Designer : 7 octobre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 18-19.441

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Designer : 7 octobre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 18-19.441
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CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 7 octobre 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 534 F-D

Pourvoi n° D 18-19.441

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 OCTOBRE 2020

1°/ La société Knoll international, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

2°/ la société Knoll Inc., société de droit américain, dont le siège est […] , (États-Unis),

ont formé le pourvoi n° D 18-19.441 contre l’arrêt rendu le 13 avril 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Mobilier et techniques d’organisation productive, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , représentée par la société EMJ en qualité de mandataire judiciaire à sa liquidation judiciaire, prise en la personne de M. E… R…,

2°/ à la société EMJ-Fides, société d’exercice libérale à responsabilité limitée, dont le siège est […] , représentée par M. E… R…, en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société Mobilier et techniques d’organisation productive,

3°/ à la société Matrix international SRL, société de droit italien, dont le siège est […] .Fosci, Poggibonsi (SI) (Italie),

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Girardet, conseiller, les observations de Me Bertrand, avocat des sociétés Knoll international et Knoll Inc., de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Matrix international SRL, et l’avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l’audience publique du 30 juin 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Girardet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1.Selon l’arrêt attaqué (Paris, 13 avril 2018), la société américaine Knoll Inc. et sa filiale française Knoll international (les sociétés Knoll) fabriquent et distribuent du mobilier contemporain. Soutenant que M. N… M…, designer architecte américain d’origine finlandaise, leur avait cédé, à titre exclusif, les droits patrimoniaux sur deux modèles de chaise et de fauteuil, dénommés Tulip, créés en 1957, et que la société Mobilier et techniques d’organisation productive (la société MTOP) avait fourni à la chambre de commerce et d’industrie d’Amiens-Picardie quatre-vingts chaises qui reprenaient les caractéristiques de la chaise Tulip, les sociétés Knoll l’ont assignée en contrefaçon de droits d’auteur, concurrence déloyale et parasitisme.

2. La société italienne Matrix international, fournisseur de la société MTOP, est intervenue volontairement à l’instance. La liquidation judiciaire de la société MTOP ayant été prononcée le 17 février 2015, la société EMJ a été désignée comme liquidateur.

3. Les demandes des sociétés Knoll ont été rejetées.

Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Les sociétés Knoll font grief à l’arrêt de retenir que les chaise et fauteuil Tulip ne sont pas protégeables en France au titre du droit d’auteur et de rejeter en conséquence leurs demandes en réparation d’actes de contrefaçon, alors :

« 1°/ qu’il incombe au juge français qui reconnaît applicable le droit étranger d’en rechercher la teneur et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit étranger ; que, pour apprécier la notion de séparabilité en vigueur dans le domaine du copyright applicable aux objets utilitaires, la Cour suprême des Etats-Unis, dans une décision du 22 mars 2017 (Star Athletica v. Varsity Brands), a instauré une méthodologie qui fait partie de la règle de droit applicable et qui impose au juge de rechercher si certains aspects de l’objet peuvent être identifiés comme constituant des éléments picturaux, graphiques ou sculpturaux distincts et intellectuellement séparables, puis de déterminer si ces éléments distincts et intellectuellement séparables, en eux-mêmes ou appliqués sur un médium différent, peuvent être considérés indépendamment de tout aspect utilitaire ; que, pour apprécier la séparabilité des éléments esthétiques, le juge ne doit pas prendre comme élément de comparaison l’objet déjà transformé par ces éléments esthétiques mais un objet purement utilitaire, non déjà doté de ces éléments ; qu’en considérant que la loi du pays d’origine des chaises « Tulip », en l’occurrence la loi des Etats-Unis, ne protégeait pas celles-ci au titre du copyright, au motif que « la forme intégrale d’une chaise ou d’un fauteuil ne peut être considérée comme une oeuvre picturale, graphique ou sculpturale dès lors qu’elle est étroitement liée à sa fonction » et que « la forme de la chaise et du fauteuil Tulip, certes guidée par les principes du design moderne choisis par N… M…, ne sera (
) pas perçue autrement que comme étant celle d’une chaise ou d’un fauteuil », ce qui excluait l’existence d’éléments esthétiques séparables, sans mettre en oeuvre la méthodologie instaurée par la Cour suprême des Etats-Unis, qui constitue une source de droit dans ce pays, la cour d’appel a dénaturé la règle de droit étrangère et violé l’article 3 du code civil ;

2°/ qu’il incombe au juge français qui reconnaît applicable le droit étranger d’en rechercher la teneur et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit étranger ; que, dans leurs conclusions d’appel du 10 janvier 2018, les sociétés Knoll invoquaient expressément l’analyse adoptée par la Cour suprême des Etats-Unis dans sa décision du 22 mars 2017, qui était versée aux débats dans sa traduction française ; qu’en se bornant, sur la question du copyright applicable aux Etats-Unis dans le domaine des objets utilitaires, à se prononcer par voie d’affirmation, sans préciser les dispositions du droit américain fixées dans la décision de la Cour suprême du 22 mars 2017, qui régissent la matière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2.7 de la Convention de Berne ;

3°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu’en affirmant que les éléments de mobilier conçus par M. N… M… n’étaient que des « articles utiles » sans élément esthétique séparable, tout en constatant que les “design patents n° 181.945 et 181.946 de 1958” et le brevet d’invention n° 2 939 517 relatifs aux éléments de mobilier litigieux démontraient l’existence de « choix esthétiques (opérés par) N… M… », ce qui supposait nécessairement la possibilité d’une séparabilité de ces éléments esthétiques, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction et a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu’il incombe au juge français qui reconnaît applicable le droit étranger d’en rechercher la teneur et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit étranger ; qu’en retenant à l’appui de sa décision « qu’il n’existe pas d’enregistrement de copyright par l’auteur » et que « les contrats produits par les sociétés Knoll ne mentionnent aucun copyright », quand le fait que la société Knoll n’ait pas déposé à l’époque ses oeuvres auprès de l’office compétent pour bénéficier de la protection du copyright ne préjuge en rien du caractère éligible ou non des pièces de mobilier en cause à la protection résultant du droit du copyright américain, la cour d’appel s’est déterminée par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l’article 2.7 de la Convention de Berne. »

 


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