Dirigeant de fait : 12 avril 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03460

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Dirigeant de fait : 12 avril 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 22/03460
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 22/03460 – N° Portalis DBVH-V-B7G-ITKA

CC

COUR D’APPEL D’AIX EN PROVENCE

07 janvier 2021

RG:19/04963

[S]

[W]

C/

[M]

Grosse délivrée

le 12 AVRIL 2023

à Me Romain FLOUTIER

Me Saâdia ESSAKHI

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

4ème chambre commerciale

ARRÊT DU 12 AVRIL 2023

Décision déférée à la Cour : Arrêt du Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE en date du 07 Janvier 2021, N°19/04963

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre,

Madame Claire OUGIER, Conseillère,

Madame Agnès VAREILLES, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.

DÉBATS :

A l’audience publique du 16 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 05 Avril 2023 prorogé à ce jour.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTS :

Madame [H] [S]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 9] ([Localité 9])

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Romain FLOUTIER de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Lucien SIMON, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alma SIGNORILE avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

Monsieur [D] [W]

né le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 8] ([Localité 8])

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Romain FLOUTIER de la SCP FONTAINE ET FLOUTIER ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Lucien SIMON, Plaidant, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Alma SIGNORILE avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉ :

Maître [B] [M], Mandataire Judiciaire, pris en sa qualité de Liquidateur Judiciaire de LA SOCIETE AUTO CONCEPT VENELLES, Société à Responsabilité Limitée au capital de 2 000,00 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’AIX ENPROVENCE sous le numéro 512 994 260, régulièrement désigné à cette fonction aux termes d’un Jugement rendu le 20 mai 2014 par le Tribunal de commerce de Toulon.

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représenté par Me Saâdia ESSAKHI, Postulant, avocat au barreau de NIMES

Représenté par Me Agnès CHABRE, Plaidant, avocat au barreau de TOULON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 09 Mars 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Mme Christine CODOL, Présidente de Chambre, le 12 Avril 2023,par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSÉ

Vu l’arrêt n° 19/04963 rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 7 janvier 2021 sur l’appel initié par Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] à l’encontre du jugement prononcé le 5 mars 2019 par le tribunal de commerce de Toulon dans l’instance n° 2017F00583.

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 5 octobre 2022 cassant et annulant en toutes ses dispositions l’arrêt du 7 janvier 2021 rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans l’instance n° 19/04963 et remettant la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoyant devant la cour d’appel de Nîmes.

Vu la déclaration de saisine de la cour d’appel de Nîmes du 26 octobre 2022 à l’initiative de Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W].

Vu l’avis du 15 novembre 2022 de fixation de l’affaire à bref délai à l’audience du 16 mars 2023.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 15 février 2023 par les appelants et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions remises par la voie électronique le 9 février 2023 par Maître [B] [M], intimé, et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu la communication de la procédure au Ministère Public qui, par conclusions du 13 février 2023, notifiées aux parties le 14 février 2023, « conclut à la confirmation par la cour de la décision du tribunal de commerce de Toulon du 5 mars 2019, au visa des motifs pertinents adoptés par les premiers juges :

1° sur la caractérisation pleine et entière des fautes de gestion commises par Madame [S] [H], dirigeante de droit de la société SARL Auto Concept Venelles, et Monsieur [D] [W], dirigeant de fait ;

2° sur le lien de causalité direct avec l’insuffisance d’actifs qui en a résulté ;

3° et en l’état d’une gestion de fait assumée par Monsieur [W] et amplement démontrée par les actes réguliers de gestion de la société opérés par ce dernier, indépendamment de toute procédure pénale en cours, et notamment :

son positionnement de dirigeant auprès de l’administrateur de la société ;

son positionnement de dirigeant dans le cadre du contrôle fiscal ;

son positionnement de représentant légal ayant contracté avec la société Ferrari Financial Services, dont il était le seul interlocuteur et pour lequel il s’est d’ailleurs engagé en tant que caution ;

ses décisions intéressant la gestion des actifs de la société, notamment en terme de cession de véhicule ».

Vu l’ordonnance du 15 novembre 2022 de clôture de la procédure à effet différé au 9 mars 2023.

Vu la demande de note en délibéré par mention au plumitif du 16 mars 2023 sur l’irrecevabilité de la demande de sursis à statuer des appelants, présentée après défense au fond.

* * *

La SARL Auto Concept Venelles a été constituée le 15 juin 2009 par Monsieur [F] [R], Monsieur [D] [W], Monsieur [L] [K] et Madame [H] [S]. Elle a pour activité le commerce de voitures et de véhicules automobiles de luxe.

Le capital social de la société est actuellement composé comme suivant :

Monsieur [D] [W] : 60 parts (60%) ;

Monsieur [F] [R] : 35 parts (35%) ;

Madame [H] [S] : 5 parts (5%).

Madame [S] était gérante de la société depuis sa création et son fils, [D] [W], directeur commercial.

Madame [S] et Monsieur [W], ont été mis en examen le 28 juin 2013 du chef d’escroquerie à la TVA en bande organisée et ont été placés sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer toute activité commerciale en lien avec la vente de véhicule. Dès lors, par assemblée générale extraordinaire du 30 octobre 2013, Monsieur [P] a été nommée en qualité de nouveau gérant de la société.

Sur déclaration de cessation des paiements du nouveau gérant et par jugement du 2 décembre 2013, le tribunal de commerce de Toulon a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Auto Concept Venelles, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 20 mai 2014. La date de cessation des paiements a été fixée au 29 novembre 2013. Maître [B] [M] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur.

Par exploits des 7 et 9 mars 2017, Maître [B] [M], en sa qualité de liquidateur judiciaire, a fait assigner Madame [S] et Monsieur [W] devant le tribunal de commerce de Toulon aux fins de voir constater qu’ils avaient commis des fautes de gestion ayant contribué à la réalisation de l’insuffisance d’actif de la société Auto Concept Venelles.

Par jugement du 5 mars 2019, le tribunal de commerce de Toulon a, au visa des articles L. 653-1 et suivants du code de commerce, :

-Rejeté l’ensemble des demandes de Maître [B] [M], es qualités, à l’encontre de Monsieur [T] [P] ;

-Dit que Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] ont commis des fautes de gestion qui ont contribué à l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la SARL Auto Concept Venelles ;

-Déclaré Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W], domiciliés [Adresse 3], responsables de l’insuffisance d’actif de la SARL Auto Concept Venelles sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de commerce ;

-Condamné in solidum Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W], domiciliés, [Adresse 3] à payer la somme de un million d’euros (1 000 000 euros) sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de commerce ;

-Dit que la somme sera payable entre les mains de Me [B] [M], [Adresse 5] es qualités de liquidateur de la SARL Auto Concept Venelles dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement ;

-Condamné in solidum Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

-Dit que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire.

Le 26 mars 2019, Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] ont interjeté appel de ce jugement aux fins de le voir réformer en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a dit que les dépens seront employés en frais de liquidation.

Par arrêt du 7 janvier 2021, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a :

-Confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu’il a retenu contre [H] [S] et [D] [W] la faute d’incompétence manifeste en matière et de gestion et les a condamnés à supporter l’insuffisance d’actif de la société à hauteur de la somme de 1 000 000 d’euros ;

-Infirmé le jugement en ces points ;

Statuant à nouveau,

-Dit que [H] [S] et [D] [W] n’ont pas commis la faute d’incompétence manifeste en matière de gestion ;

-Les a condamnés solidairement à supporter l’insuffisance d’actif de la société Auto Concept Venelles à hauteur de la somme de 900 000 euros ;

-Les a condamnés in solidum à payer à Maître [B] [M] ès qualités la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Les a condamnés aux dépens.

Madame [H] [W] et Monsieur [D] [W] ont formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt.

Par arrêt du 5 octobre 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 7 janvier 2021 entre les parties par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, a remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour de Nîmes, a condamné Maître [M], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Auto Concept Venelles, aux dépens et, en application de l’article 700 du code de procédure civile, a rejeté la demande formée par Madame [S] et Monsieur [W].

Par déclaration du 26 octobre 2022, Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] ont saisi la cour d’appel de Nîmes.

***

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique, les appelants demandent à la cour, au visa des articles L. 223-36, L. 621-2, L. 621-6, L. 631-1, L. 651-2, L. 653-5, L. 653-5, L. 653-8, R. 631-4, R. 651-5 du code de commerce, de l’article 4 du code de procédure pénale, des articles 9, 122 du code de procédure civile, de l’article 1315 du code civil, de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 4 du protocole 7 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux, du principe du procès équitable, de la jurisprudence citée, des pièces versées aux débats, de :

Statuant après renvoi de la Cour de cassation qui a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 7 janvier 2021, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence et remis l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt,

-Infirmer le jugement entrepris en ses chefs de dispositifs expressément critiqués par les consorts [S] [W] ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal :

-Dire que Maître [B] [M], ès qualités, ne démontre pas la réalité et le montant de l’insuffisance d’actif alléguée ainsi que des fautes de gestions reprochées à Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] ;

-Débouter Maître [B] [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actifs sur le fondement des dispositions de l’article L. 651-2 du Code de commerce ;

-Rejeter toutes fins, moyens et conclusions contraires ;

A titre subsidiaire :

-Ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure en cours par devant le Tribunal judiciaire de Marseille à l’encontre de Monsieur [D] [W] et de Madame [H] [S]

A titre infiniment subsidiaire, et pour le cas où les demandes formulées à titre principal et subsidiaire ne seraient pas accueillies :

-Ordonner avant dire droit sur le fondement de l’article L.651-4 du code de commerce, une mesure d’instruction tendant à charger, le Juge-commissaire ou, à défaut, un membre de la juridiction désigné par le yribunal à l’effet d’obtenir communication de tout document ou information sur la situation patrimoniale des dirigeants », ainsi que les revenus de ces derniers, afin de respecter le principe de proportionnalité de la sanction dont le prononcé est envisagé à leur encontre ;

En toute hypothèse :

-Condamner Maître [B] [M] ès qualités de liquidateur de la SARL Auto Concept Venelles à payer à Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] la somme de 3 000 euros (trois mille euros) en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les entiers dépens en cause d’appel ;

-Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Au soutien de leurs prétentions, les appelants exposent que l’insuffisance d’actif et son montant ne sont pas définitivement démontrés. Il existe un passif non contesté de 1 682 766 euros mais aussi un quantum de créances d’un montant de 522 731,77 euros et des procédures de recouvrement en cours. Il n’est pas non plus établi que Monsieur [W] ait accompli en toute indépendance des actes positifs de gestion et de direction engageant la personne morale, de façon continue et régulière, outrepassant ses fonctions de directeur commercial. A cet égard, il importe peu que Monsieur [W] soit le fils de la dirigeante de droit. Il a certes défini la stratégie commerciale de la personne morale et s’est comporté comme décisionnaire lors d’achats et de vente de véhicules, ce qui correspond exactement à ses fonctions salariées et ne caractérise pas un dépassement de fonctions. Seuls des actes antérieurs peuvent caractériser la direction de fait et le liquidateur commet une erreur de droit en relevant des actes postérieurs à l’ouverture du redressement judiciaire ‘ étant précisé que la personne morale était pourvue d’un administrateur judiciaire – qui ne sont en réalité que des allégations imprécises. Les poursuites engagées pour banqueroute ne sont pas un motif suffisant eu égard à la présomption d’innocence.

Les appelants rappellent que le liquidateur judiciaire doit apporter la preuve des 4 fautes de gestion invoquées à leur encontre. En ce qui concerne la faute tenant au détournement de tout ou partie de l’actif de la SARL Auto Concept Venelles, ils ne contestent pas que certaines cessions de véhicules soient intervenues après ouverture de la procédure collective mais il existe des procédures en cours initiées par Me [M] es qualités en restitution de ces actifs, à savoir restitution d’un véhicule Ferrari 458 Spider d’une valeur de 225 563 euros et d’un véhicule Porsche 997 Turbo d’une valeur de 55 000 euros, ce qui permettra de reconstituer un actif. Cette faute doit donc s’apprécier au regard du principe de proportionnalité.

En ce qui concerne la supposée faute de gestion tirée des infractions à la législation sociale et fiscale, la mise en ‘uvre de poursuites pour fraude fiscale par la Commission des Infractions Fiscales n’est qu’envisagée et la procédure pénale en cours devant le tribunal judiciaire de Marseille n’a pas encore donné lieu à renvoi devant le tribunal correctionnel.

En ce qui concerne la supposée faute de gestion tirée du défaut de tenue d’une comptabilité régulière, il est acquis que les redressements fiscaux ont mis en évidence un certain nombre d’irrégularités comptables mais ces agissements font double emploi avec la faute reprochée au titre du non-respect des obligations fiscales.

En ce qui concerne la supposée faute de gestion tirée du défaut de coopération des gérants avec les organes de la procédure collective et de l’incompétence manifeste des dirigeants, les appelants soutiennent avoir remis aux organes de la procédure collective tous les documents sollicités par ces derniers et avoir coopéré avec l’ensemble des organes de la procédure collective, ce que démontre les pièces venant au soutien de l’acte introductif d’instance du 7 mars 2017, pièces qui ont émanent des appelants. Le liquidateur judiciaire ne peut donc se contredire au détriment d’autrui, sous peine de violer le principe de l’estoppel. L’incompétence de gestion et l’incurie sont en réalité le fait de Monsieur [P] et il ne peut leur être reproché, tout au plus, qu’une simple négligence.

A titre subsidiaire, les appelants concluent à un sursis à statuer, au visa de l’article 4 du code de procédure pénale, en l’absence de renvoi devant le tribunal correctionnel, de la procédure pénale en cours, qui peut conduire à les condamner à supporter solidairement avec la société liquidée aux sommes identifiées dans le cadre d’une minoration volontaire de la TVA. Une condamnation au paiement de la somme de 1 000 000 d’euros sur le fondement de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif reviendrait à préjuger de leur responsabilité pénale.

A titre infiniment subsidiaire, la demande de prononcé d’office, par la juridiction saisie d’une mesure d’instruction sur le fondement de l’article 651-4 du code de commerce permettrait de connaître le patrimoine exact des dirigeants attraits en responsabilité pour insuffisance d’actif. En effet, aucun élément de procédure ne permet de déterminer les revenus ou le patrimoine de Monsieur [W] et Madame [S], alors que leur situation personnelle doit être prise en considération, l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif étant soumise au principe de proportionnalité.

***

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique, l’intimée demande à la cour, au visa des articles L. 651-2 et suivants du code de commerce, des pièces versées au débat, de :

-Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Toulon le 5 mars 2019 en ce qu’il a :

jugé que Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] ont commis des fautes de gestion qui ont contribué à l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la SARL Auto Concept Venelles ;

jugé que Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] sont responsables de

l’insuffisance d’actif de la SARL Auto Concept Venelles ;

condamné in solidum Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] à payer la somme d’un million d’euros (1 000 000) sur le fondement de l’article L.651-2 du code de commerce ;

jugé que la somme sera payable entre les mains de Me [B] [M], es qualité de Liquidateur Judiciaire, dans le mois de la signification du jugement ;

condamné Madame [S] et Monsieur [W] au paiement de la somme de 3 000 euros en exécution des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence,

-Condamner Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] à contribuer au montant de l’insuffisance à hauteur de la somme de 1 000 000 euros (un million d’euros) et ainsi les condamner à payer entre les mains de Maître [B] [M], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Auto Concept Venelles, la somme de 1 000 000 euros ;

Puis,

-Rejeter l’intégralité des demandes, fins et conclusions formulées par les appelants ;

-Condamner Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] à payer à Maître [B] [M], agissant ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Auto Concept Venelles, la somme de 4 000 euros, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance.

Au soutien de ses prétentions, l’intimé fait valoir que :

Le passif déclaré était de 2 205 498,11 euros et le total non contesté de 1 682 766,34 euros ; seul ce passif non contesté a été pris en compte. A toutes fins utiles, l’état du passif admis, actualisé au 18 janvier 2023 est de 2 247 796,34 euros ; les contestations de créances n’ont pas eu pour effet de diminuer le montant du passif.

L’actif comprend le matériel d’exploitation évalué par les commissaires-priseurs à 1 500 euros en valeur d’exploitation et 600 euros en valeur de réalisation. Le liquidateur judiciaire n’a pu opérer que 4 recouvrements pour un montant de 20 035,11 euros. La valeur du véhicule Ferrari dont la restitution est souhaitée ne saurait combler l’insuffisance d’actif, sa valeur n’excédant pas 225 563 euros, alors même qu’il est à craindre que ce véhicule ne soit pas restitué, la société Ferrari Financial Services ayant multiplié les procédures judiciaires et le risque de disparition du véhicule étant à présager. Le liquidateur judiciaire admet l’insuffisance d’actif de la société Auto Concept Venelles telle que retenue par le jugement déféré, à savoir 1 384 299,01 euros correspondant au montant du passif non contesté non provisionnel, duquel sont déduits l’actif recouvré pour un montant de 20 035,11 euros, les avances AGS pour un montant de 17 814,33 euros et le montant du produit éventuel des actions en recouvrement diligentées (225 563 + 55 000).

Le liquidateur judiciaire précise que Madame [S] a été gérante de droit du 15 juin 2009 au 30 octobre 2013 et que l’ensemble des fautes qu’il retient ont été commises pendant sa période de gestion. Il soutient que Monsieur [W] était gérant de fait de la société car les actes qu’il a effectués outrepassent sa qualité de directeur commercial. C’est ainsi qu’il a toujours répondu aux convocations de l’administrateur judiciaire, qu’il se présentait aux côtés de Madame [S] lors des opérations de contrôle fiscal, participant activement aux échanges et au contrôle, qu’il contractait en février 2013 avec la société Ferrari Financial Services comme s’il était le représentant légal de la société Auto Concept Venelles, qu’il usait des biens propres de la société comme étant les siens, sans aucun contrôle de Madame [S] (cession de véhicules, contrat de leasing pour un véhicule Ferrari type 458 Spider, cédé ultérieurement à Monsieur [W]).

L’intimé soutient que les deux dirigeants ont commis les fautes de gestion suivantes:

– infractions à la législation sociale et fiscale ; la DGFP a déclaré une créance, admise, de 1496 875 euros à titre privilégié ; elle concerne une soustraction par la société de l’établissement et un paiement partiel de la TVA du 1er juillet 2010 au 30 juin 2012 et des irrégularités concernant la TVA pour la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013, mises en évidence par une vérification de la comptabilité. La société s’est vue infliger non seulement une somme au titre des droits mais aussi des majorations et amendes (317 869 euros). Les obligations sociales n’étaient pas davantage respectées puisque l’Urssaf et l’institut de retraite des salariés déclaraient aussi des créances. Le liquidateur précise que la solidarité fiscale ne fait pas obstacle à ce qu’un dirigeant soit également poursuivi en comblement de passif.

– absence de tenue d’une comptabilité régulière pour les années 2010 à 2013, mises en évidence par les opérations de vérification fiscale.

– incompétence manifeste en matière de gestion et incurie évidente des dirigeants qui disposaient de signaux susceptibles de les alerter sur la situation de la société (non paiement des charges fiscales et sociales depuis 2010) mais n’ont pas réagi, même après divers contrôles fiscaux intervenus ; en outre, ils n’ont pas hésité à détourner des actifs de l’entreprise, ont tenu une comptabilité irrégulière. Placés sous contrôle judiciaire après leur mise en examen pour escroquerie en bande organisée, usage de faux et usage de faux administratifs, ils ont interdiction d’exercer toute activité commerciale mais les dirigeants sont demeurés les principaux interlocuteurs de la société Auto Concept Venelles ; ces faits constituent des fautes de gestion et excèdent la simple négligence.

Le liquidateur judiciaire informe la cour, pour la moralité des débats que Monsieur [W] et Madame [S] ont effectué des actes de disposition étrangers à la gestion courante de l’entreprise, sans autorisation du juge commissaire et en toute discrétion, postérieurement à l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ; ces ventes postérieures ou la cession du contrat conclu avec la société Ferrari Financial Services constituent un détournement d’actif.

Le liquidateur judiciaire soutient que les fautes commises par Madame [S] et Monsieur [W] ont nécessairement contribué l’insuffisance d’actif constatée à l’issue de la procédure de liquidation ; elles ont généré un passif supplémentaire du fait des majorations et amendes, corrélativement à une diminution des actifs durant le redressement judiciaire.

Le liquidateur judiciaire s’oppose à tout sursis à statuer car les poursuites pénales diligentées à l’encontre de Monsieur [W] et Madame [S] ne peuvent influer sur la résolution de la présente affaire, les faits pour lesquels les gérants sont poursuivis sur le plan pénal étant indépendants et distincts des faits reprochés pour insuffisance d’actif ;

les sommes réclamées dans le cadre d’une condamnation pénale n’ont pas la même finalité que les sommes sollicitées par le liquidateur judiciaire et le pénal ne tient pas le civil en l’état.

Au visa de l’article L.651-3 du code de commerce, le liquidateur judiciaire soutient que les dirigeants ne sont pas recevables à solliciter une mesure d’instruction et sur le fond, fait valoir que la juridiction saisie d’une action en responsabilité pour insuffisance d’actif n’a pas l’obligation de prendre en compte les éléments relatifs à la situation patrimoniale du gérant pour prononcer une sanction ; de plus, une telle expertise ne doit pas être destinée à pallier la carence des parties dans l’apport de la preuve.

En application du principe de l’équivalence des conditions, le dirigeant peut être condamné à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif, quand bien même ses fautes ne sont responsables que d’une partie de cette insuffisance. Le principe de proportionnalité réside dans la possibilité pour le juge de moduler la sanction en fonction de la gravité des fautes commises. Le liquidateur judiciaire considère que le montant de la condamnation qu’il sollicite est justifié par la gravité des fautes caractérisées commises par les dirigeants, fautes qui sont responsables de l’insuffisance d’actif ; la sanction prononcée est donc proportionnée.

***

Pour un plus ample exposé il convient de se référer à la décision déférée et aux conclusions visées supra.

DISCUSSION

Sur la qualité de gérant de fait :

Le dirigeant de fait est celui qui a en fait exercé en toute indépendance une activité positive de direction dans la société (Com. 12 juillet 2005, Bull. 169; 6 février 2001, Bull. 33). Deux critères cumulatifs doivent donc être réunis: des actes positifs de direction ou de gestion et leur exercice en toute indépendance. Ainsi, le dirigeant de fait est la personne qui accomplit des actes positifs de direction et de gestion qui doivent être indiqués avec précision et ces actes doivent avoir été accomplis en toute indépendance par rapport au dirigeant de droit.

En l’espèce, le liquidateur judiciaire invoque soit des actes commis postérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire (cession de certains véhicules, objet de l’enquête préliminaire, pièce 15 du liquidateur) soit des faits qui ne traduisent pas d’actes positifs de gestion excédant la fonction de directeur commercial. Il en est ainsi du rapport de l’administrateur judiciaire ( cf Com., 24 janvier 2018, pourvoi n 16-23.649) qui se limite à dire que « les principaux interlocuteurs de la société Auto Concept Venelles sont Madame [S] [H] et Monsieur [W] [D] qui se présentent aux rendez-vous fixés au dirigeant ». De surcroît, la présence de la dirigeante de droit ôte toute crédibilité au fait que ces actes aient été commis en toute indépendance.

Le procès-verbal de vérification fiscale ne met en évidence aucun acte positif de gestion de Monsieur [W] excédant sa fonction de directeur commercial . Il est en effet indiqué qu’il résulte des auditions de l’intéressé et de la gérante de droit devant le juge d’instruction « qu’à tout le moins, ils ont eu sciemment recours à des intermédiaires douteux pour acquérir des véhicules en Allemagne et en Italie, dont ils auraient dû au moins se méfier compte tenu de leur expérience en la matière ; que Madame [S] n’a pu ignorer l’incohérence entre les vendeurs réels de véhicules, identifiés sur les sites de vente et éventuellement démarchés ou contactés directement par Monsieur [W] » – ce qui correspond aux attributions d’un directeur commercial ‘ « et les factures de vente ou de quitus remis par (‘) ; que Madame [S] n’a pu ignorer que certains dossiers d’immatriculation présentés en préfecture étaient incohérents et comportaient des pièces falsifiées ; que les animateurs des sociétés BLF Développement et autres soutiennent que Madame [S] et Monsieur [W] savaient qu’ils bénéficiaient d’un mécanisme frauduleux de dissimulation d’acquisitions intra-communautaires ».

Enfin, le véhicule Ferrari type 458 Spider a été louée par contrat du 22 février 2013 à la société Auto Concept Varois, Monsieur [W] s’engageant et ne signant le contrat qu’en sa qualité de caution. L’administration fiscale ne met pas en évidence un acte positif de gestion de la part du directeur commercial mais une absence de déclaration de l’avantage fiscal résultant de la mise à disposition à son profit par la société de ce véhicule. Monsieur [W] finira par reprendre le contrat de location longue durée à son nom, acte de gestion dont il n’est pas démontré qu’il ait été commis en toute indépendance.

En conséquence, le liquidateur judiciaire es qualités doit être débouté de l’ensemble de ses demandes dirigées contre Monsieur [D] [W] et le jugement déféré sera infirmé en ce sens.

Sur l’insuffisance d’actif :

En application de l’article L.651-2 du code de commerce, l’insuffisance d’actif doit exister à la date de la cessation des fonctions du dirigeant dont la responsabilité est recherchée.

Ainsi que l’a retenu à bon droit le jugement déféré, il n’est pas nécessaire que le passif soit entièrement chiffré, ni que l’actif ait été réalisé, il suffit que l’insuffisance d’actif soit certaine.

Madame [S] a été gérante de droit du 15 juin 2009 au 30 octobre 2013.

Me [M] es qualités retient un passif évalué « au jour de l’introduction de la procédure », étant rappelé que les assignations ont été délivrées les 7 et 9 mars 2017.

La liquidation judiciaire a été prononcée le 20 mai 2014. Entre le 30 octobre 2013 et le 20 mai 2014, le tribunal de commerce a rejeté l’ensemble des demandes du liquidateur judiciaire es qualités contre Monsieur [P] et cette disposition a force de chose jugée.

Il appartient par conséquent au liquidateur de démontrer une insuffisance d’actif certaine à la date du 30 octobre 2013 et non « au jour de l’introduction de la procédure », par adoption du calcul du tribunal de commerce qui devait statuer à l’égard non seulement de Madame [S] et de Monsieur [W] mais aussi de Monsieur [P].

Par conséquent, s’il peut être admis que les actions en recouvrement en cours, portant sur les sommes de 225 653 euros et 55 000 euros peuvent être intégrées dans l’actif, de même que les recouvrements effectifs à hauteur de 20 035 euros et s’il est exact que les avances de l’AGS doivent être déduites du passif, puisqu’elles sont la conséquence de la liquidation judiciaire de la société, le passif ne peut être évalué à 1 682 766,34 euros, somme correspondant au montant du passif admis au jour de « l’introduction de la procédure ».

Faute de production de l’ensemble des déclarations de créance, le passif au jour de la démission de Madame [S] comprend :

la créances admise de l’Urssaf ayant fait l’objet d’inscriptions de privilège entre juillet 2012 et 18 septembre 2013, soit la somme de 1 943 euros,

la créance admise du SIE de Toulon Nord Ouest ayant fait l’objet d’une inscription de privilège le 17 octobre 2011, soit la somme de 538 471 euros,

la créance de la DGFP Aix en Provence correspondant à la vérification fiscale portant sur la période du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013, soit la somme de 1 123 713 euros.

Les admissions de ces créances sont justifiées par la pièce 32 du liquidateur judiciaire es qualités.

Il s’ensuit que le passif de la société Auto Concept Venelles s’élevait à la date de démission de Madame [S] à la somme de 1 664 127 euros.

L’actif étant évalué à 300 688 euros, l’insuffisance d’actif ressort à 1 363 439 euros à la date de démission de Madame [S].

Sur les fautes de gestion :

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le défaut de coopération du dirigeant à l’égard des organes de la procédure collective n’est pas relevé par le liquidateur judiciaire es qualités.

La comptabilité irrégulière et non probante :

A l’occasion de la procédure de vérification fiscale portant sur la période du 30 juin 2012 au 1er juillet 2013 ( rappelons que la créance de la DGFP relative à ce redressement a été admise), il est apparu que la comptabilité de la société [Adresse 7] était irrégulière et non probante. Il a été relevé :

– un défaut de présentation de la quasi-totalité des pièces justificatives des ventes,

– des anomalies dans la numérotation des factures de recette (20 numéros manquants, 13 numéros comptabilisés plusieurs fois, 16 numéros atypiques),

– un défaut de conservation et de présentation de nombreuses pièces justificatives de charges,

– un défaut de présentation des inventaires de stocks d’ouverture et de clôture de l’exercice 2013,

– un défaut de tenue régulière du livre de police,

– une présentation de pièces justificatives falsifiées ou fictives.

Aux termes de l’article L.123-12 du code de commerce, toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l’enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement. Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l’existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l’entreprise. Elle doit établir des comptes annuels.

Les irrégularités constatées par l’administration fiscale constituent une violation de l’article L.123-12 du code de commerce et constituent une faute de gestion imputable à la gérante de droit. Cette faute ne fait pas double emploi avec l’allégation de non respect des obligations fiscales et sociales, c’est une faute distincte justifiant le comblement du passif, qui empêche le dirigeant d’avoir une gestion efficace et sincère. Elle a contribué à l’insuffisance d’actif en ce que l’administration fiscale a rejeté la comptabilité de la société Auto Concept Venelles et a reconstitué la comptabilité, avec application de majorations pour manquement délibéré.

Cette faute excède la simple négligence par son caractère systématique, destiné à permettre l’application du régime fiscal de la marge au lieu de celui des acquisitions intra-communautaires.

La violation des règles fiscales et sociales :

La société a contourné le régime applicable aux acquisitions intra-communautaires, ce qui a conduit les services fiscaux, à l’issue du contrôle TVA, à redresser la société à hauteur de 805 844 euros au titre des droits et de 317 869 euros au titre des majorations et amendes.

L’application du régime de la marge n’est pas la conséquence d’une erreur ou d’une négligence de Madame [S]. En effet, la société Auto Concept Venelles avait déjà fait l’objet d’une vérification de comptabilité diligentée du 8 mars au 6 août 2010 par les services fiscaux du Var. Il avait été constaté une application abusive du régime de la marge des ventes de véhicules acquis auprès d’une société autrichienne et Madame [S] connaissait donc parfaitement le régime applicable au négoce des véhicules neufs ou d’occasion intra-communautaires en suite de ce contrôle.

Madame [S] a donc commis une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif à hauteur des majorations et amendes mises à la charge de la société Auto Concept Venelles.

L’état des créances définitif atteste de l’existence de cotisations impayées à l’Urssaf. Mais faute de détail sur d’éventuelles retenues de précompte, pénalités ou majorations, il n’est pas démontré que cette dette ait contribué à aggraver l’insuffisance d’actif de la société Auto Concept Venelles.

L’incompétence manifeste en matière de gestion et l’incurie du dirigeant :

Le liquidateur judiciaire es qualités n’exprime que des généralités ou reprend une argumentation déjà exposée lors de l’examen des fautes de gestion précédentes.

Cette faute ne peut donc être retenue.

Les détournements d’actif :

Le liquidateur judiciaire es qualités se borne à informer la cour pour la bonne moralité des débats. Il s’en déduit qu’il n’invoque pas cette faute de gestion au soutien de son action en comblement du passif.

Sur la demande de sursis à statuer :

Il résulte de la combinaison des articles 73, 74 et 108 du code de procédure civile que l’exception de sursis à statuer fondée sur les dispositions de l’article 4 du Code de procédure pénale tendant à faire suspendre le cours de l’instance, doit, à peine d’irrecevabilité, être soulevée avant toute défense au fond, et qu’une telle irrecevabilité doit être relevée d’office alors même que la partie à laquelle est opposée l’exception n’invoquerait pas sa tardiveté ( Civ. 2ème , 19 mars 2009, pourvoi no 05-18484).

Il s’ensuit que la demande de sursis à statuer des appelants, présentée au subsidiaire, après des moyens de défense au fond, est irrecevable.

Sur la demande de mesure d’instruction :

La demande de mesure d’information présentée par les appelants est irrecevable, l’article L.651-3 du code de commerce n’accordant ce droit qu’au liquidateur ou au ministère public.

Et la cour ne fera pas procéder d’office à une mesure d’information sur la situation patrimoniale de Madame [S], qui est tout à fait apte à en justifier personnellement.

Sur le quantum de la condamnation :

La responsabilité de Madame [S] est engagée en vertu de deux fautes de gestion.

La gravité des manquements commis par Madame [S] à la législation fiscale, alors qu’elle avait été précédemment alertée sur les règles en la matière, l’ampleur de ceux-ci, masqués par une comptabilité irrégulière et non probante, justifie en application du principe de proportionnalité, sa condamnation au paiement de la somme de 900 000 euros au titre d’un comblement partiel du passif.

Sur les frais de l’instance :

Madame [S], qui succombe, devra supporter les dépens de première instance, d’appel et payer à Me [M] es qualités une somme équitablement arbitrée à 3 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de celle à laquelle elle a été condamnée en première instance.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Déclare la demande de sursis à statuer présentée au subsidiaire par Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] irrecevable,

Dit n’y avoir lieu à mesure d’information sur la situation patrimoniale des appelants,

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a :

-Dit que Monsieur [D] [W] a commis des fautes de gestion qui ont contribué à l’insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire de la SARL Auto Concept Venelles ;

-Déclaré Monsieur [D] [W], responsable de l’insuffisance d’actif de la SARL Auto Concept Venelles sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de commerce ;

-Condamné in solidum Madame [H] [S] et Monsieur [D] [W] à payer la somme de un million d’euros (1 000 000 euros) sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de commerce ;

-Dit que la somme sera payable entre les mains de Me [B] [M], [Adresse 5] es qualités de liquidateur de la SARL Auto Concept Venelles dans un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement ;

-Condamné in solidum Monsieur [D] [W] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Dit que les dépens seront employés en frais de liquidation judiciaire.

Le confirme pour le surplus

Et statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,

Dit que l’insuffisance d’actif de la société Auto Concept Venelles à la date de la démission de Madame [S] se chiffre à 1 363 439 euros,

Déboute Me [M] es qualités de sa demande tendant à voir qualifier Monsieur [D] [W] dirigeant de fait de la société Auto Concept Venelles,

Dit que Madame [H] [S] a commis des fautes de gestion consistant en la tenue d’une comptabilité irrégulière et non probante, le non-respect des obligations fiscales,

Dit que ces fautes de gestion excèdent la simple négligence et ont contribué à l l’insuffisance d’actif de la société Auto Concept Venelles,

Vu l’article L.651-2 du code de commerce,

Dit que cette insuffisance d’actif sera supportée partiellement par Madame [H] [S] à hauteur de 900 000 euros et la condamne à payer cette somme à Me [M] es qualités,

Dit que Madame [H] [S] supportera les dépens de première instance et d’appel et payera à Me [M] es qualités une somme de 3 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par la présidente et par la greffiere.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 


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