La commercialisation des droits sur les manifestations sportives

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La commercialisation des droits sur les manifestations sportives
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Les règles applicables

Les droits de retransmission audiovisuelle font l’objet d’enjeux financiers collossaux. A titre d’exemple, les droits audiovisuels de la Ligue 1, pour la période 2008/2012 ont représenté 668 millions d’euros par an, en moyenne sur quatre ans contre 640 millions d’euros par an, en moyenne sur les trois années précédentes. Sur ce marché, le groupe Orange a fait son entrée sur le marché des droits en VàD, téléphonie mobile et télévision mobile personnelle (IMP). Par ailleurs, la société Canal+ Events a été désignée pour assurer la commercialisation exclusive des compétitions à l’international (1).

Le droit de propriété des fédérations sportives

Le principe est fixé par l’article L333-1 du Code du sport : les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives autorisés (voir infra) sont propriétaires du droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’ils organisent. Ce droit d’exploitation inclut notamment les droits de retransmission audiovisuelle mais également toutes les exploitations de droits dérivés. Depuis la loi sur la libéralisation des jeux d’argent et paris (loi n°2010-476 du 12 mai 2010), le droit d’exploitation inclut également le droit de consentir à l’organisation de paris sur les manifestations ou compétitions sportives (par des licences).

Les licences de paris en ligne

Lorsque le droit d’organiser des paris est consenti par une fédération sportive ou par un organisateur de manifestations sportives à des opérateurs de paris en ligne, le projet de contrat devant lier ces derniers est, préalablement à sa signature, transmis pour avis à l’ARJEL (Autorité de régulation des jeux en ligne) mais aussi à l’Autorité de la concurrence, qui se prononcent dans un délai de quinze jours à compter de la date de réception de ce document.

L’organisateur de manifestations ou de compétitions sportives peut donner mandat à la fédération délégataire ou agréée concernée ou au comité sportif pour signer, avec les opérateurs de paris en ligne, le contrat de licence de paris. Les fédérations sportives et organisateurs de manifestations sportives ne peuvent ni attribuer à un opérateur le droit exclusif d’organiser des paris ni exercer une discrimination entre les opérateurs agréés pour une même catégorie de paris.

Tout refus de conclure un contrat d’organisation de paris est motivé par la fédération sportive ou l’organisateur de cette manifestation sportive et notifié par lui au demandeur et à l’ARJEL.

Le contrat de licence consenti doit préciser les obligations à la charge des opérateurs de paris en ligne en matière de détection et de prévention de la fraude, notamment les modalités d’échange d’informations avec la fédération sportive ou l’organisateur de cette manifestation sportive. Il ouvre droit, pour les fédérations, à une rémunération tenant compte notamment des frais exposés pour la détection et la prévention de la fraude.

Les associations sportives affiliées à une fédération sportive, qui participe habituellement à l’organisation de manifestations sportives payantes et les sociétés sportives peuvent concéder aux opérateurs de paris en ligne, en tout ou partie, à titre gratuit ou onéreux, de manière exclusive ou non, des droits sur les actifs incorporels dont elles sont titulaires (à l’exclusion du droit d’organiser des paris). La notion d’actifs incorporels devrait être prochainement définie par un décret.

Les droits de retransmission audiovisuelle

Toute fédération sportive peut céder aux sociétés sportives (les clubs), à titre gratuit, la propriété de tout ou partie des droits d’exploitation audiovisuelle des compétitions ou manifestations sportives organisées chaque saison sportive par la ligue professionnelle qu’elle a créée, dès lors que ces sociétés participent à ces compétitions ou manifestations sportives. La cession bénéficie alors à chacune de ces sociétés.

Toutefois, les droits d’exploitation audiovisuelle cédés aux sociétés sportives sont commercialisés par la ligue professionnelle. Les négociations sont donc menées par la Ligue en charge avec l’obligation de commercialiser les droits par constitution de lots (pour une durée limitée et dans le respect des règles de concurrence).

En application de l’article L333-3 du Code du sport, afin de garantir l’intérêt général et les principes d’unité et de solidarité entre les activités à caractère professionnel et les activités à caractère amateur, les produits de la commercialisation par la ligue des droits d’exploitation sont répartis entre la fédération, la ligue et les sociétés. La part de ces produits destinée à la fédération et celle destinée à la ligue sont fixées par la convention passée entre la fédération et la ligue professionnelle correspondante.

Les produits revenant aux sociétés leur sont redistribués selon le principe de la mutualisation, en tenant compte de critères arrêtés par la ligue et fondés notamment sur la solidarité existant entre les sociétés, ainsi que sur leurs performances sportives et leur notoriété. A ce titre, les sociétés sportives sont soumises à des obligations d’investissement dans leur infrastructures pour développer la notoriété et la fréquentation des stades.

Le rôle pivot des fédérations

Concrètement, l’assemblée générale de la fédération sportive statue par délibération sur l’opportunité, l’objet et l’étendue de la cession des droits d’exploitation audiovisuelle.

En cas de cession de la propriété de tout ou partie des droits d’exploitation audiovisuelle, la ligue professionnelle commercialise à titre exclusif les droits d’exploitation audiovisuelle et de retransmission en direct ou en léger différé, en intégralité ou par extraits, quel que soit le support de diffusion, de tous les matchs et compétitions qu’elle organise. Il en est de même des extraits utilisés pour la réalisation de magazines d’information sportive.

En dépit de la cession, la fédération et la ligue professionnelle conservent la possibilité d’utiliser librement toute image en vue de la réalisation de leurs missions d’intérêt général, telles que l’organisation et le déroulement des compétitions, la formation des arbitres, la promotion de la discipline, l’éducation des jeunes sportifs.

L’appel à candidatures / Appel d’offre par lots

La commercialisation des droits par la ligue est réalisée selon une procédure d’appel à candidatures publique et non discriminatoire ouverte à tous les éditeurs ou distributeurs de services intéressés. L’avis d’appel à candidatures contient des informations relatives au contenu et à l’échéance des contrats en cours portant sur les autres droits d’exploitation audiovisuelle. Il précise également le calendrier de la procédure d’attribution et les modalités d’ouverture des offres des différents candidats.

Les droits sont offerts en plusieurs lots distincts dont le nombre et la constitution doivent tenir compte des caractéristiques objectives des marchés sur lesquels ils sont proposés à l’achat. Chaque lot est attribué au candidat dont la proposition est jugée la meilleure au regard de critères préalablement définis dans l’avis d’appel à candidatures. Les contrats sont conclus pour une durée qui ne peut excéder quatre ans (cette durée était de trois ans anterieurement,l’Autorité de la concurrence ne s’étant pas opposé à cet allongement mais reste opposée à un délai de cinq ans).

Les lots sont généralement divisés en supports (télévision, site Internet, service linéaire …), en durée, en exclusivité et en modalités de traitement : rediffusion des matchs, réalisation de magazines TV, résumés des meilleurs moments, droits marketing (promotion dans les stades), magazines VàD, extraits de matchs, lots Fans (matches proposés en pay per view), droits mobiles etc.

La ligue doit rejeter les propositions d’offres globales ou couplées ainsi que celles qui sont assorties d’un complément de prix. Les appels à candidatures sont assortis d’un prix de réserve et sont attribués au plus offrant.

Le droit des organisateurs des évènements sportifs

Toute personne physique ou morale de droit privé, autre que les fédérations sportives, qui organise une manifestation ouverte aux licenciés d’une discipline qui a fait l’objet d’une délégation de pouvoir et donnant lieu à remise de prix en argent ou en nature dont la valeur excède un montant fixé par arrêté du ministre chargé des sports, doit obtenir l’autorisation de la fédération délégataire concernée.

Conformément à l’article L331-5 du Code du sport, cette autorisation est subordonnée au respect des règlements et des règles techniques de la fédération concernée et à la conclusion entre l’organisateur et la fédération délégataire d’un contrat comprenant des mentions obligatoires. Le droit de l’organisateur porte notamment par diffusion de clichés photographiques réalisés à l’occasion de la compétition.

Cette règle a ainsi été appliquée au bénéfice de la société Andros, organisateur de l’événement sportif “Trophée Andros”. Une société ainsi que plusieurs revues (‘Automobile magazine et Motor presse France) avaient utilisé des clichés réalisés par un de leurs photographes couvrant le “Trophée Andros”. Sur ces photos, la marque Andros apposée sur les véhicules et la combinaison d’un pilote avait été effacée. La société Andros, estimant que cette suppression lui portait préjudice, a obtenu une indemnisation sur le fondement de l’article 1382 du Code civil et de l’article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle (Décision n° 402).

Liberté d’expression des joueurs

L’article L333-4 du Code du sport pose que les fédérations sportives, les sociétés sportives et les organisateurs de manifestations sportives ne peuvent, en leur qualité de détenteur des droits d’exploitation, imposer aux sportifs participant à une manifestation ou à une compétition aucune obligation portant atteinte à leur liberté d’expression.

Fiscalité des cessions de droits

La cession des droits d’exploitation audiovisuelle n’est pas prise en compte pour la détermination des résultats imposables des sociétés sportives au titre de l’exercice où cette cession intervient. A contrario, les charges afférentes à l’accroissement d’actif (suite à la cession) ne peuvent donc venir en déduction de leurs résultats imposables.

Accès des journalistes aux enceintes sportives

L’accès des journalistes et des personnels des entreprises d’information écrite ou audiovisuelle aux enceintes sportives est libre sous réserve des contraintes directement liées à la sécurité du public et des sportifs, et aux capacités d’accueil.

Toutefois, sauf autorisation de l’organisateur, les services de communication au public par voie électronique (Sites Internet) non cessionnaires du droit d’exploitation ne peuvent capter que les images distinctes de celles de la manifestation ou de la compétition sportive proprement dites.

Les fédérations sportives gardent la faculté, dans le respect du droit à l’information, d’adopter un règlement validé par arrêté après avis du CSA, qui définit les éventuelles modalités spécifiques d’accès et les lieux mis à la disposition des journalistes.

Droit aux extraits

La cession du droit d’exploitation d’une manifestation ou d’une compétition sportive à un service de communication au public par voie électronique (Sites Internet) ne peut faire obstacle à l’information du public par les autres services de communication au public par voie électronique.

Le vendeur ou l’acquéreur de ce droit ne peut s’opposer à la diffusion, par d’autres services de communication au public par voie électronique, de brefs extraits prélevés à titre gratuit parmi les images du ou des services cessionnaires et librement choisis par le service non cessionnaire du droit d’exploitation qui les diffuse. Ces extraits sont diffusés gratuitement au cours des émissions d’information.

En application de l’article L333-7 du Code du sport, cette diffusion d’extraits s’accompagne dans tous les cas d’une identification suffisante du service de communication au public par voie électronique cessionnaire du droit d’exploitation de la manifestation ou de la compétition.

Les brefs extraits d’une manifestation ou d’une compétition sportive sont prélevés parmi les images du détenteur du droit d’exploitation établi en France par tout éditeur de services de télévision, pour la diffusion sur son antenne ou sur ses services de médias audiovisuels à la demande qui mettent à disposition le même programme en différé i) si cet éditeur est établi en France ou ii) s’il est établi dans un autre Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen dès lors qu’aucun éditeur de cet Etat n’a acquis ce droit d’exploitation. A noter qu’à l’image de la ligue de football, les fédérations proposent des produits “prêt à être diffusé” aux opérateurs dont la production n’est pas le métier.

Deux décisions ont précisé la notion de “brefs extraits” en matière audiovisuelle.

En premier lieu, les juges (Cour d’appel de Versailles, 23 septembre 2004) ont fait référence au code de bonne conduite conclu en 1992. Ce code fixe à une minute trente secondes la norme généralement admise pour la diffusion des extraits de compétitions sportives. La Cour d’appel après avoir rappelé le principe selon lequel la notion de brefs extraits qui constitue une disposition exceptionnelle en ce qu’elle limite le droit de propriété suppose la recherche d’un juste équilibre entre ce droit de propriété et le droit à l’information, a jugé que la durée de 90 secondes par journée de championnat laquelle comporte en moyenne trois matches, qui y est préconisée, peut être retenue comme référence pour définir la notion de “bref extrait”. Ces diffusions de brefs extraits doivent également être écartées de deux heures. En l’espèce, la condamnation de la société Equipe TV a été confirmée : “en diffusant une durée cumulée d’extraits de matches de 4h30 minutes et de 1h50 minutes au titre des 21ème et 22ème journées de championnat dont la quasi-totalité des extraits dépasse 1’30’par journée et près de 50 excèdent 3′, la société Equipe TV a épuisé largement le droit à l’information du public à titre gratuit.”

En second lieu, la Cour de cassation (Cour de cassation, ch. com., 8 février 2005) a jugé que la notion de “brefs extraits” doit être interprétée strictement et peut être limitée, pour les émissions d’information, à la diffusion d’un bref extrait toutes les quatre heures par périodes de vingt quatre heures.

La cession du droit d’exploitation d’une manifestation ou d’une compétition sportive à un service de communication au public par voie électronique ne fait pas obstacle à la réalisation et à la diffusion gratuite par tout service de radiodiffusion sonore, sur tout ou partie du territoire, en direct ou en différé, du commentaire oral de cette manifestation ou de cette compétition.

La cession des droits à un service en ligne, ne fait pas obstacle à la diffusion partielle ou intégrale de cette manifestation ou de cette compétition par un autre service en ligne lorsque le service cessionnaire du droit d’exploitation n’assure pas la diffusion en direct d’extraits significatifs de la manifestation ou de la compétition sportive.

Les évènements d’importance majeure

Les événements sportifs peuvent revêtir la qualification d’évènements d’importance majeure, il convient alors de leur appliquer (cumulativement) ce régime.

Droits de retransmission et concurrence

Le droit de la concurrence s’applique pleinement à toute la chaîne des contrats conclus dans le cadre de l’exploitation des droits audiovisuel et des droits dérivés.

Concernant le contr ôle de la position dominante des Ligues professionnelles sur le marché de la commercialisation des droits de retransmission, la Commission européenne a admis que l’exclusivité et la centralisation de la vente des droits ne posaient pas de problèmes spécifiques de concurrence. Cependant la Commission, en la matière, a adopté une ligne d’action qui doit permettre d’élargir et diversifier l’offre de programmes footballistiques à la télévision et permettre aux clubs d’adapter ces droits à leurs propres supporters en prenant notamment la nécessité de donner une impulsion aux marchés émergents des nouveaux médias (Internet et téléphonie mobile de troisième génétration)

Par une décision du 30 septembre 2009, l’Autorité de la concurrence a sanctionné la Fédération française de football et la société Sportfive à hauteur de 6,9 millions d’euros pour s’être entendues afin d’éliminer toute concurrence dans la commercialisation des droits marketing de la Fédération. La FFF et Sportfive avaient noué des accords exclusifs de très longue durée sans faire appel à la concurrence pour la gestion des droits marketing de l’Equipe de France et de la Coupe de France. Les contrats conclus sur 17 années combinaient des clauses d’exclusivité, des clauses de tacite reconduction et d’indemnité de fin de contrat. Associés à des avenants de prolongation signés plusieurs années avant l’échéance théorique des contrats, ces éléments présentaient un caractère anticoncurrentiel. L’Autorité de la concurrence a établi que les deux parties s’étaient également concertées, en empêchant un concurrent (Havas Sports) d’obtenir les informations nécessaires au chiffrage de sa proposition suite à un premier appel d’offre. .

(1) Pour une présentation détaillée du Football professionnel français (LFP.fr)

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