Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
————————–
ARRÊT DU : 03 MAI 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 22/01234 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MS2R
Monsieur [F] [K]
c/
S.A.R.L. LE LOGIS BASQUE
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 février 2022 (R.G. n°F 21/00226) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 10 mars 2022,
APPELANT :
Monsieur [F] [K]
né le 06 Août 1966 à [Localité 2] de nationalité Française Profession : Directeur d’Agence Immobilière, demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Philippe CALIOT de la SELARL PICOT VIELLE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMÉE :
SARL Le Logis Basque, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 3]
N° SIRET : 514 714 210 0018
représentée par Me Françoise BOUGUE, avocat au barreau de BAYONNE
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 13 mars 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Le Logis Basque, agence immobilière, a été créée le 14 septembre 2009 par trois associés, M. [F] [K], Mme [W] épouse [M] et M. [H], détenant chacun 1/3 des parts sociales.
M. [K] a exercé les fonctions de directeur commercial de la société à compter du 1er septembre 2010, Mme [W], celle de directrice d’agence et gérante de droit, et M. [H], celles de directeur administratif.
Les trois mêmes associés avaient auparavant créé une société civile immobilière, la SCI Vandaline, le 20 juillet 2009, en vue de l’acquisition du local commercial de la SARL Le Logis Basque. M. [K] a cédé ses parts aux autres associés en 2014.
En 2011, la SARL La Clé immobilière Basque a été créée par les trois mêmes associés, outre Mme [B], laquelle a cédé ses parts aux autres associés par la suite. Son activité est celle d’une agence immobilière.
Au printemps 2016, M. [K] a créé une société de programmation informatique dénommée ‘Zecoach Consulting’.
Il a également, de son côté, créé la société Adour Gestion, agence immobilière en avril 2017.
Le 26 octobre 2015, M. [K] a été élu conseiller au sein de la juridiction prud’homale de Bayonne. Une nouvelle désignation est intervenue en janvier 2018 suite à la fin de son premier mandat.
Le 1er août 2016, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 24 août 2016.
Le 29 août 2016, la société Le Logis Basque a sollicité l’autorisation de le licencier auprès de l’inspection du travail, autorisation qui a été refusée le 27 octobre 2016.
M. [K] a ensuite été licencié pour faute grave (non-respect de l’obligation de loyauté, développement de sa propre société pendant son temps de travail, utilisation des moyens de la société dans l’intérêt de sa propre société) par lettre datée du 31 octobre 2016.
Concomitamment à sa saisine du conseil de prud’hommes de Pau en date du 9 décembre 2016 en reconnaissance de sa qualité de salarié et en contestation de son licenciement et tendant à obtenir le paiement de diverses indemnités, notamment pour non-respect du statut protecteur outre de rappels de salaires, M. [K] a engagé plusieurs procédures soit à l’encontre d’une des sociétés dont il était membre associé, soit à l’encontre de la érante de droit :
– action en dissolution de la SARL La Clé Immobilière Basque au motif de la perte de moitié du capital social en 2016 : par jugement du 17 juillet 2017, le tribunal de commerce de Bayonne déboutant M. [K] de ses demandes ;
– plainte auprès du procureur de la République près le tribunal de Bayonne le 9 novembre 2016 à l’encontre de Mme [W], pour rupture sans autorisation au contrat de travail : par décision rendue le 5 mars 2019, l tribunal correctionnel de Bayonne, statuant sur l’infraction de délit d’entrave eu égard à la qualité de salarié protégé de M. [K], a relaxé Mme [W] des fins de la poursuite et débouté M. [K] de ses demandes au titre de l’action civile ;
– sur l’appel formé sur intérêts civils par M. [K], par arrêt rendu le 11 juin 2020, la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Pau, a déclaré l’appel de M. [K] recevable, l’a débouté de sa demande tendant à voir déclarer Mme [W] coupable des faits reprochés, a confirmé le jugement déféré en ce qu’il a reçu la constitution de partie civile de M. [K] et a infirmé le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes. Statuant à nouveau et y ajoutant, la cour a « dit que Mme [W] avait commis une faute à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite, dit que la présente cour statuant sur intérêts civils est incompétente pour statuer sur la demande indemnitaire de M. [K] et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.» ;
– action à l’encontre de Mme [W], M. [H] et de la SARL Le Logis Basque le 18 septembre 2019 sollicitant que soit reconnus les fautes de gestion de Mme [W] notamment dans le paiement des loyers à la SCI Vandaline, le manque de transparence de la fixation de sa rémunération, le cumul d’un mandat de gérante et d’un contrat de travail fictif, et faisant valoir un préjudice du fait de l’abus de majorité : par décision du 28 septembre 2020, le tribunal de commerce de Bayonne a débouté M. [K] de l’ensemble de ses demandes.
