Dirigeant de fait : 16 décembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/15008

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Dirigeant de fait : 16 décembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 21/15008
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 16 DECEMBRE 2022

N° 2022/433

Rôle N° RG 21/15008 – N° Portalis DBVB-V-B7F-BIJBA

Anne LAGEAT mandataire liquidateur de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE

C/

[B] [K]

Association UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA DE MARSEILLE

Copie exécutoire délivrée le :

16 DECEMBRE 2022

à :

Me Christine SOUCHE-MARTINEZ de la SCP MASSILIA SOCIAL CODE, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Loreleï CHEVREL, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DIGNE LES BAINS en date du 04 Octobre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 20/00097.

APPELANT

Maître Anne LAGEAT ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Christine SOUCHE-MARTINEZ de la SCP MASSILIA SOCIAL CODE, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Jérôme FERRARO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEES

Madame [B] [K], demeurant [Adresse 1]

non comparante

Association UNEDIC DELEGATION AGS-CGEA DE MARSEILLE L’Unédic Délégation AGS- CGEA de Marseille, Association déclarée, représentée par sa Directrice nationale, Madame [E] [Y], domiciliée [Adresse 5], demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Loreleï CHEVREL, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

La société SARL TAXI VALLEE DE l’ASSE était une société de transport de voyageurs par taxi dont le siège social était situé [Adresse 2] et dont Madame [X] [S] était la gérante.

A effet du 4 décembre 2008 et selon procès-verbal de l’assemblée extraordinaire, la société était détenue par trois associés :

– Madame [X] [S], titulaire de 10 parts en capital de 100 euros chacune,

– Madame [B] [K], titulaire de 10 parts en capital de 100 euros chacune,

– Monsieur [V] [P], titulaire de 10 parts en capital de 100 euros chacune.

Madame [K] fait état d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 10.07.2009 à effet du 04.08.2009 pour des fonctions de Directrice technique de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE.

Elle fait ensuite état d’un avenant contractuel du 27.06.2012 aux termes duquel les parties ont convenu de modifier les fonctions de Madame [K] pour y ajouter celles de chauffeur de taxi.

Madame [K] produit ensuite un nouveau contrat de travail à durée indéterminée régularisé avec la SARL TAXI VALEE DE L’ASSE le 01.07.2012 aux termes duquel les parties ont convenu que Madame [K] exercerait ses fonctions à temps partiel, à raison de 75 h 84 mensuelles.

Par jugement du 21.02.2012, le Tribunal de commerce de Manosque a prononcé le redressement judiciaire de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE.

Selon jugement du 05.03.2013, il a décidé la continuation de l’entreprise et a adopté un plan de redressement.

Selon jugement du 12.11.2019, le Tribunal de commerce de Manosque a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire et a désigné Maître LAGEAT en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE.

Madame [K] a alors été convoquée par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 14.11.2019 réceptionné le 15.11.2019 par Maître LAGEAT ès qualités, à un entretien préalable en vue d’un licenciement pour motif économique fixé le 25.11.2019.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 16.11.2019 réceptionné le 28.11.2019, Maître LAGEAT a notifié à Madame [K] son licenciement pour motif économique, après refus d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle.

Par courrier du 18.02.2020, Maître LAGEAT ès qualités a informé Madame [K] de la décision de l’AGS de ne pas reconnaitre sa qualité de salarié.

Madame [B] [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Digne les Bains.

Par jugement du 4 octobre 2011, le conseil de prud’hommes de Digne les Bains a :

-DIT que Madame [K] disposait bien d’un contrat de travail en bonne et due forme et avait bien la qualité de salariée de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE

-DIT que la demande de Madame [K] d’une indemnité au titre de l’irrégularité de la procédure est justifiée

-FIXÉ les créances de Madame [K] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE aux sommes suivantes :

*1286,47 euros au titre de l’irrégularité de la procédure,

*2526,74 euros bruts à titre d’indemnité de préavis,

*252,67 euros au titre des congés payés afférents,

*3359,77 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

*1844,52 euros à titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

-ORDONNÉ à Me LAGEAT de remettre à Madame [K] ses documents de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification de la décision à intervenir,

-PRONONCÉ de fait l’exécution provisoire,

-CONDAMNÉ solidairement CGEA AGS et Me LAGEAT aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 22 octobre 2021, Maître LAGEAT ès qualités, a relevé appel de ce jugement et demande à la Cour, suivant conclusions notifiées par voie électronique le 7 janvier 2022, de :

REFORMER le jugement rendu le 04.10.2021 par le conseil de prud’hommes de Digne les Bains en ce qu’il a :

-DIT que Madame [K] disposait bien d’un contrat de travail en bonne et due forme et avait bien la qualité de salariée de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE ;

-DIT ET JUGE que la demande de Madame [K] d’une indemnité au titre de l’irrégularité de la procédure est justifiée ;

-FIXE les créances de Madame [K] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE aux sommes suivantes :

*1286,47 euros au titre de l’irrégularité de la procédure,

*2526,74 euros bruts à titre d’indemnité de préavis,

*252,67 euros au titre des congés payés afférents,

*3359,77 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

*1844,52 euros à titre de l’indemnité compensatrice de congés payés

-ORDONNE à Me LAGEAT de remettre à Madame [K] ses documents de fin de contrat sous astreinte de 100 € par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification de la décision à intervenir,

-PRONONCE de fait l’exécution provisoire,

-CONDAMNE solidairement la ‘société’ CGEA AGS et Me LAGEAT aux entiers dépens de l’instance.

CONFIRMER le jugement rendu le 04.10.2021 par le Conseil de prud’hommes de DIGNE LES BAINS en ce qu’il a :

-DEBOUTE Madame [K] de sa demande au titre de l’article 700 du CPC sommes non garanties par l’AGS CGEA ;

En tout état de cause et y statuant à nouveau, il est demandé à la Cour d’appel d’AIX EN PROVENCE de :

DIRE ET JUGER que Madame [K] ne revêt pas la qualité de salariée de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE en ce qu’aucun lien de subordination juridique n’est établi ni aucun contrat de travail et qu’elle agissait comme dirigeant de fait,

DIRE ET JUGER la procédure de licenciement régulière,

En conséquence,

DEBOUTER Madame [K] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER Madame [K] à restituer les sommes lui ayant été réglées en exécution du jugement rendu le 4 octobre 2021 par le Conseil de prud’hommes de DIGNE LES BAINS soit les sommes suivantes :

– 1 286,47 euros au titre de l’irrégularité de la procédure,

– 2 526,74 euros bruts à titre d’indemnité de préavis,

– 252,67 euros au titre des congés payés afférents,

– 3 359,77 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 1 844,52 euros à titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

CONDAMNER Madame [K] à la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 février 2022, l’AGS-CGEA de Marseille demande à la Cour de :

REFORME le jugement rendu le 04 octobre 2021 par le Conseil de Prud’hommes de Digne les Bains en ce qu’il a :

– Dit et jugé que la salariée Madame [K] [B] disposait bien d’un contrat de travail en bonne et due forme et avait bien la qualité de salariée de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE

– Dit et jugé que la demande de Madame [K] [B] d’une indemnité au titre de l’irrégularité de la procédure est justifiée

– Fixé les créances de Madame [K] [B] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE aux sommes suivantes :

o 1 286.47 euros au titre de l’irrégularité de la procédure

o 2526.74 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis

o 252.67 euros au titre des congés payés afférents

o 3359.77 euros au titre de l’indemnité de licenciement

o 1844.52 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés

– Ordonné à Maître LAGEAT de remettre à Madame [K] ses documents de fin de contrat sous astreinte de 100 € par jour de retard à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification de la décision à intervenir

-Prononcé de fait l’exécution provisoire

-Condamné solidairement la société CGEA AGS et Maître Anne LAGEAT aux entiers dépens de l’instance

CONFIRMER le jugement rendu le 04 octobre 2021 par le Conseil de Prud’hommes de Digne les Bains pour le surplus et notamment en ce qu’il a débouté Madame [K] [B] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau :

Juger que Madame [K] n’était pas liée à la SARL TAXI VALLEE DE L’ASSE par un contrat de travail et n’avait donc pas la qualité de salarié

Débouter Madame [K] de l’ensemble de ses demandes

Condamner Madame [K] à rembourser à l’AGS CGEA les sommes versées au titre de l’exécution provisoire, soit la somme de 7 983.04 euros

Juger en tout état de cause que la procédure de licenciement avait été respectée.

Condamner Madame [K] à payer à l’AGS CGEA la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Madame [B] [K] n’a pas constitué avocat et n’a pas développé d’argumentation devant le Cour.

