Dirigeant de fait : 4 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/03380

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Dirigeant de fait : 4 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 22/03380
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République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 04/05/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/03380 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UMMR

Jugement (N° 2021F231) rendu le 27 juin 2022 par le tribunal de commerce de Dunkerque

APPELANT

Monsieur [K] [N]

né le [Date naissance 1] 1979 à [Localité 4], de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Fabien Chirola, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

SELARL WRA en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Krysalide

ayant son siège [Adresse 3]

défaillante, à qui la déclaration d’appel et les conclusions ont été signifiées le 22 septembre 2022 (à personne habilitée)

En présence de :

Monsieur le procureur général près la cour d’appel de Douai

représenté par M. Christophe Delattre, substitut général

DÉBATS à l’audience publique du 28 mars 2023, tenue par Agnès Fallenot magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Samuel Vitse, président de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 04 mai 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Samuel Vitse, président et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC :

Cf réquisitions du 02 février 2023

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 14 mars 2023

****

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [K] [N] et Monsieur [T] [I] ont constitué, le 10 mars 2015, la SAS Krysalide, dont l’objet social était la promotion et la construction de maisons individuelles, la vente de matériaux de construction, toutes opérations immobilières et connexes ou complémentaires, l’exploitation d’une franchise Mikit et toutes activités liées à cette exploitation.

Le 18 janvier 2016, la société Krysalide a signé avec la société MKT Promotion une convention de sous-traitance et une convention de délégation de paiement.

Par courrier du 8 juin 2018, elle a fait part à la société Mikit France de son intention de ne pas renouveler le contrat de micro-franchise.

Le 26 juin 2018, l’assemblée générale extraordinaire de la société Krysalide a :

-acté la démission de Monsieur [I] de ses fonctions de président à compter du 1er  juillet 2018 ;

-nommé en qualité de nouveau président Monsieur [N], lequel a acquis l’intégralité des titres de la société et repris les engagements de caution de son prédécesseur ;

-donné tous pouvoirs à Monsieur [N] pour dénoncer le contrat de micro-franchise avec la société Mikit France à terme au 17 janvier 2019.

Suivant un protocole d’accord transactionnel du 28 janvier 2019 et son avenant en date du 6 mars 2019, les parties ont mis un terme définitif et amiable au contrat de franchise ainsi qu’à la convention de sous-traitance. Le décompte établi à la date du 24 juillet 2019 a fait apparaître un solde à payer par la société Krysalide à la société Mikit d’un montant de 61 584,39 euros.

Durant la période du 17 octobre 2019 au 12 décembre 2019, la société Krysalide a fait l’objet d’une opération de vérification de comptabilité relative à un écart de TVA, et le 13 décembre 2019, l’administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification fiscale à concurrence de 223 965 euros.

Le 6 janvier 2020, Monsieur [N] a déclaré l’état de cessation des paiements de la société Krysalide auprès du tribunal de commerce de Dunkerque.

Le redressement judiciaire de la société Krysalide a été prononcé par jugement en date du 7 janvier 2020, lequel a fixé la date de cessation des paiements au 15 novembre 2019, puis converti en liquidation judiciaire par jugement rendu le 30 juin 2020. La SELARL WRA, prise en la personne de Maître [E] [D], a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Par acte d’huissier du 17 juin 2021, la société WRA ès qualités, en la personne de Maître [D], a assigné Monsieur [N] au visa de l’article L. 651-2 du code de commerce, afin qu’il soit condamné au paiement, avec exécution provisoire, de la somme de 200 000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif, outre les dépens.

Par jugement rendu le 27 juin 2022, le tribunal de commerce de Dunkerque a statué en ces termes :

« Condamne M. [K] [N] à payer à la S.E.L.A.R.L. WRA ès-qualités la somme de Cent Mille Euros (100.000 €) au titre de participation à l’insuffisance d’actif de la société KRYSALIDE ;

Prononce l’exécution provisoire de la présente décision ;

Condamne M. [K] [N] aux dépens. ».

Par déclaration du 12 juillet 2022, Monsieur [N] a relevé appel de l’ensemble des dispositions de cette décision.

L’affaire a fait l’objet d’une fixation à bref délai en application des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 23 septembre 2022, Monsieur [N] demande à la cour de :

« Vu les dispositions de l’article L651-2 du Code de commerce

-INFIRMER le jugement rendu le 27 juin 2022 par le Tribunal de commerce de DUNKERQUE ayant condamné Monsieur [K] [N] à régler à la SELARL WRA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société KRYSALIDE, la somme de Cent Mille Euros (100 000 €) au titre de la participation à l’insuffisance d’actifs de la société KRYSALIDE et aux dépens.

STATUANT A NOUVEAU

-DEBOUTER la SELARL WRA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société KRYSALIDE, de toutes ses demandes, fins et conclusions.

-CONDAMNER la SELARL WRA, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société KRYSALIDE, à régler à Monsieur [K] [N] la somme de 2000 € conformément aux dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

-METTRE A SA CHARGE les entiers frais et de dépens de l’instance

A TITRE SUBSIDIAIRE :

-LIMITER la responsabilité financière de Monsieur [K] [N] à une somme n’excédant pas 2500 €.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :

-AUTORISER Monsieur [K] [N] à s’acquitter de sa dette par le biais de 23 mensualités de 100 € et le solde au 24ème mois. ».

Monsieur [N] plaide que l’assignation lui reprochait les fautes suivantes :

-une prétendue « fraude à la déclaration de TVA » pour la période d’activité du 1er  janvier 2016 au 30 juin 2019 ;

-une prétendue défaillance dans l’établissement de la comptabilité et dans le suivi des obligations déclaratives auprès de l’administration fiscale ;

-une prétendue présentation erronée des résultats de l’entreprise générant un niveau de trésorerie artificielle et une image trompeuse de la situation vis-à-vis des tiers.

Étonnamment, le liquidateur n’a pris l’initiative d’agir que contre Monsieur [N], lequel ne totalisait que 16 mois de présidence au jour de la date de fixation de l’état de cessation des paiements, soit le 15 novembre 2019

Le tribunal de commerce de Dunkerque a reproché à Monsieur [N] de ne pas avoir régularisé l’écart de TVA de 200 000 euros alors qu’il avait été avisé par son expert-comptable de la situation dès le mois d’octobre 2018. En d’autres termes, au mépris des données chronologiques, il a estimé que Monsieur [N] devait endosser les incidences des actes de gestion de son prédécesseur, puisque le contrôle de comptabilité a porté sur une période allant du 1er janvier 2016 au 30 juin 2019.

L’analyse de la proposition de rectification fiscale établit au surplus que les redressements de TVA ont été générés à compter du mois de mars 2016, ce qui démontre que le fait générateur remontait à plus de deux années avant le démarrage du mandat de Monsieur [N].

La société Krysalide a été confrontée à la défaillance de son propre expert-comptable, le cabinet Sadec Akelys, qui n’avait pas constaté ou fait apparaître la dette de TVA pour un montant de plus de 200 000 euros au titre de l’exercice clos le 30 juin 2018. En réalité, cet expert-comptable ne maîtrisait manifestement pas les conséquences de la délégation de paiement et du régime d’auto-liquidation de la TVA. La société Krysalide, alors dirigée par Monsieur [N], n’a été avisée de la difficulté qu’au début de l’année 2019. Monsieur [N] a pris la sage décision de changer d’expert-comptable, et c’est dans ces circonstances que l’incurie de son prédécesseur a été mise en évidence. Au regard de telles circonstances, l’administration fiscale a d’ailleurs décidé de n’appliquer aucune pénalité pour mauvaise foi.

Le tribunal de commerce a également reproché à Monsieur [N] de ne pas avoir déclaré la dette de TVA dans le dossier d’état de cessation des paiements, alors qu’à l’établissement de ce dossier, la procédure de vérification était en cours. Aucune dette de TVA n’était alors exigible sachant que la déclaration de cessation des paiements a été régularisée le 6 janvier 2020. A cette date, la proposition de rectification de la Direction générale des finances publiques n’était pas définitive puisque la société Krysalide disposait d’un délai de 30 jours pour formuler ses observations, soit jusqu’au 13 janvier 2020. Il n’existe donc aucune carence déclarative qui, en tout état de cause, n’aurait eu aucun impact concret sur le passif ultérieurement constaté.

Ce n’est qu’une fois la créance devenue définitive que la société Krysalide a demandé la conversion en liquidation judiciaire, après avoir envisagé tous les recours conformément aux informations portées à la connaissance du liquidateur judiciaire.

Malgré les difficultés rencontrées, notamment lors du changement d’expert-comptable, les bilans ont été régulièrement tenus et le liquidateur judiciaire les a lui-même versés aux débats. Il ne saurait être reproché à Monsieur [N] d’avoir tenté de tromper les partenaires de la société Krysalide en faussant les résultats des bilans. En effet, le mandat de Monsieur [N] a été éphémère et celui-ci ignorait tout des incidences fiscales de la convention de délégation signée par son prédécesseur. Au surplus, le tribunal n’a pas retenu ce grief fantaisiste.

Si, par impossible, la cour devait considérer que chacune des fautes de gestion imputées à Monsieur [N] est caractérisée et qu’il devait ainsi être condamné à combler une partie de l’insuffisance d’actif, il conviendrait en équité de tenir compte de sa situation financière actuelle très fragile, dont il justifie, mais également du contexte ayant généré la liquidation judiciaire de la société Krysalide. Il importe de relever que le juge doit veiller à la proportionnalité de la sanction. Il lui sera demandé de limiter l’étendue de la responsabilité financière à une somme n’excédant pas 2 500 euros et de prononcer l’échelonnement du paiement sur deux années, par le biais de 23 mensualités de 100 euros et le solde au 24ème mois, afin de permettre à Monsieur [N] de ne pas se retrouver dans une situation inextricable.

Bien que s’étant vue signifier l’avis de fixation et les conclusions de l’appelant le 22 septembre 2022, la société WRA n’a pas constitué avocat devant la cour.

Conformément à l’avis donné aux parties par message RPVA du 23 septembre 2022, l’ordonnance de clôture devait être rendue le 31 janvier 2023, les plaidoiries étant fixées à l’audience du 31 janvier 2023.

A cette date, le ministère public n’ayant pas fait connaître ses réquisitions, l’affaire a été renvoyée à l’audience du 28 mars 2023.

Par réquisitions en date du 3 février 2023, le ministère public a demandé à la cour de :

« confirmer le jugement du 27 juin 2022 en ce qu’il a retenu la responsabilité pour insuffisance d’actif de [K] [N] tout en limitant sa condamnation à la somme de 50.000 euros. »

Il a soutenu que faute de communication de la lettre de mission régularisée entre l’entreprise et son cabinet d’expertise-comptable, il n’était pas possible de s’assurer de la réalité de la responsabilité ce dernier, et ce d’autant qu’il n’était nullement justifié d’une action en responsabilité à son encontre. L’absence de tenue d’une comptabilité et d’un suivi strict étaient à l’origine de l’insuffisance d’actif. La faute de gestion au titre de la tenue d’une comptabilité fictive ou irrégulière, qui en l’espèce pas ne relevait pas d’une simple négligence au regard de la durée de la faute commise, était donc caractérisée. Faute de recours au dispositif des articles L.651-4 et R.651-5 du code de commerce, il convenait cependant que la cour fixe la contribution du dirigeant à l’insuffisance d’actif à 50 000 euros.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 14 mars 2023.

SUR CE

I – Sur l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif

Aux termes de l’article L. 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée.

A la différence des sanctions civiles et pénales pour lesquelles la loi énumère dans le détail les faits susceptibles d’être retenus, toutes les fautes de gestion peuvent être prises en considération, sous la réserve que, s’agissant d’une action en responsabilité civile délictuelle, ayant pour objet la réparation du préjudice subi par la collectivité des créanciers, doivent être prouvés, outre l’existence au moins d’une telle faute, celle d’un préjudice consistant en une insuffisance d’actif et un lien de causalité entre eux.

Les fautes doivent avoir été commises antérieurement à l’ouverture de la procédure.

En outre, pour que l’action puisse prospérer, l’insuffisance d’actif, qui est égale à la différence entre le montant du passif antérieur admis et le montant de l’actif de la personne morale débitrice, doit être certaine, sans pour autant qu’actif et passif aient à être exactement chiffrés, son existence et son montant devant être établis au jour où les juges statuent.

1) Sur l’existence de l’insuffisance d’actif

En l’espèce, l’assignation indique, sans être contestée sur ce point par Monsieur [N], une insuffisance d’actif, se caractérisant comme suit :

– passif définitif échu : 371 581,79 euros ;

– passif provisionnel : 185 022,66 euros ;

– actif recouvré ou réalisé : 692,48 euros.

L’insuffisance d’actif est donc certaine en son principe.

2) Sur la faute reprochée à Monsieur [N]

La société WRA, ès qualités, reproche à Monsieur [N] d’avoir tenu une comptabilité fictive ou à tout le moins irrégulière, par des manquements graves et répétés à ses obligations déclaratives auprès de l’administration fiscale, cachant « une fraude d’une grande ampleur », ayant permis à la société de poursuivre une activité déficitaire pendant plusieurs mois avec pour conséquences :

-le maintien de la trésorerie à un niveau artificiel, ayant permis à Monsieur [N] de

poursuivre son activité en prélevant une rémunération mensuelle supérieure à 2 000 euros, outre remboursement de frais kilométriques ;

-une image trompeuse vis à vis des tiers compte tenu des performances affichées dans les bilans produits ;

-une absence de cessation des paiements.

