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Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 10 mars 2006), que le 12 septembre 2000, les actionnaires majoritaires de la société Self Trade ont conclu avec la société de droit allemand Direkt Anlage Bank AG (la société DAB) un contrat d’apport de la totalité de leurs actions Self trade à une augmentation du capital de la société DAB ; qu’il était convenu que cette opération serait suivie d’une offre publique d’échange (OPE) portant sur les actions Self Trade n’ayant pas fait l’objet de ces apports ; que l’ensemble de l’opération était notamment soumis à la condition suspensive de l’approbation de l’augmentation du capital par l’assemblée générale de la société DAB, laquelle a été donnée le 15 novembre 2000 ;
que la société Schroder France, aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Citigroup Global Markets Limited (la société Citigroup), intervenant en qualité de banque présentatrice, a déposé le projet d’OPE auprès du conseil des marchés financiers (le CMF) ; que l’offre a fait l’objet d’une note d’information, précisant notamment que les actions nouvelles porteraient jouissance au 1er janvier 2000, qui a été revêtue du visa de la Commission des opérations de bourse (la COB) le 26 octobre 2000 ; que le 5 décembre 2000, la COB a délivré un visa sur une note d’opération complémentaire comportant la même précision ; que le CMF a, le 30 octobre 2000, prononcé l’ouverture de l’OPE et fixé la date de clôture de l’offre au 1er décembre 2000 puis a publié le résultat de l’OPE par décision du 14 décembre 2000 ; que le 15 décembre 2000, des actionnaires minoritaires de la société DAB ont demandé en justice l’annulation des résolutions de l’assemblée générale ayant approuvé l’augmentation du capital ; que le 22 janvier 2001, la COB a délivré un visa sur une note d’opération complémentaire portant sur ces actions en justice ; que le 23 janvier 2001, la société Euronext a admis sur le nouveau marché l’intégralité des actions DAB, respectivement dénommées “actions ordinaires anciennes” et “actions ordinaires nouvelles”, en précisant que ces actions seraient admises sur deux lignes distinctes et que les actions nouvelles porteraient jouissance au 1er janvier 2001 ; qu’après qu’un tribunal allemand eut, par jugement du 3 mai 2001, prononcé l’annulation de l’assemblée générale du 15 novembre 2000, une transaction est intervenue en cause d’appel, les actionnaires minoritaires renonçant à leurs demandes ; que le 27 décembre 2001, les deux lignes de cotation des titres DAB ont été fusionnées ; que M. X…, qui avait apporté à l’OPE la totalité de ses actions Self Trade, estimant avoir subi un préjudice en raison de l’existence de deux lignes de cotation ayant entraîné une décote importante par rapport à l’action ancienne et une absence de liquidité des actions nouvelles, a assigné en responsabilité les sociétés DAB et Citigroup ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X… fait grief à l’arrêt d’avoir dit que le juge français n’était pas compétent pour statuer sur le litige l’opposant à la société DAB, alors, selon le moyen :
1 / qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite, dans un autre Etat membre, en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; que, lorsque la demande en justice a pour objet la réparation du préjudice qui résulte des défauts affectant les titres transférés dans le cadre d’une offre publique d’échange, l’obligation principale qui sert de base à cette demande est celle de transférer les titres remis à l’échange en procédant à leur livraison ; qu’en l’espèce, la demande de M. X… visait à obtenir réparation du préjudice résultant des défauts ayant affecté les actions DAB qui lui avaient été remises dans le cadre de l’OPE lancée sur le reliquat des actions Self Trade ; qu’en jugeant que l’obligation principale qui servait de base à cette demande était l’augmentation du capital de la société initiatrice, et non pas la remise, par livraison, des actions présentées à l’échange, la cour d’appel a violé l’article 5-1 du règlement CE n° 44-2001 du 22 décembre 2000 ;
2 / qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre, s’il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l’un d’eux, à condition que leurs demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; que, dès lors que le tribunal saisi est le tribunal du domicile d’un des défendeurs, la circonstance que certaines des demandes seraient fondées sur la responsabilité contractuelle et d’autres sur la responsabilité délictuelle ne fait pas obstacle à la compétence dérivée de la juridiction saisie pour en connaître ; qu’a violé l’article 6 1 du règlement CE n° 44-2001 du 22 décembre 2000 la cour d’appel qui a jugé que deux demandes résultant d’une même action en réparation dirigées contre des défendeurs différents et fondées, l’une sur la responsabilité contractuelle et l’autre sur la responsabilité délictuelle, ne peuvent être considérées comme présentant un lien de connexité au sens de cette disposition ;
3 / qu’il y a lieu de considérer les notions de matière contractuelle et de matière délictuelle comme des notions autonomes qu’il faut interpréter, pour l’application du règlement CE n° 44-2001 du 22 décembre 2000, en se référant principalement au système et aux objectifs de ce règlement, en vue d’assurer à celui-ci sa pleine efficacité ;
que la matière délictuelle comprend toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d’un défendeur qui ne se rattache pas à la matière contractuelle et que cette dernière comprend tout engagement librement assumé par une partie envers une autre ; que l’établissement présentateur dans le cadre d’une offre publique procède au dépôt des notes d’information, qu’il contresigne, devant les autorités de marché et garantit volontairement à l’égard des épargnants la teneur et le caractère irrévocable des engagements pris par la société initiatrice, de sorte qu’il souscrit envers ces derniers un engagement librement assumé ; qu’en jugeant, en l’espèce, l’action délictuelle au seul motif que la source des obligations en cause était de nature réglementaire, la cour d’appel a violé les articles 5-1 et 5-3 du règlement CE n° 44-2001 du 22 décembre 2000, ensemble les articles 7 et 8 du règlement n° 89-03 de la COB et 5-1-4 du règlement général du CMF dans leurs versions respectivement applicables en l’espèce ;
4 / que la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau code de procédure civile en ne précisant pas pourquoi, en l’espèce, il ne pourrait pas être soutenu que les solutions pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément, au sens de l’article 6 1 du règlement CE n° 44-2001 du 22 décembre 2000 ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’ayant relevé que la demande principale de M. X… avait pour objet la réparation du préjudice résultant de l’absence de liquidité des actions nouvellement émises par la société DAB, la cour d’appel a pu en déduire que l’obligation principale qui servait de base à la demande résidait dans l’engagement pris par cette dernière société d’émettre des actions nouvelles entièrement assimilables aux actions anciennes ;
Et attendu, en second lieu, qu’ayant exactement énoncé que deux demandes dirigées contre deux défendeurs différents et fondées, l’une sur la responsabilité contractuelle et l’autre sur la responsabilité délictuelle, ne peuvent être considérées comme présentant un lien de connexité pour l’application de l’article 6 1 du règlement CE n° 44-2001 du 22 décembre 2000, et retenu à bon droit que l’obligation de la société Citigroup de garantir, à l’égard des tiers, la teneur et le caractère irrévocable des engagements de la société initiatrice, étant de nature réglementaire, ne constitue pas une obligation librement assumée par une partie envers une autre et doit donc être considérée comme de nature délictuelle à l’égard de M. X…, la cour d’appel en a exactement déduit, abstraction faite du motif surabondant visé par la dernière branche, que le texte susmentionné n’était pas applicable en l’espèce ;
D’où il suit que le moyen, non fondé en ses trois premières branches, ne peut pour le surplus être accueilli ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société M. X… fait encore grief à l’arrêt d’avoir rejeté sa demande dirigée contre la société Citigroup, alors, selon le moyen :
1 / que l’établissement présentateur dans le cadre d’une offre publique garantit le caractère irrévocable et la teneur de l’offre ; qu’il garantit, notamment, les objectifs et les intentions de l’initiateur, les conditions auxquelles l’acquisition des titres a été ou peut être réalisée, les conditions de paiement ou d’échange prévues, les intentions de la société émettrice pour les douze mois à venir relatives à la cotation des titres de la société visée, ainsi que les conditions de financement de l’opération et leurs incidences sur les actifs, l’activité et les résultats des sociétés concernées ; qu’à ce titre, il garantit, notamment, le respect, par l’initiateur, des termes de l’offre publique tels qu’ils résultent du projet qu’il a déposé auprès des autorités de marché et des notes d’information que l’établissement présentateur a contresignées ; qu’en l’espèce, en énonçant que l’établissement présentateur devait seulement s’assurer de la conformité de l’offre à la réglementation et était seul chargé de présenter le dossier, la cour d’appel a violé l’article 5-1-4 du règlement général du CMF et les articles 7 et 8 du règlement n° 89-03 de la COB, dans leurs versions respectivement applicables en l’espèce ;
2 / qu’en ne précisant pas en quoi la circonstance que la note d’information du 26 octobre 2000 prévoyait la possibilité qu’une action en justice soit engagée serait, à elle seule, de nature à exonérer la société DAB des obligations qu’elle avait contractées envers les épargnants ou à exonérer la société Citigroup, venant aux droits de la société Schroeder France, de son obligation de garantie, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil, ensemble l’article 5-1-4 du règlement général du CMF et les articles 7 et 8 du règlement n° 89-03 de la COB, dans leurs versions respectivement applicables en l’espèce ;
3 / qu’en ne répondant pas au moyen tiré de ce que, dans ses conclusions contre la société Fondiara, la société Citigroup avait fait l’aveu implicite de ce que sa propre responsabilité était engagée à l’égard des épargnants, la cour d’appel a violé l’article 455 du nouveau code de procédure civile ;
4 / qu’en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si la société Schroeder France, aux droits de laquelle est venue la société Citigroup, n’avait pas manqué à son obligation d’information en ayant attendu le 22 janvier 2001, soit la veille de l’admission des titres à la cotation, pour informer les autorités de marché d’actions en justice qui avaient été introduites le 15 décembre 2000, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ;
5 / que les engagements de la société initiatrice garantis par l’établissement présentateur en vertu des articles 5-1-4 du règlement général du CMF et 7 et 8 du règlement n° 89-03 de la COB, dans leurs versions respectivement applicables en l’espèce, font naître une obligation de résultat à l’égard de la société initiatrice ; que l’obligation de résultat emporte à la fois présomption de faute et présomption de causalité ; qu’en l’espèce, en méconnaissant la présomption de causalité entre les manquements de la société DAB, garantis par la société Citigroup, et le préjudice subi par M. X…, la cour d’appel a violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;
6 / qu’il découlait des constatations souveraines des juges du fond que la décision des autorités de marché de procéder à une double cotation des actions de la société DAB avait été prise suite à l’action en justice introduite par les actionnaires minoritaires le 15 décembre 2000, que cette action en justice visait à dénoncer l’absence d’information dont ces mêmes actionnaires avaient été victimes à la suite de la non-traduction en allemand des documents présentés en français et en anglais lors de l’assemblée générale ayant approuvé l’augmentation du capital de la société DAB et qu’en conséquence, elle se fondait sur des carences et sur des fautes de cette société dans la mise en oeuvre d’une des phases de l’OPE ; qu’en jugeant que la décision de procéder à cette double cotation n’était pas imputable à la société DAB, de sorte qu’elle n’était pas garantie par la société Citigroup, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences qui s’évinçaient de ses propres constatations et a ainsi violé l’article 1147 du code civil, ensemble les articles 5-1-4 du règlement général du CMF et 7 et 8 du règlement n° 89-03 de la COB dans leurs versions respectivement applicables ;
Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir énoncé qu’il résulte de l’article 5-1-4 du règlement général du CMF que la banque présentatrice doit garantir la teneur et le caractère irrévocable des engagements pris par l’initiateur de l’offre publique d’échange, l’arrêt retient tout d’abord, au titre de l’irrévocabilité de l’offre, qu’il n’est pas contesté que le conseil d’administration de la société DAB a soumis à l’assemblée générale de ses actionnaires, qui l’a adopté, un projet de résolution visant à décider de l’émission de titres aux clauses et conditions prévues dans l’offre publique ; que l’arrêt relève ensuite, au titre de la garantie de la teneur de l’offre, que celle-ci correspond à ses différentes composantes, lesquelles ont également été respectées par la société DAB, et retient que le fait que les actions n’aient pas été entièrement assimilées et aient fait l’objet d’une cotation séparée a été imposé par les autorités de marché du fait de l’action en annulation de l’augmentation du capital engagée par les actionnaires minoritaires ;
qu’en l’état de ces constatations et appréciations desquelles il résulte que le préjudice invoqué ne trouvait pas sa cause dans un manquement au caractère irrévocable ou à la teneur des engagements pris par la société DAB et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deux premières branches, c’est à bon droit et sans inverser la charge de la preuve que la cour d’appel, qui n’avait pas à répondre au moyen inopérant visé par la troisième branche, a retenu que la société Citigroup n’était pas tenue au titre de son obligation de garantie ;
Et attendu, en second lieu, que l’arrêt retient que si une faute a été commise en ce qu’il a été indiqué dans les notes d’information des 26 octobre et 5 décembre 2000 que les actions porteront jouissance au 1er janvier 2000, alors qu’elles n’ont porté jouissance qu’au 1er janvier 2001, cette faute a été sans conséquence dès lors que la double cotation a été rendue obligatoire par les autorités de marché du fait de l’action en justice introduite par les actionnaires minoritaires le 15 décembre 2000 ; que l’arrêt relève encore que la société Citigroup n’était pas tenue de procéder à la vérification des conditions dans lesquelles l’assemblée générale des actionnaires de la société DAB a été convoquée ; que l’arrêt retient enfin qu’il ne peut être reproché à la société Citigroup de ne pas avoir diffusé l’information sur l’action des minoritaires dès que des critiques d’actionnaires ont été évoquées lors d’une conférence téléphonique du 20 novembre 2000, ces critiques n’ayant pas, à ce stade, été suivies d’une assignation en justice, et qu’ainsi la société Citigroup n’a pas commis de faute en informant le marché français le 22 janvier 2001, soit antérieurement à l’admission des actions nouvelles sur le nouveau marché ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations desquelles il résulte que le préjudice invoqué ne trouvait pas sa cause dans une faute commise par la société Citigroup, la cour d’appel, qui a fait la recherche visée par la quatrième branche, a légalement justifié sa décision et exactement retenu que cette société n’était pas davantage tenue au titre de son fait personnel ;
D’où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses deux premières branches, n’est pas fondé pour le surplus ;