Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 04 Mai 2023
N° RG 19/01409 – N° Portalis DBVY-V-B7D-GI22
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d’Instance de VALENCE en date du 03 Novembre 2010, RG 1110000528 – Arrêt de la Cour d’Appel de GRENOBLE en date du 28 août 2012, RG 11/01550- Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 23 septembre 2014, Pourvoi Y 13-15.713 – Arrêt de la Cour d’Appel de GRENOBLE en date du 12 mai 2015, RG 14/05012 – Arrêt de la Cour de Cassation de PARIS en date du 23 novembre 2017, Pourvoi P 16-20.109
Appelants et Demandeurs à la saisine
M. [Y] [X],
né le [Date naissance 4] 1954 à [Localité 5] (ANGLETERRE)
et
Mme [T] [S] épouse [X],
née le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 9] (ANGLETERRE)
demeurant ensemble [Adresse 7]
Représentés par Me Séverine DERONZIER, avocat au barreau de CHAMBERY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/002645 du 02/09/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CHAMBERY)
Intimée et Défenderesse à la saisine
Fondation [10] dont le siège social est sis [Adresse 6] – prise en la personne de son représentant légal en exercice
Représentée par Me Olivier FERNEX DE MONGEX, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Pierre Yves FORSTER, avocat plaidant au barreau de VALENCE
-=-=-=-=-=-=-=-=-
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l’audience publique des débats, tenue le 28 février 2023 avec l’assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière,
Et lors du délibéré, par :
– Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente
– Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,
– Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé du 14 octobre 2004, l’association ‘Les Amis des Enfants de Paris’, Fondation [10], (ci-après la Fondation [10]) a donné à bail à Mme [T] [X], exploitante agricole, des parcelles d’une contenance totale de plus de 18 hectares sises sur la commune de [Localité 11] (26), et un bâtiment à usage d’élevage sur la parcelle ZN n°[Cadastre 1], et ce pour une durée de 9 ans, moyennant un fermage annuel de 1 946 euros payable en une seule fois le 31 décembre de l’année échue.
Par un acte distinct daté du même jour, la Fondation [10] a mis à disposition de Mme [X], 19 hectares de terres ainsi que divers bâtiments agricoles dont un hangar, étant précisé qu’elle louait alors le tout à M. [O] [H], mentionné sur l’acte comme étant le bailleur. Un avenant à cet acte, en date du 19 octobre 2004, prévoit que Mme [X] participera aux frais de location exposés par la Fondation [10] à hauteur de 2 224 euros annuels.
Suivant bail verbal du même jour, la Fondation [10] a donné en location aux époux [X] une maison à usage d’habitation sise à [Adresse 12], moyennant paiement d’un loyer de 15 euros par jour, outre les charges courantes et de téléphone.
Selon acte notarié du 25 avril 2006, les époux [X] et la Fondation [10] ont signé un compromis aux termes duquel cette dernière s’engageait à leur vendre une parcelle de terrain à détacher de la parcelle D [Cadastre 3] [Adresse 8] sur laquelle ils envisageaient l’édification d’une maison d’habitation.
Ensuite d’échéances impayées et d’un commandement de payer délivré le 24 mars 2010 demeuré infructueux, la Fondation [10] a, par acte d’huissier du 29 juin 2010, attrait les époux [X] en justice aux fins de résiliation du bail d’habitation, d’expulsion et de paiement de l’arriéré locatif.
Par jugement du 3 novembre 2010, le tribunal d’instance de Valence a :
– rejeté la demande de sursis à statuer présentée par les époux [X],
– constaté que le bail passé entre la Fondation [10] et les époux [X] s’est trouvé résilié de plein droit à la date du 25 mai 2010,
– ordonné aux époux [X] de quitter les lieux faute de quoi ils en seront expulsés,
– rejeté la demande de délais de paiement,
– condamné les époux [X] à payer à la Fondation [10] la somme de 17 901,33 euros représentant l’arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation arrêté à la date du 30 juin 2010, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 2010, date de l’assignation,
– condamné les époux [X] à payer à la Fondation [10] une indemnité mensuelle d’occupation de 450 euros à compter du 1er juillet 2010 et jusqu’à entière libération des lieux,
– condamné les mêmes à lui payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens,
– rejeté les demandes plus amples ou contraires.