Elle se prévaut essentiellement des constatations faites par l’administration fiscale dans sa proposition de rectification du 13 décembre 2019, selon lesquelles :

« Concernant la comptabilisation des produits et de la TVA collectée pour les clients entrant dans le champ du contrat de franchise, les factures des appels de fonds ne sont pas comptabilisées au moment de la facturation et seul 3 factures définitives ont été comptabilisées sur la période vérifiée (toutes sur l’exercice clos au 30/06/2018).

Ainsi pour l’exercice clos au 30/06/2017, les produits et la TVA correspondante sont comptabilisés par une écriture d’inventaire de 45 lignes avec un montant globalisé par clients pour l’exercice, sans détailler les différents appels de fonds émis. Aucune facture définitive n’a été comptabilisée pour ses clients.

Pour l’exercice clos au 30/06/2018, ils sont comptabilisés par une écriture d’inventaire qui globalise la totalité des produits et de la TVA correspondants aux appels de fonds de l’exercice, tout client confondu. Par ailleurs, 3 factures définitives ont été comptabilisées.

Pour l’exercice clos au 30/06/2019, aucun produit ni aucune TVA collectée correspondant aux prestations réalisées dans le cadre du contrat de franchise MIKIT n’ont été comptabilisés. »

Il sera rappelé à titre préliminaire que le contrôle fiscal ayant conduit au redressement porte sur la période du 1er janvier 2016 au 30 juin 2019.

Or Monsieur [N] n’a pris ses fonctions de président de la société Krysalide qu’à compter du 1er juillet 2018, et il n’est ni allégué ni démontré qu’il en ait auparavant été le dirigeant de fait.

En conséquence, seule l’insuffisance d’actif apparue à compter de cette date est susceptible de lui être imputée, si tant est qu’elle résulte d’une gestion fautive de sa part.

Il a été rappelé par l’administration fiscale, dans sa proposition de rectification en date du 13 décembre 2019, que :

« En date du 18 janvier 2016, une convention de délégation de payement a été conclue entre la SAS KRYSALIDE et la société MKT PROMOTION, filiale de la société MIKIT FRANCE. Cette convention prévoit que le déléguant (la SAS KRYSALIDE) donne mandat au délégataire (la société MKT PROMOTION) d’effectuer pour son compte les prestations suivantes :

-L’émission des appels de fonds en fonction des stades d’avancement des chantiers ;

-L’encaissement des montants correspondants sur un compte bancaire du délégataire, avec un compte de tiers spécifique ouvert dans la comptabilité du délégataire.

-Le paiement pour son compte des redevances envers la structure franchiseur MIKIT FRANCE, conformément aux termes du contrat de franchise signé entre le déléguant et MIKIT FRANCE.

La répartition des flux financiers entre les parties est détaillée en annexe à la convention. Ainsi, le déléguant, au cas présent la SAS KRYSALIDE, doit percevoir directement les appels de fonds 1 (acompte), 2 (ouverture) et 4 (assurance). Le reste des appels de fonds est perçu directement par MKT PROMOTION pour le compte de la SAS KRYSALIDE dans le cadre de ladite convention.

Sur le compte de tiers ouvert au nom de la SAS KRYSALIDE dans la comptabilité de la société MKT PROMOTION est inscrit :

-au débit : les redevances dues par la SAS KRYSALIDE à MIKIT FRANCE, les montants facturés par MKT PROMOTION à la SAS KRYSALIDE (sous-traitance, honoraires), les avances de trésoreries, les éventuels soldes.

-au crédit : les appels de fonds versés par les clients de la SAS KRYSALIDE, les éventuels soldes.

Ainsi, la société MKT PROMOTION reverse à la SAS KRYSALIDE la différence entre les appels de fonds qu’elle a encaissée pour le compte de la SAS KRYSALIDE et les dettes de celle-ci vis-à-vis de MKT PROMOTION (factures de sous-traitance) et de MIKIT FRANCE (redevances). »

Or en matière de prestations de services, la TVA était exigible, d’une part dès l’encaissement des fonds, qu’ils aient été perçus par la société Krysalide ou par la société MKT Promotion, d’autre part non pas sur les fonds reversés mais sur les fonds perçus, ce que le système de délégation des paiements rendait particulièrement difficile sans une parfaite information de la part de la société MKT Promotion.

Si le ministère public reproche à Monsieur [N] de ne pas verser la lettre de mission de l’expert-comptable de la société Krysalide, il se déduit suffisamment du mail adressé le 26 août 2019 par Monsieur [B], coordinateur travaux, à la société Sadec Akelys, que cette dernière était en charge des déclarations mensuelles de TVA.

En outre, la date à laquelle cette société a alerté le dirigeant de la société Krysalide sur la situation dans laquelle elle se trouvait vis à vis de l’administration fiscale, et les explications qu’elle a pu lui donner à cette occasion, ne sont pas justifiées par les pièces versées à la procédure, Monsieur [N] évoquant cependant sans être contredit le mois d’octobre 2018, étant observé que le bilan clos au 30 juin 2018 ne lui a été transmis que postérieurement, le 16 janvier 2019.

Aucun des éléments versés aux débats ne met donc en évidence que le manquement aux obligations déclaratives de la société Krysalide ait été délibéré et soit constitutif d’une fraude.

L’administration fiscale, qui a effectué des redressements de mars 2016 à juin 2019, s’est d’ailleurs contentée de réclamer ses droits sur cette période ainsi que les intérêts de retard, et n’a appliqué aucune majoration et amende.

Il ne saurait être reproché à Monsieur [N] de ne pas avoir effectué de recours contre la proposition de rectification qui lui a été faite par l’administration fiscale, sans prendre en considération les chances particulièrement faibles de prospérer d’une telle procédure, le liquidateur ne pouvant, de bonne foi, affirmer que l’absence de « réelles négociations avec la Direction Générale des Finances publiques pour plaider sa bonne foi et réviser les résultats du redressement fiscal » « laisse supposer une reconnaissance implicite d’un comportement délibérément fautif ».

Il sera rappelé que dans une lettre adressée le 26 mai 2020 à Maître [D], Monsieur [N] a expliqué, sans être contredit : « concernant le redressement de TVA, lié à la franchise MIKIT, j’ai reçu l’avis d’un avocat qui m’a indiqué qu’il serait difficile de contester ce redressement vis-à-vis de l’administration fiscale et qu’il était nécessaire d’engager un recours contre la société MIKIT France pour tromperie sur la rentabilité du franchisé. Or cette procédure ne dispenserait pas dans un premier temps d’un paiement du redressement notifié, ce qu’évidemment la trésorerie ne permet pas. J’aurai peut-être tenté cette chance dans un contexte commercial différent, mais les circonstances actuelles rendent à mon sens impossible le redressement de l’entreprise », étant rappelé que ce courrier a été adressé en pleine période de crise sanitaire.

Enfin, les premiers juges ne pouvaient reprocher à Monsieur [N] de :

-ne ne pas avoir engagé une action en responsabilité contre son franchiseur,

-avoir conclu un protocole d’accord transactionnel avec son franchiseur prévoyant une clause de renonciation à toute action et recours ;

-de ne pas avoir mentionné la proposition de rectification faite à la société Krysalide dans sa déclaration de cessation des paiements en date du 4 janvier 2020,

alors qu’ils n’étaient saisis d’aucun de ces griefs.

Il résulte de ces éléments que la faute de gestion reprochée à Monsieur [N] n’est pas suffisamment établie, la société WRA, ès qualités, ne pouvant qu’être déboutée de sa demande de le voir condamner à participer à l’insuffisance d’actif de la société Kysalide.

Le jugement entrepris sera infirmé.

II ‘ Sur les les mesures accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

L’issue du litige justifie de condamner la société WRA aux dépens d’appel et de première instance. La décision entreprise sera réformée de ce chef.

2) Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

L’équité commande de débouter Monsieur [N] de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 27 juin 2022 par le tribunal de commerce de Dunkerque en ce qu’il a :

-condamné Monsieur [K] [N] à payer à la SELARL WRA, ès qualités, la somme de 100 000 euros à titre de participation à l’insuffisance d’actif de la société Krysalide ;

-condamné Monsieur [K] [N] aux dépens ;

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Déboute la SELARL WRA, ès qualités, de sa demande de condamnation de Monsieur [K] [N] à participer à l’insuffisance d’actif de la société Krysalide ;

Déboute Monsieur [K] [N] de sa demande au titre de ses frais irrépétibles ;

Condamne la SELARL WRA, ès qualités, aux dépens d’appel et de première instance.

Le greffier

Marlène Tocco

Le président

Samuel Vitse

 


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