La procédure a été close suivant ordonnance du 8 septembre 2022.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur l’existence du contrat de travail

Maître LAGEAT ès qualités de liquidateur de la société TAXI VALLEE DE L’ASSE et l’AGS CGEA de Marseille soutiennent qu’il ne faut pas s’en tenir à la dénomination d’un contrat pour déterminer la nature des liens juridiques existants entre les contractants ; que le juge doit vérifier la véritable nature juridique du contrat ; qu’en l’espèce Madame [K], directrice technique de la société, ne justifie pas l’existence du lien de subordination à l’égard de la société TAXI VALLEE DE L’ASSE, nécessaire à la reconnaissance d’un contrat de travail ; qu’au contraire, associée de la société, elle s’est comportée comme un dirigeant de fait en effectuant notamment des avances de trésorerie à la société dont il n’est pas justifié qu’elles aient été remboursées ; qu’elle disposait d’un contrôle total sur la gestion comptable de l’entreprise; qu’elle disposait de la même adresse mail que Madame [X] [S], gérante de la société avec qui elle entretenait des relations personnelles depuis de très longues années ; que Madame [K] s’est comportée comme la gérante de l’entreprise à la place de Madame [S] et qu’elle ne peut bénéficier de la qualité de salariée.

Madame [K] a soutenu devant le conseil de prud’hommes qu’elle était salariée de la société TAXI VALLEE DE L’ASSE, titulaire d’un contrat à durée indéterminée à temps complet signé le 10 juillet 2006, modifié par deux avenants en 2012, l’un ajoutant à ses fonctions celle de chauffeur de taxi, l’autre la passant à temps partiel à raison de 75,84 heures/ mois ; qu’elle effectuait des courses en taxi, justifiait de ses bulletins de paie de 2009 à 2019 ; qu’elle n’avait pas le temps matériel de gérer une entreprise.

Elle a précisé qu’elle avait prêté une somme de 30.000 euros pour l’acquisition d’une licence de taxi, dont le remboursement par la société était en cours ; qu’elle avait également dépanné de petites sommes d’argent la société, afin d’éviter une liquidation judiciaire de cette petite structure famiale. Madame [K] expliquait également qu’elle effectuait quelques missions comptables, en sa qualité d’assistante comptable travaillant à mi temps pour le cabinet comptable KESSAS, chargé de la comptabilité de l’entreprise. Elle a rappelé que Madame [S] était la seule gérante de la société, disposant seule d’une procuration bancaire, lui fixant ses horaires et lui autorisant ses congés, tel qu’elle l’a elle même indiqué dans une attestation versée aux débats.

***

En présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.

Il est produit aux débats le contrat de travail à durée indéterminée à temps complet signé par la SARL TAXI VALLEE D’ASSE avec Madame [B] [K] le 4 août 2009 en qualité de directrice technique moyennant un salaire de 1.686,57 euros bruts.

Par avenant, également versé aux débats en date du 27 juin 2012, il est précisé que son contrat est modifié en y ajoutant le poste de chauffeur de taxi et par avenant en date du 01 juillet 2012, il est indiqué que Madame [B] [K] sera désormais employée à temps partiel en qualité de chauffeur de taxi moyennant un salaire brut de 886,57 euros.

Au vu de la production de ces documents contractuels témoignant de l’apparence d’une relation salariale, il appartient à Maitre LAGEAT ès qualités et à l’AGS CGEA de démontrer que Madame [K] n’était en réalité pas salariée de la société TAXI VALLEE D’ASSE, mais, comme elles le soutiennent, qu’elle était gérante de fait de cette société.

Il résulte des pièces produites que Madame [X] [S] a été désignée gérante de la société TAXI VALLEE D’ASSE suivant procès verbal d’assemblée générale du 4 décembre 2008.

Maitre LAGEAT ès qualités et l’AGS CGEA font valoir que Madame [K] était en réalité gérante de fait et avait notamment un contrôle total sur la gestion comptable de l’entreprise.

Madame [K] a expliqué, au terme de son attestation produite aux débats qu’elle travaillait à mi-temps en qualité de chauffeur de taxi et occupait parallèlement un emploi de comptable à temps partiel auprès d’un autre employeur, la société KESSAS. Elle indiquait que, dans ce cadre, elle avait été amenée à effectuer quelques missions comptables pour le compte de la société TAXI VALLEE D’ASSE.

En l’absence de procuration bancaire et de signature effective des actes juridiques de la société TAXI VALLEE D’ASSE ou de tout autre élément produit, le fait que Mme [K] ait pu effectuer certaines missions de comptabilité, ne figurant pas expressément à son contrat de travail, ne caractérise pas la gestion de fait invoquée.

En outre, compte tenu de la petite taille (3 salariés), du caractère familial de la société et de la formation de comptable de Madame [K] (cf curriculum vitae) il ne peut être tiré du seul compte-rendu d’entretien de Maitre LAGEAT en date du 24 janvier 2020, ayant recontré Madame [S] gérante et Madame [K] dans le cadre de la liquidation judiciaire, la conclusion que Madame [K], qui répondait aux questions posées à Madame [X] [S] sur les plannings des salariés et l’exploitation de la société, était gérante de fait.

De même, le fait que l’adresse utilisée pour toute communication avec l’étude LAGEAT soit ‘andreechristine constituée par les prénoms de Madame [S] et Madame [K], ne signifie pas que Madame [K], par ailleurs associée de la société TAXI VALLEE D’ASSE jusqu’en 2012 et amie de Mme [S], se comportait comme la gérante de fait de cette société.

Si Madame [K] a reconnu avoir, en septembre 2018, consenti à la société, en mauvaise posture financière, une avance de trésorerie de 30.000 euros, elle a soutenu en première instance qu’il s’agissait d’un prêt afin d’acquérir une licence de taxi, prêt qui était en cours de remboursement. Maitre LAGEAT soutient qu’il s’agirait en réalité d’un cadeau fait dans l’intérêt de la société, ce qui signifierait que Mme [K] était bien gérante de fait. Cependant, il résulte de l’examen des bulletins de paie produits aux débats à compter de décembre 2018 jusqu’au mois d’octobre 2019, que les remboursements de cette somme (remb licence) étaient bien mentionnés, pour un total de 13.250 euros et qu’il s’agissait donc d’un prêt.

Ainsi, alors que le conseil de prud’hommes a relevé dans sa décision que Madame [K] avait produit, dans le cadre de la première instance, ses bulletins de salaire de 2009 à 2019, ainsi que le listing des courses effectuées en tant que chauffeur de taxi du 02/07/2019 au 05/11/2019 et que Madame [X] [S], gérante de la société de TAXI VALLEE D’ASSE certifiait, par une attestation, que Madame [B] [K] travaillait bien sous son contrôle et sa subordination, l’appelante et l’AGS- CGEA ne sont pas en mesure de démontrer l’existence d’une gestion de fait, qui priverait l’intimée de sa qualité de salariée.

Il s’ensuit que le conseil de prud’hommes a exactement caractérisé l’existence d’un contrat de travail entre la société TAXI VALLEE DE l’ASSE et Madame [B] [K].

Sur l’irrégularité du licenciement

Madame [K] a soutenu que la procédure de licenciement était irrégulière en ce que :

-elle n’avait pas reçu convocation écrite mentionnant la faculté d’être assistée à l’entretien préalable fixé au 25/11/2019 et n’avait appris cette convocation que verbalement à l’occasion d’un passage à l’ étude de Maitre LAGEAT le 18/11/2019,

-la convocation verbale ne respectait pas le délai de 5 jours ouvrables entre la date de convocation et l’entretien préalable,

-la notification du licenciement économique étant intervenue dès le 26 novembre 2019, soit le lendemain de l’entretien préalable, le délai de 2 jours ouvrables minimum n’avait pas été respecté.

Maitre LAGEAT ès qualités de liquidateur de la société TAXI VALLEE D’ASSE et l’AGS critiquent la décision du conseil de prud’hommes de Digne les Bains qui a fait droit à ces arguments et a dit qu’il convenait de fixer au passif de la société une somme de 1.286,47 euros à titre d’indemnité pour licenciement irrégulier.

Elles indiquent que Madame [K] a bien reçu une convocation écrite à l’entretien préalable, par courrier recommandé en date du 14 novembre 2019, soit dans un délai supérieur à 5 jours ouvrables et comportant l’intégralité des mentions obligatoires.

Elles ajoutent que les dispositions de l’article L1232-6 du code du travail qui imposent un délai de deux jours ouvrables entre l’entretien préalable et la notification du licenciement, n’est pas applicable pour les licenciements pour motif économique intervenus suite à une liquidation judiciaire.

***

Aux termes des dispositions de l’article L1232-2 du code du travail, ‘l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque avant toute décision, à un entretien préalable.

La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation.

L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation’.

Maitre LAGEAT ès qualités verse aux débats la lettre recommandée de convocation à l’entretien préalable datée du 14 novembre 2019 à l’adresse du domicile de Madame [K] et comportant la faculté de se faire assister lors de l’entretien.

La cour constate que cette lettre de convocation a été envoyée dans un délai supérieur à 5 jours ouvrables avant la date prévue de l’entretien, soit le 25 novembre 2019 et que la procédure a été régulièrement diligentée par le liquidateur à ce titre.

S’agissant de la notification de la lettre de licenciement, l’article L 1233-15 du code du travail prévoit que lorsque l’employeur décide de licencier un salarié pour un motif économique, qu’il s’agisse d’un licenciement pour motif individuel ou inclus dans un licenciement collectif de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, il lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception.

Cette lettre ne peut être expédiée moins de 7 jours ouvrables à compter de la date prévue de l’entretien préalable de licenciement auquel le salarié a été convoqué.

Toutefois, l’article L 1232-59 du code du travail dispose que les délais prévus à l’article 1233-15 du code du travail ne sont pas applicables en cas de redressement ou de liquidation judiciaire.

Les dispositions de l’article 1232-6 du code civil, qui imposent un délai de deux jours minimum entre la date de l’entretien préalable et l’envoi de la lettre de licenciement, ne sont pas non plus applicables dans le cas d’un licenciement prononcé pour motif économique suite à une liquidation judiciaire, car elles concernent les licenciements pour motif personnel.

Il s’ensuit que Maître LAGEAT, qui a expédié la lettre de licenciement le 26 novembre 2019, soit le lendemain de l’entretien préalable de Madame [K] qui s’est déroulé le 25 novembre 2019, n’a pas commis d’irégularité procédurale susceptible de causer préjudice à la salariée.

En conséquence, la décision du conseil de prud’hommes qui a fixé au passif de la société TAXI VALLEE DE L’ASSE la somme de 1.286,47 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière, sera infirmée.

Sur les autres demandes indemnitaires

Madame [K] ayant refusé le contrat de sécurisation professionnelle et ayant été dispensée d’exécuter son préavis, il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a dit qu’elle avait droit à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 2 mois de salaire, soit la somme de 2.526,74 euros, outre la somme de 252,67 euros au titre des congés payés y afférents. Ces sommes seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société TAXI VALLEE DE L’ASSE.

En application de l’article L1234-2 du code du travail, Madame [B] [K] disposant d’une ancienneté de 13 ans dans l’entreprise et d’un salaire moyen de 1.286,47 euros, il convient de confirmer la décision du conseil de prud’hommes qui a fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société TAXI VALLEE DE L’ASSE la somme de 3.359,77 euros à titre d’indemnité de licenciement, calcul non contesté par l’appelante, ni l’AGS.

Aux termes de l’article 3141-28 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L3141-24 à L3141-27 du code du travail.

Au vu du dernier bulletin de salaire de Madame [K] (soit octobre 2019), elle disposait de 24 jours de congés payés non pris sur l’année 2018 et 12,5 de congés payés acquis pour l’année 2019.

En conséquence, la cour confirme la décision du conseil de prud’hommes de fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société une somme de 1.844,52 euros à titre d’indemnité de congés payés au bénéfice de Madame [K].

Sur la garantie de l’AGS

Il convient de rappeler que l’obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l’AGS, de procéder à l’avance des créances visées à l’article L 3253-8 et suivants du Code du Travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, et payable sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du Code du Travail.

Il convient également de rappeler que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art. L. 622-28 du code de commerce).

Le présent arrêt devra être déclaré opposable à l’AGS et au CGEA de Marseille.

Sur les documents de fin de contrat

Il convient d’enjoindre à Maître LAGEAT ès qualités de remettre à Madame [K] les documents de fin de contrat (certificat de travail, solde de tout compte et attestation Pôle Emploi) sans qu’il soit nécessaire de prononcer une astreinte.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il convient de confirmer la décision du conseil des prud’hommes en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de Madame [K] de voir fixer au passif de la liquidation de la société une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Partie perdante au principal, Maître LAGEAT ès qualités, sera tenue aux dépens de première instance et d’appel.

En revanche, le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé en ce qu’il a dit que l’AGS CGEA était solidairement tenu au paiement des dépens, ceux ci n’étant pas garantis.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement déféré sauf sur la fixation au passif de la liquidation judiciaire d’une indemnité de 1.286,47 euros au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement, le prononcé d’une astreinte pour la remise des documents de fin de contrat et la condamnation de l’AGS CGEA solidairement aux dépens,

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Rejette la demande de fixation au passif de la somme de 1286,47 euros au titre de l’irrégularité de la procédure de licenciement,

Rejette la demande d’astreinte pour la remise des documents de fin de contrat à Madame [K],

Dit n’y avoir lieu de condamner l’AGS CGEA de Marseille aux dépens,

Rappelle que l’obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l’AGS, de procéder à l’avance des créances visées à l’article L 3253-8 et suivants du Code du Travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et L 3253-17 du Code du Travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail, et payable sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judicaire, et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L 3253-20 du Code du Travail,

Y ajoutant :

Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,

Fixe au passif de la liquidation de la société VALLE D’ASSE les sommes dues au titre des dépens de première instance et d’appel,

Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS et au CGEA de Marseille.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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