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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Chambre commerciale internationale
PÔLE 5 – CHAMBRE 16
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022
RECOURS EN ANNULATION
(n°76 /2022 , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02217 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBSR
Décision déférée à la Cour : Sentence rendue à Paris le 6 juillet 2020 dans l’affaire CCI n° 22642 DDA ( c-22826/DDA)
APPELANTE
La SOCIÉTÉ DES CIMENTS DE BENI SAF dénommée ‘ SCIBS
Société par actions de droit algérien,
immatriculée au RCS sous le n° 98B0842033-00/46
ayant son siège social : [Adresse 2] (ALGÉRIE)
prise en la personne de ses représentants légaux,
représentée par Me Frédéric LALLEMENT, de la SELARL BDL AVOCATS, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : P480 et assistée par Me Bachir HADJ HAMOU, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : G0383
INTIMÉE
La société PHARAON COMMERCIAL INVESTMENT GROUP LIMITED
Société à responsabilité limitée de droit saoudien,
immatriculée au RCS de JEDDAH sous le n° 4030093569
ayant son siège social : [Adresse 1] (ARABIE SAOUDITE)
prise en la personne de ses représentants légaux,
représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018, et assistée par Me Sébastien BONNARD du cabinet BROWN RUDNICK LLP, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : L0260
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Monsieur François ANCEL, Président, et Madame Laure ALDEBERT, Conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. François ANCEL, Président
Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère
Mme Laure ALDEBERT, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Laure ALDEBERT, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
I/ FAITS ET PROCÉDURE
1-La cour est saisie d’un recours en annulation initié par à la société des Ciments de Béni
Saf (ci-après dénommée « SCIBS ») contre une sentence rendue à Paris le 6 juillet 2020 dans
un litigel’opposant la société Pharaon Commercial Investment Group Limited (ci-après
dénommée « [X] »).
2-La société Pharaon Commercial Investment Group Limited (ci-après dénommée
« Pharaon ») est une société de droit saoudien, filiale du groupe Pharaon spécialisée dans la
gestion des cimenteries et la commercialisation du ciment.
3-La société des Ciments de Béni Saf (ci-après dénommée « SCIBS ») est une société de
droit algérien, entreprise publique économique constituée en 1997 filiale du Groupe
Industriel des Ciments d’Algérie (ci-après dénommé « GICA ») qui détient son capital à
hauteur de 65%, et les 35% restant sont détenus par la société Pharaon.
4-Elle est propriétaire de la cimenterie Béni Saf (localisée sur la côte algérienne) qui produit
du ciment et du clinker, un constituant du ciment.
5-Le litige trouve son origine dans un accord intervenu en 2005 entre la société Pharaon et
la société SCIBS pour gérer la cimenterie de Beni Saf.
6- La société SCIBS a signé avec la société Pharaon un contrat de gestion le 16 juillet 2005
dénommé plus tard contrat de management en vertu duquel la société Pharaon s’engageait
à gérer la cimenterie et prenait à sa charge des obligations techniques en contrepartie d’une
rémunération calculée sur la production ou les performances.
7-En raison de différends portant sur l’interprétation du contrat de management et de
désaccords sur l’évaluation de la production, la rémunération de la société Pharaon
a été suspendue.
8-La société Pharaon a introduit une première puis une deuxième demande d’arbitrage les
2 mars 2017 et 10 mai 2017 en paiement de sa rémunération contractuelle pour les exercices de 2011 à 2019 sur le fondement du droit algérien applicable au contrat.
9-Au cours de la procédure la SCIBS s’est opposée à ces demandes estimant que l’objectif
de production n’avait pas été atteint, elle a demandé reconventionnellement paiement des
pénalités de performance pour certains exercices.
10-Le 6 juillet 2020, le Tribunal arbitral a rendu sa sentence en faisant droit aux demandes
en paiement des sommes dues en rémunérations de la société Pharaon au seul titre des
années 2011-2014-2015-2016-2019 et partiellement droit aux demandes reconventionnelles
en paiement de pénalités de performance de la SCIBS et a décidé de partager par moitié les
frais administratifs et honoraires d’arbitrages. Les condamnations ont été assorties de
paiement d’intérêts au taux de réescompte de la banque d’Algérie majoré de deux points sans
capitalisation jusqu’à complet paiement.
11-Le 29 janvier 2021, la SCIBS a formé un recours en annulation devant la Cour de céans
à l’encontre de cette sentence arbitrale.
12-Les parties ont adhéré au protocole de la chambre commerciale internationale.
13-La SCIBS a notifié par voie électronique le 13 juin 2022 des conclusions d’incident de
communications de pièces sollicitant subsidiairement l’irrecevabilité des dernières
conclusions et pièces en réponse N°4 de la société Pharaon qui s’y est opposée par courrier
en date du 21 juin 2022
14- Compte tenu de la proximité de la date des plaidoiries fixée en accord avec les parties
au 28 juin 2022, l’incident a été joint au fond.
15- L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 juin 2022.
II/ PRÉTENTIONS DES PARTIES
16- Selon ses dernières conclusions récapitulatives n°4 notifiées par voie électronique
le 13 juin 2022, la société SCIBS demande à la cour, de bien vouloir :
” DIRE le recours en annulation recevable, conformément aux articles 1518 et suivants du Code de Procédure Civile.
”DIRE recevables tous les griefs formulés par la SOCIETE DES CIMENTS DE BENI SAF, dénommée « SCIBS », au soutien de son recours en annulation.
” DIRE et JUGER qu’en refusant d’appliquer certaines dispositions du droit choisi parles parties, ou en violation de celui-ci ou en en faisant une fausse application, le tribunal arbitral ne s’est pas conformé à sa mission.
”DIRE et JUGER qu’en accordant des intérêts moratoires sur les montants dus tout en reconnaissant que le droit algérien ne contient aucune disposition sur les intérêts, le tribunal arbitral ne s’est pas conformé à la mission qui lui a été fixée et a statué en amiable compositeur ou en équité sans en avoir eu le pouvoir.
” DIRE et JUGER qu’en décidant d’accorder des intérêts moratoires sur les montants dus alors qu’ils sont prohibés par le droit musulman, droit applicable matérialisé par l’article premier du Code Civil algérien, le tribunal arbitral ne s’est pas conformé à la mission qui lui a été fixée.
” DIRE et JUGER que l’ignorance et la violation du droit choisi par les parties, notamment l’octroi des intérêts moratoires prohibés par le droit musulman applicable à une population mondiale de plus d’un milliard de personnes, est contraire à l’ordre public.
” ANNULER la sentence arbitrale N°22642/DDA rendue le 6 juillet 2020 par le Tribunal arbitral de la Cour Internationale d’arbitrage de la CCI, conformément aux articles 1518 et suivants du Code de Procédure Civile.
” CONDAMNER la société PHARAON COMMERCIAL INVESTMENT GROUP LIMITED à payer la somme de 60.000 euros à la SOCIETE DES CIMENTS DE BENI SAF, dénommée « SCIBS », au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
” REJETER la demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile de la société PHARAON COMMERCIAL INVESTMENT GROUP LIMITED
17-Selon ses dernières conclusions récapitulatives n°4 notifiées par voie électronique
du 17 juin 2022, la société Pharaon demande à la cour, au visa des articles 1518 et s. du
code de proce’dure civile, et en particulier les articles 1520 et 1527 du code de proce’dure
civile, ainsi qu’au visa de l’article 700 du Code de procédure civile, de bien vouloir :
Sur le moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 1520, 3°, du Code de procédure
civile en relation avec la condamnation de la SCIBS au paiement de la rémunération due
à Pharaon au titre de l’exercice 2011
– DIRE ET JUGER que le Tribunal arbitral a bien respecté sa mission en statuant sur
la question de la rémunération de Pharaon au titre de l’exercice 2011 et de
– DIRE ET JUGER que la question de savoir si le Tribunal arbitral a méconnu ou non
certaines dispositions du droit algérien applicable relève du fond du litige et échappe
au contrôle du juge de l’annulation ; en conséquence,
– DIRE ET JUGER mal fondé le moyen formulé par la Société des Ciments de Béni
Saf, en relation avec la condamnation de la SCIBS au paiement de la rémunération
due à Pharaon au titre de l’exercice 2011, sur le fondement de l’article 1520, 3° du
Code de procédure civile ;
Sur le moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 1520, 3°, du Code de procédure
civile en relation avec la condamnation de la SCIBS au paiement de la rémunération due
à Pharaon au titre de l’exercice 2019
– DIRE ET JUGER que le Tribunal arbitral a bien respecté sa mission en statuant sur
la question de la rémunération de Pharaon au titre de l’exercice 2019 et de
– DIRE ET JUGER que la question de savoir si le Tribunal arbitral a méconnu ou non
certaines dispositions du droit algérien applicable relève du fond du litige et échappe
au contrôle du juge de l’annulation ; en conséquence,
– DIRE ET JUGER mal fondé le moyen formulé par la Société des Ciments de Béni
Saf, en relation avec la condamnation de la SCIBS au paiement de la rémunération
due à Pharaon au titre de l’exercice 2019, sur le fondement de l’article 1520, 3° du
Code de procédure civile ;
Sur le moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 1520, 3°, du Code de procédure
civile en relation avec les condamnations au paiement d’intérêts
– DIRE ET JUGER que le Tribunal arbitral a bien respecté sa mission en statuant sur
l’octroi de d’intérêts et de
– DIRE ET JUGER que la question de savoir si le Tribunal arbitral a méconnu ou non
certaines dispositions du droit algérien applicable relève du fond du litige et échappe
au contrôle du juge de l’annulation ; en conséquence,
– DIRE ET JUGER mal fondé le moyen formulé par la Société des Ciments de Béni
Saf en relation avec les condamnations au paiement d’intérêts, sur le fondement de
l’article 1520, 3° du Code de procédure civile ;
Sur le moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 1520, 5°, du Code de procédure
civile en relation avec la condamnation de la SCIBS au paiement de la rémunération due
à Pharaon au titre de l’exercice 2011
A titre principal,
– DIRE ET JUGER que la question de savoir si le Tribunal arbitral a méconnu ou non
certaines dispositions du droit algérien applicable relève du fond du litige et échappe
au contrôle du juge de l’annulation. En conséquence,
– REJETER le moyen formulé par la Société des Ciments de Béni Saf, en relation avec la condamnation de la SCIBS au paiement de la rémunération due à Pharaon au titre
de l’exercice 2011, sur le fondement de l’article 1520, 5° du Code de procédure
civile ;
A titre subsidiaire,
– DIRE ET JUGER que la reconnaissance et l’exécution de la Sentence sont
conformes à l’ordre public international, en particulier s’agissant de la question de
la rémunération de Pharaon au titre de l’exercice 2019 ; en conséquence,
– DIRE ET JUGER mal fondé le moyen formulé par la Société des Ciments de Béni
Saf en relation avec la condamnation de la SCIBS au paiement de la rémunération
due à Pharaon au titre de l’exercice 2011, sur le fondement de l’article 1520, 5° du
Code de procédure civile ;
Sur le moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 1520, 5°, du Code de procédure
civile en relation avec la condamnation de la SCIBS au paiement de la rémunération due
à Pharaon au titre de l’exercice 2019
A titre principal,
– DIRE ET JUGER que la question de savoir si le Tribunal arbitral a méconnu ou non
certaines dispositions du droit algérien applicable relève du fond du litige et échappe
au contrôle du juge de l’annulation ; en conséquence,
– REJETER le moyen formulé par la Société des Ciments de Béni Saf, en relation avec
la condamnation de la SCIBS au paiement de la rémunération due à Pharaon au titre
de l’exercice 2019, sur le fondement de l’article 1520, 5° du Code de procédure
civile ;
A titre subsidiaire,
– DIRE ET JUGER que la reconnaissance et l’exécution de la Sentence sont
conformes à l’ordre public international, en particulier s’agissant de la question de
la rémunération de Pharaon au titre de l’exercice 2011 ; en conséquence,
– DIRE ET JUGER mal fondé le moyen formulé par la Société des Ciments de Béni
Saf en relation avec la condamnation de la SCIBS au paiement de la rémunération
due à Pharaon au titre de l’exercice 2019, sur le fondement de l’article 1520, 5° du
Code de procédure civile ;
Sur le moyen tiré d’une prétendue violation de l’article 1520, 5°, du Code de procédure
civile en relation avec les condamnations au paiement d’intérêts
A titre principal,
– DIRE ET JUGER que la question de de savoir si le Tribunal arbitral a méconnu ou
non certaines dispositions du droit algérien applicable relève du fond du litige et
échappe au contrôle du juge de l’annulation. En conséquence,
– REJETER le moyen formulé par la Société des Ciments de Béni Saf, en relation avec
les condamnations au paiement d’intérêts, sur le fondement de l’article 1520, 5° du
Code de procédure civile ;
A titre subsidiaire,
– DIRE ET JUGER que la reconnaissance et l’exécution de la Sentence sont
conformes à l’ordre public international, en particulier s’agissant des condamnations
au paiement d’intérêts ; en conséquence,
– DIRE ET JUGER mal fondé le moyen formulé par la Société des Ciments de Béni
Saf en relation avec les condamnations au paiement d’intérêts, sur le fondement de
l’article 1520, 5° du Code de procédure civile ;
En conséquence,
– REJETER le recours en annulation formé par la Société des Ciments de Béni Saf à l’encontre de la sentence CCI n°22642 rendue le 6 juillet 2020 dans l’affaire CCI
n°22642/DDA (c-22826/DDA) (complétée par un Addendum en date du 31 août
2020) par un tribunal arbitral constitué de Maître Marc Henry (Président), de
Monsieur le Professeur [S] [N] et de Monsieur le Professeur [U]
[C] ;
– RAPPELER que le rejet du recours en annulation confère l’exequatur à la sentence
arbitrale ;
Sur la portée de l’annulation de la Sentence sollicitée par la Société des Ciments de Béni
Saf
Si, par extraordinaire, la Cour de céans devait considérer que le Tribunal arbitral n’a pas
respecté la mission qui lui avait été confiée ou encore que la reconnaissance ou l’exécution
de la Sentence serait contraire à l’ordre public international,
– DIRE ET JUGER que la portée de l’annulation de la Sentence doit être strictement
limitée aux seuls chefs de condamnation pour lesquels une critique serait retenue, à
l’exclusion de tout autre chef du dispositif de la Sentence ;
En tout état de cause,
– CONDAMNER la Société des Ciments de Béni Saf au paiement à la société Pharaon
Commercial Investment Group Limited d’une indemnité d’un montant de 300.000
euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens
de la procédure ;
– REJETER la demande de la Société des Ciments de Béni Saf tendant au paiement
par la société Pharaon Commercial Investment Group Limited d’une indemnité d’un
montant de 60.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– REJETER toute autre demande de la Société des Ciments de Béni Saf.
III/ MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’incident de communication de pièces
18-Selon ses conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 13 juin 2022, la
SCIBS demande au visa de l’article 954 du code de procédure civile, de bien vouloir
déclarer ses conclusions recevables conforme’ment aux articles 907 et 791 du code de
procédure civile et :
– CONSTATER ET RECONNAITRE que par le proce’de’ d’un lien permettant d’acce’der a’
l’adresse internet pour lire un texte argumentant les de’veloppements des conclusions, et par
le proce’de’ d’une note de bas de page reproduisant le contenu d’un texte de loi e’trange’re, la
socie’te’ PHARAON verse en re’alite’ des pie’ces, nouvelles, sans que cela n’apparaisse comme
e’tant des pie’ces.
– QUALIFIER ces proce’de’s comme participant a’ verser des pie’ces sans que cela n’apparaisse
en tant que tel, et donc sans respecter les formes pre’vues par les articles 912, 954 et 961 du
Code de Proce’dure Civile, ces pie’ces n’e’tant, formellement, ni nume’rote’es ni reprises sous
un bordereau, comme l’exigent les articles 912, 954 et 961 du Code de Proce’dure Civile,
conduisant ainsi a’ nuire gravement aux droits de la de’fense et au principe du contradictoire.
– ORDONNER, conforme’ment aux articles 780 et 788 du code de proce’dure civile, a’ la
socie’te’ PHARAON de se conformer aux dispositions des articles 912, 954 et 961 du Code
de Proce’dure Civile.
– ENJOINDRE, comme le permettent les articles 132 et 133 du Code de Proce’dure Civile,
a’ la socie’te’ PHARAON de communiquer ses trois (3) nouvelles pie’ces dans les formes
requises, a’ la socie’te’ SCIBS.
– PERMETTRE a’ la socie’te’ SCIBS de de’battre et de re’pliquer sur les nouvelles pie’ces
auxquelles font re’fe’rence le paragraphe 79 et les notes de bas de page N°80 et 81 des
conclusions en re’ponse N°4 de la socie’te’ PHARAON, et ce, en application de l’article 16
du Code de Proce’dure Civile.
– MODIFIER en conse’quence le calendrier de proce’dure en raison des conclusions d’incident
de la socie’te’ SCIBS, conforme’ment au paragraphe 4.3.2 du Protocole relatif a’ la proce’dure
devant la Chambre Internationale.
Subsidiairement, a’ de’faut de se conformer aux re’gles re’gissant la pre’sentation et la
communication des pie’ces e’dicte’es dans les articles 912, 954 et 961 du Code de Proce’dure
Civile, ou a’ de’faut d’appliquer les articles 16, 132, 133, 780 et 788 du Code de Proce’dure
Civile, de’clarer irrecevables les conclusions et pie’ces en re’ponse N°4 de la socie’te’
PHARAON et condamner la socie’te’ PHARAON COMMERCIAL INVESTMENT GROUP
LIMITED a’ lui payer la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du Code de Proce’dure
Civile.
19-A l’appui de son incident, la société SCIBS reproche à la société Pharaon d’avoir ajouté
en bas de pages de ses dernières conclusions de nouvelles pièces sans se conformer aux
règles régissant la présentation et la communication des pièces édictées dans les articles 912,
954 et 961 du code de procédure civile ce que la société Pharaon a contesté par courrier le
21 juin 2022 en faisant valoir le caractère public des dispositions visées en bas de page de
ses dernières conclusions et leur absence d’incidence sur le débat.
SUR CE :
20-L’article 954 du code de procédure civile énonce que les conclusions d’appel doivent
formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur
lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des
pièces invoquées et de leur numérotation, et prévoit qu’un bordereau récapitulatif des pièces
est annexé.
21-En l’espèce il ressort en page 17 des dernières conclusions de la société Pharaon dans le
cadre de la discussion concernant la légalité des pénalités de retard, trois références
juridiques algériennes cités en notes de bas de page 80 et 81 dont le contenu est le suivant:
Article 456 du Code civil algérien : « Les établissements de crédit qui consentent des prêts
dans le but d’encourager l’activité économique nationale, peuvent prélever un intérêt dont
le taux est fixé par arrêté du ministre chargé des finances » ;
Article 455 du Code Civil algérien : « Les établissements de crédits peuvent, en cas de dépôt
de fonds et en vue d’encourager l’épargne, accorder un intérêt dont le taux est fixé par
arrêté du ministre chargé des finances. Voir aussi la Résolution n°133(7/14) concernant le
problème des défauts de paiement dans les institutions financières islamiques du Conseil de
l’Académie Internationale du Fiqh Islamique de l’Organisation de la Conférence Islamique,
en date du 11-16 janvier 2003 (accessible au lien suivant : https://iifa-aifi.org/fr/34483.html)
Article 6 de l’instruction n°03-2020 définissant les produits relevant de la finance islamique
et fixant les modalités et caractéristiques techniques de leur mise en ‘uvre par les banques
et établissements financiers.
22-S’agissant de dispositions légales et réglementaires dont l’accès est public, la
circonstance que ces pièces ne figurent pas au bordereau récapitulatif n’autorise pas la cour
à ordonner qu’elles soient formellement numérotées ni reprises sous bordereau.
23-En outre le contenu des références des articles du code civil algérien reproduits en
italique dans la note de bas page avec un lien web pour consulter la Résolution n °133 n’a pu être soustrait à la connaissance de la société SCIBS société de droit algérien établie sur place.
24-Les demandes de la société SCIBS y compris celle tendant à déclarer irrecevables les
dernières conclusions de la société Pharaon pour ce motif seront intégralement rejetées.
Sur le premier moyen d’annulation tiré de ce que le tribunal arbitral ne s’est pas
conformé à la mission qui lui était confiée (article 1520 3°du code de procédure civile)
25-A l’appui de son recours fondé sur ce moyen, la société SCIBS fait valoir que le tribunal
arbitral a délibérément écarté et violé les règles contenues dans le code de commerce et le
code civil algériens applicables en citant trois chefs de décision.
26-Elle fait valoir que le grief fondé sur ce constat ne tend pas à la révision de la sentence
ni à sanctionner un mal jugé mais le non-respect par les arbitres du choix de la loi applicable
au fond, en l’espèce la loi algérienne, que le tribunal arbitral aurait complètement ignorée et écartée.
27-A cet égard elle avance en premier lieu qu’aux paragraphes 220 à 229 de la sentence pour
répondre favorablement à la question de savoir si un accord avait été conclu entre Pharaon
et SCIBS pour déroger au système de rémunération de Pharaon au titre de 2011, le tribunal
arbitral a retenu l’existence d’un accord en considérant les résolutions prises les 17 et 22 mai
2011 par le conseil d’administration de SCIBS comme valables et applicables pour engager
ladite société sans tenir de la condition d’approbation de l’assemblée des actionnaires qui
relève du droit civil algérien, en particulier les articles 203 et suivants du code civil algérien
qui sont d’ordre public en Algérie et de l’article 628 du code de commerce algérien.
28-Elle en déduit qu’en écartant ou refusant d’appliquer cette condition, le tribunal arbitral
a violé les articles 203 et suivants du code civil algérien et ce faisant contredit l’ordre public
algérien sachant que la sentence est appelée à être exécutée en Algérie.
29-La société SCIBS ajoute en deuxième lieu qu’en décidant d’accorder la rémunération de
Pharaon au prorata temporis en 2019 alors que la condition du seuil n’était pas atteinte, le
tribunal arbitral sous couvert de l’article 111 du code civil algérien s’est comporté en
amiable compositeur sans en avoir reçu mission.
30-En troisième et dernier lieu, elle soutient qu’en décidant en dehors d’une clause
contractuelle, au paragraphe 353 de la sentence d’accorder des intérêts moratoires sur les
montants dus à la société Pharaon, tout en reconnaissant au paragraphe 355 que le droit
algérien ne prévoit aucune disposition sur les intérêts ni sur le taux applicable, le tribunal
arbitral feignant d’appliquer le droit algérien, a statué en équité à tout le moins en amiable
compositeur sans se conformer à sa mission.
31-Elle ajoute que selon l’article 1er du code civil algérien qui énonce qu’en l’absence d’une
disposition légale, le juge se prononce selon les principes du droit musulman le tribunal
arbitral devait appliquer les principes du droit musulman qui prohibent les intérêts
moratoires comme rappelé par l’avis du Haut Conseil Islamique algérien dans sa décision
ou [F] en date du 7 juin 2022 et la consultation du Professeur algérien, M. [O]
[V].
32-Elle expose que cette position juridique est conforme à la pratique judiciaire quotidienne,
dans la jurisprudence et les usages qui est de ne pas prononcer de condamnation à des
intérêts mais des dommages et intérêts fixés forfaitairement de manière raisonnable évitant
d’engendrer un enrichissement sans cause.
33-Elle en déduit qu’en accordant des intérêts moratoires interdits par le droit commun
algérien, le tribunal arbitral a en réalité cherché à statuer en équité et en amiable
composition.
34-Sur l’argument selon lequel les deux parties avaient demandé au tribunal arbitral
d’assortir les intérêts aux condamnations, elle rétorque avoir demandé à bénéficier des
intérêts à ses demandes dans son mémoire du 18 avril 2019 seulement le cas échéant, c’est-
à-dire au cas où le tribunal arbitral rejetterait ses arguments et déciderait d’appliquer les
intérêts.
35- En réponse, la société Pharaon soutient que le tribunal arbitral a respecté sa mission en
statuant sur sa rémunération en 2011 et 2019 et en assortissant les montants dus des intérêts.
36-Elle expose que sur sa rémunération en 2011, la société SCIBS conteste la bonne
application des articles 628 du code de commerce et 203 et suivants du code civil algériens
ce qui équivaut à demander de réviser la sentence ce que la cour ne peut pas faire.
37-Sur la question de sa rémunération en 2019, elle souligne qu’aux paragraphes 294 et
suivants de la sentence, le tribunal arbitral s’est également fondé sur la loi choisie par les
parties en faisant application de l’article 111 du code civil algérien relatif à l’interprétation
des contrats sans motiver sa décision en équité ou exercer un pouvoir d’amiable
compositeur.
38-Elle conclut enfin sur le dernier grief qu’en accordant des intérêts à certaines
condamnations, le tribunal arbitral n’a fait qu’appliquer la disposition légale prévue par
l’article 186 du code civil algérien selon laquelle « lorsque l’objet de l’obligation entre
personnes privées, consiste en une somme d’argent dont le montant est fixé au moment de
la demande en justice, le débiteur est tenu, en cas de retard dans l’exécution de réparer le
préjudice occasionné par ce retard » qui ne prohibe pas le recours aux intérêts et s’est
contenté de statuer sur la demande qui avait été formulée par les deux parties.
39-Au soutien de la légalité des intérêts moratoires en droit algérien, elle s’appuie sur une
consultation du professeur [R] [B] soumise dans le cadre de la procédure d’arbitrage
qui indique que le recours aux intérêts n’est pas interdit par le code civil algérien et que les
principes du droit musulman n’interdisent pas le recours au taux d’intérêt pour le calcul
d’un préjudice consécutif à un retard de paiement mais tout au plus interdisent entre
individus la rémunération d’un prêt.
SUR CE :
40-En application de l’article 1520, 3° du code de procédure civile, le recours en annulation
est ouvert si le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été
confiée. La mission de l’arbitre est définie notamment dans l’acte de mission, l’arbitre se
voyant confier l’obligation de trancher le litige en application du droit choisi par les parties
ou en amiable compositeur.
41-Il n’est pas contesté que selon la clause d’arbitrage incluse dans l’article 10 du contrat de
gestion signé par les parties le 16 juillet 2005 le litige devait être tranché conformément au
règlement d’arbitrage de la chambre de Commerce Internationale de Paris ( la CCI).
42-Selon l’article 21 du règlement CCI applicable « les parties sont libres de choisir les
règles de droit que le tribunal arbitral devra appliquer au fond du litige ».
43-Il ressort du quatrième alinéa de l’article 10 du contrat « le tribunal arbitral appliquera
au fond les règles du droit algérien en vigueur en la matière » de sorte que la loi algérienne
était applicable au fond du litige.
44-Le tribunal arbitral avait en conséquence pour mission de trancher le litige conformément
au droit algérien comme indiqué en page 8 de la sentence.
45-La société SCIBS soutient que les arbitres ont ouvertement et sans raison valable écarté
l’application du droit algérien choisi par les parties lorsque le tribunal arbitral a statué sur
la rémunération de la société Pharaon au titre des années 2011 et 2019 et sur les intérêts de
retard.
46-Toutefois les griefs développés au soutien de ce moyen ne sont pas opérants dès lors
qu’ils visent à critiquer la façon dont les arbitres ont appliqué le droit algérien et la
pertinence de leur raisonnement qui echappent au contrôle exercé par le juge de l’annulation.
47-En effet, il ressort des paragraphes 220 à 226 de la sentence visés par la société SCIBS
que lorsque le tribunal arbitral a statué sur la rémunération de la société Pharaon en 2011,
il a exprimé devoir répondre à la question posée qui était celle de savoir si un accord avait
été conclu entre les parties pour déroger au système de rémunération de Pharaon et consentir à la modification de l’objectif de production au titre de l’exercice 2011 afin de tenir compte de l’arrêt de la cimenterie du fait de l’installation du nouveau refroidisseur comme indiqué au §220 de la sentence.
48-Le tribunal arbitral au visa de l’article 106 du code civil algérien selon lequel le contrat
ne peut être modifié que du consentement mutuel des parties, de l’article 59 relatif à la
formation du contrat et de l’article 60 relatif à la déclaration de volonté du code civil algérien
a recherché si un échange de consentement s’était réalisé entre les sociétés Pharaon et SCIBS.
49-La société SCIBS fait grief au tribunal arbitral d’avoir statué en faveur de la société Pharaon et retenu son accord en considérant applicables les résolutions prises les 17 et 22 mai 2011 par son conseil d’administration sans tenir compte du contenu des résolutions soumettant ses engagements à une validation de l’Assemblée générale extraordinaire et les dispositions de l’article 628 du code de commerce algérien qui exigent un rapport du commissaire aux comptes.
50-Ce faisant la société SCIBS remet en cause l’appréciation faite par le tribunal arbitral
pour considérer l’existence d’une rencontre des volontés en faisant valoir de surcroît un
argument nouveau fondé sur l’article 628 du code de commerce relatif aux conventions
réglementées qui n’était pas dans le débat.
51-Comme elle l’indique même au §14 de ses conclusions, elle critique la démonstration
faite par le tribunal arbitral pour considérer que les décisions de son conseil d’administration
constituaient un engagement contractuel et un nouveau contrat ce qu’il n’appartient pas à la
cour de rejuger.
52-C’est donc en se fondant sur les dispositions du droit algérien choisi par les parties que
le tribunal arbitral a statué sur cette demande sans qu’il puisse lui être reproché de ne pas
s’être conformé à sa mission.
53-Il en est de même lorsque le tribunal a statué sur la rémunération de la société Pharaon
pour l’exercice 2019.
54-Sur ce point la société SCIBS reproche au Tribunal arbitral d’avoir écarté ou violé
les dispositions de l’article 111 du Code civil algérien et d’avoir statué en amiable
compositeur sans en avoir eu le pouvoir en décidant d’accorder une rémunération calculée
prorata temporis due à la société Pharaon au titre de l’exercice 2019, dans un contexte où cette possibilité avait été expressément prévue par le Contrat de Management pour les exercices 2005 et 2006, mais n’avait pas été envisagée pour l’exercice 2019.
55- Or il ressort de la sentence aux paragraphes 290 à 299 que c’est bien en application des
dispositions de l’article 111 du code civil algérien relatives à l’interprétation des contrats
rappelé au § 290 de la sentence qui prévoit que :
« lorsque les termes du contrat sont clairs on ne peut s’en écarter pour rechercher par voie d’interprétation quelle a été la volonté des parties ; lorsqu’il y a lieu à interprétation on doit rechercher quelle a été l’intention commune des parties sans s’arrêter au sens littéral des termes en tenant compte de la nature de l’affaire ainsi que de la loyauté et de la confiance devant exister entre les contractants d’après les usages admis dans les affaires ;
que le tribunal arbitral a statué en retenant qu’ « il ressort de ces stipulations contractuelles que les Parties ont consenti à recourir à un système de prorata et d’équivalence de production pour les deux premières années d’exécution du Contrat de Management » ( §294), que « conformément à l’article 111 précité du Code civil algérien, il revient donc au Tribunal d’interpréter ce qui aura été la volonté des Parties pour la détermination des conditions du droit à rémunération de Pharaon au titre de 2019 » ( §295) ;
pour considérer au 297 § que « les Parties se sontimplicitement entendues pour adopter une méthode de prorata temporis et d’équivalence afin d’apprécier si Pharaon a réalisé au cours de cette année, au prorata temporis par rapport au seuil annuel de 1 million de tonnes de clinker, le seuil de production minimum ouvrant droit à rémunération » et ce faisant a fait droit à la demande en paiement de lasociété Pharaon.
56-C’est donc en faisant application de l’article 111 du code civil algérien que le tribunal a
statué sans motiver sa décision en équité ni exercer un quelconque pouvoir d’amiable
compositeur.
57-Il est ainsi suffisamment établi que sur ce chef le tribunal arbitral a statué en droit et
qu’en reprochant au tribunal arbitral d’avoir implicitement ou sous couvert de l’article 111
du code algérien statué en équité, la société SCIBS demande en réalité à la cour de contrôler
l’application de la loi algérienne par le tribunal arbitral ce qui tend à une révision au fond
de la sentence qui est interdite.
58-Enfin, il ressort de la sentence aux paragraphes 347-361 qu’en octroyant des intérêts de
retard sollicités par la société Pharaon sur sa rémunération selon le taux au demeurant
proposé par la société SCIBS, le tribunal arbitral a fait application du droit algérien.
59-Le tribunal arbitral s’est en effet fondé sur les dispositions du code civil algérien en
particulier sur l’article 186 qui permet d’obtenir réparation du préjudice résultant d’un retard
de paiement en retenant que cette disposition légale était applicable et lui permettait
d’accorder des intérêts de retard.
60-Le tribunal arbitral a fait application du droit algérien dans les termes suivants :
« Il ressort également des dispositions précitées que, selon l’article 176 du Code [civil
algérien], le retard dans l’exécution en nature d’une obligation entraine en principe la
condamnation du débiteur à réparer le préjudice subi par le créancier de ce fait, sauf à
démontrer que ce retard n’est pas imputable au débiteur. L’article 186 du Code [civil
algérien] fait une application du principe de responsabilité posé par l’article 176 au cas
particulier d’une obligation de somme d’argent dont le montant est fixé au moment où le
créancier élève sa réclamation en justice. L’article 186 prévoit en conséquence que, dans
un tel cas, le débiteur doit en principe réparer le dommage occasionné par ce retard (c’est
la stricte application du principe posé par l’article 176) » §351.
« Or, l’article 182 précité du Code civil algérien prévoit que le débiteur fautif ne peut être
tenu que du préjudice qui a pu normalement être prévu au moment du contrat. Au regard
du centre de gravité du contrat exclusivement localisé en Algérie, le Tribunal considère que
le préjudice prévisible en cas de retard de paiement devait lui-même être rattaché à la
sphère algérienne. Aussi, le Tribunal estime approprié de retenir, comme intérêt moratoire,
et conformément à la proposition faite par SCIBS dans ses écritures (MDDR, n. 660 et s.),
le taux d’intérêt directeur de la Banque d’Algérie majoré de 2%, solution proposée par M.
le Professeur [B] en l’absence de stipulation contractuelle (Pièce DL-1, n°407). Ce
taux et cette majoration sont cités dans le décret présidentiel n°15-247 du 16 septembre
2015 portant règlementation des marchés publics et des délégations de service public en
Algérie (Pièce DL-15). Le taux d’intérêt directeur publié par la Banque d’Algérie est le taux
de réescompte. Ce taux a connu des valeurs comprises entre 3 et 4% entre 2004 et 2016
(DL-18, MDDR, n. 662). De tels valeurs paraissent raisonnables. Au demeurant, Pharaon
considère dans ses écritures que ce taux n’est pas pertinent mais ne prétend pas qu’il serait
déraisonnable. Par ailleurs, le Tribunal considère que Pharaon sera suffisamment
indemnisé par l’application du taux sur le montant en principal sans capitalisation. » § 357
61-Le reproche formé par la société SCIBS revient à discuter de la légalité des intérêts de
retard en droit algérien et de son application faite par le tribunal arbitral.
62-En prétendant que le tribunal arbitral a accordé des intérêts de retard prohibés par le droit
musulman, la société SCIBS fait grief au tribunal arbitral d’avoir mal appliqué le droit choisi
par les parties et demande à la cour de contrôler son interprétation ce qui ne relève pas de
l’office de la cour.
63-Ce moyen sera en conséquence intégralement rejeté.
Sur le second et dernier moyen d’annulation tiré la contrariété à l’ordre public international(Art. 1520, 5° code de procédure civile)
64- La société SCIBS soutient que la non application du droit musulman pour les raisons
évoquées plus haut constitue une violation de l’ordre public international dont la Cour d’appel doit tenir compte.
65-Elle souligne qu’il est courant dans des pays arabes et musulmans qu’une sentence qui
contient la condamnation à payer des intérêts en violation de leur interdiction par le droit
musulman soit annulée ou refusée d’exequatur en raison de sa contrariété avec l’ordre public.
66-A cette fin elle prétend qu’en matière internationale, la conception française de l’ordre public doit tenir compte du droit musulman et de l’ordre public international de l’Algérie sachant que le lieu d’exécution de la sentence sera l’Algérie, la SCIBS n’ayant aucun actif à l’étranger.
67-En réponse, la société Pharaon soutient que la contrariété alléguée à l’ordre public
international tient aux mêmes faits que ceux précédemment invoqués en vain au soutien du
non-respect par le tribunal de sa mission et revient à demander à la cour de dire si le tribunal
arbitral a méconnu le droit algérien ce qui est interdit à la cour dans le cadre de son contrôle.
68-Elle fait valoir à titre subsidiaire que si la cour ne considérait pas ce moyen comme une
demande en révision, la société SCIBS ne démontre pas en quoi les condamnations aux
rémunérations assorties des intérêts heurtent l’ordre public international français ce d’autant
que le droit musulman ne constitue pas une source du droit français.
69-A titre infiniment subsidiaire elle sollicite au cas où la cour ferait droit au recours de
limiter la portée de l’annulation aux seuls chefs de condamnation pour lesquels une critique
serait retenue.
SUR CE
70-En application de l’article 1520, 5° du code de procédure civile, le recours en annulation
est ouvert si la reconnaissance ou l’exécution de la sentence est contraire à l’ordre public
international.
71-Le contrôle exercé par le juge de l’annulation pour la défense de l’ordre public
international ne vise pas à s’assurer que le tribunal arbitral a correctement appliqué des
dispositions légales, fussent-elles d’ordre public, mais s’attache vérifier qu’il ne résulte pas
de la reconnaissance ou de l’exécution de la sentence une violation caractérisée de l’ordre
public international.
72-L’ordre public international au regard duquel s’effectue le contrôle du juge de l’annulation
s’entend de la conception qu’en a l’ordre juridique français, c’est-à-dire des valeurs et des
principes dont celui-ci ne saurait souffrir la méconnaissance même dans un contexte
international
73-En l’espèce la société SCIBS reprend sous ce moyen le grief tenant au fait pour le
tribunal arbitral de ne pas avoir correctement appliqué le droit algérien en octroyant des
intérêts de retard prohibés par le droit musulman en contradiction avec l’ordre public
algérien.
74-Ce faisant elle entend tirer argument d’une prétendue disposition d’ordre public d’origine
étrangère dont elle ne justifie pas en quoi elle heurte la conception française de l’ordre public
international, étant observé que la contrariété alléguée qui tient aux mêmes faits que ceux
précédemment invoqués, relève du contrôle de l’interprétation du tribunal arbitral du droit
choisi par les parties qui ne rentre pas dans le pouvoir de la cour.
75-Ce moyen sera en conséquence rejeté, et ensemble la demande de voir prononcer
l’annulation de la sentence sans qu’il y ait lieu de rappeler dans le dispositif que le rejet du
recours confère l’exequatur à la sentence arbitrale.
Sur les frais et dépens
76- Il y a lieu de condamner la société SCIBS, partie perdante, aux dépens.
77- En outre, elle doit être condamnée à verser à la société Pharaon, qui a dû exposer des fraisirrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code deprocédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 100 000 euros.
IV/ DISPOSITIF
La cour,
par ces motifs,
1- Rejette les demandes de la Société des Ciments de Béni Saf formées par incident ;
2-Rejette le recours en annulation contre la sentence rendue à Paris le 6 juillet 2020 dans
l’affaire CCI n° 22642 DDA ( c-22826/DDA) ;
3- Condamne la Société des Ciments de Béni Saf à payer à la société Pharaon Commercial
Investment Group Limited la somme de 100 000 euros au titre de l’article 700 du code de
procédure civile ;
4- Condamne la Société des Ciments de Béni Saf aux dépens
La greffière P/ le Président empêché
Najma EL FARISSI Laure ALDEBERT