Par décision rendue le 13 février 2017, le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes de Pau a ordonné à la société Le Logis Basque de régler à titre de provision à M. [K] les sommes de 6.536,66 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, 653,66 euros pour les congés payés afférents et 3.360,95 euros au titre de l’indemnité de licenciement.
Par jugement rendu le 6 novembre 2017, le bureau de jugement du conseil de prud’hommes de Pau s’est déclaré incompétent au profit de celui de Bordeaux.
Par décision du 20 mai 2019, et suite à la demande de M. [K] de voir la juridiction prud’homale surseoir à statuer dans l’attente de l’arrêt de la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Pau, le conseil des prud’hommes a radié l’affaire.
Après rétablissement au rôle de l’affaire à la demande de M. [K] du 3 février 2021, par jugement rendu le 18 février 2022, le conseil de prud’hommes de Bordeaux :
– a jugé que M. [K] n’avait pas la qualité de salarié,
– s’est déclaré incompétent pour examiner ses demandes,
– a ordonné à M. [K] de restituer les sommes qui lui ont été versées à titre provisoire par la société Le Logis Basque :
* 6.536,66 euros à titre de préavis,
* 653,66 euros à titre de congés payés y afférents,
* 3.360,95 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– a débouté les parties du surplus des demandes,
– s’est déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal de commerce de Pau pour connaître du litige et a dit qu’à défaut de recours, le dossier sera transmis à cette juridiction,
– condamné M. [K] aux dépens et frais éventuels d’exécution.
Par déclaration du 10 mars 2022, M. [K] a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 5 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a débouté la société Le Logis Basque de sa demande de radiation de l’affaire et a condamné cette dernière aux dépens ainsi qu’à payer à M. [K] la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d’incident.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 février 2023, M. [K] demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bordeaux le 18 février 2022 qui :
* a jugé qu’il n’avait pas la qualité de salarié,
* s’est déclaré incompétent pour examiner ses demandes,
* lui a ordonné de restituer les sommes versées à titre provisoire par la société Le Logis Basque :
* 6.536,66 euros à titre de préavis,
* 653,66 euros à titre des congés payés y afférents,
* 3.360,95 euros à titre d’indemnité de licenciement,
* l’a débouté du surplus de ses demandes,
* et l’a condamné aux dépens et éventuels frais d’exécution,
– le confirmer en ce qu’il a débouté la société Le Logis Basque du surplus de ses demandes,
Statuant à nouveau,
– juger qu’il avait la qualité de salarié,
– juger qu’il bénéficiait du statut protecteur attaché à son mandat de conseiller prud’hommes,
– juger que la société Le Logis Basque a violé le statut protecteur de conseiller prud’hommes,
– la condamner à lui régler les sommes de :
* 73.583,20 euros pour non-respect du statut protecteur,
* 70.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
* 10.383,21 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 1.038,21 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 5.526 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– lui allouer le coefficient C4 et à ce titre, les sommes de :
* 76.930,20 euros bruts à titre de rappel de salaire,
* 7.693,02 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
Subsidiairement,
– lui allouer le coefficient C3 et à ce titre, les sommes de :
* 48.855,60 euros bruts à titre de rappel de salaire,
* 4.885,56 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
– assortir ces condamnations des intérêts de droit à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes,
– condamner la société Le Logis Basque à lui :
* remettre, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de l’arrêt, ses effets et documents personnels restés dans l’entreprise,
* régler la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 février 2023, la société Le Logis Basque demande à la cour de’:
– confirmer la décision dont appel en ce qu’il a été jugé que M. [K] n’avait pas la qualité de salarié,
– confirmer la décision en ce que M. [K] a été condamné à lui restituer les sommes versées en exécution de l’ordonnance rendue par le bureau de conciliation et d’orientation de Pau en date du 13 février 2017 à savoir :
* 6.536,66 euros à titre d’indemnité de préavis,
* 653,67 euros à titre de congés payés y afférents,
* 3.360,95 euros à titre d’indemnité de licenciement,
En cas de réformation,
– dire que M. [K] ne peut revendiquer le statut protecteur attaché aux conseillers prud’homaux salariés siégeant collège salariés et, par voie de conséquence, dire que son licenciement n’est pas nul en l’état, notamment, de la décision de relaxe rendue par le tribunal correctionnel de Bayonne en date du 5 mars 2019 qui s’impose au juge civil,
Au surplus,
– dire que le licenciement pour faute grave de M. [K] est totalement fondé,
– par voie de conséquence, le condamner à lui restituer à la société Le Logis Basque les sommes versées en exécution de l’ordonnance rendue par le bureau de conciliation et d’orientation de Pau en date du 13 février 2017,
A défaut,
– débouter M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce dernier ne rapportant pas la preuve d’un préjudice subi à hauteur de la somme de 70.000 euros,
Y ajoutant,
