateurs, espaces cloud et boites de messagerie utilisés par M. [H] au sein de la société Varroc.
Tenant compte des restrictions ainsi opérées, n’apparaît en revanche pas disproportionnée la recherche portant sur les fichiers et documents comprenant les mots-clés ‘VLS’, ‘Visibility’ et ‘Valeo’ dès lors qu’ils sont expressément contenus dans le nom des fichiers appartenant à la société Valeo Vision listés dans l’ordonnance et qui auraient été, selon ses pièces 12 à 15, téléchargés par M. [H], ceux-ci ne concernant pas la société concurrente Varroc.
Il en est de même pour les autres mots-clés précisément listés dans l’ordonnance et qui se rapportent directement aux libellés desdits fichiers et au courriel du 21 août 2018, les appelants n’établissant notamment pas que le mot-clé ‘VIS’ ou ‘vis’ en minuscule, distinct de ‘VLS’ ou ‘vls’ en minuscule, ainsi que les documents dont ils réclament la suppression aux termes du dispositif de leurs conclusions, concernent la société Varroc de quelque manière que ce soit et qu’il existe un risque d’atteinte au secret des affaires ou à la vie privée de M. [H].
La société Varroc ayant reconnu que le contrat de travail de celui-ci avait été conclu le 1er juin 2018, il apparaît en revanche inutile, au vu des motifs allégués par la société Valeo Vision, d’en ordonner la saisie.
L’ordonnance sera toutefois infirmée en ce qu’elle a écarté la saisie de la promesse d’embauche et de la lettre d’engagement de M. [H], alors que celles-ci, si elles existent, sont nécessairement antérieures à la signature du contrat de travail et sont de nature comme l’invoque l’intimée, à établir la date à laquelle celui-ci a eu confirmation de son embauche par la société Varroc et par voie de conséquence, la concomitance entre cette décision et le début des détournements de documents allégués, certains étant intervenus dès le 17 mai 2018.
L’atteinte portée par la saisie de ces 2 documents à la vie privée de M. [H] n’apparaît pas disproportionnée au regard du motif légitime de la société Valeo Vision à procéder à l’établissement de cette preuve pour se protéger des actes de concurrence déloyale dont elle aurait été victime du fait de ses agissements.
Dans ces conditions, la mission de l’huissier de justice apparaît proportionnée à l’objectif poursuivi dès lors qu’elle se trouve suffisamment circonscrite dans son objet et dans le temps.
Pour l’ensemble de ces raisons, et avec la limitation ordonnée, il n’y a donc pas lieu de rétracter l’ordonnance sur requête du 4 décembre 2018.
– sur les demandes accessoires :
L’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Parties perdantes, la société Varroc et M. [H] ne sauraient prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Ils devront en outre supporter les dépens d’appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.
Il est en outre inéquitable de laisser à la société Valeo Vision la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. Les appelants seront en conséquence condamnés à lui verser une somme globale de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.