Séquestre provisoire : 22 novembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01224

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Séquestre provisoire : 22 novembre 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 22/01224
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N° RG 22/01224 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LJJD

C3

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 22 NOVEMBRE 2022

Appel d’une ordonnance (N° R.G. 22/00031)

rendue par le Tribunal judiciaire de Valence

en date du 16 mars 2022

suivant déclaration d’appel du 23 mars 2022

APPELANTE :

LA SAS SOFI RHONE ALPES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Justine MOREAU, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

M. [U] [B]

de nationalitéfrançaise

né le 1er aout 1977 à [Localité 6]

[Adresse 8]

[Localité 4]

LA SAS FROID ENERGIE EVOLUTION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentés par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE postulant et plaidant par Me Anne TESTON, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, présidente,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

M. Laurent Desgouis, vice-président placé,

Assistés lors des débats de Mme Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l’audience publique du 03 octobre 2022, Mme Clerc a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les sociétés SAS Sofi Rhône Alpes et Froid Energie Evolution interviennent dans le même secteur d’activité (en substance’: vente, installation, maintenance, dépannage d’appareils de climatisation, de ventilation et de froid).

M. [U] [B] a occupé le poste de chargé d’affaires de la société Sofi Sud à compter de janvier 2006, puis, à partir du 28 décembre 2017,celui de directeur général de la société Sofi Rhône Alpes dont il a acquis 5’% des titres, avant d’en être désigné président en mai 2019′; à la suite de désaccords, il a démissionné de ce poste le 15 avril 2020 avec effet au 15 mai 2020. Il a cédé les actions qu’il détenait et s’est vu notifier la levée de son engagement de non-concurrence par courrier recommandé du 12 mai 2020 de la société Sofi Rhône Alpes .

Après avoir été, à compter du 1er février 2020, salarié de la société Action Optimisation Energies dont les clients étaient communs à ceux de la société Sofi Rhône Alpes, il est devenu en mars 2021 apporteur d’affaires de la société Froid Energie Evolution créée en février 2020 par son amie, Mme [M] [H] qui en est la dirigeante.

Par requête du 22 novembre 2021, la société Sofi Rhône Alpes, estimant être victime d’agissements déloyaux de la part de M. [B] commis par l’entremise de la société concurrente Froid Energie Evolution (notamment baisse de son chiffre d’affaires et débauchage de ses salariés après la création de cette société concurrente), a sollicité auprès du juge des référés du tribunal judiciaire de Valence, la désignation d’un huissier, aidé d’un informaticien, aux fins de procéder aux opérations de constat indispensables à l’établissement et à la conservation, avant tout procès, de la preuve de l’étendue des faits fautifs commis à son préjudice.

Par ordonnance du 23 novembre 2021, le président du tribunal précité, juge des référés, a fait droit à la requête en’:

constatant que la société Sofi Rhône Alpes était fondée à ne pas appeler les parties visées par la mesure car les pièces recherchées étaient de nature essentiellement électronique et doncpouvant être facilement détruites pour faire échec à la mesure,

autorisant la société Sofi Rhône Alpes à mandater la SELARL Chezeaubernard Isère, huissiers de justice, avec mission de’:

se rendre dans les locaux de M. [U] [B] situés [Adresse 7] et/ ou en quelque lieu que ce soit où il aura avec lui ses supports informatiques et mobiles,

et au sein de l’établissement secondaire de la société Froid Energie Evolution (FEE), domicilié dans les locaux précités de M. [U] [B] lieu de l’activité effective de la société Froid Energie Evolution à partir desquels il dirige en réalité cette société,

se faire communiquer tout document contractuel liant la société Ez Costec et EFC avecM. [U] [B] ou tout autre document de nature à démontrer sa qualité au sein de ces sociétés,

vérifier, prendre copie, par tous moyens de recherche utile , et notamment par examende tous supports informatiques et téléphones mobiles et accessibles depuis les locaux de [U] [B] et de l’établissement secondaire de FEE et spécialement à partir des messageries, la présence d’éventuels courriers électroniques , offres commerciales, contrats ou tous autres documents , créés, copiés, modifiés ou transformés depuis le 1er février 2020 reçus ou envoyés par M. [B] et /ou le personnel de la société FEE, contenant les mots clés suivants , étant précisé qu’afin d’éviter tout risque de confusion, ces mots ou ensemble de mots seront pris isolément et non comme partie d’un autre mot :

Sofi Rhône Alpes, Froid Evolution Energie ou F2E ou FEE, Froid Technic Energie ou FTE, Ecosten, Super U, Leclerc, Intermarché ou ITM, Netto, la Vie Claire, Bancel, ou Romans Salaisons, Viale et Dumais, Rapid Bleus, Carrefour Utile, M. [E] [F], Mme [A] [O] [T], M. [G] [C], M. [D] [X], Mme [M] [H], M. [I] [L],

prendre copie de tout document liant M. [U] [B] et la société FEE à M. [E] [F], Mme [A] [O] [T], M. [G] [C], M. [D] [X], Mme [M] [H], M. [I] [L],

se faire communiquer et au besoin rechercher et extraire et prendre copie des documents accessibles depuis les supports suivants :

outils informatiques de M. [B] et de la société FEE, ceux des personnes directement concernées par le litige, ceux de leurs collaborateurs et secrétaires directs (ordinateurs fixes ou portables, messageries électroniques, périphériques de stockage tels que disques durs externes , et clés USB etc.),

tout outil ou accessoire de communication mobile ( téléphone portable, carte SD ‘),

tout support d’archivage informatique et/ou serveur accessible à distance accessible par voie électronique à partir des équipements informatiques présents sur les lieux des opérations , y compris auprès d’hébergeurs cloud , aux fins d’exécution de la mission,

tout support papier,

installer tout logiciel , brancher tout périphérique,

se faire communiquer par M. [B] et/ ou le personnel de la société FEE tout code d’accès informatique nécessaires à l’exécution de sa mission,

extraire les disques durs des postes informatiques concernés puis les y replacer après en avoir pris copie,

réparer ou récupérer les documents , fichiers et correspondances informatiques qui auraient été endommagés, dissimulés ou supprimés si des traces de telles interventions sont visibles,

consigner les déclarations des répondants ainsi que toutes paroles prononcées au cours des opérations,

exclure du champ de sa recherche tout document ou dossier intitulé « personnel » « perso »ou « privé » et toutes correspondances en provenance ou à destination du ou des avocats du requis (à l’exception des correspondances dans lesquels l’avocat est seulement en copie, sans en être destinataire direct) dont les noms devront lui être communiqués par le requis,

vérifier et s’assurer ,en présence d’un tel document ou dossier, du caractère rééllement privé des informations qu’il contient,

consigner les déclarations des répondants, et d’une façon générale de toutes paroles qui seraient prononcées au cours des opérations en s’abstenant de toute interpellation qui ne soit pas nécessaire à l’accomplissement de sa mission,

dresser de ces opérations un procès verbal qui servira ce que de droit et l’adresser à la société Sofi Rhône Alpes,

conserver l’ensemble des documents qu’il aura recueillis , en séquestre provisoire , sans qu’il puisse en donner connaissance au requérant , pendant le délai de un mois suivant la signification de l’ordonnance,

Et pour les besoins d’exécution des mesures d’instruction’:

autoriser l’huissier à se faire assister d’un ou plusieurs expert(s) , technicien(s) ou ingénieur(s) en informatique indépendant(s) del a partie requérante , ainsi que d’un serrurier et du concours de la force publique ,

autoriser l’huissier, assisté du ou des experts, techniciens, ou ingénieurs

à se faire communiquer tous les mots de passe , codes d’accès etc …nécessaires à leurs opérations,

à se munir età apporter sur les lieux les appareils informatiques et supports d’archivage informatique utiles à sa mission , notamment ordinateurs portables , appareils d’enregistrement mémoires amovibles et supports d’enregistrement,

