Designer : 22 janvier 2020 Cour d’appel de Paris RG n° 18/00356

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Designer : 22 janvier 2020 Cour d’appel de Paris RG n° 18/00356
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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRÊT DU 22 JANVIER 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00356 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B4XLC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance de CRETEIL – RG n° 14/00034

APPELANTE

SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH (anciennement dénommée SCI PARIS PATRIMOINE 55 NAZARETH ) agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 337 805 824

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090, avocat postulant

assistée de Me Grégory LEVY de l’AARPI NGO JUNG & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1217, avocat plaidant

INTIMÉE

SARL AROMES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de CRETEIL sous le numéro 434 230 165

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Jean-marie MOYSE de la SCP MOYSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0274

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Novembre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth GOURY, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre

Madame Sandrine GIL, conseillère

Madame Elisabeth GOURY, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH anciennement dénommée SCI PARIS PATRIMOINE 55 NAZARETH et antérieurement SCI ANKARA est propriétaire de locaux commerciaux situés [Adresse 2] et [Adresse 3] (Val de Marne), loués à la SARL AROMES pour une activité de négoce et marchand en gros, demi gros et détail de vins et spiritueux et toute activité s’y rapportant, en vertu d’un bail conclu le 8 février 2001 pour une durée de neuf années commençant à courir le 15 février 2001, moyennant un loyer annuel de 108.000 francs hors taxes et hors charges, ledit bail portant sur une grande pièce principale avec rideau métallique électrique, toilette avec douche et WC, un emplacement de parking dans la cour commune.

Par avenant du 6 juin 2001, il a été annexé à ces locaux un sous-sol dont l’accès se fait par le [Adresse 3], au fond du couloir, avec une porte blindée, à compter du 1er juin 2001, moyennant un loyer principal de 12.000 francs.

Par avenant du 27 décembre 2005, le local en sous-sol où sont installés les compteurs d’eau, ainsi que son accès par l’immeuble ont été retirés du bail et restitués au bailleur pour devenir des parties communes, le preneur étant autorisé à cloisonner à ses frais la partie des locaux dont il a conservé la jouissance.

Par acte d’huissier de justice du 1er mars 2010, la bailleresse a fait signifier un congé avec offre de renouvellement à effet au 1er octobre 2010, moyennant un loyer annuel de 43.200 euros en principal, hors taxe et hors charges.

Suivant mémoire préalable du 28 septembre 2012, la SCI ANKARA demande au juge des loyers commerciaux de :

– constater acquis le déplafonnement du loyer, compte tenu des modifications notables des

caractéristiques des lieux loués au cours du bail expiré,

– fixer le loyer du bail renouvelé à la valeur locative, soit la somme de 43.000 € par an à compter du 1er octobre 2010, puis à la somme de 60.000€ par an en principal à compter du 1er octobre 2012,

– dire que la locataire devra payer les intérêts au taux légal sur les rappels de loyers à compter de chaque échéance contractuelle depuis le 1er octobre 2010, avec bénéfice de la capitalisation,

– condamner la locataire au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ,

– à titre subsidiaire, désigner un expert et fixer le loyer provisionnel à 40.000€,

– ordonner l’exécution provisoire de la décision.

Par acte du 26 septembre 2014, la SCI ANKARA a fait assigner la société AROMES devant le tribunal de grande instance de Créteil aux mêmes fins que dans son mémoire préalable.

Par jugement du 28 janvier 2015, le juge des loyers commerciaux a débouté la SARL AROMES de son exception d’incompétence et de son exception de prescription, puis, par jugement du 14 avril 2015 a ordonné une expertise et commis M. [B] pour y procéder avec mission, notamment de donner toutes informations utiles pour lui permettre de déterminer l’existence ou non d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L145-33 du code de commerce, avec une valeur locative des locaux à rechercher au 1er octobre 2010. Le loyer provisionnel a été fixé au montant du dernier loyer actuel.

Aux termes de son rapport déposé le 5 septembre 2016, l’expert conclut que la réalisation au cours du bail échu d’un accès entre le rez-de-chaussée et le sous-sol pourrait constituer une modification des caractéristiques des locaux sous réserve du respect par la bailleresse de son obligation de délivrance et évalue la valeur locative des locaux dans leur configuration actuelle à un montant annuel de 26.600 euros HT et HC.

Par jugement du 31 octobre 2017, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Créteil a :

Vu le rapport d’expertise judiciaire déposé par M. [B],

– Rappelé la date du bail renouvelé au 1er octobre 2010 ;

– Rappelé quel aurait été le loyer plafond à cette date : 25.240 euros HT HC par an ;

– Dit y avoir lieu à déplafonnement du loyer compte tenu de la modification de l’assiette du bail, au cours du bail expiré, ce motif étant suffisant à lui seul ;

– Précisé que les travaux réalisés par le preneur, portant sur l’accessibilité du sous-sol au rez- de-chaussée, ne constituent pas la cause du déplafonnement et doivent être qualifiés d’améliorations, qui ne pourront être prises en compte, pour apprécier la valeur locative, qu’au second renouvellement du bail suivant leur réalisation ;

– Fixé le prix du loyer de renouvellement à la valeur locative de 24.084 euros HT/HC par an à compter du 1er octobre 2010,

– Dit que, le cas échéant et si ce loyer devait être supérieur au dernier loyer acquitté, la SARL AROMES sera tenue de verser le complément de dépôt de garantie et les compléments de loyer avec les intérêts au taux légal, sur les seuls loyers, à compter du 26 septembre 2014, date de l’assignation ;

– Dit que la SCI PARIS PATRIMOINE 55 NAZARETH devra, dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, adresser en deux exemplaires à la SARL AROMES, preneur, un acte de renouvellement aux clauses et conditions du bail expiré, moyennant le paiement du loyer annuel précité soit 24.084 euros HT/HC par an à compter du 1er octobre 2010, sans préjudice des autres dispositions rappelées à l’article L145-57 du Code de commerce ;

– Dit qu’à défaut pour la bailleresse d’avoir adressé dans le délai d’un mois un projet de bail, ou à défaut pour les parties d’avoir régularisé celui-ci dans un nouveau délai de deux mois, le jugement vaudra bail, aux clauses et conditions du bail expiré, au prix précité, à effet du 1er octobre 2010 ;

– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

– Fait masse des dépens, en ce compris les honoraires de l’expert judiciaire, et condamné chaque partie à en supporter la moitié ;

– Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Dit n’y avoir lieu d’assortir le présent jugement de l’exécution provisoire.

Par déclaration du 22 décembre 2017, la SCI PARIS PATRIMOINE 55 NAZARETH a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 15 novembre 2019, la SCI

PATRIMOINE NAZARETH demande à la cour de :

Vu les articles L. 145-33, R. 145-3 et R. 145-8, al. 2, du Code de Commerce

Vu l’article 1343-2 du Code Civil,

Vu le bail et les pièces versées aux débats,

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

– précisé que les travaux réalisés par le preneur, portant sur l’accessibilité du sous-sol au rez-de-chaussée, ne constituent pas la cause du déplafonnement et doivent être qualifiés d’améliorations, qui ne pourront être pris en compte, pour apprécier la valeur locative, qu’au second renouvellement du bail suivant leur réalisation ;

– fixé le prix du loyer de renouvellement à la valeur locative de 24.084 Euros HT/HC par an à compter du 1er octobre 2010 ;

– dit que, le cas échéant et si le loyer devait être supérieur au dernier loyer acquitté, la Sarl AROMES sera tenue de verser le complément de dépôt de garantie et les compléments de loyer avec les intérêts au taux légal, sur les seuls loyers à compter du 26 septembre 2014, date de l’assignation ;

– dit que la SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH devra, dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, adresser en deux exemplaires à la Sarl AROMES, preneur, un acte de renouvellement aux clauses et conditions du bail expiré, moyennant le paiement du loyer annuel précité, soit 24.084 Euros HT et HC par an à compter du 1 er octobre 2010, sans préjudice des autres dispositions rappelées à l’article L. 145-57 du Code de Commerce ;

– dit qu’à défaut pour la bailleresse d’avoir adressé dans le délai d’un mois un projet de bail, ou à défaut pour les parties d’avoir régularisé celui-ci dans un nouveau délai de deux mois, le jugement vaudra bail, aux clauses et conditions du bail expiré, au prix précité, à effet au 1er octobre 2010 ;

– fait masse des dépens, en ce compris les honoraires de l’expert judiciaire, et condamne chaque partie à en supporter la moitié ;

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

– rappelé que la date du bail renouvelé est fixé au 1er octobre 2010 ;

– rappelé qu’à cette date, le loyer plafonné aurait été de 25.240 Euros HT et HC par an ;

– dit y avoir lieu à déplafonnement du loyer compte tenu de la modification de l’assiette du bail au cours du bail expiré, ce motif étant suffisant à lui seul ;

Et statuant à nouveau :

FIXER le montant du loyer du bail renouvelé, au 1er octobre 2010, à la somme de 47.000 Euros HT et HC par an ;

DIRE ET JUGER que le montant du dépôt de garantie sera réajusté selon le montant du nouveau loyer ;

DIRE ET JUGER que le loyer réajusté portera intérêts au taux légal à compter de la date

d’exigibilité de chacune des échéances de loyers, outre capitalisation des intérêts dus depuis plus d’un an, ce conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil ;

DIRE ET JUGER que la SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH devra, dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, adresser en deux exemplaires à la Sarl AROMES, preneur, un acte de renouvellement aux clauses et conditions du bail expiré, moyennant le paiement du loyer annuel précité, soit 47.000 Euros HT et HC par an à compter du 1er octobre 2010, sans préjudice des autres dispositions rappelées à l’article L. 145-57 du Code de Commerce ;

DIRE ET JUGER qu’à défaut pour la bailleresse d’avoir adressé dans le délai d’un mois un projet de bail, ou à défaut pour les parties d’avoir régularisé celui-ci dans un nouveau délai de deux mois, le jugement vaudra bail, aux clauses et conditions du bail expiré, au prix précité, à effet au 1er octobre 2010 ;

DESIGNER tel expert qu’il plaira avec pour mission de :

– se rendre sur place, [Adresse 2] et [Adresse 3] (Val de Marne) ;

– visiter les lieux ;

– se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l’accomplissement de sa mission ;

– entendre les parties en leurs dires et observations, ainsi que tous sachants ;

– donner toutes informations utiles pour permettre à la Cour d’appel de déterminer s’il existe ou non une modification notable des éléments mentionnés au 1° à 4° de l’article L145-33 du Code de commerce et de fixer la valeur locative des locaux au 1er octobre 2010 ;

– répondre aux dires des parties qu’il aura provoqués soit par une note de synthèse, soit par une réunion préalable au dépôt du rapport.

En toutes hypothèses :

DEBOUTER la Société AROMES de ses demandes ;

CONDAMNER la Société AROMES à payer à la SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH la somme de 15.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER la Société AROMES aux entiers frais et dépens, en ce compris le coût des frais et honoraires de l’Expert judiciaire, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 12 novembre 2019, la SARL AROMES demande à la cour de :

Vu les articles L.145-33 et R.145-3 et suivants du Code de Commerce,

CONFIRMER le jugement rendu par le juge des Loyers Commerciaux du Tribunal de Grande Instance de CRETEIL le 31 octobre 2017 en ce qu’il a

– Rappelé que le bail était renouvelé au 1 er octobre 2010 ;

– Dit avoir lieu à déplafonnement du loyer compte tenu de la modification de l’assiette du bail, au cours du bail expiré, ce motif étant suffisant à lui seul ;

– Précisé que les travaux réalisés par le preneur, portant sur l’accessibilité du sous-sol au rez-de-chaussée, ne constituent pas la cause du déplafonnement et doivent êtrequalifiés d’améliorations, qui ne pourront être prises en compte, pour apprécier la valeur locative, qu’au second renouvellement du bail suivant leur réalisation.

En ce qui concerne le prix du loyer renouvelé,

FIXER le prix du loyer renouvelé à effet du 1 er octobre 2010 pour les lieux loués par la SCI PARIS PATRIMOINE 55 NAZARETH à la Société ARÔMES sis [Adresse 2], à la valeur annuelle de 21.762 euros,

CONDAMNER la SCI PARIS PATRIMOINE 55 NAZARETH à payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du CPC au profit de la SARL ARÔMES,

CONDAMNER la SCI PARIS PATRIMOINE 55 NAZARETH en tous les dépens, conformément à l’article 699 du CPC.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 25 novembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le déplafonnement :

La SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH fait valoir qu’au lieu de procéder aux travaux de rénovation pour l’exécution desquels elle bénéficiait d’une franchise de loyers, la société AROMES a pratiqué sans autorisation deux ouvertures trémies qui constituent une modification notable des caractéristiques des locaux loués en augmentant la surface utile de stockage, le sous-sol devenant directement accessible depuis le rez-de-chaussée aux lieu et place d’un escalier en colimaçon depuis les parties communes ne permettant pas le passage de palettes de vins ; que ces travaux ont permis la reconfiguration des locaux du rez-de-chaussée par la création de trois bureaux dans la grande pièce principale et l’aménagement d’un espace de bureau avec réception de clientèle plus grand. Elle ajoute que ces travaux ainsi que le coulage d’une dalle en béton dans la cour et l’obturation des ventilations du sous-sol ont dégradé la solidité du plancher et la structure de l’immeuble de sorte qu’elle a dû supporter de lourds travaux de consolidation pour un montant de 239.446 euros. Elle considère dès lors qu’elle a participé indirectement et partiellement au financement des travaux réalisés par la société locataire ; que la réalisation de ces travaux permettant un accès direct entre le sous-sol et le rez-de-chaussée a modifié la substance de la chose louée et constitue une modification notable des caractéristiques des lieux loués justifiant le déplafonnement du loyer lors du premier renouvellement et non une amélioration comme retenue par le premier juge.

La société AROMES sollicite la confirmation du jugement entrepris qui ne retient que la modification de l’assiette du bail comme motif de déplafonnement du loyer et qualifie d’améliorations ne pouvant être prises en compte qu’au second renouvellement du bail suivant leur réalisation les travaux portant sur l’accessibilité du sous-sol. Elle fait valoir que tous les travaux qu’elle a réalisés dans les lieux étaient nécessaires pour l’exploitation de son commerce ; qu’il ne peut s’agir d’une modification notable alors qu’en 2001 l’accès par la rue [Adresse 3] a été fermé à la demande du propriétaire et qu’elle a été dans l’obligation d’accéder autrement au sous-sol.

Il résulte des dispositions de l’article L. 145-34 du code de commerce que le principe du plafonnement du loyer du bail à renouveler est écarté s’il existe pendant le cours du bail expiré, une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33.

Ces éléments sont :

1° les caractéristiques du local considéré ;

2° la destination des lieux ;

3° les obligations respectives des parties ;

4° les facteurs locaux de commercialité.

Aux termes de l’article R. 145-3 les caractéristiques propres au local s’apprécient en considération :

1° de sa situation dans l’immeuble où il se trouve, de sa surface, de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;

2° de l’importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l’exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux loués ;

3° de ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d’activité qui y est exercée ;

4° de l’état d’entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;

5° de la nature et de l’état des équipements et des moyens d’exploitation mis à la disposition du locataire.

En l’espèce, l’activité prévue au bail étant ‘négoce et marchand en gros demi-gros et détail de vins et spiritueux et toute activité s’y rapportant’, la mise à disposition d’espaces de réserves constitués d’un sous-sol représentant 316 m² de surface utile et de caves en enfilades de 86,70 m² de surface utile est essentielle pour le preneur afin de pouvoir entreposer du stock et il n’est pas contesté que l’adjonction du sous-sol constitue en soi une modification notable des caractéristiques des locaux donnés à bail. Les parties s’opposent en revanche sur la qualification des travaux ayant rendu le sous-sol directement accessible depuis les locaux loués au rez-de-chaussée, le bailleur soutenant qu’ils constituent une amélioration notable des caractéristiques des locaux justifiant un déplafonnement au premier renouvellement.

Il est acquis que l’escalier et la trémie ouvrant sur le sous-sol ont été réalisés par la société AROMES dès l’année 2001 après la régularisation de l’avenant du 6 juin 2001 et non pas, comme le retient l’expert, à la suite de la suppression de l’accès au sous-sol par les parties communes en suite de la régularisation du deuxième avenant, la société locataire ayant dès novembre 2001 procédé à la location d’un chariot élévateur permettant le transport des marchandises entre le sous-sol et le rez- de-chaussée. Le fait que cette information n’a pas été portée à la connaissance de l’expert pendant le cours des opérations d’expertise ne remet en cause ni les constatations matérielles opérées par ce dernier ni la pertinence de ses diligences dans le cadre de la détermination de la valeur locative de sorte que la demande d’expertise formée sur ce fondement sera écartée.

Ces travaux ont eu pour effet de rendre plus commode l’accès au sous-sol initialement constitué d’un escalier en colimaçon à partir des parties communes de l’immeuble et en sont devenus l’unique accès à la suite de l’avenant du 27 décembre 2005 retirant de l’assiette du bail le local en sous-sol où sont installés les compteurs d’eau ainsi que son accès par l’immeuble [Adresse 3]. Il n’est cependant pas établi qu’ils ont permis la réorganisation du rez-de-chaussée et que la création des trois bureaux soit consécutive à cette modification de l’accès au sous-sol, pas plus qu’il n’est établi que ce sous-sol serait désormais accessible à la clientèle, l’expert indiquant le contraire dans sa réponse à un dire du conseil de la bailleresse.

Les travaux en cause constituent ainsi une amélioration des conditions d’exploitation de son commerce par la société AROMES sans pour autant modifier les caractéristiques énoncées à l’article R. 145-3 du code de commerce.

La SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH ne saurait utilement prétendre avoir participé directement ou indirectement au financement de ces travaux en faisant état des travaux de consolidation de la structure qu’elle a été contrainte de réaliser. Il sera en effet relevé que par jugement rendu le 27 octobre 2014 par le tribunal de grande instance de Créteil, elle a été condamnée à effectuer la réfection générale des réseaux d’assainissement, la réfection des planchers hauts des caves, la remise en état des réseaux d’adduction et distribution d’eau, la remise en service ou réfection du réseau VMC, la réfection de la couverture, la mise en oeuvre de faïence dans la douche et la reprise des fissures dans les VMC, conformément aux préconisations de l’expert judiciaire ; que ces travaux ont pour origine la vétusté des lieux et non l’exécution des deux trémies dont l’expert M. [T] indique dans son rapport qu’elles ont été réalisées dans le respect des règles de l’art et ne portent pas atteinte au bâtiment ; que ce jugement a été confirmé par arrêt rendu le 13 janvier 2017 par la cour d’appel de Paris qui a désigné à nouveau M. [T] pour en vérifier la bonne fin ; que par arrêt rendu le 28 novembre 2018 la cour a ordonné à la SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH de procéder aux travaux prescrits par le jugement du 27 octobre 2014, confirmé le 13 janvier 2017 et non correctement achevés, à savoir : la réfection des réseaux d’assainissement, la réfection des planchers hauts des caves et de la voûte sarrasine, la reprise des réseaux d’adduction et de distribution d’eau, la remise en service ou réfection du réseau VMC, la réfection de la couverture conformément aux règles de l’art.

En conséquence, n’ayant pas participé au financement des travaux rendant le sous-sol directement accessible, la SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH ne peut s’en prévaloir comme cause de déplafonnement lors du premier renouvellement. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il retient l’extension de l’assiette du bail comme seule cause de déplafonnement.

Sur la fixation de la valeur locative :

La SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH invoque une surface pondérée de 359 m² déterminée à partir d’un mesurage de superficies établi par M. [S], expert foncier et géomètre expert. La société AROMES, pour sa part, se réfère à l’expertise judiciaire et retient une surface pondérée de 296,24 m² dans la configuration actuelle des locaux après adjonction d’un sous-sol directement relié au rez- de-chaussée du local.

Le mesurage de M. [S] a été établi après le dépôt du rapport d’expertise de M. [B] et la SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH n’a formulé aucune réserve sur les surfaces utiles retenues par l’expert judiciaire pendant le cours de ses opérations. Il convient en outre de relever que la divergence des surfaces utiles constatées entre les deux rapports est minime, l’expert judiciaire retenant 647,60 m² et M. [S] 657,65 m², la divergence des parties résultant de la pondération opérée.

La cour ne peut que constater concernant la pondération proposée par la SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH qu’elle n’est nullement détaillée. Les coefficients de pondération retenus par l’expert judiciaire sont en revanche adaptés aux caractéristiques physiques propres à chacune des parties des locaux concernant notamment les réserves et la suite des réserves constituée de caves en enfilades avec un sol en terre battue, murs bruts et plafond ourdi dont la hauteur sous plafond et poutre varie entre 1,70 et 1,80 m, avec une pondération de 0,25 pour les premières et de 0,15 portée à 0,20 pour les suivantes, soit une surface pondérée totale de 296,24 m².

La SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH soutient que la cour intérieure d’une superficie de 50 m² pondérée à 5 m² n’est pas comprise dans l’assiette du bail.

La cour relève que cette cour intérieure n’est pas mentionnée dans la description des lieux loués telle qu’elle ressort du bail et de ses avenants et que la société locataire qui s’abstient de répondre à ce moyen, ne produit aucun élément de nature à établir que cette cour intérieure est intégrée dans l’assiette du bail. La cour sera ainsi déduite et la pondération ramenée à 291,24 m².

En définitive, il sera retenue une surface pondérée de 291,24 m² (296,24 – 5).

La SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH soutient que le prix au m² ne peut être inférieur à 140 euros/m² et fait valoir que la quasi totalité des références citées par l’expert judiciaire pour retenir un prix de 100 euros/m² sont situées dans les villes d’IVRY/SEINE ou CHAMPIGNY SUR MARNE distantes de près de 14 km de PARIS. Pour étayer sa position, elle se prévaut de baux portant sur des locaux situés à ALFORTVILLE.

La société AROMES considère que la valeur locative ne peut excéder 80 euros annuels le m² au motif que l’état des lieux et notamment la présence de fuites, rend difficilement exploitable son commerce et justifie un abattement de 20 % pour la partie rez-de-chaussée et 80 % pour les caves.

Les références produites aux débats par la SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH portent sur des locaux dont elle est propriétaire dans le même ensemble immobilier à ALFORTVILLE et ayant fait l’objet de baux tous postérieurs à la date d’effet du congé donné à la société AROMES, deux d’entre eux étant au surplus très récents pour avoir pris effet les 6 avril 2015 et 20 octobre 2015. Il sera en outre relevé que ces baux portent sur des locaux d’une superficie moindre sans rapport avec celle des locaux loués à la société AROMES. Les références ainsi produites ne sont dès lors pas pertinentes.

Le rapport d’expertise est en revanche circonstancié sur les éléments de comparaison retenus, à savoir des locaux dans une secteur recherché en matière de locaux d’activités présentant une accessibilité moyenne par les transports en commun, bénéficiant de prestations très ordinaires, fonctionnels mais sans aucun confort.

C’est dès lors par une juste appréciation des éléments de la cause que le premier juge a fixé à 100 euros le prix unitaire du bail renouvelé, soit une somme annuelle de 29.604 euros, parking inclus (291,24 m² P x 100/m² + 480)

La société AROMES ne peut prétendre pratiquer un abattement en considération des troubles de jouissance qu’elle subit du fait de l’état des locaux, l’expert qui retient une valeur locative de 100 euros/m² avant abattement tenant déjà compte de l’état très moyen et des prestations obsolètes des locaux dans leur état extérieur et de l’état d’usage de l’intérieur.

Il est en revanche indéniable que la configuration actuelle des locaux résulte des travaux d’amélioration réalisés à ses frais par la société locataire qui ne pourront être valorisés que dans le second renouvellement suivant leur réalisation alors que le déplafonnement repose sur la seule modification de l’assiette du bail. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il pratique un abattement de 10 % sur la valeur locative de ce chef, étant toutefois précisé que cet abattement ne saurait porter sur le parking, soit un abattement de 2.912,40 euros.

L’expert judiciaire propose un abattement de 10 % pour charges exorbitantes. La SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH considère que le taux de cet abattement n’est pas conforme aux usages et demande que le taux de 7 % soit retenu.

Selon l’article R. 145-8 du code de commerce, les obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages constituent un facteur de diminution de la valeur locative, il en est de même des clauses exorbitantes du droit commun en ce qu’elles transfèrent sur le preneur des obligations normalement à la charge du bailleur. Il convient en conséquence de prendre en compte les clauses exorbitantes au droit commun, pour fixer la valeur locative, dès lors qu’il n’est pas démontré que les références produites pour les locaux du voisinage, correspondraient à des baux contenant les mêmes clauses exorbitantes.

Aux termes du bail, outre le transfert de la charge du paiement de l’impôt foncier, des honoraires de gestion et des primes d’assurance de l’immeuble, le preneur doit supporter toutes les réparations, grosses ou menues sans distinction, l’entretien, les travaux et les mises en conformité ainsi que tous les travaux demandés par l’administration sous quelque forme que ce soit, y compris les travaux prévus aux articles 605 et 606 du code civil. L’ensemble de ces clauses sont exorbitantes du droit commun dans la mesure où leur transfert est imposé au locataire au-delà des usages.

Le coût réel de l’impôt foncier, des honoraires de gestion et des primes d’assurances n’a pas été déterminé par l’expert. Il sera dès lors pratiqué un abattement forfaitaire de 10 % sur la valeur locative totale.

En définitive, la valeur locative sera fixée à la somme annuelle de 23.731,20 euros HT et HC (29.604 – (2.912,40 + 2.960,40) ).

Sur les intérêts de retard :

Le bailleur sollicite dans le dispositif de ses conclusions l’infirmation du jugement sur les intérêts de retard et demande que le loyer réajusté porte intérêts au taux légal à compter de la date d’exigibilité de chacune des échéances outre capitalisation des intérêts depuis plus d’un an conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

La cour rappelle qu’elle n’est tenue de statuer sur une prétention qu’autant qu’elle est soutenue par des moyens développés dans la discussion en application de l’article 954 du code de procédure civile.

En l’espèce, la SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH ne développant aucun moyen au soutien de cette demande, il n’y a pas lieu de statuer sur ce point, et le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les demandes accessoires :

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l’autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne le sort des dépens et des demandes présentés en application de l’article 700 du code de procédure civile.

En cause d’appel, il ne sera pas fait droit à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera fait masse des dépens d’appel qui seront supportés par moitié par chacune des parties.

Il convient enfin d’autoriser distraction des dépens au profit des avocats postulants qui en ont fait la demande en application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a fixé le prix du loyer de renouvellement à la valeur locative de 24.084 euros HT et HC par an à compter du 1er octobre 2010,

Statuant de nouveau de ce chef et y ajoutant,

Fixe la valeur locative à la somme de 23.731,20 euros HT et HC par an à compter du 1er octobre 2010,

Rejette la demande d’expertise formée par la SCI PARIS PATRIMOINE NAZARETH,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Fait masse des dépens d’appel qui seront supportés par moitié par chacune des parties,

Autorise la distraction des dépens au profit des avocats postulants qui en ont fait la demande en application de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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