Designer : 7 juillet 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09094

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Designer : 7 juillet 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/09094
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 7 JUILLET 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/09094 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAQ2C

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juillet 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/05396

APPELANT

Monsieur [F] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Chaouki GADDADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739

INTIMÉE

FONDATION INSTITUT DU CERVEAU ET DE LA MOELLE EPINIERE (ICM)

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Dominique DELANOE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0192

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise SALOMON, présidente, chargée du rapport, et Mme Valérie BLANCHET, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

– signé par Madame Françoise SALOMON, présidente de chambre, et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Fondation Institut du Cerveau et de la Moelle épinière (ICM), reconnue comme établissement d’utilité publique, est un centre de recherche de dimension internationale, implanté au sein de l’hôpital de [5], qui a pour objet la mise au point rapide de traitements pour les lésions du système nerveux. Elle a conclu le 18 septembre 2013 un accord d’entreprise prévoyant notamment ‘compte tenu du statut et de l’activité de la Fondation’ la mise en place du contrat à durée déterminée à objet défini pour les ingénieurs et cadres de la Fondation.

Suivant contrat à durée déterminée à objet défini du 19 octobre 2015, elle a engagé M. [O] en qualité d’ingénieur administratif fonctionnel applicatifs, statut cadre, la durée prévisible du projet étant estimée à 36 mois.

Le 25 juillet 2017, l’ICM a notifié au salarié la rupture anticipée de son contrat de travail avec un préavis de deux mois, au motif que le projet auquel il avait collaboré était mené à son terme.

Contestant le bien-fondé de cette rupture, le salarié a saisi la juridiction prud’homale le 17 juillet 2018.

Par jugement du 4 juillet 2019, le conseil de prud’hommes de Paris l’a débouté de toutes ses demandes et a rejeté la demande de l’employeur fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Le 13 août 2019, le salarié a interjeté appel de cette décision, qui lui avait été notifiée le 18 juillet.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 mars 2022, l’appelant demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

– à titre principal, de juger la rupture avant terme abusive et de condamner en conséquence la société intimée au paiement des sommes de 40 000 euros de dommages-intérêts pour rupture abusive et 4 000 euros à titre de solde d’indemnité de fin de contrat,

– à titre subsidiaire, de requalifier le contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et de condamner en conséquence l’intimée au paiement des sommes de 20 000 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3 333,33 euros d’indemnité complémentaire de préavis, 3 333,33 euros d’indemnité de requalification et 3 333,33 euros d’indemnité pour non-respect de la procédure,

– en tout état de cause, de condamner l’intimée au paiement de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et de la même somme pour ceux d’appel.

Dans ses dernières conclusions transmises le 28 mars 2022 par voie électronique, l’intimée sollicite la confirmation du jugement et le versement à son profit de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction est intervenue le 5 avril 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 20 avril.

MOTIFS

Sur la rupture anticipée du contrat à durée déterminée à objet défini

Le salarié soutient que l’objet de son contrat de travail a été défini en des termes très généraux et relève que l’employeur s’est réservé la possibilité de lui attribuer d’autres missions que celles confiées à son contrat de travail. Il prétend que la restructuration du pôle qualité en 2016, à la suite de l’absence prolongée de sa responsable, s’est traduite par la scission du pôle en deux directions et une redéfinition de ses missions contractuelles par une simple note de service du 18 mars 2016. Il affirme que le projet invoqué dans la lettre de rupture n’avait pas été défini comme étant l’objet de son contrat.

L’employeur rappelle que le contrat de travail contient une clause de dédit-formation relative aux deux formations dispensées au salarié. Il soutient que la mission a été parfaitement définie depuis l’origine, que les projets d’une GED basé sur l’outil ‘Intraqual’ et l’outil applicatif ‘Sharepoint’ ont été abandonnés, le second ayant été remplacé par la solution ‘Drupal My ICM’ à laquelle le salarié a collaboré. Il en déduit que le contrat a pris fin à son terme normal par la réalisation de son objet. Il conteste la restructuration du service alléguée par l’intéressé et affirme qu’il ne s’agissait que d’une simple réorganisation, sans changement de ses missions.

L’article L.1242-2 du code du travail dispose que, sous réserve des dispositions de l’article L.1243-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :

(…) 6° Recrutement d’ingénieurs et de cadres, au sens des conventions collectives, en vue de la réalisation d’un objet défini lorsqu’un accord de branche étendu ou, à défaut, un accord d’entreprise le prévoit (…).

Conformément à l’article L.1242-7 de ce code, ce contrat a pour terme la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu.

L’article L.1242-12-1 prévoit que, lorsque le contrat à durée déterminée est conclu en application du 6° de l’article L.1242-2, il comporte également :

1° La mention ‘contrat à durée déterminée à objet défini’ ;

2° L’intitulé et les références de l’accord collectif qui institue ce contrat ;

3° Une clause descriptive du projet et la mention de sa durée prévisible ;

4° La définition des tâches pour lesquelles le contrat est conclu ;

5° L’évènement ou le résultat objectif déterminant la fin de la relation contractuelle ;

6° Le délai de prévenance de l’arrivée au terme du contrat et, le cas échéant, de la proposition de poursuite de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ;

7° Une clause mentionnant la possibilité de rupture à la date anniversaire de la conclusion du contrat, par l’une ou l’autre des parties, pour un motif réel et sérieux et le droit pour le salarié, lorsque cette rupture est à l’initiative de l’employeur, à une indemnité égale à 10% de la rémunération totale brute du salarié.

En l’occurrence, le contrat de travail précise que le salarié exercera les fonctions d’ingénieur administrateur fonctionnel applicatifs au sein du pôle qualité pour le projet d’administration fonctionnelle des outils applicatifs de l’institut.

Il précise que ‘les objectifs du projet sont les suivants :

– Administrer les outils applicatifs mis en place (dont Intranet, GED…)

– Collaborer avec le/les développeur(s) dédié(s), avec les administrateurs Windows et Réseaux, les utilisateurs et les fournisseurs des outils applicatifs concernés.

Les résultats attendus à la fin du projet :

– Acquisition d’une maîtrise suffisante des outils et langages nécessaires à la réalisation du projet dont Sharepoint 2013, Designer 2013, Intraqual, Citrix, Map Edito script batch et langages utilisés au cours du projet.

– Rédaction des procédures métiers et utilisateurs.

– Réalisation des formations des nouveaux arrivants et utilisateurs clefs (animation et création de supports).

– Développement, en collaboration avec les services concernés, des scripts ou toute autre technique afin d’automatiser les tâches et réduire les risques de perte d’intégrité des données.

– Maintenance d’une cohésion entre les outils applicatifs.

Les missions confiées au Salarié sont :

– Gérer les comptes et les droits des utilisateurs, en assurer le suivi de la création à la suppression en assurant la cohérence entre l’ensemble des outils

– Traiter et assurer le suivi des déclarations d’incidents et des demandes d’amélioration (Ticketing).

– Conseiller et assister les utilisateurs.

– Rédiger des cahiers des charges sur la base de l’expression des besoins des utilisateurs.

– Organiser et animer des formations aux outils administrés pour les nouveaux arrivants.

– Rédiger des fiches d’instruction métier et à destination des utilisateurs.

La Fondation pourra confier au Salarié d’autres missions dans la mesure où celles-ci seront compatibles avec ses qualifications et responsabilités.’

Ces stipulations rédigées en termes généraux ne permettent pas de déterminer avec précision la mission pour laquelle le salarié a été engagé et il ne peut être déduit de l’insertion d’une clause de dédit-formation relative aux formations ‘Sharepoint 2013’ et ‘Intraquel Administrateur et Concepteur’ financées par l’employeur que les missions du salarié étaient limitées à ces deux seules applications.

La lettre de rupture anticipée est rédigée comme suit :

‘Dans le cadre de ce projet depuis le 19 octobre 2015, vous avez pu collaborer sur les outils organisationnels tels qu’Intraqual, Sharepoint et sur le déploiement du nouvel intranet de l’Institut.

Avec la finalisation actuelle du nouvel intranet, le projet auquel vous avez collaboré est désormais mené à terme et les missions pour lesquelles nous vous avons engagé arrivent à échéance.’

La finalisation du nouvel intranet ne figure pas parmi les missions détaillées du salarié qui englobent l’ensemble de l’administration de cet outil. Ces missions doivent être appréciées strictement s’agissant d’un contrat précaire et ne pouvaient être modifiées par une simple note de service, compte tenu de leur caractère contractuel.

Dès lors, la cour, par infirmation du jugement, retient que la rupture du contrat à durée déterminée, intervenue en-dehors des cas de rupture pour un motif réel et sérieux prévus aux articles L.1242-7 et L.1242-12-1 du code du travail ou pour l’une des causes prévues à l’article L.1243-1 du même code, est abusive.

Conformément à l’article L.1243-4 du code du travail, le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L.1243-8.

L’accord d’entreprise conclu par l’ICM précise que le contrat à durée déterminée à objet défini doit respecter une durée minimum de 18 mois et une durée maximum de 36 mois.

Dès lors, compte tenu des dates de conclusion et de cessation du contrat et de la rémunération mensuelle brute convenue (3 333,33 euros), la cour condamne l’employeur au paiement de la somme de 40 000 euros.

La rupture anticipée du contrat de travail en-dehors des cas prévus ouvre droit pour le salarié à une indemnité de fin de contrat calculée sur la base de la rémunération déjà perçue et de celle qu’il aurait perçue jusqu’au terme du contrat.

La cour condamne en conséquence l’employeur au paiement de 4 000 euros à titre de solde d’indemnité de précarité.

Sur les autres demandes

L’équité commande d’allouer au salarié la somme globale de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

L’employeur, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

– Infirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

– Condamne la Fondation Institut du Cerveau et de la Moelle épinière à payer à M. [O] les sommes de :

– 40 000 euros de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée déterminée ;

– 4 000 euros de solde d’indemnité de précarité ;

– 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne la Fondation Institut du Cerveau et de la Moelle épinière aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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