à installer tout logiciel ou brancher tout périphérique pour les besoins des opérations

dire que dans le cadre de sa mission, l’huissier et le ou les experts, techniciens, ingénieurs l’assistant , pourront procéder par tous moyens et toutes modalités techniques qu’ils estimeront appropriées ; en ce compris , au regard du volume des documents et fichiers informatiques trouvés, leur copie afin de rechercher , par une analyse différée les éléments précis définis par l’ordonnance,

dire que dans ce cas l’huissier, le ou les experts, techniciens, ingénieurs l’assistant pourront procéder à l’extraction et à la copie complège en 4 exemplaires des disques durs des ordinateurs ou serveurs,

autoriser l’huissier à conserver sous séquestre une des 4 copies , qui ne sera pas transmise à la partie requérante afin de servir de référentiel,

autoriser l’huissier à procéder aux recherches et mesures visées dans la présente ordonnance dans le laboratoire technique assisté par le ou les experts, techniciens ou ingénieurs,

dire que dans le cadre de sa mission l’huissier assisté d’un ou des experts, techniciens, ingénieurs devra masquer, par tout moyen approprié, avant remise à la requérante, toutes informations contenues dans les documents dont la recherche n’a pas été prescrite par l’ordonnance,

dire que l’huissier devra consigner les résultats de ses recherches dans un procès verbal de constat qui sera remis à la société Sofi Rhône Alpes,

autoriser l’huissier assisté d’un ou des experts, techniciens, ingénieurs à procéder à une copie sur un support numérique des fichiers, dossiers , documents , courriels identifiés par rapport aux recherches effectuées,

disant que l’huissier devra procéder à sa mission dans un délai de 3 mois suivant l’ordonnance,

disant que l’ordonnance sera exécutoire au vu de la minute,

disant qu’il en sera référé en cas de difficulté.

Cette ordonnance a été exécutée le 14 décembre 2021.

Par acte extrajudiciaire du 12 janvier 2022, la société Froid Energie Evolution et M. [B] ont assigné la société Sofi Rhône Alpes devant le juge des référés de la même juridiction en rétractation de l’ordonnance précitée du 23 novembre 2021 et pour voir ordonner subséquemment, sous astreinte, la restitution de tous documents, fichiers, pièces ou supports appréhendés et la destruction de toute éventuelle copie, la destruction du procès-verbal de constat réalisé en exécution de l’ordonnance litigieuse , sans préjudice de sa condamnation aux frais irrépétibles et aux dépens.

Selon ordonnance de référé du 16 mars 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Valence a’:

prononcé la rétractation de l’ordonnance du 23 novembre 2021 rendue par le président du tribunal judiciaire de Valence,

ordonné à la SELARL Chezeaubernard Isère ou tout autre huissier mandaté par la société Sofi Rhône Alpes’:

la restitution à la société Froid Energie Evolution ou M. [B] de tous documents , fichiers, pièces ou supports appréhendés et ordonné la destruction de toute éventuelle copie,

la destruction du procès-verbal de constat réalisé en exécution de l’ordonnance rendue le 23 novembre 2021par le tribunal judiciaire de Valence,

dit n’y avoir lieu à prononcé d’une astreinte,

condamné la société Sofi Rhône Alpes aux dépens,

dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 23 mars 2022, la société Sofi Rhône Alpes a relevé appel de cette dernière décision.

Aux termes de ses conclusions déposées le 12 mai 2022 sur le fondement des articles 145, 493 et 845 du code de procédure civile, la société Sofi Rhône Alpes demande à la cour de’:

à titre principal, infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée du 16 mars 2022 et statuant à nouveau,

confirmer en toutes ses dispositions, l’ordonnance délivrée par le président du tribunal judiciaire de Valence le 23 novembre 2021,

à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour jugeait que la limitation temporelle ne porte pas sur tous les chefs d’investigation :

infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée du 16 mars 2022 et statuant à nouveau,

confirmer l’ordonnance délivrée par le président du tribunal judiciaire de Valence le 23 novembre 2021, sauf en ce qu’il a autorisé l’huissier à :

« prendre de tout document liant M. [U] [B] et la société FEE à :

– M.[E] [F],

– Mme [A] [O] [T],

– M. [G] [C],

– M. [D] [X],

– Mme [M] [H],

– M. [I] [L]. »

en tout état de cause,

condamner M. [B] et la société Froid Energie Evolution au paiement de la somme de 7.000€ chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.

A l’appui de son appel, elle fait valoir en substance que’:

elle a satisfait aux conditions de l’article 145 du code de procédure civile pour la délivrance d’une ordonnance sollicitée sur requête,

elle dispose d’un motif légitime à la délivrance d’une ordonnance basée sur l’article 145 du code de procédure civile, produit des éléments objectifs de nature à laisser présumer les faits allégués et démontrant la probabilité des faits dont elle se plaint, à savoir’:

la création d’une société concurrente (Froid Energie Evolution ) par une proche de M. [B], étrangère au secteur, Mme [H],

la fictivité du siège officiel de cette société concurrente,

l’exercice de l’activité de Froid Energie Evolution dans les locaux du domicile de M. [B] (étant devenu qui plus est un établissement secondaire depuis le mois de juin 2021),

le débauchage par Froid Energie Evolution de 20% de ses effectifs dans l’agence Sofi Rhône Alpes de Grange les Beaumont,

la visite minutieuse et systématique des clients de Sofi Rhône Alpes par Froid Energie Evolution et M. [B],

les liens évidents entre Froid Energie Evolution et M. [B],

la baisse drastique du chiffre d’affaires intervenue depuis la création de la société Froid Energie Evolution,

la mesure sollicitée a une utilité probatoire, et est circonscrite dans le temps, l’espace et dans son objet.

Par conclusions déposées le 13 juin 2022 sur le fondement des articles 145, 496, et 497 du code de procédure civile, la société Froid Energie Evolution et M. [B] demandent à la cour de’:

confirmer purement et simplement en toutes ses dispositions l’ordonnance déférée (suit l’énumération du dispositif de cette décision),

en toute hypothèse,

rejeter l’ensemble des demandes de la société Sofi Rhône Alpes,

condamner la société Sofi Rhône Alpes à leur verser à chacun la somme de 8.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

condamner la même aux entiers dépens.

Les intimés défendent que’:

il n’existe pas de motif légitime aux mesures d’instruction in futurum sollicitées, la société Sofi Rhône Alpes ayant présenté des faits erronés au juge des référés, alors même que M. [B] n’a pas créé la société Froid Energie Evolution et n’en exerce pas la direction, que les départs de salariés de Sofi Rhône Alpes ont débuté dès 2018 et les salariés visés dans la requête n’étaient pas tenus par une clause de non-concurrence et la baisse de chiffre d’affaires n’est pas justifiée,

les mesures sollicitées ne sont pas légalement admissibles en raison de leur caractère général et disproportionné (pas de limitation temporelle sauf pour une seule, ni de limitation spatiale et encore moins de limitation quant à leur objet) comme aboutissant à connaître de l’ensemble de la structure, de la clientèle, des contrats, factures et donc marges de la société Froid Energie Evolution et concernant M. [B], de l’ensemble de ses activités dont celle de dirigeant de Froid Energie Expertise et Ecosten, mais aussi d’informations confidentielles de la société Action Optimisation Energies, tiers au litige, dont il était salarié, ou encore des données de la clientèle de la société Ecosten pour laquelle il fournit des prestations de conseil et enfin des éléments de sa vie privée et de ses connaissances.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2022.

MOTIFS

A titre liminaire, il est rappelé que la cour n’est pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation ni de procéder à des recherches que ses constatations rendent inopérantes et doit statuer sur les seules demandes mentionnées au dispositif des dernières conclusions des parties.

En droit, selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Il appartient au requérant d’exposer tout à la fois l’existence d’un motif légitime et celle de l’existence de circonstances spéciales ou à défaut d’un contexte particulier pour justifier une dérogation au principe fondamental du contradictoire, ces deux conditions de recevabilité cumulatives devant exister au jour de la requête.

Si l’une de ces deux conditions fait défaut, il n’est nul besoin de procéder à l’examen des autres éléments, la sanction de la rétractation devant être alors prononcée.

Selon l’article 497 du code de procédure civile, le juge saisi d’une demande de rétractation peut soit rétracter l’ordonnance soit la modifier.

Il doit faire une appréciation in concreto, vérifier les mérites de la requête et de l’ordonnance rendue sur requête au jour où il statue, en tenant compte de tous éléments débattus contradictoirement en dehors des éléments obtenus par le biais de la saisie litigieuse qui ne peuvent servir à valider a posteriori le bien-fondé de la requête. Il doit également vérifier si la mesure prononcée est toujours justifiée au jour où il statue.

En revanche, tout fait nouveau y compris les éventuelles difficultés d’exécution intervenus postérieurement à la requête ne peuvent a posteriori venir justifier les conditions de recevabilité de la requête.

Sur le motif légitime

Les intimés s’abstiennent d’opposer des moyens de contestation sérieux pour contrer l’existence du motif légitime retenu par le juge des référés caractérisé par le fait que la société Sofi Rhône Alpes rapporte la preuve de plusieurs éléments factuels concordants de nature à étayer ses craintes quant à l’activité de la société FEE et les agissements de ancien salarié M. [B] pouvant être de nature à fonder une action en concurrence déloyale.

En effet, les intimés élèvent des protestations et se livrent à des analyses qui touchent au fond du litige, M. [B] soutenant en substance de pas avoir créée la société FEE et n’y exercer aucune fonction de direction, mais également que le départ des salariés de la société Sofi Rhône Alpes n’est pas fautif et aurait débuté bien avant sa démission, voire que la baisse de chiffre d’affaires de la société Sofi Rhône Alpes ne serait pas justifiée.

Or, le motif légitime au sens de l’article 145 du code précité n’est pas subordonné à la démonstration du bien fondé des moyens soutenus à l’appui de la demande d’une mesure d’instruction in futurum’; il suffit que le demandeur établisse qu’il a un intérêt éventuel à agir en démontrant qu’un litige peut naître sur une prétention ayant au moins les apparences du sérieux et que la mesure sollicitée est utile en vue de rapporter des éléments de preuve dans la perspective d’une instance au fond,

En conséquence, sauf à plagier la décision entreprise sur ce point, la cour ne peut qu’adopter les motifs de l’ordonnance déférée qui sont extrêmement complets et documentés tels que réunis à partir de l’étude sérieuse du dossier pour retenir l’existence d’un motif légitime au crédit de la société Sofi Rhône Alpes fondant sa demande de mesure d’instruction in futurum.

Sur la dérogation au principe du contradictoire

Les mesures d’instruction nécessaires à la manifestation de la vérité visées par l’article 145 du code de procédure civile doivent, en principe, suivre une procédure contradictoire en référé.

Ce n’est que par exception lorsque les circonstances exigent que la mesure demandée ne soit pas prise contradictoirement qu’elle peut l’être sur requête en application de l’article 493 du même code.

Il en résulte que la requête et l’ordonnance doivent exposer les circonstances propres au cas d’espèce susceptibles de justifier qu’il doit procédé non contradictoirement.

Est insuffisante à caractériser ces circonstances spéciales l’affirmation d’une suspicion de concurrence déloyale, de même que l’affirmation générale d’un risque d’annulation ou d’une dissimulation de preuve, toute motivation générale étant bannie.

La requête de la société Sofi Rhône Alpes contient des développements circonstanciés sur le motif l’ayant incitée à solliciter une mesure d’instruction subordonnée à l’effet de surprise en mentionnant avec détail les circonstances propres au cas d’espèce justifiant la dérogation à la procédure contradictoire, tenant à la nature électronique des éléments de preuve recherchés qui en rend la destruction facile et rapide, au contact quasi quotidien entretenu par M. [B] avec la société FEE facilitant une concertation rapide pour faire échec aux mesures d’investigation, à la qualité d’anciens membres de sa société des individus suspectés «’qui ne peuvent ignorer qu’ils se placent en situation de déloyauté vis à vis d’elle, leur ancien employeur, et qui doivent veiller à ne pas être surpris’»’; et l’ordonnance sur requête a mis l’accent sur le risque de destruction des pièces recherchées qui étant de nature essentiellement électronique, peuvent aisément être détruites pour faire échec à la mesure, concluant ainsi que l’effet de surprise reste essentiel à l’efficacité de la mesure.

Ainsi, la justification d’une dérogation au principe du contradictoire est suffisamment rapportée dans la requête, reprise dans l’ordonnance sur requête par renvoi à celle-ci.

Sur le caractère légalement admissible de la mesure ordonnée

La mesure doit être proportionnée au but recherché et ne pas être une mesure d’investigation générale.

La proportionnalité s’apprécie à la lumière de la nécessité d’établir la preuve. Si le secret des affaires doit être particulièrement protégé, il n’est pas de nature à empêcher les mesures d’instruction limitées dans le temps et circonscrites à la seule recherche des éléments destinés à établir les preuve des allégations de concurrence déloyale de la société Sofi Rhône Alpes. Les mesures d’instruction ordonnées ne doivent en aucun cas permettre d’accèder de manière déraisonnable à des pans entiers de l’activité des sociétés ou des personnes saisies sans rapport avec les faits allégués.

Le juge des référés s’est livré à une étude approfondie et exhaustive de la mission conférée à l’huissier de justice pour conclure, à la faveur de justes et pertinents motifs adoptés par la cour, que’:

cette mission n’était pas circonscrite dans le temps pour l’ensemble des chefs d’investigation exception faite du chef de mission concernant la recherche d’éléments «’créés, copiés, modifiés ou transformés depuis le 1er février 2020’» contenant des mots clés, les autres pans de la mission étant dépourvus de toute limite temporelle’;

à l’exception de l’indication que cette mission devait se dérouler au domicile de M. [B] et au siège de l’établissement secondaire de la société FEE, il était indiqué que l’huissier pouvait se rendre plus généralement («’et / ou’») «’en quelque lieu que ce soit où il [comprendre’: M. [B]] aura avec lui ses supports informatiques et mobiles’»’; ainsi la mission n’était pas limitée dans l’espace’en tant que pouvant être exécutée en tout lieu sous la seule condition que M. [B] s’y trouve avec ses supports informatiques ou mobiles ;

l’objet de la mission était trop général’; ainsi par exemple, sans que ces observations soient exhaustives, l’objet de la saisie des documents contenant l’un des mots clés n’est pas déterminé, à savoir que la saisie de tout document contenant l’un de ces mots clés est autorisée, sans limitation quant à son objet, de sorte qu’un document professionnel, personnel ou autre est susceptible d’être saisi, sans qu’il soit nécessairement en lien avec le litige, au seul motif qu’il contient l’un des mots clés’; sur ce point, il est avéré que ces mots clés étaient par ailleurs insuffisamment précis à cibler exactement les éléments recherchés, des correspondances privées et personnelles de M. [B] ayant été saisies avec le mot clé «’Utile’» et «’Super’»’ peu important la clause selon laquelle devaient être exclus du champ de la recherche tout document intitulés «’personnel, perso, privé’»’; par ailleurs, la mesure était étendue très généralement «’aux outils informatiques des personnes directement concernées par le litige’» sans plus ample identification, mais encore «’à ceux des collaborateurs et secrétaires directs’»sans davantage de précision sur leur identité, la même imprécision étant relevée à l’égard de nombreux chefs de la mission («’tout autre document de nature à démontrer sa qualité au sein de ces sociétés’»)’; la même critique s’impose à l’égard du point de mission consistant à «’extraire les disques durs des postes informatiques concernés puis de les y replacer après en avoir pris copie’» , toute information de toute nature étant ainsi susceptible d’être copiée et pouvant concerner des personnes ou des sociétés étrangères au litige.

Le moyen tiré de la disproportion de la mesure d’instruction soutenu par la société FEE et M. [B] et retenu par le juge des référés doit être en conséquence également validé par la cour sans plus ample discussion, les contestations opposées par la société Sofi Rhône Alpes étant rejetée comme inopérantes en l’état de l’imprécision et la généralité de la mission décidée par l’ordonnance sur requête telle qu’objectivée à sa seule lecture.

Dès lors, l’ordonnance déférée est confirmée en ce qu’elle a prononcé la rétractation de l’ordonnance sur requête du 23 novembre 2021 en considération du caractère trop général des mesures d’investigation ordonnées in futurum.’

Sur les demandes accessoires

Succombant dans son recours, la société Sofi Rhône Alpes est condamnée aux dépens d’appel et supporte la charge de ses frais de procédure’; elle est dispensée en équité de verser une indemnité de procédure d’appel à la société froid Energie Evolution et à M. [B]. Les dispositions de l’ordonnance déférée du chef des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme l’ordonnance déférée rendue le 16 mars 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Valence,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties en appel,

Condamne la société Sofi Rhône Alpes aux dépens d’appel.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame CLERC, président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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