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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 – CHAMBRE 16
ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2022
(n° 80 /2022 , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06684 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDOTE
Décision déférée à la Cour :
Sentence arbitrale du 02 Mars 2021 rendue à PARIS
APPELANTE
SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social : [Adresse 2]
représentée par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : D0945 et assistée de Me Jacques LEBLOND, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : C694
INTIMEE
S.A.R.L. IRISBAT
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social : [Adresse 1]
représentée par Me Jean-François TESSLER de la SELEURL CABINET TESSLER, avocat au barreau de PARIS, toque : E2030
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 16 juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. François MELIN, conseiller, faisant fonction de président
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère,
Mme Laure ALDEBERT, conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M. François MELIN, conseiller, faisant fonction de président et ayant participé au délibéré conformément aux dispsositions de l’article 452 du code de procédure civile et par Mme Najma EL FARISSI, greffière présente lors de la mise à disposition.
***
Dans le cadre d’un litige les opposant, les sociétés Carrefour Proximité France et Irisbat ont signé, le 19 décembre 2019, un document intitulé « Procès-verbal de constitution et de saisine du tribunal arbitral ».
Le tribunal arbitral a été composé de MM. Jean-Pierre Ancel, président, [G] [J] et [W] [X], arbitres.
Ce document indiquait que la sentence devait être prononcée pour le 19 juillet 2020.
En raison de la crise sanitaire, les parties ont conclu un avenant le 9 juillet 2020 prévoyant que le terme de l’arbitrage serait prorogé au 31 décembre 2020. Cette date a ensuite été prorogée au 31 mars 2021, par un second avenant du 27 novembre 2020.
La sentence a été prononcée le 2 mars 2021 selon la société Irisbat. La société Carrefour Proximité France soutient en revanche qu’elle a été adressée aux parties sans indication de date.
La sentence a dit que la résiliation du contrat de location-gérance par la société Carrefour Proximité France est constitutive d’une faute, dit qu’il n’y a pas lieu à procéder à la cession du fonds, condamné cette société à payer à la société Irisbat la somme de 350 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter de ce jour et dit que les frais et honoraires seront supportés par moitié par chacune des parties.
La société Carrefour Proximité France a formé un recours en annulation le 24 juin 2021.
Par des conclusions notifiées le 6 mai 2022, la société Carrefour Proximité France a demandé à la cour de :
– prononcer la nullité de la sentence arbitrale non datée adressée aux parties le 2 mars 2021 ainsi que par voie de conséquence celle antidatée subséquemment par l’envoi daté du 5 mars 2021 pour tenter de couvrir cette nullité,
– à titre surabondant, prononcer la nullité de la sentence pour défaut de motivation,
– renvoyer les parties à se pourvoir devant le tribunal arbitral qu’elles entendront le cas échéant mettre en ‘uvre en vertu de la clause compromissoire contenue dans le contrat de franchise,
– débouter la société Irisbat de toutes ses demandes, fins et prétentions,
– condamner la société Irisbat au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Par des conclusions notifiées le 24 septembre 2021, la société Irisbat a demandé à la cour de :
– débouter la société Carrefour Proximité France de ses demandes, fins et moyens,
– débouter cette société de son recours en annulation formé à titre principal du chef de l’absence de date figurant sur la sentence arbitrale du 2 mars 2021, subsidiairement sur l’absence de motivation alléguée,
– condamner la société Carrefour Proximité France à verser une somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens d’appel.
L’instruction a été clôturée le 17 mai 2022.
MOTIFS
Sur la demande de nullité pour défaut de date de la sentence
Moyens des parties
La société Carrefour Proximité France soutient que la sentence est nulle pour défaut de date. Elle indique notamment que la sentence a été adressée aux parties par un courrier avec accusé de réception du 2 mars 2021, sans aucune indication de date, et que les arbitres ont ensuite voulu couvrir cette erreur en envoyant à nouveau la sentence par un courrier, daté du 5 mars 2021 et posté le 4 mars 2021, avec l’indication de la date du 2 mars 2021 sur la sentence. Elle soutient que cette seconde sentence a donc été antidatée, de sorte qu’elle n’a pas de date valable et certaine, ce qui équivaut à une absence de date. Or, l’indication de la date de la sentence est prescrite à peine de nullité.
La société Irisbat répond que la société Carrefour Proximité France vise de manière générale l’article 1492 du code de procédure civile mais n’indique pas le fondement de la nullité qu’elle invoque. Elle ajoute que le recours n’est en réalité pas ouvert car la sentence est bien datée. Elle soutient que si une première sentence a été envoyée aux parties sans indication de date, il s’agissait d’une erreur matérielle qui a été réparée par l’envoi, dans le délai de procédure, de la sentence datée, ce dont il faut déduire que la sentence a donc bien été prononcée dans le délai prévu et a date certaine.
Règles applicables
L’article 1481 du code de procédure civile dispose que « la sentence arbitrale contient l’indication : (‘) 4° De sa date ; (‘) ».
L’article 1483 du même code ajoute que :
« Les dispositions de l’article 1480, celles de l’article 1481 relatives au nom des arbitres et à la date de la sentence et celles de l’article 1482 concernant la motivation de la sentence sont prescrites à peine de nullité de celle-ci.
Toutefois, l’omission ou l’inexactitude d’une mention destinée à établir la régularité de la sentence ne peut entraîner la nullité de celle-ci s’il est établi, par les pièces de la procédure ou par tout autre moyen, que les prescriptions légales ont été, en fait, observées ».
Réponse de la cour
Il résulte des pièces la procédure que par un courrier daté du 2 mars 2021, distribué le 3 mars 2021, le président du tribunal arbitral a adressé la sentence au conseil de la société Carrefour Proximité France. La sentence qui a été envoyée à cette occasion est signée par le président du tribunal arbitral et les arbitres mais ne porte pas de date.
Il résulte par ailleurs de ces mêmes pièces que par un second courrier, daté du 5 mars 2021 mais remis en réalité aux services postaux le 4 mars 2021 selon le cachet apposé sur l’enveloppe, le président du tribunal arbitral a adressé au conseil de la société Carrefour Proximité France la sentence avec l’indication de la date, à savoir le 2 mars 2021.
Ainsi, il y a lieu de considérer, au regard des dispositions de l’article 1483 alinéa 2, que l’omission de la date dans la sentence envoyée aux parties le 2 mars 2021 ne peut pas entraîner la nullité, dès lors que la prescription légale a été, en fait, observées par le second envoi, le 4 mars 2021, de la sentence portant la date du 2 mars 2021, soit une date antérieure au terme de l’arbitrage fixé au 31 mars 2021. Par ailleurs, il importe peu que le second courrier porte la date du 5 mars 2021 alors que le courrier a été envoyé par les services postaux le 4 mars 2021, dès lors que cette incohérence est sans portée sur l’indication de la date du 2 mars 2021 mentionnée sur la sentence.
Le moyen tiré de l’annulation de la sentence pour défaut d’indication de la date est donc rejeté.
Sur la demande de nullité pour défaut de motivation de la sentence
Moyens des parties
La société Carrefour soutient que pour la condamner à payer la somme de 350 000 euros, la sentence évoque simplement la mise en place d’une « compensation pécuniaire et adéquate que le Tribunal estime à la somme de 350 000 euros » mais sans fournir aucune autre explication sur la détermination de ce montant. Elle en déduit que la sentence doit être annulée pour défaut de motivation.
La société Irisbat répond que la sentence a caractérisé les fautes commises par la société Carrefour Proximité France et qu’elle a évalué le montant de l’indemnisation après avoir retenu que le rétablissement de la société Irisbat dans son statut de locataire-gérant est impraticable et qu’il y a lieu de prévoir une compensation pécuniaire équitable et adéquate estimée à 350 000 euros. Elle ajoute que le tribunal avait la mission de statuer en tant qu’amiable compositeur et a justifié cette solution par l’équité, au regard de l’analyse des relations des parties et que le bien-fondé de la sentence échappe donc au contrôle du juge étatique.
Règles applicables
L’article 1482 du code de procédure civile dispose que la sentence arbitrale est motivée.
Réponse de la cour
Il résulte de la clause compromissoire stipulée par l’article 12 du contrat de franchise, daté du 19 octobre 2016, que les arbitres ont reçu pour mission de statuer comme amiables compositeurs.
Après avoir exposé le litige et les demandes des parties (pages 3 à 6), la sentence présente les faits (pages 6 et 7), analyse les stipulations contractuelles (pages 7 et 8) et juge que la résiliation du contrat de franchise par la société Carrefour Proximité France est fautive (page 8).
Concernant l’indemnisation accordée à la société Irisbat et à son quantum, dont la société Carrefour Proximité France soutient qu’il n’est pas motivé, la sentence indique que :
« Le préjudice subi par la société Irisbat, locataire-gérant, consiste dans la privation prématurée de son activité professionnelle et, surtout, de l’investissement que cette activité devait lui procurer de manière certaine ‘ et même obligatoire, aux termes de l’avenant au contrat.
La société Irisbat a de même subi le préjudice résultant des procédures d’expulsion conduites sans ménagement par Carrefour, dans le but de créer une situation pratiquement irréversible.
A cet égard, le rétablissement de la société Irisbat dans son statut de locataire-gérant étant impraticable, ce qui rend inopérante sa demande de cession du fond, il convient de mettre en place une compensation pécuniaire équitable et adéquate que le tribunal arbitral estime à la somme de 350.000 euros ».
La sentence a ainsi caractérisé la nature du préjudice subi par la société Irisbat ainsi que ses conséquences. Elle a par ailleurs relevé qu’en l’absence de possibilité d’une cession du fonds, une indemnisation pécuniaire s’imposait, dont le montant a été défini au regard de l’équité.
La sentence est donc motivée.
La demande d’annulation de la sentence, qui tend en réalité à contester l’appréciation retenue par les arbitres et à une révision au fond de la sentence, est donc rejetée.
Sur les demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile
La société Carrefour Proximité France, qui succombe, est condamnée à payer à la société Irisbat la somme de 25 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sa demande formée à ce titre est rejetée.
Sur les dépens
La société Carrefour Proximité France, qui succombe, est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Déboute la société Carrefour Proximité France de l’ensemble de ses demandes ;
Condamne la société Carrefour Proximité France à payer la somme de 25 000 euros à la société Irisbat au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Carrefour Proximité France aux dépens.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT