Requalification en CDI : Cour d’appel de Paris RG n° 21/09723 25 janvier 2024

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Requalification en CDI : Cour d’appel de Paris RG n° 21/09723 25 janvier 2024
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 25 JANVIER 2024

(n° 2024/ , 31 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/09723 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEW6X

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° 18/05376

APPELANTES

S.A. ISSEY MIYAKE EUROPE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. PY-FILMS PRODUCTIONS

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me François STEFANAGGI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1156

INTIMES

Monsieur [E] [C]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Frédéric CHHUM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0929

S.A. ISSEY MIYAKE EUROPE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. PY-FILMS PRODUCTIONS

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me François STEFANAGGI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1156

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Marie-José BOU, Présidente de chambre, et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magitrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. [E] [C] a été engagé par la société Issey Miyake Europe SA, ci-après la société IMESA, société faisant partie du groupe Issey Miyake dont la société mère est la société Issey Miyake Inc, ci-après la société IM Japon, par plusieurs contrats de travail à durée déterminée en qualité d’assistant technique au titre desquels il participait à l’organisation des défilés de la marque Issey Miyake, le premier contrat de travail à durée déterminée étant à effet du 2 juin 2000.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de détail de l’habillement et des articles textiles du 25 novembre 1987.

A compter de 2002, M. [C] a poursuivi son activité sous la qualification d’assistant de production, puis de régisseur général et en dernier lieu de directeur de production en vertu de contrats de travail à durée déterminée conclus avec la société Py films productions, ci-après la société Py, le premier contrat de travail à durée déterminée avec la société Py étant à effet du 12 février 2002.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la production audiovisuelle.

Le 17 juillet 2018, M. [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris à l’encontre des sociétés IMESA et Py, lequel conseil, par jugement du 12 novembre 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

– déclaré l’action recevable ;

– ordonné la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée à compter du 2 juin 2000 ;

– fixé le salaire de base à la somme de 5 378,32 euros ;

en conséquence,

– condamné in solidum les sociétés Py et IMESA à payer à M. [C] les sommes suivantes:

* 10 000 euros à titre d’indemnité de requalification,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour prêt de main d’oeuvre illicite,

* 16 134 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 613,50 euros au titre des congés payés afférents,

* 27 644,56 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

* 60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– rappelé que les intérêts au taux légal commencent à courir à compter du jour du prononcé du jugement s’agissant des demandes à caractère indemnitaire et à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation s’agissant des demandes à caractère salarial ;

– ordonné aux sociétés défenderesses de remettre au demandeur l’ensemble des documents sociaux conformes à la décision ;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision à hauteur d’une somme de 60 000 euros ;

– condamné in solidum les sociétés Py et IMESA au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. [C] du surplus de ses demandes ;

– rejeté les demandes reconventionnelles ;

– condamné in solidum les sociétés Py et IMESA aux dépens.

Par déclaration du 28 novembre 2021, la société Py a interjeté appel de ce jugement, intimant M. [C] et la société IMESA.

Par déclaration du 8 décembre 2021, la société IMESA a interjeté appel de ce même jugement en intimant M. [C] et la société Py.

Le tribunal de commerce de Nanterre ayant par jugement du 7 décembre 2021 ouvert une procédure de sauvegarde à l’égard de la société Py, la SELARL FHB, en la personne de Me [G], et la SELARL [R]-Pecou, en la personne de Me [R], sont volontairement intervenues à l’instance en leur qualité respective d’administrateur judiciaire avec mission d’assistance et de mandataire judiciaire de la société Py par conclusions transmises par le réseau privé virtuel avocats (RPVA) le 27 avril 2022.

Par jugement du 1er décembre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a décidé de mettre fin à la période d’observation de la société Py, clôturé la procédure de sauvegarde et mis fin à la mission des SELARL FHB et [R]-Pecou.

Par ordonnance du 6 septembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 21/09723 et 21/10049.

Par conclusions transmises par le RPVA le 18 septembre 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société Py demande à la cour de :

– juger que :

* la demande par laquelle M. [C] entend voir prononcer la caducité de la déclaration d’appel de Py est irrecevable comme tardive ;

* la déclaration d’appel de Py du 29 novembre 2021 opère la dévolution des chefs de jugement qui y sont critiqués ;

* la cour est en tout état de cause valablement saisie des demandes qui ont été formulées par Py dans ses conclusions d’intimé et d’appel incident du 20 mai 2022 ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* déclaré l’action de M. [C] recevable,

* ordonné la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée à compter du 2 juin 2000,

* fixé le salaire de base à la somme de 5 378,32 euros,

en conséquence,

* condamné in solidum les sociétés Py et IMESA à payer à M. [C] les sommes suivantes :

– 10 000 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt de main d”uvre illicite,

– 16 134,96 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 1 613,50 euros au titre des congés payés afférents,

– 27 644,56 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* rappelé que les intérêts au taux légal commencent à courir à compter du jour du prononcé du jugement s’agissant des demandes à caractère indemnitaires et à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation s’agissant des demandes à caractère salarial,

* ordonné aux sociétés défenderesses de remettre au demandeur l’ensemble des documents sociaux conformes à la décision,

* condamné in solidum les sociétés Py et IMESA au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* rejeté les demandes reconventionnelles,

* condamné in solidum les sociétés Py et IMESA aux dépens ;

– le confirmer en ce qu’il a débouté M. [C] de ses demandes tendant à voir :

‘ fixer la rémunération mensuelle de M. [C] à 6 200 euros nets ;

‘ condamner in solidum Py et IMESA à lui payer :

o 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour marchandage,

o 136 411,98 euros nets à titre de rappels de salaire pendant les périodes intercalaires/interstitielles entre le 1er août 2015 et le 5 juin 2018,

o 13 641,19 euros nets au titre des congés payés afférents,

o 37 200 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé, subsidiairement 32 269,92 euros nets ;

et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

. À titre principal :

– juger que la demande de requalification des contrats à durée déterminée, dits d’«usage », formée par M. [C], est manifestement prescrite et en tout état de cause infondée ;

– juger que la rupture dont a pris l’initiative le salarié doit s’analyser en une démission, avec toutes conséquences de droit ;

– débouter purement et simplement M. [C] de toutes ses demandes, fins ou conclusions ;

. A titre subsidiaire :

– juger que l’action en requalification fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit est prescrite pour tout contrat conclu antérieurement au 17 juillet 2016 ;

– juger que M. [C] ne peut, à supposer que son action soit reconnue fondée sur ce point, se prévaloir d’une ancienneté qu’à compter du 1er septembre 2016, date du premier CDD non atteint par la prescription ;

– juger que l’action en requalification fondée sur le motif de recours au CDD est infondée ;

– juger que M. [C] ne peut pas se prévaloir d’une ancienneté à compter du 2 juin 2000 ;

– fixer le salaire de référence de M. [C] à la somme de 2 798,68 euros bruts mensuel ;

– ramener à de justes proportions, sur la base du salaire de référence susvisé et d’une ancienneté de 1 an et 10 mois, les indemnités auxquelles M. [C] pourrait éventuellement prétendre si par extraordinaire il était jugé que la rupture de la relation de travail s’analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. Reconventionnellement :

– condamner M. [C] à verser à la société Py les sommes suivantes :

* 6 340 euros en remboursement des avances sur salaire dont il a bénéficié,

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour avoir rompu brutalement et sans aucun préavis son CDD qui était en cours à compter du 1er juin 2018,

* 10 000 euros, au titre du préjudice moral et commercial du fait des accusations graves et infondées mises en avant par M. [C], dans le but évident de la discréditer auprès de sa cliente, Issey Miyake,

. En tout état de cause :

– débouter M. [C] de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

– le condamner à verser à la société Py la somme de 15 0000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions transmises par le RPVA le 19 septembre 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société IMESA demande à la cour de :

A titre principal

– infirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société IMESA de sa demande de mise hors de cause ;

Et en conséquence,

– constater que la société IMESA n’est pas partie au contrat de prestation liant IM Japon et Py concernant l’organisation des défilés Issey Miyake ;

En conséquence,

– prononcer la mise hors de cause de la société IMESA ;

Subsidiairement

– infirmer le jugement en ce qu’il a reconnu l’existence d’un contrat

de travail entre la société IMESA et M. [C] alors que la société Py reconnaît être l’unique employeur de ce dernier ;

En conséquence,

– constater l’absence de lien de subordination entre la société IMESA et M. [C] ;

– constater la légalité de la mise à disposition de personnel, composante du contrat de prestation liant la société Py à IM Japon ;

En conséquence,

– débouter M. [C] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamner M. [C] à restituer la somme de 67 691,63 euros réglée par la société Issey Miyake au titre de l’exécution provisoire prononcée ;

– condamner M. [C] au paiement d’une amende civile pour procédure abusive en application des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile ;

– condamner M. [C] à verser à la société IMESA la somme de 5 000 euros au

titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [C] aux entiers dépens.

Par conclusions transmises par le RPVA le 19 septembre 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [C] demande à la cour de :

– In limine litis, dire que la cour d’appel n’est saisie d’aucun chef du jugement critiqué, en l’absence d’effet dévolutif de l’appel interjeté le 29 novembre 2021 par Py ;

– juger l’appel incident de M. [C] recevable et bien fondé ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* ordonné la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée avec reprise d’ancienneté au 2 juin 2000,

* condamné in solidum les sociétés Py et IMESA à payer à M. [C] :

– 10 000 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt de main d’oeuvre illicite,

– une indemnité compensatrice de préavis (confirmation sur le principe et non sur le quantum),

– des congés payés afférents au préavis (confirmation sur le principe et non sur le quantum),

– une indemnité de licenciement (confirmation sur le principe et non sur le quantum),

– une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (confirmation sur le principe et non sur le quantum),

* ordonné la remise des documents sociaux conformes à la décision ;

– infirmer le jugement pour le surplus ;

statuant à nouveau,

– ordonner la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 21/10049 et 21/09723 ‘conformément à l’ordonnance de la cour d’appel du 6 septembre 2023″ ;

– constater l’existence d’un lien de subordination entre M. [C] et IMESA ;

– constater que M. [C] a été employé par IMESA et Py dans le cadre d’une succession de contrats à durée déterminée d’usage pendant 18 ans ;

– constater que les CDD d’usage de M. [C] ne respectent pas les prescriptions légales des articles L.1242-1 et suivants du code du travail ;

– constater que l’emploi de directeur de production de M. [C] relève de l’activité normale et permanente de IMESA et Py ;

en conséquence,

– constater que la demande de requalification des CDD de M. [C] en CDI n’est pas prescrite;

– rejeter la demande d’IMESA visant à être mise hors de cause ;

– requalifier les CDD d’usage oraux de M. [C] avec IMESA et Py en contrat à durée indéterminée à temps plein, avec une reprise d’ancienneté au 2 juin 2000 (1er CDD irrégulier) ;

– fixer la rémunération mensuelle de M. [C] à 6 200 euros nets (hors prime d’ancienneté et prime de toute nature), subsidiairement à 5 378,32 euros bruts ;

– constater que M. [C] était à la disposition permanente de IMESA ;

– juger que la rupture du contrat de travail de M. [C] du 5 juin 2018 par IMESA et Py doit s’analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– juger que le barème de l’article L.1235-3 est inconventionnel au regard des traités internationaux ;

– condamner in solidum les sociétés IMESA et Py à payer à M. [C] les sommes suivantes :

o 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour marchandage (article L.8231-1 du code du travail),

o 136 411,98 euros nets à titre de rappels de salaire pendant les périodes intercalaires/interstitielles, entre le 1er août 2015 et le 5 juin 2018 (article L.3123-6 du code du travail),

o 13 641,19 euros nets au titre des congés payés afférents,

o 37 200 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé (article L.8223-1 du code du travail), subsidiairement 32 269,92 euros bruts,

o 18 600 euros nets à titre d’indemnité compensatrice de préavis, subsidiairement 16 134,96 euros bruts,

o 1 860 au titre des congés payés afférents, subsidiairement 1 613,50 euros bruts,

o 31 868 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement 27 644,56 euros bruts,

o 111 600 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (article L.1235-3 du code du travail), subsidiairement 97 000 euros nets ;

– ordonner la remise d’un certificat de travail, de bulletins de paie rectifiés et d’une attestation Pôle emploi sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification du jugement ;

– ordonner les intérêts légaux sur les rappels de salaires et congés payés, sur l’indemnité compensatrice de préavis et sur l’indemnité conventionnelle de licenciement à compter de la convocation de Py et IMESA devant le bureau de jugement et, pour les autres sommes, à compter du prononcé du jugement ;

– condamner in solidum Py et IMESA à verser à M. [C] la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile;

– débouter Py de ses demandes reconventionnelles ;

– condamner in solidum Py et IMESA au paiement des dépens éventuels.

Par conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 20 septembre 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, les sociétés FHBX en sa qualité d’administrateur judiciaire et [R]-Pecou en sa qualité de mandataire judiciaire demandent à la cour de :

– donner acte à la société FHBX, prise en la personne de Me [G], et à la société [R]-Pecou, prise en la personne de Me [R] de leur désistement de leur intervention volontaire ;

– juger que la société FHBX, prise en la personne de Me [G], et la société [R]-Pecou, prise en la personne de Me [R], conserveront la charge de leurs frais irrépetibles et dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 27 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’absence d’effet dévolutif de l’appel interjeté le 29 novembre 2021 par la société Py

Au visa de l’article 562 du code de procédure civile, M. [C] soutient que la cour n’est pas saisie de l’appel interjeté par la société Py en raison du défaut d’effet dévolutif dès lors qu’aux termes de sa déclaration d’appel, elle n’a pas sollicité l’infirmation du jugement.

La société Py réplique que les textes applicables n’imposent pas à l’appelant de solliciter l’infirmation ou la confirmation du jugement dans la déclaration d’appel mais seulement de lister les chefs de jugement qu’il entend critiquer, ce qu’elle dit avoir fait. Elle ajoute que la demande de M. [C] est sans objet puisqu’elle est appelante incidente dans l’autre appel. Elle relève encore que M. [C] a, pour la première fois dans ses conclusions du 13 septembre 2023, demandé à la cour de constater la caducité de sa déclaration d’appel et qu’une telle demande est irrecevable comme tardive au regard du délai prévu à l’article 909 du code de procédure civile.

Selon le dispositif des dernières conclusions de M. [C], celui-ci ne demande plus à la cour de constater la caducité de la déclaration d’appel de la société Py. En application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour n’a pas à statuer sur cette demande de sorte que la fin de non-recevoir fondée sur la tardiveté de cette prétention qui est soulevée par la société Py est sans objet.

Il résulte des articles 562 et 901, 4° du code de procédure civile que la déclaration d’appel défère à la cour d’appel la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

En application des articles 542 et 954 du même code, l’appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement.

Il est ainsi de principe que la déclaration d’appel qui mentionne les chefs de dispositif du jugement critiqués délimite l’étendue de l’effet dévolutif de l’appel quand les conclusions, par l’énoncé dans leur dispositif, de la demande d’infirmation ou d’annulation du jugement déterminent, quant à elles, la finalité de l’appel, qui tend à l’annulation ou à la réformation du jugement, dans les limites de la dévolution opérée par la déclaration d’appel.

En l’occurrence, la déclaration d’appel de la société Py énonce expressément les chefs du dispositif du jugement critiqués par elle. Il importe peu au regard de l’effet dévolutif que cette déclaration ne mentionne pas la poursuite par la société Py de l’infirmation du jugement, la cour relevant par ailleurs que la demande d’infirmation du jugement figure bien au dispositif des conclusions de celle-ci. En conséquence, la demande de M. [C] visant à dire que la cour n’est saisie d’aucun chef du jugement critiqué en l’absence d’effet dévolutif de l’appel de la société Py du 29 novembre 2021 est rejetée.

Sur la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 21/10049 et 21/09723 

Cette demande de M. [C] est sans objet dès lors que la jonction des deux instances a déjà été ordonnée par décision du magistrat chargé de la mise en état en date du 6 septembre 2023.

Sur le désistement de l’intervention volontaire des sociétés FHBX et [R]-Pecou en leur qualité respective d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Py

Ces sociétés font valoir que du fait de la clôture de la sauvegarde, elles n’ont plus ni qualité, ni intérêt à être parties à l’instance et, au visa de l’article 330 alinéa 3 du code de procédure civile, demandent qu’il leur soit donné acte du désistement de leur intervention volontaire.

Les autres parties ne font valoir aucune observation sur ce point.

L’article 330 alinéa 3 du code de procédure civile dispose que l’intervenant à titre accessoire peut se désister unilatéralement de son intervention.

En l’espèce, les sociétés FHBX et [R]-Pecou sont intervenues volontairement à l’instance en leur qualité respective d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Py au titre de la procédure de sauvegarde ouverte à l’égard de celle-ci, par des conclusions du 27 avril 2022 aux termes desquelles elles ne formaient aucune prétention à leur profit, se bornant à demander que leur intervention soit déclarée recevable. S’agissant d’une intervention accessoire, lesdites sociétés qui ont perdu leur qualité respective d’administrateur judiciaire de la société Py et de mandataire judiciaire de celle-ci par suite du jugement de clôture de la procédure de sauvegarde du 1er décembre 2022 sont fondées à se désister unilatéralement de leur intervention volontaire. Il leur en sera donné acte. Ainsi qu’elles le demandent, elles conserveront à leur charge leurs frais irrépétibles et dépens.

Sur la confirmation de certains chefs du jugement fondée sur l’absence de demande d’infirmation ou d’annulation par M. [C]

La société Py fait valoir que l’appelant incident doit, comme l’appelant à titre principal, mentionner expressément dès ses premières conclusions les chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement et que dans ses conclusions du 28 mars 2022, M. [C] a sollicité la confirmation d’un certain nombre de chefs puis l’infirmation pour le surplus, sans autre précision. Elle en déduit que pour ce motif, la cour doit confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [C] de ses demandes visant à fixer sa rémunération mensuelle à 6 200 euros nets et condamner in solidum IMESA et Py à lui payer les sommes de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour marchandage, 136 411,98 euros nets à titre de rappels de salaire pendant les périodes intercalaires/interstitielles entre les 1er août 2015 et 5 juin 2018 et 37 200 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé, subsidiairement 32 269,92 euros nets.

M. [C] répond qu’il n’était pas tenu de lister l’ensemble des demandes dont il demandait l’infirmation dans la mesure où dans son jugement, le conseil de prud’hommes ne l’a pas fait.

Il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions, ni l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.

L’appel incident n’est pas différent de l’appel principal par sa nature ou son objet. Les conclusions de l’appelant, qu’il soit principal ou incident, doivent déterminer l’objet du litige porté devant la cour d’appel. L’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du code de procédure civile, le respect de la diligence impartie par l’article 909 du même code est apprécié en considération des prescriptions de l’article 954.

En l’espèce, le dispositif des conclusions de M. [C] notifiées le 28 mars 2022, dans le délai de l’article 909 précité, comporte, après une demande de confirmation du jugement en ce qu’il a ordonné la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée avec reprise d’ancienneté au 2 juin 2000, condamné in solidum les sociétés Py et IMESA à lui payer des sommes à titre d’indemnité de requalification et à titre de dommages et intérêts pour prêt de main d”uvre illicite ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, une indemnité de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ordonné la remise de documents sociaux conformes à la décision, une demande d’infirmation du jugement ‘pour le surplus’.

M. [C], appelant incident, a ainsi demandé dans le dispositif de ses conclusions l’infirmation partielle du jugement sans qu’il puisse lui être reproché d’avoir uniquement employé les termes ‘pour le surplus’ dès lors que le dispositif du jugement l’a précisément débouté ‘du surplus de ses demandes’. La demande visant à la confirmation du jugement sur le rejet des prétentions relatives à la fixation de la rémunération mensuelle à 6 200 euros nets, à la condamnation in solidum des sociétés IMESA et Py au paiement de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour marchandage, de 136 411,98 euros à titre de rappels de salaire, de 37 200 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé, subsidiairement 32 269,92 euros nets, doit être rejetée en ce qu’elle est fondée sur les règles précitées, celles-ci ayant été respectées.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription

La société Py soutient qu’en application de l’article L. 1471-1 du code du travail et de la jurisprudence de la Cour de cassation, l’action en requalification fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit qui s’analyse en une irrégularité de forme est prescrite pour tout contrat conclu antérieurement au 17 juillet 2016. Dans le dispositif de ses conclusions, elle demande à la cour de juger que la demande de requalification des contrats à durée déterminée (CDD) dits d’usage est à titre principal prescrite.

M. [C] réplique que :

– son dernier CDD oral ayant été conclu pour la période du 1er février au 28 février 2018 et le délai de prescription étant de deux ans, il avait jusqu’au 1er février 2020 pour solliciter la requalification de sa collaboration de sorte que la saisine du conseil de prud’hommes étant intervenue le 20 juillet 2018, sa demande n’est pas prescrite ;

– la prescription de deux ans n’est pas applicable s’agissant du motif de requalification fondé sur le fait que son emploi relève de l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L. 1471-1 dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018 dispose :

Toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. (…).

Conformément à l’article 40-II de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, ces dispositions s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de ladite ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Lorsqu’une instance a été introduite avant la publication de ladite ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne y compris en appel et en cassation.

Il est de principe que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée court, lorsque cette action est fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit, à compter de l’expiration du délai de deux jours ouvrables imparti à l’employeur pour transmettre au salarié le contrat de travail, lorsqu’elle est fondée sur l’absence d’une mention au contrat susceptible d’entraîner sa requalification, à compter de la conclusion de ce contrat, et lorsqu’elle est fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat, à compter du terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, du terme du dernier contrat.

Au cas présent, M. [C] sollicite la requalification de ses CDD successifs au regard, d’une part, de l’absence de contrat écrit et, d’autre part, du caractère permanent de son emploi.

La demande de requalification des CDD en contrat de travail à durée indéterminée (CDI) fondée sur le caractère oral des CDD, c’est-à-dire sur l’absence d’établissement d’un écrit , est prescrite pour tout contrat conclu antérieurement au 15 juillet 2016 compte tenu du délai de prescription, de la saisine du conseil le 17 juillet 2018 et du délai de transmission du CDD.

En revanche, la demande de requalification des CDD fondée sur le fait que l’emploi de M. [C] relève de l’activité normale et permanente de l’entreprise n’est pas prescrite, cette demande étant basée sur le motif du recours au CDD et s’agissant d’une succession de CDD dont le dernier a pris fin en 2018.

La demande de requalification fondée sur l’absence d’établissement d’écrit est irrecevable comme prescrite pour tout contrat conclu antérieurement au 15 juillet 2016 et la fin de non-recevoir tirée de la prescription est rejetée pour le surplus, le jugement étant infirmé en ce qu’il s’est borné à déclarer l’action recevable.

Sur la mise hors de cause de la société IMESA

La société IMESA sollicite sa mise hors de cause en raison de l’absence de lien contractuel l’unissant à la société Py, employeur de M. [C]. Elle fait valoir qu’elle ne gère pas l’organisation des défilés de la marque Issey Miyake, que les contrats de prestation étaient signés entre les sociétés Py et IM Japon et qu’elle n’intervenait qu’en qualité de représentante pour assurer un soutien logistique ainsi que pour faciliter les démarches de la société Py. Elle en déduit que M. [C] n’a pas d’intérêt à agir contre elle, ce d’autant qu’elle n’est qu’une filiale qui ne s’immisce pas dans la gestion économique et sociale de sa société mère, à savoir IM Japon, de sorte qu’aucun co-emploi ne saurait être reconnu. Elle ajoute que la cour doit prendre acte de la reconnaissance par la société Py de ce qu’elle est l’unique employeur de M. [C].

Ce dernier s’oppose à la mise hors de cause de la société IMESA aux motifs que cette dernière intervenait dans le cadre de son contrat de travail et qu’un lien de subordination existait avec elle. Il invoque notamment que les contrats de mise à disposition de personnel conclus avec la société Py étaient signés et tamponnés par la société IMESA, qu’elle participait à la gestion de l’organisation des défilés, qu’elle était l’interlocutrice de la société Py, qu’elle lui donnait des directives à respecter ainsi que des tâches à effectuer pour les défilés, que la société IMESA l’a reconnu comme l’un des membres de ses équipes et qu’elle a dans un premier temps recruté directement par CDD les salariés en charge des défilés pour ensuite confier cette tâche à la société Py.

La demande de mise hors de cause de la société IMESA est fondée sur le prétendu défaut d’intérêt à agir de M. [C] contre elle.

Or, M. [C] qui, en 2000 et 2001, a été déclaré et rémunéré par la société IMESA comme en témoignent les bulletins de paie qui sont versés aux débats, qui démontre qu’un contrat de mise à disposition de personnel entre la société Py et la société IM Japon le visant au titre des personnels mis à disposition a été signé par la société IMESA, qui soutient avoir continué à travailler dans les mêmes conditions après que la société IMESA a fait appel à des sociétés de production pour qu’elles le déclarent et le paient et avoir toujours été placé dans un lien de subordination à l’égard de la société IMESA, a intérêt à agir contre cette dernière. La circonstance que la société Py ne conteste pas être son employeur n’exclut pas cet intérêt et la possibilité pour M. [C] d’agir afin de voir reconnaître qu’il était lié à plusieurs employeurs, les sociétés Py et IMESA, à raison d’une situation de co-emploi non liée à l’existence d’un groupe mais au fait qu’il était sous la subordination de chacune d’elles dont la société IMESA, ce qui sera ci-après examiné au fond.

En conséquence, la demande de mise hors de cause est rejetée.

Sur l’existence de contrats de travail entre la société IMESA et M. [C]

La société IMESA invoque l’absence de contrat de travail entre elle et M. [C]. Elle argue que sa prestation de travail figure depuis 2002 sur les bulletins de paie de la société Py et que sa rémunération a été réglée par cette société. Elle soutient que le pouvoir de direction à l’égard de M. [C] était aussi exercé par cette société. Elle en veut notamment pour preuves les attestations de M. [S] ainsi que les courriels de ce dernier, la biographie de M. [C] et son statut d’intermittent du spectacle. Elle nie que M. [C] ait fait partie de son équipe, invoquant en particulier que l’adresse [Courriel 7] était mise à la disposition de l’équipe de Py par la société IMESA en sa qualité de référent logistique à [Localité 9], de même que l’adresse nominative de M. [C], et qu’elle ne faisait, en tant qu’intermédiaire de la société mère à [Localité 9], que mettre un local à disposition de cette équipe. Elle nie aussi avoir été co-employeur, à défaut de toute confusion d’intérêt, d’activité et de direction entre elle et la société Py et en l’absence de tout ordre, directive, contrôle ou sanction exercé par elle sur M. [C].

La société Py conteste que la société IMESA, dont elle souligne qu’elle ne fait que commercialiser les produits de sa maison mère, ait été l’employeur de M. [C].

Ce dernier rétorque comme indiqué ci-dessus qu’un lien de subordination existait avec la société IMESA. Il fait valoir que la société IMESA a fait appel à la société Py pour échapper aux règles relatives aux CDD d’usage, que la société Py n’intervenait que pour la facturation des salaires mais non de manière concrète dans l’organisation des défilés, qu’il recevait ses directives d’IMESA, qu’il était reconnu par elle comme faisant partie intégrante de son équipe de coordination et qu’il travaillait dans ses locaux.

Le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

Hors l’existence d’un lien de subordination, une société faisant partie d’un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s’il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l’état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d’autonomie d’action de cette dernière

En l’absence d’écrit ou d’apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d’en rapporter la preuve mais en présence d’un contrat apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve.

En l’espèce, comme rappelé ci-dessus, la société IMESA a établi plusieurs bulletins de paie pour M. [C] en 2000 et 2001 le désignant comme assistant technique à temps partiel. Sont en outre versés aux débats par M. [C] plusieurs contrats de travail entre la société IMESA et ce dernier relativement à son emploi d’assistant technique (contrat du 2 au 6 juin 2000 signé par la société IMESA, du 1er au 2 juillet 2000 signé par la société IMESA, du 3 octobre 2000 signé par la société IMESA et M. [C], du 16 janvier 2001 signé par les mêmes, du 2 au 10 février 2001 signé par la société IMESA, du 6 mars 2001 signé par la société IMESA et M. [C] et du 13 au 20 avril 2001 signé par la société IMESA et M. [C]). Ces éléments établissent incontestablement l’apparence de contrats de travail entre ces derniers.

L’essentiel des pièces produites par la société IMESA (notamment organigramme, documents afférents à des remboursements, photographies de défilés, statuts, contrats de mise à disposition, mails, factures, attestation Pôle emploi) portent sur des périodes largement postérieures. Les attestations de M. [S] qui sont très générales et peu circonstanciées ne sont pas de nature à contredire l’existence d’un lien de subordination et de contrats de travail entre les société IMESA et M. [C]. Il en est de même des autres pièces produites. En conséquence, cette dernière n’établit pas le caractère fictif des contrats de travail entre elle et M. [C].

Après 2001, aucun bulletin de paie ou contrat de travail ne désigne comme employeur de M. [C] la société IMESA et les bulletins de salaire de ce dernier établis à partir de février 2002 et jusqu’au mois de juin 2018 mentionnent que M. [C] a comme employeur la société Py et, parfois, d’autres sociétés de production.

Mais les bulletins de paie délivrés par la société Py à M. [C] indiquent à partir de l’année 2007 au regard de la mention ‘analytique’ : ‘Issey Miyake’.

M. [C] verse en outre aux débats :

– des contrats de mise à disposition de personnel entre la société Py et la société IM Japon parmi lesquels figurent comme salariés M. [S] ainsi que M. [C] et comme lieu de prestation la société IMESA, un de ces contrats, celui du 1er juillet 2015, étant signé par la société IMESA (avec son cachet et signature de sa dirigeante) sans indication qu’elle agit comme représentante de la société japonaise ;

– des factures de la société Py à la société IM Japon pour des défilés ;

– des factures de la société Py à la société IMESA pour différentes prestations (display royale, ventes privées, occultation….) ;

– un mail du 6 mai 2010 de la société IMESA informant le personnel dont [Courriel 8] de la fermeture du bureau le 13 mai suivant ;

– un mail de 2011 de la société IMESA invitant le personnel dont [Courriel 8] à un repas de fin d’année ;

– un mail retransmis le 2 février 2012 par la société IMESA à la coordination de la société IMESA, le mail initial du 30 janvier 2012 informant notamment M. [C] à l’adresse [Courriel 8] que la société le déclarant pour les défilés et produisant les vidéos est changée, à savoir la société Marty, mais que cela ne modifiera rien pour lui ;

– des bulletins de salaire émis en 2012 pour M. [C] en qualité de régisseur par la société Marty ;

– un contrat de mise à disposition de personnel entre la société IMESA et la société Marty pour le mois de mars 2012 pour le women show AW 2012-2013 au sein de la société IMESA, incluant MM. [S] et [C] ;

– un mail du 3 février 2012 par lequel la société IMESA retransmet notamment à M. [C], à l’adresse [Courriel 8] le contrat de location de la galerie sud est du Grand Palais pour un défilé ;

– un mail du 18 octobre 2012 de la managing director de la société Issey Miyake London envoyé notamment à l’adresse précitée, informant M. [C] qu’il est offert ‘à chacun d’IMESA’ un livre Taschen ;

– des lettres de 2004 et 2018 de la préfecture de police de [Localité 9] autorisant la tenue de défilés Issey Miyake dans divers bâtiments, lettres adressées à M. [C] au sein de la société IMESA ;

– un mail de la société Ricoh informant M. [C] que son intervention concernant une imprimante se fera dans ses locaux, au sein de la société IMESA ;

– un mail de 2014 du retail coordinator de la société IMESA informant M. [C] des ventes spéciales destinées au personnel IMESA ;

– un mail de 2014 envoyé par M. [F] de la société IMESA à M. [C], à l’adresse [Courriel 8], demandant l’établissement au plus vite du budget women AW 14-15 en vue de sa transmission à Tokyo ;

– un mail de 2015 de la directrice administrative et financière de la société IMESA invitant M. [C] à l’adresse [Courriel 8] au dîner de Noël de la société et un mail de 2016 de cette même personne conviant M. [C] au repas de Noël de l’entreprise ;

– un mail de 2015 adressé par la PDG de la société IMESA à MM. [S] et [C] à l’adresse mail de ces derniers au sein de la société IMESA, se plaignant du désordre dans le nouveau bureau et demandant à être informée de leur programme et de la date à laquelle le nouveau bureau sera prêt ;

– des mails de 2014 et 2016 adressés par Mme [T] de la société IMESA à la coordination de la société IMESA demandant à M. [C] l’exécution de tâches concernant des opérations de nettoyage, décapage et cirage ;

– des mails de 2015, 2016 et 2017, par lesquels la coordination de la société IMESA demande à la société Py l’établissement de DUE pour M. [C] ;

– des formulaires de renseignements de 2016 pour un défilé Issey Miyake auprès d’AccorHôtels Arena désignant comme organisateur la société IMESA et comme directeur technique ou régisseur M. [C] de la société IMESA ;

– un mail de 2017 adressé par M. [X], dirigeant de la société Py, dont il résulte qu’il ignorait les date et lieu des défilés ;

– des mails adressés en 2017 par la directrice administrative et financière de la société IMESA désignant en particulier M. [C] comme faisant partie de l’équipe de la coordination et dont il résulte qu’il est convié à une réunion en vue des améliorations des bureaux de la société IMESA ;

– un mail adressé en 2017 par la directrice des relations presse de la société IMESA à la Gaîté lyrique indiquant que pour le défilé Issey Miyake men AW 2018, la société organisatrice est la société IMESA et mentionnant comme coordinateur technique M. [C] ;

– des mails adressés en 2017 et 2018 par Mmes [O] et [H] ainsi que M. [A] de la société IMESA donnant diverses instructions à la coordination d’IMESA en vue de showrooms, ventes et shooting ;

– un mail de 2017 du retail coordinator de la société IMESA adressé à la coordination de cette société et retransmis par celle-ci à M. [C] sollicitant une aide pour le montage d’une ‘floriography’ ;

– des mail adressés en 2017 et 2018 par M. [U] du service de la comptabilité de la société IMESA à la coordination au sein de la société IMESA demandant notamment à M. [C] l’exécution de certaines tâches, lui donnant des instructions et contrôlant et vérifiant ses transmissions en matière de budgets et de facturations (M. [U] réclamant en particulier la correction de certains éléments et la nécessité de faire ressortir la TVA) ;

– un mail de 2018 adressé par la coordination de la société IMESA à Mme [M] de la société IMESA, avec copie notamment à M. [C], concernant les ‘permanences sellings’ Issey Miyake AW 2018 et indiquant que M. [C] est de permanence le 5 mars 2018 ;

– des mails adressés par M. [S] à la société IMESA et inversement concernant les défilés ;

– l’attestation de M. [B] indiquant qu’il a travaillé pour le service coordination d’Issey Miyake à [Localité 9] entre 2008 et 2015 pour des périodes courtes, qu’il recevait systématiquement ses directives de M. [C], directeur de la coordination, et qu’à l’issue, il obtenait un contrat et un bulletin de salaire de la société Py avec laquelle il n’avait pas d’autre contact ;

– des mails de 2018 adressés par M. [S] à la coordination d’IMESA et à M. [C] donnant des instructions à ce dernier ;

– une lettre d’intention signée par Mme [P] de la société IMESA en vue de l’organisation d’un défilé le 21 juin 2018 dans le jardin de la place des Vosges, indiquant que l’organisation des défilés ‘se fait en interne avec une équipe de production dédiée’ et désignant comme organisateur du défilé la société IMESA ;

– le procès-verbal d’audition de M. [S] du 9 septembre 2018 devant le conseil de prud’hommes dans lequel celui-ci a déclaré qu’à une période, Issey Miyake a utilisé ses filiales pour déclarer les salariés liés aux défilés, qu’IMESA voulait se ‘débarrasser’ de ces derniers, qu’il ne connaît pas bien la société Py et qu’il considère qu’il était le supérieur hiérarchique de M. [C] ;

– divers mails démontrant que la société IMESA était chargée du paiement des notes de frais pour les salariés de la société Py et une facture justifiant du paiement par elle de voyages de M. [S] au Japon.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments non sérieusement démentis par les autres pièces versées aux débats que contrairement à ce que celle-ci prétend, la société IMESA participait de manière effective à l’organisation des défilés de la marque Issey Miyake, ayant signé un contrat de mise à disposition de personnel sans indication qu’elle intervenait comme représentante de la société IM Japon, réservé un lieu de défilé, conclu un contrat de location à cet effet, procédé aux démarches administratives nécessaires et s’étant même à plusieurs reprises désignée comme l’organisatrice des défilés. Alors que la période concernée par le litige est très longue, elle ne justifie que de rares facturations émises par elle en vue de remboursements par la société IM Japon. Elle se voyait aussi facturer directement des prestations par la société Py. Ainsi M. [C] travaillait pour le compte de la société IMESA. Si M. [C] n’a plus perçu sa rémunération à partir de 2002 de la société IMESA et si M. [S] donnait des instructions à M. [C], plusieurs sociétés de production sont intervenues pour salarier MM. [S] et [C] pour le même travail et M. [S], réalisateur, ne recevait lui-même pas d’instructions de la société Py, disant la connaître peu, et faisait lui-même partie de la coordination de la société IMESA. Cette société, par le truchement de sa PDG et certains de ses salariés, donnait elle-même des directives et instructions à la coordination d’IMESA dont M. [C] faisait partie et à M. [C] lui-même, contrôlant aussi l’exécution de son travail et lui reprochant des manquements. Ce dernier était intégré dans une équipe identifiée par son adresse mail comme faisant partie de la société IMESA, disposait lui-même d’une adresse mail au sein de la société IMESA qui le présentait aux tiers comme l’un de ses membres et travaillait dans ses locaux, l’affirmation de M. [S] dans l’une de ses attestations selon laquelle l’adresse de la coordination n’avait été mise en place qu’afin de faciliter les démarches auprès des interlocuteurs extérieurs étant contredite par diverses pièces, dont les termes de la lettre d’intention susvisée faisant référence à une équipe de production dédiée en interne.

L’ensemble de ces éléments démontrent que dans le cadre des CDD conclus avec la société Py, M. [C] n’a jamais cessé d’être placé dans un lien de subordination vis-à-vis de la société IMESA, une situation de co-emploi étant caractérisée. Le conseil de prud’hommes est approuvé d’avoir retenu l’existence de ce lien de subordination.

Sur le bien-fondé de la demande de requalification des CDD en CDI

La société Py soutient que son recours à des CDD pour embaucher M. [C] dans le cadre des défilés de la marque Issey Miyake est licite au regard :

– des dispositions de l’article L. 1242-2 permettant le recours aux CDD dans certains secteurs d’activité, de son activité principale de production audiovisuelle et de la convention collective nationale de la production audiovisuelle qui confirme la possibilité de recourir à des contrats à durée déterminée dits d’usage (CDDU) ;

– de l’usage constant au sein de la branche de recourir à des CDDU pour les emplois de catégorie B tel que réaffirmé par les signataires de la convention collective, alors que tous les emplois occupés par M. [C] relèvent de cette catégorie ;

– de la nature temporaire de l’emploi dès lors qu’elle l’a exclusivement embauché pour participer à l’organisation des défilés de la marque Issey Miyake sans avoir besoin de ses compétences tout au long de l’année, la société Py soulignant que la moyenne des heures de travail par an de M. [C] est très éloignée des 1607 heures qui constituent la base légale annuelle, qu’il n’avait pas de bureau attitré et travaillait comme il l’affirme au sein des locaux de la société IMESA, que plusieurs salariés confirment la nature intermittente du travail confié dans le cadre de l’organisation des défilés précités et que les pièces produites attestent du statut d’intermittent du spectacle de M. [C] et du fait qu’il a exercé d’autres activités.

La société IMESA invoque qu’en l’absence de contrat de travail la liant à M. [C], ce dernier est mal fondé à former une demande de requalification en CDI. Elle note que bien qu’il produise des bulletins de paye émanant d’autres sociétés que Py, il n’a pas attrait lesdites sociétés, ce qui rend difficile la démonstration de l’existence d’une seule et même relation de travail entre lui et la société Py. Elle s’en remet aux écritures de celle-ci concernant la remise en cause des CDD conclus avec cette société.

Comme indiqué ci-dessus, M. [C] sollicite la requalification de ses CDD successifs au regard, d’une part, de l’absence de contrat écrit et, d’autre part, du caractère permanent de son emploi ce avec effet au 2 juin 2000, soit à compter du premier contrat prétendument irrégulier. Il invoque que les sociétés IMESA et Py ont violé les dispositions de forme relatives aux CDD d’usage faute de production des contrats de travail signés par lui, M. [C] niant avoir refusé de signer des CDD. Il argue par ailleurs d’une violation par la société Py des dispositions légales relatives au caractère temporaire des CDD d’usage, faisant valoir que quelle que soit la production, la société Py doit recourir à un directeur de production tel que lui de sorte que son emploi correspondait à un besoin structurel de celle-ci.

– sur la demande fondée sur l’absence d’écrit :

En application de l’article L. 1242-12 du code du travail, le CDD est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif et à défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Lorsque la demande de requalification est fondée sur l’absence d’établissement d’un écrit et qu’elle est reconnue fondée, le salarié est en droit de se prévaloir d’une ancienneté à compter du premier contrat irrégulier non atteint par la prescription.

En l’espèce, la demande de requalification des CDD en CDI du fait de l’absence d’établissement d’un écrit est prescrite pour tout contrat conclu antérieurement au 15 juillet 2016.

Il n’existe pas de contrat établi par écrit sur la période courant à compter du 15 juillet 2016. Si la société Py fait valoir qu’elle a soumis des contrats écrits à M. [C] mais que ce dernier ne les a jamais signés, la requalification doit s’appliquer dès lors qu’il n’est pas démontré que le salarié a refusé de signer les contrats de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse. Le premier contrat irrégulier non atteint par la prescription est celui du 1er septembre 2016 de sorte que sur ce fondement, M. [C] est en droit de voir requalifier sa relation de travail en un CDI à compter du 1er septembre 2016.

– sur la demande fondée sur le fait que les CDD avaient pour objet ou effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise :

En application des articles L. 1242-1 (codifié jusqu’au 1er mai 2008 à l’article L122-1 alinéa 1) et L. 1242-2 (codifié anciennement aux articles L.122-1 alinéa 2 et L.122-1-1) du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise et ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans certains cas, dont les emplois pour lesquels, dans certains secteurs définis par décret ou convention ou accord collectif étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois. L’article D. 1242-1 du même code énumère les secteurs d’activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée dits d’usage, parmi lesquels celui des spectacles, de l’action culturelle, de l’audiovisuel, de la production cinématographique et de l’édition phonographique.

La convention collective de la production audiovisuelle prévoit le recours au CDD d’usage dans certaines conditions, notamment pour les emplois de catégorie B.

L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi. La détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

En l’espèce, à compter de 2002, M. [C] a été employé par la société Py sous la qualification d’assistant de production, puis de régisseur général et en dernier lieu de directeur de production en vertu de CDD conclus avec la société Py qui est une agence de production audiovisuelle, de tels emplois relevant de l’activité normale et permanente d’une entreprise ayant cette spécialisation. Il résulte des bulletins de salaire versés aux débats que M. [C] a été déclaré et rémunéré par la société Py en février, mars, septembre et octobre 2002, février, mars, septembre et octobre 2003, février et mai 2004, janvier, février, mars, juillet et octobre 2005, février, mars, avril, septembre, décembre 2006, février, mars et mai 2007, mars 2008, janvier, février, mars, novembre et décembre 2009, janvier, avril, juin, septembre et novembre 2010, novembre 2011, mars et septembre 2012, février et septembre 2013, janvier, février, juillet et septembre 2014, janvier, mars, juin, septembre et octobre 2015, janvier, février, mars, juin et septembre 2016, janvier, février, mars, juin et septembre 2017, janvier, février et juin 2018 de telle sorte que M. [C] a travaillé en vertu de très nombreux contrats pour la société Py pendant 17 années consécutives, pour une moyenne d’heures déclarées de 656 heures par an entre 2013 et 2016 selon les explications concordantes des parties. Le travail de M. [C] dans le cadre des contrats conclus avec la société Py tel qu’il a été déclaré porte ainsi non sur une durée limitée dans le temps mais au contraire très étendue et pour un nombre moyen d’heures par an important, représentant plus du tiers par rapport à un temps complet. M. [C] a, au titre des contrats conclus avec la société Py, systématiquement collaboré pour le compte de la société IMESA à l’organisation de défilés de la marque Issey Miyake, et a aussi pu contribuer à d’autres prestations pour cette société. De plus, il ne s’est pas agi pour M. [C] de participer à l’organisation d’un défilé unique mais de travailler le plus souvent à plusieurs défilés par an (en général 4, 2 hommes et 2 femmes, d’après les propres explications de la société Py), lesquels défilés sont des événements se reproduisant à échéances régulières tous les ans. En considération de l’ensemble de ces éléments, il n’est pas justifié que le recours à l’utilisation de CDD successifs est justifié par des raisons objectives s’entendant de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Dès lors, sur ce fondement, M. [C] est en droit de demander la requalification des CDD conclus avec la société Py en un CDI, peu important que la relation de travail avec elle n’ait pas été continue. Cependant cette requalification ne saurait prendre effet au 2 juin 2000. En effet, il n’a été embauché pour la première fois par la société Py que le 12 février 2002 et ne démontre pas avoir été antérieurement dans une relation de travail salariée avec elle, les CDD qui précèdent cette période ayant été directement conclus avec la société IMESA. En outre, si M. [C] demande à la cour dans le dispositif de ses conclusions de constater que l’emploi de directeur de production qui était le sien relève de l’activité normale et permanente de Py et IMESA, ce moyen n’est invoqué dans la discussion que concernant la société Py et non s’agissant de la société IMESA de sorte que la cour, en application de l’article 954 du code de procédure civile, n’a pas à examiner le moyen pris de ce que son emploi était lié à l’activité permanente de la société IMESA.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a requalifié les CDD de M. [C] en CDI mais infirmé en ce qu’il a ordonné cette requalification à compter du 2 juin 2000 dès lors qu’au vu des fondements et moyens invoqués, M. [C] peut se prévaloir d’une ancienneté remontant au plus tôt au 12 février 2002.

Sur la requalification de la relation de travail en contrat de travail à temps plein et le rappel de salaire d’août 2015 à juin 2018 ainsi que l’indemnité compensatrice des congés payés afférents

La société Py fait valoir que la requalification d’un CDD en CDI ne porte que sur le terme du CDI et laisse inchangées les autres stipulations contractuelles. Elle estime que M. [C] échoue à prouver qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes interstitielles. Elle argue qu’il était systématiquement engagé sur une période d’environ un mois et demi pour un défilé, soit un mois avant et deux semaines après, les défilés se tenant toujours à la même période, que M. [C] exerçait d’autres activités professionnelles et qu’il n’hésitait pas à lui demander de décaler certaines déclarations pour optimiser sa situation au regard de Pôle emploi. Elle conclut au rejet de la demande de rappel de salaire et, à titre subsidiaire, invoque un salaire de référence de 2 798,68 euros brut, représentant sur une année 33 584,16 euros brut.

La société IMESA conclut aussi au rejet de la demande de rappel de salaire au motif que M. [C] a toujours eu d’autres aspirations professionnelles que les missions effectuées pour Issey Miyake et que les pièces produites démontrent qu’il ne s’est pas tenu à la disposition de la société Issey Miyake.

M. [C] soutient qu’à défaut de tout contrat écrit établi par les sociétés Py et IMESA depuis 2012, son contrat de travail est présumé à temps complet. Il fait valoir qu’il était dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail, les durées de travail et les jours travaillés n’étant pas fixes. Il allègue qu’il n’a jamais refusé une date de travail depuis le début de sa collaboration avec les sociétés IMESA et Py et que cette dernière (et partant la société IMESA) était son employeur exclusif, n’ayant perçu d’autres cachets que de façon extrêmement ponctuelle et à la marge. Il soutient aussi que ces sociétés le sollicitaient de manière constante durant les périodes intercalaires. Il demande à la cour de fixer son salaire de référence à la somme de 6 200 euros nets par mois, sur la base d’une attestation de la société Py du 13 février 2018, et à titre subsidiaire, à la somme de 5 378,32 euros. Il sollicite la condamnation in solidum des sociétés Py et IMESA au paiement d’un rappel de salaire de 136 411,98 euros nets pour la période d’août 2015 au 5 juin 2018 outre la somme de 13 641,19 euros nets au titre des congés payés afférents.

En application de l’article L. 3123-14 du code du travail dans ses rédactions applicables du 22 août 2008 au 10 août 2016 et de l’article L. 3123-6 dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il mentionne :

1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif de travail conclu en application de l’article L. 3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;

2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;

3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d’aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;

4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

Il en résulte que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet et qu’il incombe à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

En outre, la requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée du travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat, réciproquement, la requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

Il en résulte que le salarié, engagé par plusieurs contrats à durée déterminée et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat que s’il établit qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

Au cas présent, comme le fait valoir M. [C], il n’existe pas de contrat de travail écrit depuis 2012. Il appartient dès lors aux sociétés Py et IMESA, co-employeurs, de renverser la présomption précitée au titre des périodes couvertes par les contrats à durée déterminée. Or, la société Py pas plus que la société IMESA n’offrent de preuve de la durée exacte convenue et de ce que le salarié, pendant ces périodes, n’avait pas à se tenir constamment à leur disposition de sorte que les CDD depuis 2012 sont des contrats de travail à temps plein.

S’agissant des périodes interstitielles, il incombe à M. [C] qui réclame un rappel de salaire au titre de ces périodes de rapporter la preuve de ce qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur durant ces périodes pour effectuer un travail.

S’il résulte des avis d’impôt, des attestations de paiement d’Audiens au titre des congés spectacles et des bulletins de paie de la société Py portant sur les années 2015, 2016 et 2017 versés aux débats que M. [C] a tiré l’essentiel de ses revenus du travail litigieux, il ressort des pièces produites par la société Py qu’il exerçait d’autres activités, notamment en qualité de photographe professionnel. En outre, il résulte des explications des parties ainsi que des éléments communiqués que M. [C] était pour l’essentiel embauché pour participer à l’organisation des défilés de la marque Issey Miyake et les bulletins de salaire de M. [C] démontrent, notamment depuis 2014, que les périodes d’emploi avaient lieu à peu près aux mêmes moments chaque année, un échange de SMS entre MM. [C] et [S] produit par la société Py prouvant que la durée d’emploi convenue par défilé était d’environ 1 mois et demi ou 6 semaines.

Pour démontrer néanmoins qu’il restait constamment à la disposition des sociétés Py et IMESA, M. [C] se prévaut de sept mails sur une période d’environ trois ans, de la fin de l’année 2015 jusqu’au mois de juin 2018, mails intervenus sur des périodes ne correspondant pas à celles de CDD. Cependant, le courriel du 5 décembre 2016 a été envoyé par M. [C] sans qu’il justifie être intervenu à la demande des sociétés Py et/ou IMESA. Par ailleurs, il ne justifie pas qu’il a effectivement exécuté les missions demandées dans les mails du 24 mai 2018, ni participé à la réunion du 25 août 2017. Les trois mails restants sont insuffisants à prouver que M. [C] s’est tenu à la disposition de l’employeur pendant les périodes intersticielles pour effectuer un travail.

Aussi M. [C] doit être débouté de sa demande de rappel de salaire d’un montant de 136 411,98 euros nets réclamée pour les périodes intersticielles du 1er août 2015 au 5 juin 2018 et de sa demande au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents, le jugement étant confirmé de ces chefs.

Sur le prêt de main d’oeuvre illicite

La société Py conteste tout prêt de main d’oeuvre illicite entre elle et Issey Miyake, arguant d’une prise en charge complète par elle des défilés de mode pour la marque, soit d’une prestation complexe caractérisant une prestation de service constituant une opération non exclusive de prêt de main d’oeuvre portant sur une tâche spécifique que le donneur d’ordre n’a pas les moyens d’accomplir en interne.

La société IMESA conteste aussi tout prêt de main d’oeuvre illicite, invoquant que les contrats de mise à disposition n’étaient pas passés avec elle mais avec la société IM Japon et que la société Py, sous-traitante, organisait l’ensemble de la logistique, composait son équipe, organisait le casting des mannequins, fournissait le matériel et les décors dans le cadre d’un contrat international de prestation de services avec la société IM Japon qui supportait les charges sociales afférentes aux salariés mis à sa disposition.

M. [C] conclut à la confirmation du jugement lui ayant alloué la somme de 5 000 euros pour prêt illicite de main d’oeuvre. Il invoque que l’existence du prêt est établie par les contrats de mise à disposition et le fait qu’il travaille exclusivement pour la société IMESA depuis 2002, qu’il n’a jamais donné son accord exprès et écrit sur cette mise à disposition et que le caractère lucratif du prêt est avéré au regard de la facturation supérieure à ses salaires, charges sociales et frais professionnels.

Aux termes de l’article L. 8241-1 du code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite.

Toutefois, ces dispositions ne s’appliquent pas aux opérations réalisées dans le cadre :

1° Des dispositions du présent code relatives au travail temporaire, aux entreprises de travail à temps partagé et à l’exploitation d’une agence de mannequins lorsque celle-ci est exercée par une personne titulaire de la licence d’agence de mannequin ;

2° Des dispositions de l’article L. 222-3 du code du sport relatives aux associations ou sociétés sportives ;

3° Des dispositions des articles L. 2135-7 et L. 2135-8 du présent code relatives à la mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales ou des associations d’employeurs mentionnées à l’article L. 2231-1.

Une opération de prêt de main-d”uvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l’entreprise prêteuse ne facture à l’entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l’intéressé au titre de la mise à disposition.

En application de l’article L. 8241-2 du même code, les opérations de prêt de main d’oeuvre à but non lucratif sont autorisées, sous certaines conditions dont celle de l’accord du salarié.

Au cas présent, le prêt de main d’oeuvre de la société Py en faveur de la société IMESA est établi non seulement par le contrat de mise à disposition de personnel signé par cette dernière le 1er juillet 2015, incluant M. [C], mais aussi par le fait résultant des énonciations précédentes que celui-ci a travaillé pour le compte de la société IMESA pendant de nombreuses années.

Le conseil de prud’hommes a relevé que le montant facturé était supérieur au salaire majoré des charges sociales, en déduisant le caractère lucratif de l’opération, et il n’est développé aucune critique portant précisément sur ce point, la société Py ne contestant pas la facturation par elle de montants supérieurs aux salaires, charges sociales et frais professionnels de M. [C].

Les sociétés Py et IMESA font valoir que le prêt de main d’oeuvre n’est pas l’objet exclusif de l’opération qui consiste en une prestation de services complète. Cependant, les seuls contrats versés aux débats ne sont pas des contrats de sous-traitance ou de prestations de service mais de simples contrats de mise à disposition de personnel et si les factures de la société Py à destination de la société IM Japon et de la société IMESA portant sur des défilés, ventes ou autres prestations définissent chacune une prestation faisant l’objet des factures, celles-ci sont très peu détaillées incluant généralement des prestations de coordination, frais techniques, charges, production exécutive, frais généraux sans autre précision. La société Py n’offre pas de preuve au soutien de ses allégations relatives au contenu de ses prestations. La mise en oeuvre d’une technicité particulière par la société Py, différente de celle des salariés de la société IMESA, n’est pas avérée alors qu’initialement, cette dernière a elle-même salarié directement M. [C] et d’autres personnes pour organiser les défilés de la marque Issey Miyake et qu’elle ne fournit pas son registre unique du personnel permettant d’identifier objectivement ses emplois, l’organigramme qu’elle produit étant par ailleurs postérieur à la période litigieuse. En outre, il a d’ores et déjà été constaté l’existence d’un lien de subordination entre la société IMESA et M. [C], salarié mis à disposition.

En considération de l’ensemble de ces éléments, les faits de prêt de main d’oeuvre illicite sont établis. Le préjudice en résultant pour M. [C] est avéré et il sera justement réparé par l’allocation à son profit d’une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur le marchandage

M. [C] estime que le marchandage est constitué aux motifs que le caractère lucratif de l’opération de fourniture de main d’oeuvre est établi, que cette situation l’a maintenu dans un état de précarité pendant 18 ans du fait de la succession de CDD alors que la société IMESA n’appartient pas à l’un des secteurs d’activité permettant le recours aux CDD d’usage et que les dispositions de la convention collective applicable à la société IMESA sont plus favorables.

La société Py conclut à la confirmation du jugement, faisant valoir qu’il n’existe pas de prêt de main d’oeuvre et que le préjudice de M. [C] n’est pas établi, pas plus que la fraude à la loi ou aux accords collectifs.

La société IMESA conclut aussi au rejet de la demande, arguant du caractère licite du prêt de main d’oeuvre entre la société Py et la société IM Japon et du fait que le groupe Issey Miyake dont l’activité relève de l’habillement a légitimement eu recours à des sociétés de production pour effectuer ses défilés.

Aux termes de l’article L. 8231-1, le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail, est interdit.

L’opération à but lucratif de main d’oeuvre incluant M. [C] a d’ores et déjà été retenue. Elle a causé un préjudice à celui-ci en le maintenant dans une situation de précarité caractérisée par une succession de CDD. En tout état de cause, elle a eu pour effet d’éluder l’application des dispositions légales en vertu desquelles le recours au CDI est la norme et celui au CDD est strictement encadré, la société IMESA ne relevant pas des secteurs d’activité permettant le recours aux CDD d’usage. Les faits de marchandage sont établis, peu important au regard de la caractérisation de l’infraction sur ce dernier fondement que la situation ait pu permettre à M. Py de bénéficier de l’indemnisation de Pôle emploi pour les intermittents du spectacle.

La cour dispose des éléments lui permettant de retenir que le préjudice en résultant pour M. [C] est établi et qu’il justifie une indemnisation à hauteur de 2 000 euros, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur le salaire de référence unique

Le jugement est infirmé en ce qu’il a fixé un salaire de référence unique, le salaire à prendre en compte variant suivant le type de demandes ainsi qu’il sera vu ci-après. Il en résulte que M. [C] doit être débouté de sa demande tendant à la fixation d’un tel salaire de référence.

Sur l’indemnité de requalification

La société Py conclut à l’infirmation du jugement ayant alloué de ce chef à M. [C] la somme de 10 000 euros à titre d’indemnité de requalification. Elle soutient que le dernier salaire mensuel perçu par M. [C] est de 2 910,72 euros brut et que le salaire de référence à prendre en compte, soit la dernière moyenne mensuelle, doit être calculé sur la base des salaires de juin 2017 à mai 2018, représentant 2 798,68 euros brut par mois. Considérant que l’action en requalification est prescrite pour les contrats conclus avant le 17 juillet 2016 sur le fondement de l’irrégularité de forme et qu’elle est manifestement infondée sur l’autre motif, elle demande à la cour de fixer l’indemnité de requalification à 2 798,68 euros brut.

La société IMESA conclut au rejet de la demande d’indemnité de requalification au motif de l’absence de tout contrat de travail avec M. [C].

Celui-ci conclut à la confirmation du jugement.

En application de l’article L 1245-2 du code du travail, le salarié dont le CDD est requalifié en CDI a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Il résulte de ce texte que le montant minimum de l’indemnité de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée est calculé selon la moyenne de salaire mensuel, dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud’homale. Cette moyenne de salaire mensuel doit être déterminée au regard de l’ensemble des éléments de salaire, y compris lorsqu’ils ont une périodicité supérieure au mois.

La moyenne de salaire mensuel sur les douze derniers mois qui précèdent la rupture du contrat de travail est de 2 798,68 euros brut. Le dernier salaire mensuel de M. [C] avant le mois où est survenue la rupture du contrat de travail en juin 2018 est celui perçu pour le mois de février 2018, d’un montant de 8 016,78 euros brut, et celui perçu le mois ayant précédé la saisine de la juridiction prud’homale, celui du mois de juin 2018, s’élève à 2 910,72 euros brut.

La requalification des CDD en CDI remonte au 12 février 2002. Compte tenu de la durée particulièrement importante durant laquelle M. [C] a été employé en CDD, le jugement en confirmé sur le montant de l’indemnité de requalification allouée à M. [C] de 10 000 euros.

Sur la rupture du contrat de travail et ses conséquences

Sur la rupture du contrat de travail

La société Py soutient que M. [C] est à l’origine de la rupture du contrat de travail, laquelle s’analyse en une démission aux motifs qu’il s’est placé en arrêt maladie en pleine mission, n’est pas revenu travailler à l’issue, a fait croire en juillet 2018 qu’il serait de retour pour le défilé femme de septembre suivant mais n’a pas repris le travail à cette époque. Elle soutient n’avoir jamais eu l’intention de le licencier, lui ayant versé des avances sur le salaire du mois de septembre 2018, et invoque que la requête déposée par M. [C] le 17 juillet 2018 et ses revendications exorbitantes et infondées ont eu pour effet de rompre sa confiance en lui.

La société IMESA fait valoir que si M. [C] affirme que la relation de travail a été rompue à compter du 5 juin 2018, aucun élément ne démontre l’arrêt des relations avec la société Py et en tout état de cause que n’étant pas l’employeur de M. [C], elle n’en est pas responsable.

La société Py et M. [C] s’accordent pour indiquer que ce dernier a été placé en arrêt maladie le 5 juin 2018. Les pièces versées aux débats établissent :

– que le dernier bulletin de salaire de M. [C] a été établi par la société Py pour la période du 1er au 4 juin 2018 alors que l’arrêt maladie n’a pour effet que de suspendre le contrat de travail et ne dispense pas l’employeur d’établir un bulletin de salaire pour la période correspondante ;

– qu’un échange de mails est intervenu les 11 et 12 juillet 2018 entre M. [C] et M. [X] de la société Py aux termes duquel M. [C] a sollicité une DUE à partir de ce jour ‘pour déclarer un maximum d’heures sur juillet’ et M. [X] a répondu que la coordination avait décidé de ne plus faire d’acompte, qu’il s’agissait des instructions qu’il avait reçues.

La cour observe de plus qu’il n’est justifié d’aucun versement d’acompte par la société Py après le 4 juin 2018 et que ni la société Py, ni la société IMESA, co-employeur, ne justifient avoir fait appel à M. [C] après cette date, ni l’avoir mis en demeure de reprendre le travail.

En considération de ces éléments, il apparaît que la relation de travail à durée indéterminée a cessé à partir du 5 juin 2014, lendemain du dernier jour travaillé et payé de M. [C], que celui-ci n’a jamais manifesté sa volonté claire et non équivoque de mettre fin à la relation de travail et qu’au contraire, la rupture du contrat de travail à durée indéterminée est imputable à l’employeur qui n’a plus fourni de travail au salarié, ni délivré le moindre bulletin de salaire. Dès lors, la rupture s’analyse non en une démission mais en un licenciement.

A défaut de toute lettre de licenciement énonçant les motifs du licenciement, celui-ci est sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant confirmé en ce qu’il a statué en ce sens et en ce qu’il a débouté la société Py visant à juger que la rupture en une démission.

Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

– sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

La société Py soutient que compte tenu d’un salaire de référence de 2 798,68 euros brut et d’une ancienneté remontant au 1er septembre 2016, il est dû à titre d’indemnité compensatrice de préavis la somme de 8 396,04 euros brut et celle de 839,60 euros au titre des congés payés afférents.

La société IMESA conclut au rejet de la demande au motif qu’elle n’est pas l’employeur de M. [C].

Ce dernier soutient qu’en sa qualité de salarié en CDI, il aurait dû bénéficier d’une indemnité compensatrice de 3 mois justifiant sur la base d’un salaire de référence de 6 200 euros net une indemnité compensatrice de préavis de 18 600 euros net, outre 1 860 euros net au titre des congés payés afférents, et, à titre subsidiaire, sur la base d’un salaire de référence de 5 378,32 euros brut, la somme de 16 134,96 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle de 1 613,50 euros brut au titre des congés payés afférents.

En application des dispositions de l’article L. 1234-1 du code du travail, de la convention collective applicable, de la qualité de cadre du salarié, de son ancienneté remontant au 12 février 2002 et de l’absence de critique du jugement qui a retenu un préavis de trois mois, M. [C] est en droit de se prévaloir d’un préavis de cette durée.

L’indemnité compensatrice de préavis due au salarié est égale au montant des salaires que le salarié aurait perçus s’il avait travaillé pendant la durée du préavis.

La requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée.

Il s’ensuit que l’indemnité de préavis doit être calculée au regard des sommes que le salarié aurait perçues en application du statut de travailleur permanent qui lui a été reconnu.

L’indemnité compensatrice est calculée sur la base des salaires et avantages bruts auxquels le salarié aurait pu prétendre et non en fonction du salaire net.

En conséquence, M. [C] doit être débouté de sa demande fondée sur une rémunération nette. En revanche, ce dernier justifie que la moyenne des trois derniers mois incluant une période de travail qui précèdent la rupture du contrat de travail s’élève à 5 378,32 euros. Le jugement est confirmé en ce qu’il a alloué à M. [C] la somme de 16 134,96 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle de 1 613,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents.

– sur l’indemnité de licenciement :

La société Py soutient que compte tenu du salaire de référence de 2 798,68 euros brut et de l’ancienneté remontant au 1er septembre 2016, l’indemnité légale de licenciement est de 1 282,73 euros brut.

La société IMESA conclut au rejet de la demande au motif qu’elle n’est pas l’employeur de M. [C].

Ce dernier qui revendique de 18 ans réclame la somme de 31 868 euros net et à titre subsidiaire celle de 27 644, 56 euros brut.

En application des articles L. 1234-9, R. 1234-1 et R. 1234-2, M. [C], dont l’ancienneté remonte au 12 février 2002 et qui a été licencié le 5 juin 2018, a droit à une indemnité de licenciement égale à un quart de mois de salaire pour les années jusqu’à 10 ans et à un tiers de mois de salaire pour les années à partir de 10 ans, l’indemnité étant calculée proportionnellement au nombre de mois complets.

L’indemnité de licenciement est fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail selon la formule la plus avantageuse entre la moyenne des 12 derniers mois précédant le licenciement et le tiers des trois derniers mois.

M. [C] ne peut donc réclamer une somme en net fondée sur une rémunération nette de sorte qu’il doit être débouté de ce chef

Celui-ci n’ayant pas travaillé, ni été rémunéré des mois de mars à mai 2018, lequel mois précède la rupture du contrat de travail, il convient de tenir compte des 12 ou 3 derniers mois précédant l’arrêt de la fourniture de travail.

La moyenne des trois derniers mois de 5 378,32 euros étant plus avantageuse, l’indemnité de licenciement due est de 25 098,83 euros brut, le jugement étant infirmé en ce sens.

– sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’:

La société Py s’oppose à la demande de M. [C] d’écarter le barème prévu à l’article L. 1235-3 du code du travail et de ramener à de plus justes proportions cette indemnité, compte tenu d’une ancienneté de 1 an et 10 mois, d’un salaire de référence de 2 798,68 euros brut et de l’absence de tout élément concret prouvant une baisse des revenus du foyer après le 5 juin 2018

La société IMESA conclut au rejet de la demande au motif qu’elle n’est pas l’employeur de M. [C].

M. [C] soutient que le barème prévu par l’article L. 1235-3 du code du travail est contraire à l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT sur le licenciement ratifiée par la France, à l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 ratifiée par la France interprété par le comité européen des droits sociaux et au droit au procès équitable garanti par la Convention européenne des droits de l’homme. Il fait valoir qu’il est bénéficiaire de l’allocation d’aide au retour à l’emploi depuis le 21 février 2020, qu’il est confronté à de sérieuses difficultés financières. Il réclame une indemnisation correspondant à 18 mois de salaire, soit à titre principal la somme de 111 600 euros nets et à titre subsidiaire celle de 97 000 nets.

Aux termes de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par le même article.

Selon l’article L. 1235-3-1 du même code, l’article 1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues à son deuxième alinéa. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Enfin, selon l’article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l’article L. 1235-3, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Aux termes de l’article 24 de la Charte sociale européenne, en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial.

L’annexe de la Charte sociale européenne précise qu’il est entendu que l’indemnité ou toute autre réparation appropriée en cas de licenciement sans motif valable doit être déterminée par la législation ou la réglementation nationales, par des conventions collectives ou de toute autre manière appropriée aux conditions nationales.

La Charte réclame des Etats qu’ils traduisent dans leurs textes nationaux les objectifs qu’elle leur fixe. En outre, le contrôle du respect de cette charte est confié au seul Comité européen des droits sociaux dont la saisine n’a pas de caractère juridictionnel et dont les décisions n’ont pas de caractère contraignant en droit français.

Sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l’Union européenne dispose d’une compétence exclusive pour déterminer s’il est d’effet direct, les stipulations d’un traité international, régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne conformément à l’article 55 de la Constitution, sont d’effet direct dès lors qu’elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l’intention exprimée des parties et à l’économie générale du traité invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses termes, elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte

complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers.

Il résulte dès lors de ce qui précède que l’article 24 de la Charte sociale européenne n’a pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers de sorte que sa violation ne peut pas être valablement invoquée par M. [C].

La cour relève que l’article 4 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) n’a pas trait à l’indemnisation du préjudice résultant d’un licenciement mais à sa justification et que le salarié n’est pas privé de la possibilité d’en contester judiciairement le motif.

Aux termes de l’article 10 de cette convention, si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.

Ces stipulations sont d’effet direct en droit interne dès lors qu’elles créent des droits entre particuliers, qu’elles n’ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire.

Le terme ‘adéquat’ signifie que l’indemnité pour licenciement injustifié doit, d’une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d’autre part raisonnablement

permettre l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi.

Il résulte des dispositions du code du travail précitées, que le salarié dont le licenciement est injustifié bénéficie d’une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et que le barème n’est pas applicable lorsque le licenciement du salarié est nul ce qui permet raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi. En outre, le juge applique d’office les dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail. Ainsi, le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré et les trois articles du code du travail précités sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

Enfin, aux termes de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Il en résulte que cet article garantit une équité ‘procédurale’ et que l’évaluation d’un préjudice n’entre pas dans son champ d’application.

En conséquence, il n’y a pas lieu d’écarter les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail qui sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention de l’OIT et il appartient à la cour d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par cet article.

Compte tenu de l’âge de M. [C] lors de la rupture (né en 1974), de son ancienneté, de son salaire, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, étant précisé que M. [C] ne justifie de la perception de prestations Pôle emploi que pour la période du 21 février 2020 au 31 mars 2021 et que les difficultés financières qu’il prouve sont postérieures de nombreux mois à son licenciement, il y a lieu de lui allouer, en application de l’article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant confirmé en ce sens.

Sur l’indemnité pour travail dissimulé

M. [C] sollicite la somme de 32 700 euros à ce titre, en faisant valoir qu’il travaillait à temps complet pour IMESA mais n’était déclaré qu’un mois par trimestre par la société Py. Il en veut pour preuve qu’il reçevait chaque mois un acompte de la société Py, avec un décalage par rapport à ses prochains contrats de travail. Il invoque aussi que le caractère intentionnel du travail dissimulé ressort du fait que la société Py effectuait sur la demande d’IMESA des DUE sur des périodes non couvertes par un contrat de travail ou bulletin de paie, ce afin de pouvoir les transmettre à l’inspection du travail en cas de contrôle, et que parfois une facture et un contrat de mise à disposition étaient édités par la société Py alors qu’il ne bénéficiait ni de contrat de travail, ni de bulletin de paie.

La société Py rétorque que les périodes d’embauche et de paie correspondaient et que les acomptes étaient destinés à lisser les rémunérations, constituant des avances sur salaires, ce que démontreraient les demandes faites expressément en ce sens par M. [C] qui était continuellement à cours d’argent et poursuivi par ses créanciers. Elle conteste tout travail dissimulé.

La société IMESA conclut aussi au débouté de ce chef, arguant de l’absence de contrat de travail la liant à M. [C], du fait que le prêt de main d’oeuvre illicite n’ouvre pas droit pour le salarié prêté à l’indemnité pour travail dissimulé et que la société IM Japon n’a jamais eu l’intention de dissimuler les heures travaillées par M. [C].

L’article L. 8223-1 du code du travail dispose :

En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Aux termes de ce dernier article, dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l’espèce, il convient de rappeler d’abord que la cour a jugé que les CDD depuis 2012 sont des contrats de travail à temps plein mais qu’aucun rappel de salaire n’a été accordé au salarié au titre des périodes couvertes par les CDD, ni au titre des périodes intersticielles.

Ensuite, il est exact au vu des relevés de compte et des bulletins de salaire de M. [C] que la société Py lui a parfois versé des acomptes à des périodes pour lesquelles aucun bulletin de paie n’a été établi (par exemple, le 5 octobre 2017 alors que le prochain contrat de travail est intervenu en janvier suivant). Il résulte aussi des pièces versées aux débats que parfois, la coordination d’IMESA sollicitait de la société Py l’établissement de DUE. M. [C] verse un contrat de mise à disposition pour mars 2018 incluant M. [C] et un contrat de mise à disposition du 1er octobre 2017. Cependant, ce dernier contrat n’est pas signé par Issey Miyake et ne comprend pas M. [C]. Celui de mars 2018 n’est pas non plus signé par Issey Miyake. Ces documents ne sont donc pas probants de la réalité d’une mise à disposition. En outre, les DUE correspondant aux demandes faites par la coordination d’IMESA ne sont pas produites. Et il résulte des propres pièces de la société Py que celle-ci recevait des demandes d’acomptes de la part de M. [C] sur des défilés à venir. Ainsi ce dernier ne présente pas d’éléments suffisamment précis quant aux heures et dates où il aurait travaillé sans avoir bénéficié de contrat de travail et sans établissement d’un bulletin de salaire correspondant. En tout état de cause, le caractère intentionnel requis n’est pas établi.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a débouté M. [C] de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur les débiteurs des sommes dues à M. [C]

S’agissant d’une situation de co-emploi, les co-employeurs sont solidairement débiteurs des obligations contractuelles à l’égard du salarié. M. [C] est donc bien fondé à prétendre que les sociétés Py et IMESA sont in solidum tenues à son égard.

Cependant, après l’engagement de l’instance prud’homale, la société Py a fait l’objet d’un jugement d’ouverture d’une procédure de sauvegarde. Or en application de l’article L.622-21 du code de commerce, le jugement d’ouverture interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent de sorte que la cour doit constater la créance de M. [C] à l’égard de la société Py et la fixer en son montant, le jugement étant infirmé en ce sens.

Sur les intérêts

Les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de jugement et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement de première instance en cas de confirmation pure et simple et du présent arrêt dans les autres cas.

Pour ce qui concerne la société Py, il convient de rappeler qu’en application des articles L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce, le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations.

Le jugement est infirmé en ce sens.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient d’ordonner à la société Py et à la société IMESA de remettre à M. [C] un certificat de travail, un bulletin de paie récapitulatif et une attestation destinée à Pôle emploi rectifiés conformément au présent arrêt sans qu’il soit besoin d’ordonner une astreinte, le jugement étant infirmé en ce sens

Sur les demandes reconventionnelles de la société Py

Sur le remboursement des avances sur salaires

La société Py prétend que M. [C] a bénéficié de la somme de 6 340 euros à titre d’avances sur son salaire de septembre 2018 alors que celles-ci n’ont connu aucune contre partie.

M. [C] ne répond pas sur ce point.

Il appartient à la société Py qui agit en restitution de l’indu de prouver le paiement et son caractère indu. Or, ni le tableau compris dans ses conclusions, ni l’extrait de son grand livre ne justifie d’un solde d’avances de 6 340 euros net en faveur de M. [C], lesdites pièces ne prouvant pas le paiement effectif des sommes visées dans le tableau, dont notamment le solde de 10 000 euros net au 31 décembre 2017, alors que les extraits des comptes bancaires de M. [C] dont la cour dispose par ailleurs ne sont pas complets et ne permettent pas de vérifier l’ensemble des sommes prétendument versées à ce dernier. La société Py est déboutée de sa demande.

Sur les dommages et intérêts pour rupture brutale et sans préavis du CDD en cours depuis le 1er juin 2018

Au regard du sens du présent arrêt ayant retenu que M. [C] a subi un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 5 juin 2018, la société Py ne peut qu’être déboutée de sa demande, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral et commercial du fait des accusations graves et infondées de M. [C] dans le but de discréditer la société Py

La société Py ne précise pas les accusations graves et infondées dont elle se plaint, ni ne prouve que M. [C] a agi dans le but de la discréditer alors que la cour a accueilli une bonne partie des demandes de M. [C]. La faute alléguée contre celui-ci n’est ni caractérisée, ni établie. La société Py ne justifie pas non plus de la réalité du préjudice moral et commercial invoqué. Le jugement qui l’a débouté de sa demande est confirmé.

Sur les demandes de la société IMESA

Sur l’amende civile

Au regard du sens de la présente décision, l’action en justice engagée par M. [C] n’est ni dilatoire, ni abusive. Les conditions d’une amende civile ne sont donc pas réunies et la demande formée de ce chef est rejetée.

Sur la restitution de la somme versée au titre de l’exécution provisoire

Le présent arrêt partiellement infirmatif est le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées au titre de l’exécution provisoire de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ordonner une quelconque restitution.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Les sociétés Py et IMESA sont in solidum condamnées aux dépens d’appel hormis ceux liés à l’intervention des sociétés FHBX prise en la personne de Me [G] et [R]-Pecou, prise en la personne de Me [R], qui resteront à la charge desdites sociétés. Le jugement est confirmé sur les dépens et frais irrépétibles de première instance. Il n’y a pas lieu à condamnation en application de l’article 700 du code de procédure au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :

Rejette la demande de M. [C] visant à dire que la cour n’est saisie d’aucun chef du jugement critiqué en l’absence d’effet dévolutif de l’appel de la société Py du 29 novembre 2021 ;

Dit que la fin de non-recevoir fondée sur la tardiveté de la demande visant à constater la caducité de la déclaration d’appel de la société Py est sans objet ;

Dit que la demande de jonction est sans objet ;

Donne acte aux sociétés FHBX et [R]-Pecou du désistement de leur intervention volontaire en leur qualité respective d’administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société Py ;

Confirme le jugement en ce qu’il a requalifié les contrats de travail à durée déterminée de M. [C] en contrat de travail à durée indéterminée, en ce qu’il a alloué à M. [C] les sommes de 10 000 euros à titre d’indemnité de requalification, 16 134,96 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, 1 613,50 euros au titre des congés payés afférents, 60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a débouté M. [C] de ses demandes en rappel de salaire et des congés payés afférents ainsi que de sa demande d’indemnité pour travail dissimulé, en ce qu’il a rejeté les demandes reconventionnelles et en ses dispositions relatives aux dépens ainsi qu’à l’article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant:

Déclare la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée fondée sur l’absence d’établissement d’écrit irrecevable comme prescrite pour tout contrat conclu antérieurement au 15 juillet 2016 ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription pour le surplus ;

Déboute la société Issey Miyake Europe de sa demande de mise hors de cause ;

Dit que les contrats de travail à durée déterminée de M. [C] depuis 2012 sont des contrats de travail à temps plein ;

Dit que la relaquification des contrats de travail à durée déterminée de M. [C] en contrat de travail à durée indéterminée prend effet au 12 février 2002 ;

Dit que les sociétés Py films production et Issey Miyake Europe sont in solidum tenues au paiement des sommes allouées ci-dessous à M. [C] ;

Fixe les créances de M. [C] à valoir au passif de la procédure collective de la société Py films production aux sommes suivantes :

– 10 000 euros à titre d’indemnité de requalification ;

– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre ;

– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour marchandage ;

-16 134,96 euros à titre d’indemnité comensatrice de préavis ;

– 1 613,50 euros au titre des congés payés afférents ;

– 60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 25 098,83 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

Condamne la société Issey Miyake Europe à payer à M. [C] lesdites sommes, soit :

– 10 000 euros à titre d’indemnité de requalification ;

– 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour prêt illicite de main d’oeuvre ;

– 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour marchandage ;

-16 134,96 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 1 613,50 euros au titre des congés payés afférents ;

– 60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 25 098,83 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

Dit que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de jugement et que les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement de première instance en cas de confirmation pure et simple et du présent arrêt dans les autres cas, étant précisé pour ce qui concerne la société Py films production que le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde du 7 décembre 2021a arrêté le cours des intérêts légaux ;

Ordonne aux sociétés Py et Issey Miyake Europe de remettre à M. [C] un certificat de travail, un bulletin de paie récapitulatif et une attestation destinée à Pôle emploi rectifiés conformément au présent arrêt, ce dans le mois de sa notification ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne in solidum les sociétés Py et Issey Miyake Europe aux dépens d’appel hormis ceux liés à l’intervention des sociétés FHBX prise en la personne de Me [G] et [R]-Pecou, prise en la personne de Me [R], qui resteront à la charge desdites sociétés.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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