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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 2
ARRÊT DU 08 DÉCEMBRE 2022
(n° , 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05704 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPQR
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 02 Mars 2022 -Président du TC de PARIS – RG n° J202100048
APPELANTES
S.A.S. ATALIAN, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 11]
RCS de PARIS n°572 181 170
S.A.S. ATALIAN PROPRETE ILE DE FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 11]
RCS de PARIS n°339 718 421
Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056
Ayant pour avocat plaidant Me Sofiane HAKIKI, substitué à l’audience par Me Pauline TANNAI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1653
INTIMES
M. [V], [B], [Z], [C] [H]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assisté à l’audience par Me Caroline BECARD-MARINETTI, avocat au barreau de PARIS, toque : D2033
M. [D] [J]
[Adresse 4]
[Localité 9]
Défaillant, signifié le 23.05.2022 à domicile
M. [U] [A]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Défaillant, signifié le 19.05.2022 à sa personne
G.I.E. ISS SERVICES, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 11]
RCS de Paris n°340 528 652
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée à l’audience par Me Thomas AMICO, avocat au barreau de PARIS, toque : P513
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 octobre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Thomas RONDEAU, Conseiller et Michèle CHOPIN, Conseillère chargée du rapport qui en a donné lecture.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre
Thomas RONDEAU, Conseiller
Michèle CHOPIN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
– RENDU PAR DÉFAUT
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Le groupe Atalian est spécialisé dans l’externalisation de services aux entreprises et dans le “Facility Management”. La société Atalian exerce des activités de conseil pour les affaires et conseils de gestion, tandis que la société Atalian Propreté Ile-de-France est spécialisée dans les prestations de nettoyage industriel.
Le Gie Iss Services comporte cinq entités dont l’activité est l’externalisation des services de l’environnement du travail et est concurrent du groupe Atalian dans le secteur des prestations de services de nettoyage industriel et du “Facility Management”.
M. [V] [H] a rejoint le Gie Iss Services le 11 mai 2009 en qualité d’attaché commercial puis a exercé les fonctions de directeur commercial services spécialisés depuis le 1er juin 2018.
Il a démissionné de son poste en 2020 puis a intégré la société Atalian le 2 novembre 2020 en qualité de “Head of Sales Central Europe”.
Par courriers du 23 décembre 2020, le Gie Iss Services a mis en demeure les sociétés Atalian et M. [H] de mettre un terme au contrat de travail qui les lie, invoquant la violation d’une clause de non-concurrence.
Par requête du 22 avril 2021, le Gie Iss Services a sollicité du tribunal de commerce de Paris une mesure d’instruction in futurum au visa de l’article 145 du code de procédure civile.
Par ordonnances du 29 avril 2021, il a été fait droit à cette demande, la société Asperti-Duhamel, en la personne de l’un de ses associés, huissier-audiencier du tribunal de commerce de Paris, étant désignée pour exécuter la mission.
Le 15 juin 2021, l’huissier-audiencier a procédé aux opérations de saisie des documents fixés dans les ordonnances précitées aux sièges des sociétés Atalian ainsi qu’aux domiciles personnels de MM. [H], [J] et [A].
Par assignation du 13 juillet 2021, les sociétés Atalian et Atalian Propreté Ile-de-France ont sollicité la rétractation des ordonnances rendues à leur encontre, l’annulation des mesures d’instruction effectuées le 15 juin 2021 et la restitution des pièces saisies ainsi que la destruction des copies des documents saisis.
Par ordonnance réputée contradictoire du 2 mars 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :
– débouté les sociétés Atalian Propreté Ile-de-France et Atalian et M. [H] de leur demande de rétractation de l’ordonnance rendue sur requête le 29 avril 2021, sauf en ce qui concerne les mesures d’instruction réalisées au domicile de M. [D] [J] ;
– dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance, sauf en ce qui concerne les mesures d’instruction réalisées au domicile de M. [J] ;
– annulé les mesures d’instruction effectuées sur le fondement de l’ordonnance du 29 avril 2021 au domicile de M. [J] ;
– ordonné la restitution à M. [J] des pièces saisies à son domicile et la destruction de toute copie ;
– dit que l’opération de levée de séquestre doit être engagée selon la procédure ci-après même s’il est fait appel de cette décision tout en préservant les intérêts des requis jusqu’à la décision d’appel ;
– dit que la levée de séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par l’huissier instrumentaire doit se faire conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce ;
– dit que la procédure de levée de séquestre sera la suivante ;
– demandé à la société Atalian Propreté Ile-de-France, la société Atalian, et à M. [H] de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories ; Catégorie « A » qui pourront être communiquées sans examen, Catégorie « B » les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que les défenderesses refusent de communiquer, Catégorie « C » les pièces que les défenderesses refusent de communiquer mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires ;
– dit que ce tri où chaque pièce sera identifiée par numérotation distincte, sera communiqué à la société Asperti-Duhamel en sa qualité de séquestre, pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré ;
– dit que pour les pièces concernées par le secret des affaires, les requis conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce communiqueront au président « un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires » ;
– fixé le calendrier suivant : communication à la société Asperti-Duhamel, en la personne de l’un des associés, huissier- audiencier de ce tribunal, et au président, des tris des fichiers demandés avant le 30 mars 2022 ;
– renvoyé l’affaire, après contrôle de cohérence par l’huissier, à l’audience de référé cabinet du 21 avril 2022 à 14h30 pour la réalisation de la levée de séquestre ;
– dit que le la société Asperti-Duhamel, ès qualités de séquestre, ne pourra procéder à la libération des éléments sus visés entre les mains du Gie Iss services et/ou à la destruction des pièces communicables, qu’après que tous les délais d’appel seront expirés et décision d’appel éventuelle ; que dans cette attente la société Asperti-Duhamel ès qualités de séquestre conservera sous séquestre l’ensemble des pièces ;
– condamné solidairement la société Atalian Propreté Ile-de-France, la société Atalian et M. [H] à payer au Gie Iss services la somme de 5.000 euros et à M. [J] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties ;
– condamné en outre solidairement la société Atalian Propreté Ile’de-France, la société Atalian et M. [H], aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 109.90 euros TTC dont 18,10 euros de TVA ;
– dit que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile.
Par déclaration du 16 mars 2022, la société Atalian et la société Atalian Propreté Ile-de-France ont relevé appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 13 septembre 2022, les sociétés Atalian et Atalian Propreté Ile-de-France demandent à la cour de :
– infirmer l’ordonnance rendue le 2 mars 2022 par le président du tribunal de commerce de Paris en ce qu’elle a :
‘ débouté les sociétés Atalian Propreté Ile-de-France et Atalian, ainsi que M. [H] de leur demande de rétractation de l’ordonnance rendue sur requête le 29 avril 2021, sauf en ce qui concerne les mesures d’instruction réalisées au domicile de M. [D] [J],
‘ dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance sauf en ce qui concerne les mesures d’instruction réalisées au domicile de M. [J],
‘ dit que l’opération de levée de séquestre doit être engagée selon la procédure ci-après même s’il est fait appel de cette décision tout en préservant les intérêts des requis jusqu’à la décision d’appel, dit que la levée de séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par l’huissier instrumentaire doit se faire conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce,
‘ dit que la procédure de levée de séquestre sera la suivante,
‘ demandé à la société Atalian Propreté Ile-de-France, la société Atalian, et M. [H] de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories ; Catégorie « A » qui pourront être communiquées sans examen, Catégorie « B » les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que les défenderesses refusent de communiquer, Catégorie « C » les pièces que les défenderesses refusent de communiquer mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires,
‘ dit que ce tri où chaque pièce sera identifiée par numérotation distincte, sera communiqué à la société Asperti-Duhamel en sa qualité de séquestre, pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré,
‘ dit que pour les pièces concernées par le secret des affaires, les requis conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce communiqueront au président « un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires »,
‘ fixé le calendrier suivant : communication à la société Asperti-Duhamel, en la personne de l’un des associés, huissier audiencier de ce tribunal, et au Président, des tris des fichiers demandés avant le 30 mars 2022,
‘ renvoyé l’affaire, après contrôle de cohérence par l’huissier, à l’audience de référé cabinet du 21 avril 2022 à 14h30 pour la réalisation de la levée de séquestre ;
‘ dit que le la société Asperti-Duhamel, ès qualités de séquestre, ne pourra procéder à la libération des éléments sus visés entre les mains du Gie Iss services et/ou à la destruction des pièces communicables, qu’après que tous les délais d’appel seront expirés et décision d’appel éventuelle ; que dans cette attente la société Asperti-Duhamel ès qualités de séquestre conservera sous séquestre l’ensemble des pièces,
‘ condamné solidairement la société Atalian Propreté Ile-de-France, la société Atalian et M. [H] à payer au Gie Iss Services la somme de 5.000 euros et à M. [J] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
‘ condamné en outre solidairement la société Atalian Propreté Ile’de-France, la société Atalian et M. [H] aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 109.90 euros TTC dont 18,10 euros de TVA,
‘ dit que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– rétracter les trois ordonnances rendues à l’encontre des sociétés Atalian et Atalian Propreté Ile-de-France le 29 avril 2021 par le juge délégué à la présidence du tribunal de commerce de Paris sur les suites d’une requête non-contradictoire déposée le 22 avril 2021 par le Gie Iss Services ayant autorisé des mesures d’instruction in futurum dans leurs locaux situés à [Localité 11] et à [Localité 12], et dire nulle et de nul effet la mission impartie de ce chef à l’huissier commis ainsi que tous les actes et mesures subséquentes ;
– annuler les mesures d’instruction exécutées sur le fondement de l’ordonnance du 29 avril 2021, en ce comprises les opérations de saisie effectuées le 15 juin 2021 à leurs sièges, [Adresse 3] à [Localité 11] et à l’établissement secondaire au [Adresse 1] à [Localité 12]), ainsi qu’aux domiciles des M. [H] et [A] ;
– annuler tous les actes et mesures subséquents dont les procès-verbaux de constat dressés consécutivement à ces opérations ;
– dire n’y avoir lieu à la levée de la mesure de séquestre provisoire ;
– déclarer nulle et non avenue la procédure de levée de séquestre ordonnée par le président du tribunal de commerce de Paris aux termes de son ordonnance du 2 mars 2022, ainsi que tous les actes et mesures subséquents ;
– ordonner à celles-ci la restitution sans délai de l’intégralité des pièces saisies, hors de tout contradictoire, à leur siège social, [Adresse 3] à [Localité 11] et à l’établissement secondaire [Adresse 1] à [Localité 12], ainsi qu’à M. [H] et [A] à leurs domiciles respectifs ;
– dire que l’huissier commis pour procéder aux opérations de saisie devra procéder à la restitution de l’intégralité des documents en sa possession sur simple présentation de l’ordonnance à intervenir ;
– ordonner la destruction de toute copie des documents et de tous les éléments et pièces, quel que soit leur support et leur format, saisis à leur siège social, [Adresse 3] à [Localité 11] et à l’établissement secondaire [Adresse 1] à [Localité 12], ainsi qu’aux domiciles des M. [H] et [A].
Les sociétés Atalian et Atalian Propreté Ile-de-France soutiennent en substance que :
– le motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile n’est pas établi, dès lors qu’aucun élément objectif ne permet d’établir les suspicions selon lesquelles M. [H] aurait violé sa clause de non-concurrence, laquelle, en outre, n’est pas valable puisqu’elle est trop large à la fois sur le plan géographique et celui des restrictions imposées,
– ne constituent pas des éléments objectifs, en effet, les départs pour le groupe Atalian de trois autres anciens salariés du groupe Iss Services présentés comme proches de M. [H], dès lors que la clause de non-concurrence de M. [A] a été levée, de même que celle de M. [J],
– la suspicion d’un détournement de clientèle est mensongère et n’est établie par aucun élément,
– l’ordonnance sur requête n’est pas motivée puisqu’elle ne contient pas les motifs justifiant que serait satisfaite la condition impérative de l’existence d’un motif légitime à la mesure d’instruction sollicitée,
– les circonstances justifiant qu’il soit dérogé au principe du contradictoire ne sont pas établies non plus, dès lors que, d’une part, le risque de disparition des preuves inhérent à la nature des documents ne peut suffire à justifier le recours à une procédure non-contradictoire, et que, d’autre part, le reproche d’opacité allégué est parfaitement infondé ainsi que les suspicions de concurrence déloyale,
– les mesures prescrites par l’ordonnance sont enfin disproportionnées en ce qu’elles ne sont pas suffisamment circonscrites et permettent à la requérante d’avoir accès à l’ensemble des informations de l’activité des sociétés Atalian.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 9 septembre 2022, M. [H] demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance du 2 mars 2022 en ce qu’elle a :
‘ débouté les sociétés Atalian Propreté Ile-de-France et Atalian, ainsi que M. [H] de leur demande de rétractation de l’ordonnance rendue sur requête le 29 avril 2021, sauf en ce qui concerne les mesures d’instruction réalisées au domicile de M. [D] [J],
‘ dit n’y avoir lieu à rétractation de l’ordonnance sauf en ce qui concerne les mesures d’instruction réalisées au domicile de M. [J],
‘ dit que l’opération de levée de séquestre doit être engagée selon la procédure ci-après même s’il est fait appel de cette décision tout en préservant les intérêts des requis jusqu’à la décision d’appel,
‘ dit que la levée de séquestre des pièces obtenues lors des opérations de constat par l’huissier instrumentaire doit se faire conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce,
‘ dit que la procédure de levée de séquestre sera la suivante,
‘ demandé à la société Atalian Propreté Ile-de-France, la société Atalian, et à M. [H] de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories ; Catégorie « A » qui pourront être communiquées sans examen, Catégorie « B » les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que les défenderesses refusent de communiquer, Catégorie « C » les pièces que les défenderesses refusent de communiquer mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires,
‘ dit que ce tri où chaque pièce sera identifiée par numérotation distincte, sera communiqué à la société Asperti-Duhamel en sa qualité de séquestre, pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré,
‘ dit que pour les pièces concernées par le secret des affaires, les requis conformément aux articles R. 153-3 à R. 153-8 du code de commerce communiqueront au président « un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d’un secret des affaires »,
‘ fixé le calendrier suivant : communication à la société Asperti-Duhamel, en la personne de l’un des associés, huissier audiencier de ce tribunal, et au Président, des tris des fichiers demandés avant le 30 mars 2022,
‘ renvoyé l’affaire, après contrôle de cohérence par l’huissier, à l’audience de référé cabinet du 21 avril 2022 à 14h30 pour la réalisation de la levée de séquestre,
‘ condamné solidairement la société Atalian Propreté Ile-de-France, la société Atalian et M. [H] à payer au Gie Iss Services la somme de 5.000 euros et à M. [J] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ rejeté toutes demandes plus amples ou contraires des parties,
‘ condamné en outre solidairement la société Atalian Propreté Ile-de-France, la société Atalian et M. [H], le Gie Iss Services aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 109.90 euros TTC dont 18,10 euros de TVA,
‘ dit que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– rétracter l’ordonnance rendue le 29 avril 2021 et la déclarer nulle et non avenue, avec toutes les conséquences de droit et de fait ;
– annuler en conséquence, les mesures d’instruction exécutées sur le fondement de cette ordonnance, en ce comprises les opérations effectuées par l’huissier en date du 15 juin 2021, au domicile de M. [H], au domicile de M. [H], au domicile de M. [A], au siège social de la société Atalian, au siège social de la société Atalian propreté Ile-de-France et l’établissement secondaire de la société Atalian situé [Adresse 1] à [Localité 12], ainsi que tous les actes subséquents dont les procès-verbaux de constat dressés consécutivement à ces opérations ;
– ordonner la destruction des éléments issus des mesures d’instruction effectuées en exécution de l’ordonnance, en ce comprises celles effectuées par l’huissier le 15 juin 2021, aux domiciles de M. [H] et de M. [A], aux sièges sociaux des sociétés Atalian Propreté Ile-de-France et Atalian, ainsi que de l’établissement secondaire précité de cette dernière ;
– dire n’y avoir lieu à la levée de la mesure de séquestre provisoire ;
– déclarer nulle et non avenue la procédure de levée de séquestre ordonnée aux termes de son ordonnance du 2 mars 2022, avec toutes les conséquences de droit et de fait, en ce compris, tous les actes subséquents ;
– ordonner en conséquence, la destruction des éléments issus des mesures d’instruction précitées et qui auront été remis à l’huissier es qualité de séquestre et au président du tribunal de commerce de Paris, en exécution de la procédure de levée de séquestre et de tri ordonnée aux termes de l’ ordonnance du 2 mars 2022 ;
– condamner le Gie Iss Services à verser à M. [H], la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner le Gie Iss Services aux entiers dépens de la première instance ;
– condamner le Gie Iss Services à verser à M. [H] la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner le Gie Iss Services aux entiers dépens de la procédure d’appel ;
– dire l’arrêt à intervenir commun et opposable à l’ensemble des parties concernées par l’ordonnance sur requête du 29 avril 2021.
M. [H] soutient en substance que :
– les conditions d’une mesure d’instruction in futurum ne sont pas réunies en ce que l’ordonnance ne comporte pas la motivation exigée par la loi et la jurisprudence et en ce que les pièces sur lesquelles se fondaient la requête n’ont pas été signifiées au requis préalablement aux opérations diligentées, ce qui entache la procédure d’irrégularité et justifie la rétractation de l’ordonnance,
– le motif légitime fait clairement défaut dans la mesure où il n’est pas justifié d’éléments objectifs démontrant la probabilité des faits supposés par le Gie Iss Services,
– les mesures autorisées par l’ordonnance ne sont pas légalement admissibles en ce qu’elles sont assimilables à des mesures d’investigation générales et qu’elles portent déraisonnablement atteinte à la vie privée du requis ainsi qu’au secret des affaires de son employeur.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 06 septembre 2022, le Gie Iss Services demande à la cour de :
– rejeter comme infondées les demandes, fins, moyens et prétentions des sociétés Atalian et Atalian Propreté Ile-de-France et de M. [H] ;
En conséquence,
– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 2 mars 2022 ;
– ordonner la mainlevée de la mesure de séquestre, portant sur les documents, fichiers ou autres éléments saisis résultant du tri effectué qui lui seront ainsi remis ;
– condamner en cause d’appel les sociétés Atalian et Atalian Propreté Ile-de-France ainsi que M. [H] à lui verser la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement les sociétés Atalian et Atalian Propreté Ile-de-France et M. [H] aux entiers dépens de la procédure d’appel, dont distraction au profit de Me François Teytaud dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le Gie Iss Services soutient en substance que :
– l’ordonnance sur requête est parfaitement motivée, dès lors qu’elle expose non seulement les raisons de déroger au principe du contradictoire mais également les motifs légitimes justifiant de procéder à des mesures d’instruction in futurum de façon suffisamment précise et circonstanciée,
– aucune irrégularité n’affecte les mesures d’instruction ordonnées,
– ces mesures d’instruction ont été sollicitées et autorisées conformément aux exigences de l’article 145 du code de procédure civile et sont manifestement proportionnées.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
Les appelants ont régulièrement signifié leur déclaration d’appel et leurs conclusions à M. [D] [J] et M. [U] [A], qui n’ont pas constitué avocat.
SUR CE,
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.
L’article 145 suppose l’existence d’un motif légitime, c’est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l’objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d’autrui. Elle doit être pertinente et utile.
Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
De plus, si la partie demanderesse dispose d’ores et déjà de moyens de preuves suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litiGieux, la mesure d’instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.
Il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. Cette voie de contestation n’étant que le prolongement de la procédure antérieure, le juge doit statuer en tenant compte de tous les faits s’y rapportant, ceux qui existaient au jour de la requête mais aussi ceux intervenus postérieurement à celle-ci.
Il doit ainsi apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui.
Le juge doit également rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit.
Enfin, la mesure ordonnée doit être circonscrite aux faits dénoncés dans la requête dont pourrait dépendre la solution du litige et ne pas s’étendre au-delà. Elle ne peut porter une atteinte illégitime au droit d’autrui. Ni l’urgence ni l’absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d’application de ce texte.
Le Gie Iss Services soutient qu’il dispose d’un motif légitime à accéder aux documents qui lui permettront d’établir que M. [H] n’aurait pas respecté la clause de non-concurrrence qui les liait, ni sa clause de non-débauchage, puisqu’il aurait fait recruter MM. [J] et [A] au sein de la société Atalian, le groupe Atalian s’étant, pour sa part, rendu complice de ces violations et de concurrence déloyale.
Les sociétés Atalian, appelantes, exposent en premier lieu, et sans toutefois en demander l’annulation, que l’ordonnance rendue sur requête doit être infirmée dans la mesure où elle ne comporte aucune motivation telle qu’exigée par les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile. Toutefois, étant observé que ce moyen, tel qu’il est exposé, a trait en réalité au fond du litige et à l’examen des conditions posées par les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, force est de constater que l’ordonnance rendue le 29 avril 2021 reprend et vise expressément la requête ainsi que ses motifs, de sorte que le juge des requêtes s’est approprié ces motifs et a satisfait à l’obligation de motivation posée par l’article 455 du code de procédure civile qui prévoit que “le jugement doit être motivé” ainsi que par l’article 495 alinéa 1 de ce code qui indique que “l’ordonnance sur requête est motivée” .
En second lieu, M. [H] soutient que les pièces jointes à la requête ne lui ont pas été signifiées avec l’ordonnance et la requête, préalablement à l’exécution des mesures d’instruction.
L’article 495 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée.
Cette disposition étant de nature à permettre à la personne qui supporte la mesure d’être informée de l’exécution d’une mesure in futurum à son encontre, il n’est pas discuté que tant la requête que l’ordonnance sur requête rendue assortie de la liste des pièces produites ont bien été signifiées à M. [H], de sorte que l’exigence posée par les dispositions citées a été respectée, les pièces étant exclues de cette exigence, qui constitue seulement une condition de l’exécution de l’ordonnance sur requête. Ce moyen sera par conséquent rejeté.
Sur le fond du référé, il ressort des pièces produites que :
– la requête soumise par la Gie Iss Services puis l’ordonnance rendue qui la reprend invoquent la nécessité de ménager un effet de surprise dans la mesure où trois circonstances laissent présager un risque de déperdition des preuves, lesquelles sont fragiles, et leur disparition pourrait être recherchée par les protagonistes qui ont déjà fait preuve d’opacité, se sachant soupçonnés de faits graves,
– il s’avère avec évidence sur ce point que s’agissant de faits de concurrence déloyale et de débauchage allégués, les preuves recherchées se trouvent dans des fichiers informatiques contenant des échanges électroniques dont la fragilité intrinsèque ne fait pas débat,
– au cas d’espèce, de plus, le risque de dépérissement des preuves est d’autant plus établi que les deux groupes Iss Services et Atalian sont en concurrence directe et forte dans certains secteurs, que le Gie Iss a le 17 décembre 2020 fait délivrer aux appelants une sommation interpellative à laquelle il n’a pas été répondu puis une mise en demeure, à laquelle il a été apporté une réponse de pure forme,
– de la sorte, les faits de concurrence déloyale et débauchage allégués, dont il est recherché les preuves, justifiaient le recours à une procédure non-contradictoire, et le caractère non contradictoire de cette mesure constituait pour le groupe Iss Services le seul moyen pour lui d’en obtenir la production,
– il ressort ensuite de la chronologie exposée de part et d’autre que M. [H] a démissionné de son poste de directeur commercial services spécialisés régions au sein du Gie Iss Services le 29 juillet 2020 pour rejoindre, ce qui n’est pas contesté, le groupe Atalian, qui indique une date d’embauche au 2 novembre 2020, que M. [J] a démissionné pour sa part le 28 novembre 2020 du Gie Iss Services pour rejoindre le groupe Atalian et y développer le “Facility Management”, que M. [A] a démissionné du Gie Iss Services le 15 décembre 2020 pour rejoindre le groupe Atalian en qualité de directeur des bureaux d’études et enfin, M. [O] a également quitté ses fonctions au sein du Gie Iss services pour le groupe Atalian,
– cette seule chronologie est d’ores et déjà évocatrice de faits à tout le moins de débauchage puisque trois salariés ont quitté le Gie Iss Services pour le groupe Atalian après le départ de M. [H], et est susceptible de constituer le motif légitime exigé par les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile,
– mais de plus, alors que les sociétés Atalian et M. [H] précisent que ce dernier occupe les fonctions de “Head of Sales Central Europe”, il résulte de l’attestation de M. [L], directeur commercial du Gie Iss Services, que M. [H] lui avait indiqué rejoindre le groupe Atalian pour y développer l’activité de “Facility Management”, et de celle de M. [F] directeur multi-techniques chez Iss France que M. [H] occuperait au sein du groupe Atalian les fonctions de directeur commercial France, de sorte que les sociétés Atalian et M. [H] maintiennent une confusion certaine sur la réalité du poste que ce dernier occupe au sein du groupe Atalian, ce qui rend légitime, de plus fort, le motif qui préside à la mesure d’instruction sollicitée,
– il doit être rapproché de cet ensemble de faits la perte justifiée par le groupe Iss Services de plusieurs clients français au cours de l’année 2020 au profit du groupe Atalian (Clyde Union sas, Candia, Centre hospitalier de [Localité 10]) entraînant une perte importante de chiffre d’affaires annuel,
– dans ces conditions, il apparaît bien que la demande du groupe Iss services à avoir accès à des échanges électroniques et fichiers informatiques est incontestablement utile et de nature à améliorer sa situation probatoire,
– s’il n’appartient pas au juge des référés, juge de l’évidence, de statuer sur le différend entre les parties sur la levée ou la validité des clauses de non-concurrence des quatre salariés démissionnaires du groupe Iss Services, et notamment, de M. [H], force est de constater que l’intimée disposait bien au jour du dépôt de sa requête d’un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile à obtenir une mesure d’instruction.
La mesure ordonnée est circonscrite dans le temps et son objet dans la mesure où elle est limitée à vingt-deux mots-clefs précis servant de base à la recherche, et à une période concomittante au départ de M [H] du groupe Iss Services par lettre de démission de juillet 2020, et à l’issue de son préavis en novembre 2020, soit une période qui s’étend raisonnablement du 1er mai 2020 au 31 janvier 2021. Il ne peut donc être sérieusement prétendu que la mesure serait large au point de permettre l’accès à l’intégralité des informations du groupe Atalian et ne viserait aucune période déterminée.
Les sociétés Atalian exposent enfin que le respect de la vie privée et le secret des affaires s’opposeraient à l’exécution de la mesure.
S’agissant du respect de la vie privée, ont été exclus de la recherche par l’huissier de justice tous “document ou dossier intitulé “Personnel”, “Perso”, “Privé” et toutes correspondances en provenance ou à destination des avocats du requis dont les noms doivent être communiqués”.
S’agissant du secret des affaires, sa protection et ses implications interviennent en réalité au cours de la procédure de tri et ne peuvent être invoquées dans ces conditions pour contrer la proportionnalité de la mesure.
Le secret des affaires ne constitue pas en lui-même un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que le motif légitime est établi et que les mesures demandées sont nécessaires à la protection des droits du groupe Iss Services qui les a sollicitées.
Il se déduit de l’ensemble que la communication des informations demandées est bien indispensable à l’exercice du droit à la preuve du groupe Iss Services, pour agir le cas échéant en concurrence déloyale et débauchage, et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.
Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de rétractation de l’ordonnance rendue qui sera confirmée en toutes ses dispositions, étant observé que la rétractation partielle de la mesure en ce qu’elle concerne M. [J] n’est pas critiquée.
La levée de séquestre ayant été organisée par l’ordonnance du 2 mars 2022, il n’y a pas lieu de statuer sur “la main levée” demandée par le groupe Iss Services, l’ordonnance étant confirmée de ce chef également.
Le sort des dépens et de l’indemnité de procédure pour la procédure de première instance ont été exactement réglés par le premier juge.
Il convient de confirmer l’ordonnance entreprise de ces chefs.
Il y a lieu de condamner les sociétés Atalian, Atalian Propreté Ile-de- France et M. [H], parties perdantes, aux dépens de l’instance d’appel.
En outre, les sociétés Atalian, Atalian Propreté Ile-de-France et M. [H] doivent être condamnés à verser au groupe Iss Services, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme globale de 3.000 euros pour la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance rendue en toutes ses dispositions’;
Condamne les sociétés Atalian, Atalian Propreté Ile-de- France et M. [H] aux dépens d’appel.
Condamne les sociétés Atalian, Atalian Propreté Ile-de- France et M. [H] à payer au Gie Iss Services la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE