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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRET DU 19 AVRIL 2019
(n°71, 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 17/15892 – n° Portalis 35L7-V-B7B-B35WN
Jonction avec le dossier 18/17984
Décisions déférées à la Cour : 1/ ordonnance du juge de la mise en état du 19 décembre 2014 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 3ème section – RG n°12/08600 – 2/ ordonnance du juge de la mise en état du 1er juillet 2016 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 3ème section – RG n°12/08600 – 3/ jugement du 30 juin 2017 – Tribunal de grande instance de PARIS – 3ème chambre 3ème section- RG n°12/08600
APPELANT AU PRINCIPAL, APPELANT EN INTERVENTION FORCEE EN REPRISE D’INSTANCE et INTIME INCIDENT
M. [N] [P]
Né le [Date naissance 2] 1967 à [Localité 9]
De nationalité française
Demeurant Lieudit [Adresse 8]
Représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044
Assisté de Me Laëtitia MARICOURT-BALISONI, avocat au barreau d’AJACCIO
INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES
S.A. WHY NOT PRODUCTIONS, prise en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 5]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 379 216 781
S.A.R.L. PAGE 114, prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Localité 6]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 484 011 911
Représentées par Me Michel MAGNIEN, avocat au barreau de PARIS, toque B 1020
INTERVENANTE FORCEE EN REPRISE D’INSTANCE et comme telle INTIMEE
S.C.P. BTSG, représentée par Me [U] [A], prise en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A.S. CHIC FILMS
[Adresse 1]
[Localité 7]
Assignée à personne habilitée et n’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 février 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne-Marie GABER, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mme [R] [H] a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Anne-Marie GABER, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Françoise BARUTEL, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Réputé contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
Vu l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 19 décembre 2014,
Vu l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris du 1er juillet 2016,
Vu le jugement réputé contradictoire du 30 juin 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,
Vu les appels (RG 17/15892 et 17/15910) interjetés le 3 août 2017 par M. [P], respectivement du jugement susvisé seul, et du dit jugement ainsi que des deux ordonnances précitées,
Vu les conclusions de l’appelant du 2 novembre 2017,
Vu l’assignation à la requête de l’appelant en reprise d’instance avec dénonciation de ses conclusions, transmise par voie électronique le 20 novembre 2017 et délivrée par acte d’huissier de justice le 15 novembre 2017 à la SCP BTSG prise en la personne de M. [A], désigné par jugement du tribunal de commerce de Paris le 18 juillet 2017 en qualité de liquidateur judiciaire de la société Chic Films, intimée, cet acte ayant été remis à personne se déclarant habilitée,
Vu l’ordonnance sur incident du 15 février 2018 qui a déclaré irrecevable l’appel visant les 3 décisions susvisées, enregistré sous le n° RG 17/15910,
Vu l’arrêt d’infirmation de cette ordonnance du 29 juin 2018 déclarant ledit appel recevable,
Vu la jonction des deux instances d’appel du 13 septembre 2018,
Vu les dernières conclusions, « conclusions récapitulatives n°3 après jonction», remises au greffe, et notifiées, par voie électronique le 1er février 2019, de M. [P], appelant,
Vu les dernières conclusions, «conclusions récapitulatives d’intimés contenant appel incident après jonction n°2», remises au greffe, et notifiées, par voie électronique le 18 janvier 2019 des sociétés Why Not Productions (Why Not) et Page 114, intimées et incidemment appelantes,
Vu l’ordonnance de clôture du 7 février 2019,
Vu la note d’audience du 27 février 2019 aux termes de laquelle les parties représentées ont été contradictoirement avisées que la cour ne prendra pas en compte les pièces (en langue étrangère) non traduites (en langue française), et ont été autorisées à produire en cours de délibéré :
– l’ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris d’octobre 2013,
– le dépôt de plainte avec constitution de partie civile (de septembre 2013),
– la signification des conclusions du 1er février 2019 de l’appelant à la société Chic Films (en liquidation judiciaire et non constituée),
Vu le courrier du 27 février 2019 du conseil de l’appelant, lequel précise que les dernières écritures ne contenant aucune demande nouvelle à l’encontre de M. [A], mandataire liquidateur de la société Chic Films, ne lui ont pas été dénoncées,
Vu la communication contradictoire du 11 mars 2019 des deux pièces précitées de 2013 (ordonnance du juge de la mise en état et plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris),
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à chacune des trois décisions entreprises et aux écritures précédemment visées des parties, ainsi qu’à la note d’audience et aux transmissions subséquentes susvisées autorisées.
Il sera rappelé que M. [P], comédien ayant aussi réalisé des prestations comme chanteur, qui précise ne plus bénéficier d’allocation d’intermittent du spectacle et être en recherche d’emploi, a participé le 8 avril 2008 à [Localité 10] à des essais en vue de l’obtention du rôle d’un des prisonniers corses (dénommé Pilicci) pour lequel il n’a pas été retenu, dans le film « Un Prophète» réalisé par [L] [X] d’une durée de 2h35mn, sorti en salles le 26 août 2009, qui a connu un succès public et critique.
M. [P] se prévaut de droits d’artiste interprète sur son interprétation de l’hymne corse ‘Diu vi salvi Regina’ enregistrée lors de cette audition.
Ayant découvert à l’occasion de la sortie en DVD, du 17 février 2010, que le film coproduit avec les sociétés Chic Films et Page 114 comporterait, selon lui, dans un choeur interprétant cet hymne corse, sans son autorisation ni contrepartie ni mention de son nom au générique, son interprétation en bande-son off dans une scène montrant le transfert de prisonniers corses, il a mis en demeure le 1er mars 2010, notamment la société Why Not coproductrice du film, de lui faire une proposition de dédommagement.
La société Why Not a formellement contesté le 3 mars 2010 cette demande, indiquant que l’enregistrement litigieux a été effectué lors du tournage du film et a été interprété par des acteurs jouant des prisonniers corses.
Après avoir fait procéder à une identification de voix par un expert américain M. [M], à partir du DVD et d’un exemplaire de sa voix enregistré ‘vers le 20 décembre 2011″ , qui conclut le 18 janvier 2012 que l’une des voix dans le film est sa voix, il a par actes d’huissier de justice des 26 et 30 avril 2012, fait assigner les sociétés précitées en contrefaçon de ses droits voisins d`artiste-interprète.
Il a obtenu un avis technique d’expert à caractère privé de M. [K], inscrit comme expert judiciaire près de la cour d’appel de Paris, lequel conclut le 21 mars 2013 qu’il est impossible d’affirmer que l’enregistrement du casting par lui passé ait pu servir à l’élaboration de la bande son du film, n’ayant pas accès à la totalité de la technologie disponible par exemple à l’Institut de [11] Nationale (IRCGN).
M. [P] a ensuite saisi le juge de la mise en état, lequel a, suivant ordonnance du 18 octobre 2013 confié au Chef d’escadron de l’IRCGN, une mesure de consultation.
Le consultant qui devait adresser son rapport écrit avant le 30 juillet 2014 a indiqué le 1er août 2014, entre autres :
– qu’il n’existe aucune démonstration scientifique du caractère unique et persistant de la voix d’une personne,
– qu’un rapport de vraisemblance constitue le véritable résultat d’une comparaison de voix, – qu’il n’a reçu aucun des enregistrements mentionnés dans l’ordonnance de mise en état,
– que le passage intéressant la consultation débute à la minute 43 du film,
– que plusieurs voix sont mélangées, qu’il est techniquement impossible de les séparer pour les comparer une à une avec la voix de M. [P] sans nuire à la fiabilité des travaux,
– que la durée nette du passage estimée à environ 15 secondes est assez faible,
– que son service ne dispose pas des données nécessaires à la constitution d’une collection de référence d’une taille minimale de 35 individus et d’une collection de validation d’au moins 15 individus à raison de 2 enregistrements chantés par individu connu qui seront probablement difficiles à collecter,
– que les spécificités du cas d’espèce ne permettent pas par ailleurs de garantir un résultat à l’issue des travaux, précisant qu’un délai de 3 mois à réception des éléments demandés serait nécessaire.
Le 12 septembre 2014 le consultant accusait réception au conseil des sociétés Why Not et Page 114 de la communication de 3 enregistrements dont la BO (bande originale) du film, demandait des précisions sur les circonstances de l’enregistrement des interprètes et du mixage de la BO, et lui adressait copie de sa lettre précitée rendant compte des difficultés rencontrées dans le cadre de l’exécution de la consultation.
Les sociétés Why Not et Page 114 ont alors demandé, le 25 novembre 2014, au juge de la mise en état de constater que le consultant avait vidé sa saisine par le dépôt de sa note du 1er août 2014 et que les diligences nécessaires apparaissent d’une ampleur injustifiée au vu des éléments versés par M. [P].
‘ Par ordonnance dont appel, du 19 décembre 2014, le juge de la mise en état a constaté que la mission de consultation a pris fin et dit n’y avoir lieu d’ordonner de mesure d’instruction complémentaire.
L’appel immédiat de cette décision a été déclaré irrecevable par arrêt de cette cour du 20 mars 2015, et une ordonnance du délégataire du premier président du 22 juillet 2015 a déclaré irrecevable la demande subséquente d’autorisation d’appel. La cour de cassation a par ailleurs, selon arrêt du 12 mai 2016, déclaré irrecevable le pourvoi formé par M. [P] à l’encontre de l’ordonnance du 20 mars 2015.
M. [P] a à nouveau saisi le juge de la mise en état, aux fins en particulier :
– d’enjoindre sous astreinte aux sociétés Why Not, Page l14 et Chic Films de dire si l’enregistrement des interprètes est intervenu de façon simultanée et en ce cas, préciser si chacun des interprètes est enregistré par un microphone dédié, et le cas échéant faire parvenir les pistes sonores associées à chacun des interprètes,
– communiquer les pistes associées à chaque enregistrement avant le montage final, les enregistrements réalisés à l’occasion des auditions des candidats, les feuilles de services afférentes au tournage, notamment celle du jour de la prise de vue de la scène du transfert des prisonniers corses, le plan de travail utilisé pour le tournage, les contrats de travail des comédiens et figurants présents dans la scène du transfert des prisonniers corses et les rushs et pistes ‘son’ dans la version intégrale avant les montages ‘image’ et ‘son’.
‘ Le juge de la mise en état a, selon la seconde ordonnance dont appel, du ler juillet 2016, rejeté l’intégralité de ces demandes et condamné M [P] à payer la somme globale de 1 000 euros aux sociétés Why Not et Page 114 au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
‘ Par jugement au fond dont appel, du 30 juin 2017, les premiers juges ont débouté M. [P] de ses demandes, le condamnant à verser aux sociétés Why Not et Page 114 ensemble 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et ont débouté lesdites sociétés de leur demande reconventionnelle au titre de la procédure abusive.
M. [P], appelant, sollicite la reprise de la mission ‘d’expertise’ ordonnée le 18 octobre 2013, reprend ses demandes d’injonction sous astreinte rejetées 1er juillet 2016, et, réclame subsidiairement sur le fond, l’infirmation du jugement du 30 Juin 2017.
Il maintient que :
– l’enregistrement du 2 avril 2008 a été utilisé pour la bande son du film,
– la fixation, la diffusion et l’exploitation commerciale dudit enregistrement, sans son autorisation constituent une violation des articles L212-1, L212-2 et L212-3 du code de la propriété intellectuelle,
– les sociétés Why Not, Page 114 et Chic films ont commis des actes de contrefaçon.
Il sollicite la condamnation solidaire des sociétés Why Not et Page 114 et du mandataire liquidateur de la société Chic films avec fixation de sa créance au passif de cette dernière, réitérant ses demandes de première instance aux fins d’obtenir :
– le paiement d’une somme de 20 000 euros pour préjudice matériel, de 180 000 euros pour préjudice moral, et de10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– l’ajout sous astreinte de son nom au générique,
– une publication dans 3 journaux ou magazines.
Les sociétés Why Not et Page 114, appelantes incidentes, réitèrent également leurs prétentions de première instance tendant au paiement à chacune d’une somme de 15 000 euros à titre de dommages intérêts arguant du caractère, selon elles, manifestement abusif de la procédure, et réclament chacune le paiement d’une somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ‘en sus et indépendamment’ de celle accordée par le premier juge.
Sur la consultation
A l’appui de sa demande de reprise de la mission ordonnée le 18 octobre 2013, M. [P], qui prétend avoir donné au consultant tous les éléments en sa possession, soutient que :
– la société Why Not en ne répondant pas aux questions du consultant sur les circonstances exactes de la prise de son a mis en échec sa mission,
– l’ordonnance du 19 décembre 2014 contredit celle du 18 octobre 2013 qui avait reconnu la nécessité d’une telle mesure d’instruction pour la solution du litige,
– le consultant n’a jamais indiqué être dans l’impossibilité d’exécuter sa mission mais a seulement sollicité des délais complémentaires.
Le premier juge a relevé le 19 décembre 2014 que M. [P] a attendu près d’un an pour remettre au consultant les enregistrements dont il disposait, et qu’il résultait de la note de ce dernier que des examens complémentaires particulièrement complexes étaient nécessaires sans pour autant que le résultat soit garanti, alors même que la contestation porte sur un passage chanté par un choeur d’une durée totale de 40 secondes et d’une durée ‘nette’ de 15 secondes.
Il sera relevé que la mission dont il est demandé la reprise n’est pas une expertise mais une mesure de consultation ainsi que le souligne au demeurant l’appelant (page 31 de ses conclusions) , et qu’elle n’a été ordonnée qu’aux fins de déterminer > :
– si l’état de compression des supports permet la mise en oeuvre de moyens techniques d’identification de la voix,
– s’il existe entre les deux enregistrements des comptabilités suffisantes permettant de rechercher si le chant du film contient la voix de M. [P], et le cas échéant s’il s’agit des mêmes voix sans qu’il soit besoin de faire des examens complémentaires plus approfondis – si ces derniers sont nécessaires et seraient utiles pour évaluer les coefficients de corrélation et de probabilités.
Ainsi que le relèvent les sociétés Why Not et Page 114 (page 6 de leurs écritures) il s’agissait essentiellement de prendre la mesure des diligences nécessaires et de savoir s’il était ‘possible et pertinent d’aller plus loin’, étant observé qu’actuellement l’appelant ne réclame aucune autre mesure d’instruction exécutée par un technicien, ni n’offre d’avancer les frais d’une mesure d’expertise, alors qu’il a la charge de la preuve des éléments par lui invoqués.
S’il justifie avoir consigné la provision mise à sa charge (selon certificat du 17 décembre 2013) et avoir été en contact avec le consultant, ce n’est qu’après la note de celui-ci qu’il lui a, selon courrier du 21 août 2014, communiqué le DVD du film et un CD contenant 3 fichiers (produit au débat) contenant le casting entier, un extrait du chant en cause et un extrait de la BO du film (la société Why Not précisant qu’il s’agit des pièces qu’elle avait versées au débat le 3 janvier 2013).
Certes il ressort d’un courrier produit par les sociétés Why Not et Page 114 (pièce 19) que le consultant leur a vainement demandé le 12 septembre 2014 de préciser les circonstances de l’enregistrement des interprètes et du mixage de la BO, ce qu’elles ne justifient pas avoir fait, prétendant avoir écrit le 25 novembre 2014 qu’elles n’étaient pas en mesure de répondre avec certitude à ces questions.
Toutefois, si M. [P] estime (pièce 18) peu réaliste cette dernière affirmation dans la mesure où ses propres essais ont pu être produits par les sociétés Why Not et Page 114, il ne peut pas être considéré que la mesure de consultation n’a pas abouti du seul fait des intimées dès lors qu’il ressort de la note du consultant du 1er août 2014 que celui-ci avait également besoin de créer une collection de référence et une collection de validation pour permettre d’utiliser les modèles mathématiques relativement complexes permettant d’attribuer une force probante au score calculé, ne disposant pas de données pour une voix chantée.
Il sera relevé que M.[P] allègue (page 12 de ses conclusions) avoir fourni les enregistrements nécessaires à la collection de référence le 29 octobre 2014, mais justifie simplement de la production au débat d’un recueil de 41 voix (pièce 15) dont il n’est pas établi qu’il constitue une collection de référence au sens du consultant, faute de précisions sur l’identité des chanteurs et sur les conditions dans lesquelles ces enregistrements ont été recueillis.
Par ailleurs, l’appelant ne prétend aucunement avoir fourni les enregistrements permettant d’établir une collection de validation qui ne doit pas correspondre à la voix d’individus pris dans la collection de référence et ne forme pas de demande particulière aux fins d’établir cette collection de validation devant être réalisée à partir de deux enregistrements non contemporains de la voix de chaque individu, l’un correspondant aux conditions techniques de la pièce en question et l’autre aux caractéristiques techniques de l’enregistrement de comparaison, alors que le consultant a clairement indiqué que les deux collections de voix sont nécessaires à la poursuite de ses travaux.
La note du 1er août 2014 montre en fait les limites de la mesure d’instruction telle qu’elle a été ordonnée en 2013, en l’état d’une analyse américaine contestée, afin de disposer du plus grand nombre d’éléments techniques pour statuer, étant rappelé que par nature une mesure de consultation ne requiert pas d’investigations complexes et qu’en l’espèce le consultant devait se prononcer uniquement sur les bandes sonores produites.
Aucun élément ne permet de considérer qu’une reprise de la mesure telle qu’ordonnée présenterait un intérêt pour la solution du litige, et le premier juge a pu estimer eu égard, aux éléments techniques fournis par le consultant sur la problématique d’identification d’une voix chantée dans un passage d’assez faible durée, les difficultés de la mesure, et l’absence de garantie d’un résultat, que cette mesure avait pris fin.
Dès lors l’ordonnance du 19 décembre 2014 ne peut qu’être confirmée et la demande de M. [P] aux fins de reprise de la mesure ordonnée le 18 octobre 2013, qui ne s’avère pas de nature à permettre de disposer d’autres éléments pouvant éclairer la cour, sera rejetée.
Sur la production de pièces ou renseignements,
M. [P] soutient encore que les intimées sont détentrices de tous les éléments nécessaires à la manifestation de la vérité et que sa recherche de la vérité est légitime quelque soit l’enjeu du dossier. Il prétend que la communication des pièces, refusée par le juge de la mise en état le1er juillet 2016, relatives à l’enregistrement des interprètes et des auditions des candidats permettrait d’éclairer le rôle de chaque interprète dans l’extrait sonore litigieux.
Il sera observé que cette demande s’analyse non pas en une communication de pièces, dont les sociétés intimées auraient fait état, mais en l’obtention de pièces ou de renseignements détenus par ces dernières, étant rappelé que la production de pièces détenues par une partie, comme celle de pièces détenues par des tiers, ne constitue pour le juge qu’une simple faculté.
Or le premier juge a justement rappelé que :
– les sociétés Why Not et Page 114 ont indiqué qu’il leur était impossible de savoir si l’enregistrement des voix du choeur entendu sur la bande son du film avait été fait de manière séparée ou simultanée avec un ou plusieurs micros compte tenu de l’ancienneté de l’enregistrement et que leur seule certitude était que l’enregistrement a été fait de manière distincte en ‘son seul’,
– la société Why Not affirme en outre ne pas être en possession des pistes sonores et rushs, confiés à des prestataires extérieurs, sans garantie de les retrouver compte tenu du temps écoulé, et a versé plusieurs attestations de personnes impliquées dans la prise de son ainsi que celle d’un des acteurs,
– l’expert [K], sollicité par M.[P] conclut, malgré le recours à 4 types d’analyses distinctes, à l’impossibilité d’affirmer que l’enregistrement du casting a pu servir à l’élaboration du passage concerné de la bande son du film,
– les demandes de pièces n’ont pour l’essentiel de sens qu`en vue d’une nouvelle expertise.
M. [P] persiste à soutenir :
– qu’il n’existerait pas qu’un enregistrement en un ‘son seul’ mais d’autres pistes sonorisées, avec sur le tournage un chant interprété par un comédien corse et fredonné par un autre, conformément à ce que lui aurait dit un acteur (M. [V]) et ce qui correspondrait à ce que l’expert par lui mandaté a relevé,
– que les feuilles de service permettraient de constater qu’il n’existait sur le tournage aucun autre comédien ou figurant corse,
Il sera toutefois noté que :
– l’attestation de M. [V] (pièce 10 des intimées) est contraire à ces affirmations dans la mesure où cet acteur indique que le choeur était composé de ‘plusieurs comédiens ou figurants qui jouaient les prisonniers corses’,
– le rapport de M. [K] invoqué par M.[P] fait seulement état de plusieurs voix, et à tout le moins de 3 voix, en plus de la voix que l’appelant estime être la sienne, à savoir (pièce 14) ‘une voie principale renforcée par une ou deux voix d’homme à l’unisson […] une autre voix plus grave chantant une mélodie harmoniquement différente […] et une voix grave supplémentaire’, même s’il est effectivement indiqué pour cette dernière qu’elle peut être fredonnée bouche fermée et si l’expert ne peut pas affirmer le nombre exact de voix composant le groupe.
Il sera ajouté que si M. [P] soutient que les réponses ou éléments sollicités permettraient d’éclairer le consultant, il a été précédemment rappelé que la reprise de la mesure de consultation ne se justifie pas à suffisance, qu’il ne s’agit pas d’une mesure d’expertise et que le consultant a également sollicité d’autres éléments indispensables pour ses travaux, telle la réalisation d’une collection de validation actuellement inexistante et qui n’est pas visée par la présente demande.
Il s’infère de ces éléments, qu’à supposer possible la production de l’ensemble des pièces ou renseignements sollicités, nonobstant les déclarations des sociétés Why Not et Page 114, celle-ci ne présente pas de caractère suffisant de pertinence ni d’utilité pour la solution du présent litige, eu égard aux éléments déjà produits et aux demandes telles que formulées par l’appelant. La cour considère dès lors qu’elle doit être rejetée et l’ordonnance entreprise de 2016 sera en conséquence confirmée.
Sur le fond
M. [P] maintient subsidiairement qu’un faisceau d’indices montre que sa prestation a été utilisée pour la bande son du film.
Il sera relevé que l’appelant ne justifie aucunement d’une discussion avec un acteur ayant participé au chant (M. [T]) qui aurait été retranscrite par acte d’huissier de justice, lequel n’est pas communiqué, ni mentionné dans le bordereau de pièces communiquées de ses dernières écritures, et que les propos qu’il attribue dans ses conclusions (page 21) à M. [V] (précité) ne sont confortés par aucun élément, M.[P] ne produisant aucune attestation des intéressés (MM. [T] et [V]).
En revanche M. [V] atteste (pièce 10 des intimées) avoir participé à l’enregistrement de l’hymne corse et qu’il ‘s’agissait d’un choeur, avec plusieurs comédiens ou figurants qui jouaient des prisonniers corse’.
M. [P] prétend que l’enregistrement d’un ‘son seul’ tel qu’allégué par les sociétés Why Not et Page 114 est contredit par la présence de voix en décalé, dont une plus en avant, qu’il est peu vraisemblable que l’hymne corse ait été connu de nombreux figurants présents le jour de l’enregistrement de la bande son litigieuse, son interprétation nécessitant, selon lui, des compétences qui ne sont pas à la portée d’un simple artiste de complément, qu’il a reconnu sa voix, que sa personnalité y apparaît lui permettant de revendiquer la qualité d’artiste-interprète.
Les sociétés Why Not et Page 114 font toutefois valoir que la qualité de la bande son de l’enregistrement du casting de M. [P] n’est pas compatible avec celle de la bande son d’un film professionnel en raison de bruits de fond lors du casting, que les témoignages de l’équipe technique chargée de cette bande contredisent les expertises invoquées soulignant que l’expert [K] a au demeurant conclu ne pouvoir affirmer que l’enregistrement de M.[P] ait pu servir à l’élaboration de la bande son du film.
Certes l’expert américain estime, dans une courte note produite au débat, qu’en utilisant trois méthodes (écoute critique, mesure électronique et contrôle visuel) ‘l’une des voix dans le film’ (sans autre précision) correspond à la voix de M.[P] enregistrée vers le 20 décembre 2011 qui lui a été adressée par voie électronique. Il indique cependant que la mesure électronique n’a pas ‘été aussi concluante’ et il n’est pas contesté qu’il ne disposait pas de l’enregistrement actuellement revendiqué, réalisé le 2 avril 2008 lors de l’audition de M.[P]. Il ne peut dès lors en être déduit que cet enregistrement a été réutilisé dans la bande son du film.
Si l’expert [K], musicien, compositeur et arrangeur, qui a disposé de cet enregistrement a effectivement relevé des points communs troublants avec la BO du film, il ressort de son analyse que la seule écoute ne permet pas de reconnaître la voix de M. [P].
Ensuite d’une comparaison auditive des enregistrements, d’une analyse de fréquence des échantillons sonores en cause, d’essais de ‘démontage’ et de’reconstruction’ et de la recherche de détails probants, cet expert indique qu’il n’a ‘pu ou su obtenir rigoureusement et de façon formelle le même résultat’ malgré l’utilisation de ces ‘moyens puissants d’analyses et de corrections informatiques’.
Il rappelle que durant l’audition, M.[P] chante sans accompagnement instrumental, que le passage litigieux du film comporte nombre d’informations sonores simultanées et un effet d’écho rendant très difficile la distinction de chaque événement, que la bande son du casting n’a pu être utilisée telle qu’elle pour élaborer celle du film, et s’il mentionne être en présence de deux voix très ressemblantes il indique clairement ne pas pouvoir affirmer avec certitude et rigueur que le casting a été utilisé pour la bande son, précisant en particulier ne pas arriver à superposer les deux extraits sonores ni à conclure avoir affaire à la même technique vocale et donc à la même personne.
Il ne saurait être retenu que les témoignages précis et concordants de l’équipe de tournage, qui tendent à exclure l’utilisation reprochée, sont de complaisance, nonobstant leur carrière professionnelle liée aux tournages de films, étant observé qu’il n’est pas prétendu que la plainte avec constitution de partie civile du 16 septembre 2013,notamment pour faux, a abouti et qu’il n’est formé aucune demande de sursis à statuer sur ce point.
La chef opératrice du son (pièce 9 des intimées) précise qu’elle a enregistré en ‘son seul’, c’est-à-dire sans camera, l’interprétation de l’hymne dont s’agit par un ensemble d’acteurs et de figurants jouant des prisonniers corses et mis en avant un acteur dont elle pense qu’il s’agissait de M. [V], lequel confirme avoir été choisi, car d’origine corse et chanteur amateur. Le chef monteur du son du film (pièce 8 des intimées) indique avoir intégré l’enregistrement de l’hymne interprété par un choeur réalisé par l’ingénieur du son du film et qu’il n’était pas nécessaire d’y rajouter, une autre voix, et le mixeur (pièce 12 des intimées) déclare qu’à aucun moment il ne lui a été demandé d’ajouter un enregistrement solo de l’hymne à l’enregistrement choral réalisé par la chef opératrice et monté par le chef monteur.
Dès lors les premiers juges ont pu justement retenir que, même s’il est surprenant que l’identité des chanteurs (hors celle de M. [V]) ne soit pas communiquée, M. [P] ne démontre pas que sa voix a été utilisée pour la bande son du film dans une séquence par ailleurs de très brève durée mêlant plusieurs voix à des bruitages de la scène concernée.
En conséquence, les demandes en contrefaçon, réparation des préjudices matériel et moral ainsi que celles tendant à l’ajout du nom de M. [P] au générique du film et à une publication seront rejetées, et le jugement dont appel sera confirmé de ces chefs.
Sur l’abus de procédure
Les premiers juges ont exactement relevé que M. [P] a pu se méprendre sur la portée de ses droits.
Il sera ajouté qu’il a engagé des frais afin de tenter d’établir la réalité de la reconnaissance de sa voix et de son identification, même s’il échoue en ses actions et recours, et s’il a déposé une plainte avec constitution de partie civile ayant fait l’objet en 2016 d’une commission rogatoire (page 46 des conclusions de M. [P]).
Si l’action de M. [P] a fait l’objet d’un article de presse (Corse matin du 26 juillet 2012, publié sur le site du journal), a connu des errements et comprend des demandes n’apparaissant pas nécessairement proportionnées aux faits reprochés, il n’est pas établi qu’elle relève d’une légèreté blâmable ou téméraire tendant exclusivement à se faire connaître, ni qu’elle a revêtu un caractère malin, et en conséquence abusif qui ouvrirait droit à indemnité compensatoire.
Il convient donc de rejeter les demandes formées à ce titre par les sociétés Why Not et Page 114 et de confirmer la décision entreprise sur ce point.
PAR CES MOTIFS,
Confirme les trois décisions entreprises en toutes leurs dispositions ;
Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ;
Condamne M. [P] aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile, et, vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées à ce titre par M. [P] ainsi que par les sociétés Why Not Productions et Page 114 pour leurs frais irrépétibles d’appel.
La Greffière La Présidente