– le débouter de sa demande en rappel de salaires sur la base du coefficient C4 ou C3 et de solde d’indemnités de rupture calculées sur la base de ces référentiels,
Reconventionnellement,
– condamner M. [K] à lui restituer, sous astreinte de 50 euros par jours de retard à compter de la mise en demeure du 10 novembre 2016, le matériel sus-référencé,
– condamner M. [K] au paiement de la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le même aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 février 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 13 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualité de salarié de M. [K]
Se fondant sur l’arrêt de la cour d’appel de Pau en date du 11 juin 2020 M. [K] soutient :
– qu’il était associé minoritaire, ne détenant que 33% des parts sociales, qu’il n’avait aucun droit sur la gestion de la société et notamment pas de signature bancaire, qu’il percevait une rémunération chaque mois avec délivrance d’un bulletin de paie, qu’il a perçu des allocations de chômage suite à la rupture du contrat de travail et qu’il n’était en aucun cas gérant de fait, seule Mme [W] étant la gérante statutaire ;
– qu’il a refusé de signer un contrat de travail dans les termes proposés et notamment sa classification au coefficient C1 au lieu de C4, que d’après ses bulletins de salaire, il était soumis à un horaire de travail de 35 heures avec des jours de repos comme les autres salariés et que l’employeur cotisait au régime général de la sécurité sociale, cotisant lui-même aux caisses de retraite des salariés depuis 2010 ;
– qu’il a été licencié par la SARL Le Logis Basque au motif d’un non-respect de ses obligations contractuelles en qualité de salarié et notamment de l’obligation de loyauté ;
– que l’inspection du travail a considéré qu’il bénéficiait de la protection des conseillers prud’hommes attachée à qualité de salarié et qu’il lui a été remis un solde de tout compte, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi à la fin de son contrat de travail ;
– qu’il existait un lien de subordination puisqu’il devait indiquer tous ses rendez-vous dans un agenda partagé, devait suivre les directives de la directrice d’agence, ainsi la demande de restitution de sa voiture en juin 2016, que c’est la directrice qui organisait les horaires de l’agence et qu’elle a octroyé une prime de 200 euros en avril 2016 et en mai 2016 à deux des co-associés sans que lui-même en bénéficie.
Se fondant au contraire sur le jugement du tribunal correctionnel de Bayonne en date du 5 mars 2019 et faisant valoir que le ‘pénal tient le civil en l’état’, la société conteste la qualité de salarié de M. [K], en ce :
– qu’il ne produit aucun contrat de travail, les bulletins de salaire et la lettre de licenciement étant insuffisants à créer l’apparence d’un contrat de travail ;
– qu’il détenait 33,33% des parts sociales, à égalité avec les autres associés, ayant mentionné dans l’attestation Pôle Emploi qu’il était associé égalitaire ;
– que si Mme [W] a été désignée gérante de droit, cela n’empêchait pas dans la réalité les deux autres associés d’être gérants de fait, ayant le même statut social d’assimilé salarié, impliquant l’affiliation au régime général de la sécurité sociale, cotisant à la retraite AGIRC-ARCCO sans avoir droit au régime d’assurance chômage ;
– qu’il a réalisé un travail effectif de directeur commercial ayant appelé le versement d’une rémunération, non soumise à cotisation Pôle Emploi, M. [K] n’ayant jamais réclamé le versement de ces cotisations quand il exerçait les fonctions de directeur commercial, le statut de salarié étant en tout état de cause incompatibles avec celui d’associé égalitaire et de dirigeant de fait ;
– que M. [K] s’est vu refuser en novembre 2016 l’octroi des allocations Pôle Emploi au regard de son statut de mandataire social et n’a pu en bénéficier que rétroactivement en mars 2017 ;
– que les trois associés ont toujours perçu la même rétribution, sous le même statut d’assimilés salariés, pour être gérant de droit pour l’une et gérants de faits pour les deux autres ;
– que M. [K] s’est toujours comporté comme un dirigeant de fait, en faisant valoir sa qualité d’employeur, sur la base de laquelle il a été élu en qualité de conseiller prud’homme en 2015 puis désigné en 2018 sur la présentation du syndicat employeur CGPME : dans le courriel qu’il adressait à Mme [W] le 7 juin 2016, il lui rappelait que les décisions avaient toujours été prises à trois ;
– que la décision de licenciement ne prouve pas la qualité de salarié et que la société ne pouvait mettre un terme à la relation contractuelle soit au travers d’une simple révocation en sa qualité de gérant de fait, soit sous le couvert d’une procédure de licenciement eu égard au fonctions techniques de directeur commercial en dehors de tout lien de subordination ;
– qu’il revendique le coefficient C4 de la convention collective qui correspond aux fonctions de dirigeant, excluant tout lien de subordination ;
– qu’il n’a jamais été soumis à des horaires de travail, ne mentionnant aucun de ses rendez-vous sur l’agenda partagé, ne justifiant pas de ses horaires de travail, et ne permettant pas le contrôle par les associés, n’y indiquant que ses séances de sport, ce qui démontre qu’il organisait ses journées en totale liberté ;
– cette liberté de gérant de fait lui a d’ailleurs permis de créer sa propre entreprise au détriment de la société Le Logis Basque, faute qui lui a été reprochée dans le cadre de la procédure de licenciement.
***
Au soutien de leurs prétentions respectives, les parties invoquent, pour l’intimée, l’autorité de la chose jugée par le jugement du tribunal correctionnel de Bayonne du 5 mars 2019 ayant relaxé Mme [W] du délit d’entrave qui lui était reproché, et, pour l’appelant, celle attachée à l’arrêt de la cour d’appel de Pau du 11 juin 2020 ayant statué sur l’appel sur intérêts civils qu’il avait interjeté.
La société Le Logis Basque n’était pas partie ni à la procédure pénale de sorte que l’autorité de la chose jugée par chacune de ces deux décisions ne peut, conformément à l’article 1355 du code civil, lui être opposée tant au pénal qu’au civil.
Il appartient donc à la cour d’examiner la qualité de salarié de M. [K] dans ses relations avec la SARL Le Logis Basque.
***
En présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.
L’existence d’un contrat de travail apparent résulte de la production par M. [K] des bulletins de salaire, de la mise en oeuvre d’une procédure de licenciement et de la remise des documents de fin de contrat.
Il appartient dès lors à la société de démontrer le caractère fictif de ce contrat de travail.
Pour voir dire que M. [K] ne lui était pas lié par un contrat de travail, la société invoque principalement la gestion de fait et l’absence de lien de subordination.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs, le contrat de travail étant caractérisé par l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération et d’un lien de subordination juridique entre l’employeur et le salarié, ce dernier étant de ce fait soumis au pouvoir disciplinaire de celui pour lequel il travaille.
Au vu des pièces produites, la cour relève les éléments suivants :
– M. [K] reconnaît lui même qu’il détenait un rôle de co-gérant, au même niveau que les autres associés de la SARL Le Logis Basque, rappelant à Mme [W] dans son courriel du 7 juin 2016 « que nous sommes associés avec [V] à 33% chacun (tout comme toi) et que jusqu’à maintenant toutes les décisions concernant notre société ont toujours été prises collégialement. Je ne m’oppose pas à la vente du véhicule mais tu aurais dû nous convoquer afin d’en débattre tous les 3 comme nous l’avons toujours fait. Depuis sa création, nous avons toujours géré notre société à 3 et il n’y a aucune raison que cela change ». En confirmant la décision de vendre le véhicule, Mme [W], gérante de droit de la société, lui rappelle « avoir échangé à plusieurs reprises à ce sujet ». Cet échange de courriels atteste de ce que toutes les décisions étaient prises après discussion des trois associés, la vente du véhicule de la société relevant d’une gestion courante ne nécessitant pas la convocation d’une assemblée générale.
– alors qu’il percevait une rémunération identique et bénéficiait du même coefficient que ses deux co-associés, M. [K] sollicite devant le conseil des prud’hommes sa reclassification au niveau C4, souhaitant ainsi qu’il soit reconnu qu’il exerçait des fonctions de cadre dirigeant dans une société de moins de 11 salariés et dans laquelle il était détenteur égalitaire de parts sociales à hauteur de 33,33%.
Au-delà de ce que reconnaît lui-même M. [K], la cogérance qu’il exerçait ressort du procès verbal de constat d’huissier en date du 14 juin 2016, établi à la demande de Mme [W], indiquant que « toutes les assemblées générales de la société depuis sa création en 2011 ont emporté des votes à l’unanimité des associés jusqu’en mai 2014 et qu’à compter de juin 2015, M. [K] a systématiquement voté contre dans toutes les résolutions proposées au vote », cette date correspondant à la période à laquelle M. [K] va créer sa propre société de programmation informatique.
Par ailleurs, l’employeur justifie ne jamais avoir cotisé à Pôle Emploi, peu important le versement des indemnités qui sera fait par cet organisme à M. [K] après son licenciement, la cour n’étant pas liée par les résultats de l’enquête diligentée par Pôle Emploi suite au statut de gérant qu’il déclarait. Les cotisations à la retraite de base de la sécurité sociale et à l’AGIRC ARCCO ne peuvent quant à elles démontrer le salariat, puisque la société est tenue d’y procéder pour tout assimilé salarié, dirigeant de droit ou de fait.
Il est ensuite établi que M. [K] n’était soumis à aucun lien de subordination juridique à l’égard de la société Le Logis Basque, ayant refusé dès sa nomination en qualité de directeur commercial de signer le contrat de travail qui lui était proposé par la société, considérant que « ce n’était pas obligatoire » (attestation du comptable-pièce 12 de l’intimé), disposant de bulletins de salaire attestant du versement d’une rétribution en contrepartie du travail effectif, la décision de licenciement par Mme [W] ne permettant pas à elle seule d’établir un lien de subordination.
L’employeur justifie que M. [K] n’était soumis à aucune contrainte horaire ni contrôle de son activité, le procès verbal d’huissier du 14 juin 2016 constatant « qu’il est possible de consulter les agendas respectifs des associés ainsi que des employés composant la société. Je constate qu’il est également possible de consulter l’agenda de M. [K] mais qu’il n’est pas possible de le modifier et de rajouter des rendez-vous contrairement à tous les autres agendas des membres de l’équipe et des deux autres associés. Ainsi sur l’agenda partagé de M. [K], je ne peux rajouter aucun rendez-vous, son agenda ne pouvant être modifié. (…) Je constate que sur l’agenda de M. [K], il est indiqué tous les jours le mot ‘COURIR’ ».
De même, Mme [R] atteste que le 23 juin 2016, elle a accompagné M. [K] lors d’un démarchage commercial, mais qu’il s’agissait d’une démarche pour le compte de la société Zecoach Consulting, créée par celui-ci, et non pour la société Le Logis Basque, démontrant la liberté d’action dont M [K] bénéficiait dans l’exercice de ses missions et l’absence de contrôle opéré par les autres associés. Aucune demande de congé ni autorisation d’absence ne sont versées aux débats, ce qui établit que M. [K] organisait son emploi du temps sans en avoir à référer à Mme [W], et ce, depuis 2010.
La société démontre aussi que le fait que M. [K] n’ait pas détenu les clefs et ait été soumis comme les autres salariés aux mêmes horaires de l’agence ne permet pas d’établir que ses horaires de travail étaient fixés par la gérante, puisque la décision prise par Mme [W] de changer les clefs de l’agence, faisait suite à un problème de sécurité (disparition de matériel professionnel). Dans son courrier du 3 août 2016, elle informait l’ensemble des personnes concernées, dont les deux associés des horaires de l’agence, les clefs étant confiées à l’associé habitant le plus près de l’agence, M. [H], puisque celui-ci avait la possibilité de se déplacer au plus vite en cas de difficulté.
Il ne peut non plus être déduit de l’absence de versement à M. [K] d’une prime de 200 euros sur les mois d’avril et de mai 2016 alors que les deux co-associés en bénéficiaient, l’exercice d’une sanction de la part de Mme [W] en sa qualité de gestionnaire de droit de la société, aucun élément n’étant produit sur le calcul de cette prime et les conditions d’attribution, conditions que M. [K], qui n’a pas réclamé le paiement de cette prime, n’a d’ailleurs pas contestées.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que M. [K] s’est toujours présenté comme co-gérant et associé égalitaire, que la gestion de fait se déduisait de la cogérance et qu’il n’était soumis à aucun pouvoir de direction et de subordination, agissant librement dans l’exercice de ses attributions.
M. [K] ne peut donc pas revendiquer la qualité de salarié et le jugement déféré sera confirmé en ce que la juridiction prud’homale est incompétente pour statuer sur l’ensemble du litige opposant les parties.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [K], partie perdante et en son recours, sera condamné aux dépens ainsi qu’au paiement à la SARL Le Logis Basque de la somme de 3.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cours d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne M. [K] aux dépens ainsi qu’à payer à la SARL Le Logis Basque la somme de 3.500 euros au titre des frais exposés en cause d’appel.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire