Dirigeant de fait : 9 mai 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00006

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Dirigeant de fait : 9 mai 2023 Cour d’appel de Pau RG n° 22/00006
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JP/CS

Numéro 23/1549

COUR D’APPEL DE PAU

2ème CH – Section 1

ARRET DU 9 mai 2023

Dossier : N° RG 22/00006 – N° Portalis DBVV-V-B7G-ICQC

Nature affaire :

Action en responsabilité pour insuffisance d’actif à l’encontre des dirigeants

Affaire :

[L] [X]

C/

[C] [Z]

S.E.L.A.R.L. EKIP’

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 9 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 14 mars 2023, devant :

Jeanne PELLEFIGUES, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame SAYOUS, Greffière présente à l’appel des causes,

Jeanne PELLEFIGUES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Marc MAGNON et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

Madame Joëlle GUIROY, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [L] [X] es-nom et es-qualité de gérant de la SARL JBC IMMO

né le [Date naissance 5] 1949 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 10]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PAU)

Représenté par Me Véronique ROLFO, avocat au barreau de TARBES

INTIMEES :

Madame [C] [Z] prise tant en sa qualité de gérant de la SARL JBC IMMO qu’en sa qualité de personne physique

née le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 8]

Représentée par Me Olivia MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Jean-François BLANCO, avocat au barreau de Pau

S.E.L.A.R.L. EKIP’ Prise en la personne de Maître [T] [E] prise en son établissement secondaire de TARBES, situé [Adresse 4], [Localité 10] agissant ès-qualité de Liquidateur de la SARL JBC IMMO désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de TARBES du 21 janvier 2019

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentée par Me Camille ESTRADE, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 22 NOVEMBRE 2021

rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES

Par jugement contradictoire du 22 novembre 2021, le tribunal de commerce de TARBES a :

Le ministère public régulièrement avisé,

Vu l’avis favorable du juge-commissaire,

– déclaré recevable la demande de la SELARL EKIP’ à l’encontre de M. [X] [L] et constaté que M. [X] avait la qualité de gérant au moment des faits,

Vu les articles L635-1 et suivants du code de commerce,

Vu les articles L653-1 et suivants du code de commerce,

– condamné solidairement Mme [Z] [C] et M. [X] [L] en leur qualité de cogérants de la SARL JBC IMMO , au titre de leur responsabilité pour insuffisance d’actif, à supporter le passif de la SARL JBC IMMO à hauteur de la somme de 7144,28 €,

– prononcé à l’égard de Mme [Z] [C] une mesure de faillite personnelle d’une durée de 10 ans,

– prononcé à l’égard de M. [X] [L] une mesure de faillite personnelle d’une durée de 10 ans,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement,

– dit que la décision fera l’objet de publicité légale conformément aux dispositions de l’article R653-3 du code de commerce,

– dit que mention de la présente décision sera portée au casier judiciaire par les soins de Monsieur le greffier

– débouté les parties pour le surplus de leurs demandes

– condamné solidairement Mme [Z] [C] et M. [X] [L] à payer à la SELARL EKIP’ ès qualité de liquidateur de la SARL JBC IMMO la somme de 300 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement Mme [Z] [C] et M. [X] [L] aux entiers dépens.

Par déclaration du 3 janvier 2022 [L] [X] a interjeté appel de la décision.

Par acte du 1er juillet 2022,la SELARL EKIP’ a assigné en appel provoqué [C] [Z].

Par ordonnance le 19 octobre 2022 les procédures ont été jointes sous le N° 22/00006.

[L] [X] conclut à :

– Rejetant toutes conclusions contraires,

– Déclarer recevable l’appel formé par Monsieur [X], tant a titre personnel qu’es qualité de cogérant de la SARL JBC IMMO, a l’encontre du jugement du Tribunal de Commerce de Tarbes en date du 22 novembre 202 1 ;

Y faisant droit ;

– Dire et juger Monsieur [X], tant à titre personnel qu’es qualité de cogérant de la SARL JBC IMMO, recevable en l’ensemble de ses demandes, notamment celles relatives a son éventuelle responsabilité ;

– Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de TARBES en date du 22 novembre 2021 en toutes ces dispositions ;

– Dire et juger la SELARL EKIP’ mal fondée en son action en responsabilité pour insuffisance d’actif dirigée a l’encontre de Monsieur [X] ;

– Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de TARBES en date du 22 novembre 2021 en ce qu’il a condamné Monsieur [X], en sa qualité de cogérant de la SARL JBC IMMO, au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif, a supporter le passif de la SARL JBC IMMO à hauteur de 7.144,28 euros ;

– Dire et juger que l’insuffisance d’actif de la SARL JBC IMMO sera supportée en totalité par Madame [Z] ;

A titre subsidiaire

– Dire n’y avoir lieu à condamnation solidaire entre Monsieur [X] et Madame [Z] à supporter le passif de la SARL JBC IMMO ;

– Limiter la condamnation de Monsieur [X] à supporter le passif de la SARL JBC IMMO à une somme d’un montant maximal de 7.000,00 euros ;

– Infirmer le jugement du Tribunal de Commerce de Tarbes en date du 22 novembre 2021 en ce qu’il a prononcé a l’égard de Monsieur [X] une mesure de faillite personnelle d’une durée de 10 ans ;

A titre subsidiaire

– Prononcer à l’encontre de Monsieur [X] une interdiction de gérer pour une durée maximale d’un an ;

– Débouter la SELARL EKIP’ et Madame [Z] de l’ensemble de leurs demandes a l’encontre de Monsieur [X] ;

– Condamner solidairement la SELARL EKIP’, es qualité judiciaire de la SARL JBC IMMO, et Madame [Z] au paiement a Monsieur [X] d’une indemnité de montant de 4.000,00 € par application des dispositions de l’artic1e 700 du code de procédure civile ;

– Condamner solidairement la SARL EKIP, es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL JBC IMMO, et Madame [Z], aux entiers dépens de premiere instance et d’appel.

[C] [Z] conclut à :

– Réformer le jugement dont appel en ce qu’il a condamné Madame [C] [Z] à supporter le passif de la SARL JBC IMMO et à une mesure de faillite personnelle d’une durée de 10 ans

– débouter la SARL EKIP et Monsieur [L] [X] de toutes leurs demandes à l’encontre de Madame [C] [Z],

– les condamner solidairement à lui verser une indemnité de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La SELARL EKIP’ prise en la personne de Maître [T] [E], agissant ès qualité de liquidateur de la SARL JBC IMMO conclut à :

Vu l’article L 651-2 du Code de Commerce,

Vu les articles L653-4 et suivants du Code de Commerce,

Vu la jurisprudence précitée,

– Dire et juger que le chef oublié (la responsabilité pour insuffisance d’actif de Monsieur [L] [X]) n’est pas un « chef dépendant » du prononcé de la faillite personnelle.

– Dire et juger que la cour d’appel n’aura pas à se prononcer sur la demande liée à ce chef dont elle n’est pas saisie.

– Déclarer irrecevable la fin de non-recevoir invoquée par Monsieur [L] [X] tirée de l’irrecevabilité des demandes du liquidateur à son encontre en sa qualité de dirigeant de la SARL JBC IMMO.

– Confirmer le jugement entrepris en date du 22/11/2021 en ce qu’il a :

o Déclaré recevable la demande de la SELARL EKIP’ es qualité à l’encontre de Monsieur [L] [X] et constaté que ce dernier avait la qualité de gérant au moment des faits,

o Condamné solidairement Madame [C] [Z] et Monsieur [L] [X] en leur qualité de cogérants de la SARL JBC IMMO au titre de leur responsabilité pour insuffisance d’actif.

o Prononcé à leur égard une mesure de faillite personnelle d’une durée de 10 ans.

o Ordonné l’exécution provisoire du jugement

L’infirmer pour le surplus

A titre incident, statuant à nouveau,

– Condamner solidairement Madame [C] [Z] et Monsieur [L] [X] à payer à la SELARL EKIP, ès qualité de liquidateur de la SARL JBC IMMO une somme de 33 458,10 € au titre de l’insuffisance d’actif de la société JBC IMMO.

– Condamner solidairement Madame [C] [Z] et Monsieur [L] [X] à payer à la SELARL EKIP, ès qualité une indemnité de 1500€ sur le fondement de l’article 700 du CPC, en règlement des frais irrépétibles exposés en première instance.

– Condamner solidairement Madame [C] [Z] et Monsieur [L] [X] à payer à la SELARL EKIP, ès qualité une indemnité de 4 000€ sur le fondement de l’article 700 du CPC, en règlement des frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

– Condamner solidairement Madame [C] [Z] et Monsieur [L] [X] aux dépens tant de première instance que d’appel avec distraction au profit de Me Camille [X] en application de l’article 699 du CPC.

– Débouter Madame [C] [Z] et Monsieur [L] [X] de leurs

demandes, fins et conclusions contraires.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2023.

SUR CE

La SARL JBC IMMO, créée le 23 mai 2018 ayant pour objet social une activité d’agence immobilière a pour associés et cogérants [L] [X] et [C] [Z].

Elle exerçait son activité sous l’enseigne CENTURY 21.

Les statuts de la société font apparaître une troisième associée [R] [M] née [Z], s’ur de [C] [Z].

La SARL JBC IMMO a contracté un prêt d’un montant de 70 000 € auprès de la banque POUYANNE aux fins de l’acquisition d’un fonds, des droits d’entrée et de divers agencements.

L’établissement de crédit a sollicité de [L] [X] et [C] [Z] qu’ils se portent cautions solidaires de la SARL JBC IMMO à hauteur de la somme de 42 000 €.

Au mois de juillet 2018, un différend a opposé les associés qui ne se sont pas entendus sur les conditions de cession des parts sociales.

Le contrat de franchise avec CENTURY 21 a été résilié en octobre 2018.

[C] [Z] a déclaré la cessation des paiements de l’entreprise à la date du 31 octobre 2018.

Dans sa demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire du 13 novembre 2018, elle exposait l’origine des difficultés de l’entreprise résidant selon elle dans la résiliation du contrat de franchise conclu avec CENTURY 21 causée par une mésentente avec son associé [L] [X].

Elle précisait également que l’entreprise embauchait un salarié en la personne de [R] [M] née [Z], sa propre s’ur et déclarait un passif cumulé de l’ordre de 12 122,07 €.

Par jugement du 21 janvier 2019 le tribunal de commerce de Tarbes a prononcé la liquidation judiciaire directe simplifiée de la SARL JBC IMMO.

La date de cessation des paiements a été provisoirement fixée au 31 octobre 2018.

Le passif déclaré à la date du jugement d’ouverture s’élevait à 205 947,05 €.

La SELARL EKIP, es qualité de liquidateur de la SARL JBC IMMO a assigné [L] [X] et [C] [Z] devant le tribunal de commerce de Tarbes afin de voir engager leur responsabilité civile pour insuffisance d’actif de la société JBC IMMO et de voir prononcer leur encontre une mesure de faillite personnelle ou à défaut une interdiction de gérer.

[L] [X] a payé 7200 € au titre des condamnations assorties de l’exécution provisoire et a déposé le 14 novembre 2022 une requête par-devant le président du tribunal de commerce de Tarbes afin d’être relevé de la faillite personnelle.

L’affaire a été audiencée au 19 décembre 2022 et renvoyée dans l’attente de l’arrêt à intervenir.

Sur l’ effet dévolutif de l’appel :

L’article 901 du code de procédure civile prévoit les mentions que doit comporter la déclaration d’appel, à peine de nullité et en particulier en 4° : « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible. »

La SELARL EKIP sollicite que la cour constate d’office l’absence d’effet dévolutif des chefs de demande discutés dans les conclusions et non mentionnés dans la déclaration d’appel, faisant valoir que [L] [X] a interjeté appel uniquement des dispositions du jugement qui l’ont condamné à une mesure de faillite personnelle sur le fondement de l’article L653-3 du code de commerce, sur l’exécution provisoire et sur la condamnation au paiement d’une indemnité d’article 700 du code de procédure civile.

Il n’a pas été interjeté appel des dispositions du jugement qui ont : déclaré recevable la demande de la SELARL EKIP à son encontre, constaté qu’il avait la qualité de gérant au moment des faits, condamné solidairement Madame [C] [Z] et Monsieur [L] [X] en leur qualité de cogérant de la SARL JBC IMMO au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif à supporter le passif de la société JBC IMMO à hauteur de la somme de 7144,28 €.

Elle considère que l’appelant ne peut critiquer le jugement qu’on fonction des chefs qu’il a visés dans sa déclaration d’appel. Si un chef n’est pas mentionné dans l’acte d’appel, il n’est pas dévolu à la cour d’appel qui ne sera pas saisie.

[L] [X] soutient être recevable en ses demandes formulées au titre de son éventuelle responsabilité puisque son appel porte notamment sur sa condamnation pour une faute de gestion et les conséquences de celles-ci.

L’article 562 du code de procédure civile précise les contours de l’effet dévolutif.

L’appel défère à la Cour la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent .

Il résulte de la déclaration d’appel effectuée par [L] [X] que son appel porte sur les chefs de jugement expressément critiqués en ce que : « Monsieur [X] a été condamné pour faute de gestion à la faillite personnelle sur le fondement des articles L653-3 et suivant du code de commerce pour une durée de 10 ans, il a été prononcé l’exécution provisoire de la décision alors qu’elle n’était pas de droit, Monsieur [X] été condamné à la somme de 300 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. »

[L] [X] a ainsi fait référence, dans les chefs de jugement critiqués, à sa condamnation pour faillite personnelle mais également pour fautes de gestion. C’est en considération de ses fautes de gestion que la condamnation à supporter le passif a été prononcée à son encontre ainsi que la mesure de faillite personnelle.

L’effet dévolutif de l’appel s’exerce sur l’ensemble des condamnations prononcées tant au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif que de la faillite personnelle qui sont la conséquence des fautes de gestion relevées à l’encontre de [L] [X].

[L] [X] est donc recevable dans ses conclusions tendant à contester sa responsabilité pour insuffisance d’actif, sa condamnation à supporter le passif de la SARL JBC IMMO et la mesure de faillite personnelle prononcée à son encontre.

Au fond :

L’ article L651-2 du code de commerce prévoit que le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté en tout ou en partie par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d’entre eux ayant contribué à la faute de gestion.

– Sur la responsabilité de [L] [X] en qualité de cogérant de la société :

[L] [X] fait valoir qu’ à compter du 24 juillet 2018, il s’est trouvé dans l’incapacité d’agir en qualité de cogérant de la SARL JBC -IMMO étant donné le projet de Madame [Z] de racheter l’intégralité de ses parts, projet qu’il avait accepté mais qui n’a pu aboutir du fait de Madame [Z] qui n’a pas finalisé l’accord prévu.

En réplique, le liquidateur invoque les dispositions de l’article L651-2 du code de commerce en précisant que la seule condition exigée pour caractériser la faute de gestion d’un dirigeant est que le comportement de celui-ci soit contraire à l’intérêt social. Il fait remarquer que bien que ne pouvant plus accéder aux locaux, [L] [X] s’est prélevé sur la société une somme de 9000 €.

En outre, il n’a entrepris aucune inscription modificative par application de l’article R 123-66 du code de commerce, n’a pas démissionné de ses fonctions de cogérant, ni réalisé les formalités qui s’imposaient auprès du greffe du tribunal de commerce de TARBES en formant une demande d’inscription modificative tendant à la radiation de sa mention en qualité de cogérant. Il avait donc cette qualité au moment des faits reprochés mentionnés comme telles sur l’extrait K bis de la société JBC IMMO.

[L] [X] ne justifie pas avoir été privé de la qualité de cogérant à la date qu’il indique puisque le projet de cession de parts sociales n’a effectivement pas abouti.

Son argumentation consiste à rendre [C] [Z] seule responsable des fautes de gestion commises durant cette période au motif qu’il se serait désengagé de la vie de la société.

Cependant les fautes de gestion peuvent résulter de la passivité du dirigeant traduisant son incurie.

Le fait de s’être désintéressé de la vie de la société alors qu’il était toujours en responsabilité caractérise un comportement fautif. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation qui considère que la faute de gestion pouvait tenir au fait pour le dirigeant de droit de laisser la gestion à un dirigeant de fait, ou en ne surveillant pas la gestion du cogérant.

Dans un arrêt du 8 octobre 2003, la Cour de cassation a retenu que le dirigeant social s’était désintéressé de la gestion administrative malgré ses fonctions de gérant, « qu ‘il s’en est remis sans aucun contrôle à l’autre gérante’ et que cette négligence dans la gestion et l’excès de confiance dans les autres responsables avait contribué à l’insuffisance d’actif. »

Il ne démontre d’ailleurs pas son incapacité à agir en qualité de gérant dès le cours de l’été 2018 comme il le prétend et alors même qu’il lui est reproché d’avoir prélevé sur le compte de la société le 13 novembre 2018 une somme de 9000 € ce qu’il ne conteste d’ailleurs pas en arguant de la rémunération de son travail.

La contestation de sa qualité de gérant au moment des faits sera donc rejetée et sa responsabilité pour insuffisance d’actif est recherchée à ce titre en confirmation du jugement déféré, l’action dirigée par la SELARL EKIP à son encontre étant parfaitement fondée.

– Sur les fautes de gestion de [L] [X] :

La SELARL EKIP reproche à [L] [X] un paiement préférentiel alors qu’il connaissait l’état de cessation des paiements de la société puisqu’il a effectué un prélèvement à son profit le 13 novembre 2018 d’un montant de 9000 € sur le compte bancaire de la SARL JBC IMMO ouverte à la banque POUYANNE. Ce prélèvement a été effectué concomitamment à la cessation des paiements qui a été faite le 13 novembre 2018 et alors que la liquidation judiciaire a été prononcée le 21 janvier 2019.

[L] [X] ne conteste pas ce prélèvement du 13 novembre 2018 en expliquant qu’il faisait suite à l’encaissement sur le même compte bancaire de la SARL JBC IMMO deux jours plus tôt, d’une commission de vente, ensuite de son travail, commission d’un montant de 10 007,71 €, il s’agissait donc selon lui d’une rémunération juste et justifiée et non « excessive ou injustifiée. »

Ce prélèvement correspondait également au paiement de frais réels.

Il considère également que le prélèvement contesté ne saurait être retenu en raison de son caractère postérieur à la date de la cessation des paiements.

Il précise qu’il ne pouvait ignorer la situation financière de son entreprise mais qu’en revanche il ignorait sa situation précise notamment celle de la cessation des paiements qui a été fixée d’autorité par la seule Madame [Z], comptable de métier, de manière arbitraire et rétroactive précisément pour le placer en difficulté dans cette période suspecte.

Le jugement du tribunal de commerce de Tarbes du 21 janvier 2019 prononçant la liquidation judiciaire directe simplifiée de la SARL JBC IMMO et fixant provisoirement la date de cessation de paiement au 31 octobre 2018 n’a fait l’objet d’aucune contestation de sa part, étant noté dans les attendus du tribunal que : « sur l’audience M. [X] cogérant de la SARL JBC IMMO ne s’est pas opposé à la demande de liquidation judiciaire de la société sollicitée par Madame [Z] [C] cogérante de la SARL JBC IMMO.»

[L] [X] ne peut venir reprocher postérieurement et pour les besoins de la cause, à [C] [Z] une fixation arbitraire de l’état de cessation des paiements qui résulte d’une décision judiciaire définitive.

La faute de gestion visée par l’article L651-2 doit avoir été commise avant l’ouverture de la liquidation judiciaire qui autorise l’exercice de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.

En l’espèce la faute de gestion incriminée consistant en un prélèvement à son profit de la somme de 9000 € est bien antérieure au jugement de liquidation judiciaire et concomitante à la demande d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire formée par [C] [Z] le 14 novembre 2018, le virement apparaissant sur le compte de la société en date du 14 novembre 2018.

Ce prélèvement faisait suite à l’encaissement sur le même compte bancaire de la société deux jours plus tôt d’une commission de vente d’un montant de 10 007,71 €. Après le prélèvement ,la SARL ne disposait plus que d’un solde créditeur de 950 € la privant de toute trésorerie.

Le fait d’effectuer ce prélèvement préférentiel alors que cette somme de 9000 € aurait permis à la société de régler plusieurs créanciers, constitue une faute de gestion commise par [L] [X] en disposant des biens sociaux dans un intérêt contraire à l’intérêt social. Il est établi que ce détournement d’actif a contribué à aggraver le passif de la société.

La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a retenu cette faute de gestion.

La SELARL EKIP lui reproche également une faute de gestion résultant de l’inobservation d’obligations légales.

Elle précise que la créance déclarée au passif par la société GALION ASSURANCES d’un montant de 123 300 € correspond au montant garanti par cette assurance sur les fonds encaissés par la société JBC IMMO à l’occasion de transactions immobilières. La société d’assurance n’a pas été en mesure de procéder aux formalités de notification individuelle prévue à l’article 45 du décret d’application du 20 juillet 1972 de la loi du 2 janvier 1970, faute pour la SARL JBC IMMO de lui avoir communiqué le registre répertoire et le carnet de reçu de l’agence. Ce défaut de communication du registre du carnet de reçu de l’agence par les deux cogérants a eu pour conséquence l’augmentation du passif de 123 300 €.

La SELARL EKIP verse aux débats un courrier de GALION adressé à la SELARL [E] aux termes duquel elle précise n’avoir pas encore été en mesure de procéder aux formalités de notification individuelle prévue à l’article 45 du décret d’application du 20 juillet 1972 de la loi du 2 janvier 1970 faute par la SARL JBC IMMO de lui avoir communiqué : « le registre répertoire et carnet de reçus de l’agence. »

Toutefois ce courrier daté du 28 janvier 2019 est postérieur à la liquidation judiciaire prononcée par jugement du 21 janvier 2019.

Cette faute ne peut être reprochée dès lors aux dirigeants sociaux, et le liquidateur l’impute au seul [L] [X] alors que [C] [Z] serait tout aussi concernée.

Par ailleurs il n’est pas suffisamment précisé de quelle manière cette carence est en lien de causalité directe avec l’augmentation du passif de la société.

Ces faits ne seront donc pas retenus au titre des fautes de gestion imputables à [L] [X].

– Sur les fautes de gestion de [C] [Z] :

Le liquidateur reproche à celle-ci une incompétence manifeste en matière de gestion qui s’est traduite par l’embauche de sa s’ur [R] [M] née [Z] suivant contrat à durée déterminée au motif d’un accroissement temporaire d’activité et ce le 12 octobre 2018 en qualité d’assistante commerciale photographe moyennant une rémunération mensuelle brute de 2499,52 €.

[C] [Z] ne s’explique pas véritablement sur l’opportunité d’une telle embauche alors qu’elle allait se rendre au tribunal de commerce pour demander une liquidation judiciaire le 13 novembre 2018 en fixant une date de cessation des paiements au 31 octobre 2018. Elle précise elle-même dans sa demande que l’entreprise périclite depuis la perte de l’enseigne «CENTURY 21 » intervenue mi-octobre précisant n’avoir actuellement aucune vente en cours ou à venir.

Ainsi cet emploi apparaît-il être de« complaisance» comme cela a été indiqué par la CGEA de Toulouse dans un mail du 9 juillet 2019 adressé au liquidateur.

En effet l’activité de la société ne justifiait pas une telle embauche d’une photographe alors que des mi-octobre il n’y avait plus de biens à la vente, moyennant un salaire disproportionné par rapport aux capacités financières de la société et au profil du poste.

De part sa formation professionnelle de comptable , de par ses responsabilités de cogérante, elle aurait été cependant en mesure d’apprécier le caractère fautif d’une telle embauche.

Pour se défausser de sa propre responsabilité, [C] [Z] se contente d’accabler [L] [X] et son action irrégulière et déstabilisatrice consistant à entraver son accès aux informations sur la société son fonctionnement et sa situation.

Elle ne démontre cependant pas la réalité de telles accusations alors que [L] [X] formule des accusations identiques à son encontre en indiquant qu’il n’avait plus de clés pour accéder à l’agence.

Il conteste également cette embauche au motif qu’il n’a pas donné son accord à celle-ci ce que ne dément pas [C] [Z]. Par courrier du 8 février 2019, [L] [X] a contesté l’embauche de [R] [M] au motif qu’il n’était pas au courant de cette initiative prise par [C] [Z] alors que celle-ci savait qu’elle allait demander en suivant et sans le consulter en sa qualité de cogérant, la liquidation judiciaire de la société.

La faute de gestion consistant à cette embauche de complaisance sera donc retenue à son encontre.

Elle a été de nature à aggraver le passif puisque le contrat de travail de [R] [M] s’est poursuivi jusqu’à la liquidation du 21 janvier 2019 et que son licenciement est intervenu dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire entraînant pour celle-ci le coût d’un licenciement.

Aucun des salaires lui a cependant été réglé par la SARL JBC IMMO faute de trésorerie mais [R] [M] a sollicité auprès des AGS paiement de ses arriérés de salaire et de ses salaires jusqu’à la rupture effective du contrat ainsi que paiement de ses congés payés soit environ la somme de 10 000 €.

[L] [X] et [C] [Z] ont contribué à l’état de cessation des paiements par les fautes de gestion qu’ils ont commise en relation de causalité avec l’insuffisance d’actif dont ils sont solidairement responsables.

Il y a donc lieu en application des dispositions de l’article L651-2 du code de commerce précité de les condamner solidairement à régler la totalité de l’insuffisance d’actif en raison de la nature et de la gravité des fautes de gestion qu’ils ont respectivement commises.

– Sur le montant de la condamnation à l’insuffisance d’actif :

Le liquidateur forme un appel incident en sollicitant que le montant de l’insuffisance d’actif soit porté à la somme de 33 458,10 €.

Il en justifie par la production d’un décompte actualisé et détaillé des créances tenant compte du règlement par [L] [X] au liquidateur de la somme de 7200 € le 12 septembre 2022.

Ce décompte n’est pas utilement contesté et il sera donc fait droit à la demande du liquidateur de voir porter l’insuffisance d’actif à la somme de 33 458,10 € au paiement de laquelle [C] [Z] et [L] [X] seront solidairement condamnés.

– Sur la faillite personnelle :

L’article L653-4 du code de commerce prévoit que le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale contre lequel ont été relevés les faits que cet article énumère et parmi lesquels figurent les agissements fautifs de [C] [Z] et [L] [X] qui ont agi dans un intérêt personnel au détriment de la personne morale.

La mesure de faillite personnelle prononcée à leur encontre sera donc confirmée sauf à réduire cette durée à 7 ans, la durée maximale d’une telle mesure étant de 15 ans, afin de proportionner cette mesure à l’importance des fautes commises.

– Sur les condamnations au titre de l’article 700 du code de procédure civile :

En cause d’appel la somme de 2000 € sera allouée à la SELARL EKIP sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La demande tendant à augmenter la somme allouée sur ce fondement en première instance sera rejetée, cette somme ayant fait l’objet d’une appréciation discrétionnaire par les premiers juges qui n’appartient pas à la cour d’appel de réformer.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Rejette les contestations émises par la SELARL EKIP sur l’effet dévolutif de l’appel.

Déclare recevables les chefs de demandes de [L] [X].

Infirmant partiellement le jugement déféré :

Condamne solidairement [C] [Z] et [L] [X], en leur qualité de cogérants de la SARL JBC IMMO, à payer à la SELARL EKIP es qualité de liquidateur de la SARL JBC IMMO, la somme de 33 458,10 € au titre de l’insuffisance d’actif de la société JBC IMMO.

Prononce à l’égard de [C] [Z] une mesure de faillite personnelle d’une durée de sept ans.

Prononce à l’égard de [L] [X] une mesure de faillite personnelle d’une durée de sept ans.

Condamne solidairement [C] [Z] et [L] [X], à payer à la SELARL EKIP es qualité de liquidateur de la SARL JBC IMMO la somme de 2000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette les autres demandes incidentes de la SELARL EKIP.

Dit [C] [Z] et [L] [X] tenus solidairement aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Madame PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.

LA GREFFIÈRE, LE PRÉSIDENT,

 


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