Sur l’appel formé par les époux [X], la cour d’appel de Grenoble, par arrêt du 28 août 2012, a confirmé le jugement du 3 novembre 2010 en toutes ses dispositions et rejeté la demande subsidiaire formée par les appelants.
Par arrêt du 23 septembre 2014, la Cour de cassation a :
– cassé et annulé dans toutes ses dispositions l’arrêt rendu le 28 août 2012,
– remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Grenoble, autrement composée.
La Cour de cassation a constaté que, pour accueillir la demande en résiliation de bail, l’arrêt du 28 août 2012 avait retenu que, faute de régularisation de l’arriéré locatif dans les deux mois suivants la signification du commandement de payer en date du 24 mars 2010 visant l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, soit au 25 mai 2010, le bail consenti s’était trouvé résilié de plein droit. Elle a estimé qu’en statuant ainsi tout en relevant que le bail signé entre les parties était un bail verbal, la cour d’appel n’avait pas tiré les conséquences de ses propres constatations dont il résultait qu’aucune clause résolutoire n’avait été stipulée par les parties au bail.
Le 28 octobre 2014, les époux [X] ont saisi la cour d’appel de Grenoble.
Par un arrêt du 12 mai 2015, la cour d’appel de Grenoble a :
– déclaré recevable l’action en résiliation de bail présentée par la Fondation [10] sur le fondement de l’article 1184 du code civil,
– confirmé le jugement déféré en ce qu’il a :
ordonné aux époux [X] de quitter les lieux occupés indûment faute de quoi ils en seront expulsés,
rejeté la demande de délais de paiement,
condamné les époux [X] aux dépens et à payer à la Fondation [10] la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– infirmé le jugement déféré en toutes ses autres dispositions,
Statuant à nouveau,
– prononcé la résiliation du bail à compter de l’arrêt,
– condamné les époux [X] à payer à la Fondation [10] la somme de 40 832,09 euros au titre de l’arriéré de loyers et de charges au 31 décembre 2014 avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt ainsi que les loyers échus de janvier 2015 à mai 2015,
– fixé à compter du mois de juin 2015 une indemnité d’occupation à la charge des époux [X] d’un montant mensuel de 450 euros pour les mois comportant 30 jours et de 465 euros pour les mois comportant 31 jours,
Y ajoutant,
– condamné les époux [X] à payer à la Fondation [10] la somme de 1 000 euros au titre des frais de procédure exposés en cause d’appel, ainsi qu’aux dépens d’appel.
Pour prononcer la résiliation du bail, l’arrêt retient que l’exception d’inexécution invoquée par les preneurs n’a pas de lien avec le bail d’habitation et que l’importance et la persistance du manquement des locataires à leur obligation de paiement des loyers et des charges justifient le prononcé de la résiliation du bail.
Sur le pourvoi formé par les époux [X], la Cour de cassation a, par arrêt du 23 novembre 2017 :
– cassé et annulé l’arrêt rendu le 12 mai 2015 en toutes ses dispositions,
– remis la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel de Chambéry,
– condamné la Fondation [10] aux dépens.
La Cour de cassation a jugé qu’en prononçant la résiliation du bail, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la Fondation [10] propriétaire n’avait pas manqué à son obligation de délivrance en mettant à la disposition des preneurs un bâtiment vétuste, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1184 du code civil.
Le 19 juillet 2019, les époux [X] ont saisi la cour d’appel de Chambéry. C’est ainsi que s’est présentée l’affaire relative au bail d’habitation verbal, étant précisé que le 11 octobre 2016, la Fondation [10] a fait procéder à l’expulsion de la famille [X] et que le juge de l’exécution près le tribunal de grande instance de Valence, saisi par les époux [X], a ordonné, par jugement avant-dire droit du 28 juin 2018, un sursis à statuer dans l’attente de la décision de la cour.
***
Cependant, pour une parfaite compréhension de la situation globale des parties, il convient de détailler l’ensemble des autres procédures relatives aux autres relations contractuelles unissant les parties.
Concernant le bail rural conclu le 14 octobre 2004, il ressort des pièces du dossier que la résiliation du bail a été prononcée par le tribunal paritaire des baux ruraux de Valence le 13 janvier 2014, résiliation confirmée par la cour d’appel de Grenoble dans son arrêt du 2 février 2015. Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi en cassation.
Par ailleurs, Mme [X] a été déboutée de sa demande en indemnisation à la suite de l’effondrement du hangar agricole intervenu dans la nuit du 10 au 11 avril 2009, et ce, par jugement du tribunal de grande instance de Valence en date du 7 juin 2012, confirmé par la cour d’appel de Grenoble dans son arrêt du 12 mai 2015. Cet arrêt a été cassé dans toutes ses dispositions par un arrêt de la Cour de cassation du 30 mars 2017 qui a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Grenoble autrement composée.
Concernant la mise à disposition de terres appartenant à M. [H], convenue également le 14 octobre 2004, les terres ainsi sous-louées ayant été acquises par M. [N] en 2013, un litige a été soumis au tribunal paritaire des baux ruraux de Valence. Ce dernier a, par jugement du 29 septembre 2017, déclaré irrecevable la demande de nullité de la vente formée par Mme [X] ; déclaré nulle la sous-location conclue en 2004 ; déclaré occupante sans droit ni titre Mme [X] et ordonné son expulsion ; débouté les parties de leurs autres demandes.
Par un arrêt du 2 avril 2019, la cour d’appel de Grenoble a confirmé pour l’essentiel ce jugement, sauf en ce qu’elle avait rejeté les demandes indemnitaires formées par Mme [X] à l’encontre de la Fondation [10] relatives à la nature de la convention, et, statuant à nouveau, a déclaré irrecevables comme prescrites ces demandes.
Le pourvoi en cassation, formé par Mme [X] à l’encontre de cet arrêt, a été rejeté par un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation rendu le 1er avril 2021.
********
Par arrêt du 10 juin 2021, la cour d’appel de Chambéry a :
– déclaré recevable la demande de la Fondation [10] tendant à la résiliation du bail verbal d’habitation la liant aux époux [Y] [X] / [T] [S],
– réformé partiellement le jugement déféré,
– Statuant à nouveau sur le tout pour davantage de clarté et ajoutant :
– prononcé à effet du 11 octobre 2016, la résiliation du bail d’habitation verbal conclu le 14 octobre 2004 entre les parties,
– constaté que la Fondation [10] a repris possession des lieux loués à compter du 11 octobre 2016,
– condamné M. [Y] [X] et Mme [T] [X] née [S] à payer à la Fondation [10] :
– la somme de 40 832,99 euros au titre de l’arriéré locatif échu au 31 décembre 2014, outre intérêts au taux
. à compter du 29 juin 2010 sur le principal de 15 525 euros,
. à compter du 3 novembre 2010 sur celui de 2 376,33 euros,
. et à compter du 26 janvier 2015 sur celui de 22 931,66 euros,
– la somme de 15 euros par jour au titre des loyers échus entre le 1er janvier 2015 et le 11 octobre 2016,
Avant dire-droit sur les demandes des époux [X] tendant à la condamnation de la Fondation [10] à lui payer les sommes suivantes :
– 75 000 euros en réparation de la perte de chance de construire la maison prévue,
– 65 000 euros en réparation de la perte de chance de générer des revenus locatifs,
– 20 000 euros en réparation de la perte de chance d’accroître les revenus et l’exploitation et de réduire les coûts de déplacement,
– 75 000 euros en réparation de la perte de chance de pouvoir mener à bien la construction d’une maison sur un terrain agricole compte tenu du durcissement des règles en la matière,
– 10 000 euros en réparation du préjudice subi pour avoir été logés bien plus longtemps que ce qui avait été prévu dans une maison vétuste et ancienne,
– 50 000 euros en réparation de leur préjudice matériel,
– 30 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
– invité les parties à présenter leurs observations sur :
‘ la recevabilité de ces demandes eu égard aux dispositions des articles 564 et 70 du code de procédure civile
‘ la compétence exclusive du juge de l’exécution pour connaître de celles de ces demandes tendant à la réparation des préjudices causés par leur expulsion qu’ils reprochent à la Fondation [10] d’avoir mise en oeuvre de manière fautive, eu égard aux dispositions de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire et des articles L. 111-10 et R. 121-1 du code des procédures civiles d’exécution,
– ordonné en conséquence la réouverture des débats et renvoie l’affaire à l’audience de mise en état du 14 octobre 2021,
– réservé les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions, notifiées par voie électronique le 29 janvier 2023, époux [X] demandent à la cour de :
Rejetant toutes fins et conclusions plus amples et contraires :
– dire et juger leur action recevable et bien fondée,
– infirmer le jugement rendu le 3 novembre 2010 par le tribunal d’Instance de Valence,
Statuant à nouveau :
– dire et juger que la Fondation [10] a commis de graves manquements envers eux,
– déclarer la Fondation Ardouvin entièrement responsable de l’impossibilité de réitérer la vente par acte authentique et de toutes ses conséquences,
– déclarer la Fondation Ardouvin entièrement responsable des préjudices causés par leur expulsion,
– condamner la Fondation Ardouvin à leur payer :
– la somme de 75 000 euros en réparation de la perte de chance de construire la maison prévue,
– la somme de 65 000 euros en réparation de la perte de chance de générer des revenus locatifs,
– la somme de 20 000 euros en réparation de la perte de chance d’accroître les revenus de l’exploitation et de réduire les coûts de déplacement,
– la somme de 75 000 euros en réparation de la perte de chance de pouvoir mener à bien la construction d’une maison sur un terrain agricole compte tenu du durcissement des règles en la matière,
– la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi pour avoir été logés bien plus longtemps que ce qui avait été prévu dans une maison vétuste et ancienne,
– la somme de 50 000 euros en réparation de leur préjudice matériel,
– la somme de 30 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
A titre subsidiaire et si la cour l’estime nécessaire :
– désigner tel expert qu’il plaira avec mission de déterminer et chiffrer leurs préjudices et les dispenser des frais d’expertise vu leur bénéfice de l’aide juridictionnelle totale,
– ordonner la compensation des créances réciproques des parties à due concurrence,
A titre subsidiaire,
– dire et juger que leur situation ne leur permettent pas de procéder au règlement de la créance de la fondation,
– leur accorder plus larges délais de paiement,
– condamner la Fondation [10] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à leur payer la somme de 3 000 euros
– assortir le tout des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.
– condamner la Fondation [10] aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Séverine Deronzier au visa de l’article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 22 avril 2022, la Fondation [10] demande à la cour de :
A titre principal :
– déclarer irrecevables comme formulées pour la première fois en cause d’appel les demandes des époux [X] tendant à :
– la déclarer entièrement responsable de l’impossibilité de réitérer la vente par acte authentique et de toutes ses conséquences,
– la déclarer entièrement responsables des préjudices soufferts par les époux [X],
– la condamner à leur payer les sommes suivantes :
– 75 000 euros en réparation de la perte d’une chance de construire la maison prévue,
– 65 000 euros en réparation de la perte de chance de générer des revenus locatifs,
– 20 000 euros en réparation de la perte de chance d’accroître les revenus de l’exploitation et de réduire les coûts de déplacement,
– 75 000 euros en réparation de la perte de chance de pouvoir mener a bien la construction d’une maison sur un terrain agricole compte tenu du durcissement des règles en la matière,
-10 000 euros en réparation du préjudice subi pour avoir été logés bien plus longtemps que ce qui avait été prévu dans une maison vétuste et ancienne,
– 50 000 euros en réparation de leur préjudice matériel,
– 30 000 euros en réparation de leur préjudice moral,
– à titre subsidiaire et si la cour l’estime nécessaire, designer tel expert qu’il plaira avec mission, de déterminer et de chiffrer les préjudices subis par les époux [X] et les dispenser des frais d’expertise vu leur bénéfice de |’aide juridictionnelle totale,
– ordonner la compensation des créances réciproques des parties à due concurrence,
En conséquence,
– confirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance de Valence le 3 novembre 2010 en ce qu’il a ordonné l’expulsion des locataires des lieux indûment occupés avec toutes les personnes et biens s’y trouvant de leur chef, faute de quoi, ils seront expulsés, au besoin avec leconcours de la force publique,
A titre subsidiaire, si la cour venait à déclarer recevables les demandes des époux [X] :
– se déclarer incompétente au profit du juge de l’exécution en application des dispositions des articles L 213-6 du code de l’organisation judiciaire, et L 111-10 et suivant et R 121-1 du code des procédures civiles d’exécution,
A titre infiniment subsidiaire si la cour venait a se reconnaître compétente pour examiner les demandes des époux [X] :
– dire et juger qu’il n’est démontré ni justifié d’aucun accord global liant les
contrats sous une même unité d’obligation.
– dire et juger qu’il n’est démontré ni justifié d’aucune faute imputable à la fondation Ardouvin,
– dire et juger qu’il n’est démontré ni justifié d’aucun préjudice direct nécessitant réparation par la Fondation Ardouvin
– dire et juger qu’il n’est démontré ni justifié d’aucun montant au titre des réparation sollicitées par les époux [X],
En conséquence :
– débouter les époux [X] de l’ensemble de leur demandes indemnitaires formulées dans leurs conclusions, savoir :
– la déclarer la fondation entièrement responsable de l’impossibilité de réitérer la vente par acte authentique et de toutes ses conséquences,
– la déclarer entièrement responsable des préjudices causés par l’expulsion aux époux [X],
– la condamner à payer aux époux [X] les sommes qu’ils réclament,
– débouter les époux [X] de leur demande d’expertise judiciaire,
En tout état de cause :
– débouter les époux [X] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires,
– condamner les époux [X] à lui régler la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner mes époux [X] aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 30 janvier 2023.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
A titre liminaire la cour rappelle que, dans son arrêt du 10 juin 2021, elle a :
– tranché la question de la recevabilité de la demande en résiliation du bail verbal,
– prononcé la résiliation de ce bail à effet au 11 octobre 2016, date de l’expulsion, en écartant tous les éléments relatifs à une exception d’inexécution,
– condamné les époux [X] à payer à la Fondation [10] une somme de 40 832,99 euros au titre de l’arriéré locatif, outre intérêts et outre une somme de 15 euros par jour pour les loyers échus du 1er janvier 2015 au 11 octobre 2016.
La réouverture des débats n’avait pour objet que de demander aux parties de présenter des observations sur la recevabilité des demandes de dommages et intérêts formulées par les époux [X] et sur la compétence exclusive du juge de l’exécution pour connaître de ces demandes tendant à la réparation des préjudices causés par leur expulsion.
Ne sont donc pendantes devant la cour que les demandes formulées ‘en tout état de cause’, autrement dit les demandes d’indemnisation, la demande subsidiaire en expertise, les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et celles relatives aux dépens. En conséquence, la demande subsidiaire formulée par les époux [X] quant à l’octroi de délais de paiement est irrecevable.
Sur la recevabilité des demandes d’indemnisation formulées par les époux [X]
La Fondation [10] expose que les époux [X] n’ont, en première instance, formulé aucune demande d’indemnisation, se contentant de conclure au rejet de la demande d’expulsion et à l’octroi de délais. Elle ajoute que la demande de compensation n’a été formulée qu’après la réouverture des débats, les locataires ayant ainsi dépassé le champ de la décision de réouverture. Elle dit encore qu’il n’existe pas de lien suffisant rattachant les demandes d’indemnisation aux demandes formulées en première instance. Elle estime ainsi que les demandes d’indemnisation sont nouvelles en cause d’appel au sens de l’article 564 du code de procédure civile et, de ce fait, irrecevables.
Les époux [X] prétendent, pour leur part, que la cour d’appel de Chambéry a tranché, dans son arrêt du 10 juin 2021, le fait que la Fondation [10] était créancière contre eux d’une somme de 40 832,99 euros et qu’ils entendent à leur tour démontrer qu’ils sont créanciers envers elle afin de lui opposer la compensation, demande qui, d’après eux, est recevable selon les articles 70 et 564 du code de procédure civile.
L’article 70 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant et que, toutefois, la demande en compensation est recevable même en l’absence d’un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l’excès le jugement sur le tout.
L’article 564 du code de procédure civile dispose que, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Il est constant en jurisprudence, qu’il résulte de la combinaison de ces textes, qu’est recevable en appel la demande de compensation, même en l’absence de lien suffisant (cass. com. 12 mars 2002, n°00-10.146). Ainsi, est recevable pour la première fois en cause d’appel une demande de condamnation aux fins de compensation avec une somme réclamée par l’autre partie (cass. civ. 3ème 14 décembre 1977, n°76-11.294).
Toutefois, force est de constater que la cour d’appel n’a été initialement saisie que de demandes d’indemnisation, comme cela résulte du rappel des prétentions des époux [X] tel qu’effectué par la cour dans son arrêt du 10 juin 2021. Alors que la réouverture avant dire droit sur les demandes d’indemnisation n’avait que pour seul objet d’inviter les parties à présenter des observations sur la recevabilité des demandes eu égard aux dispositions de articles 564 et 70 du code de procédure civile et sur la compétence exclusive du juge de l’exécution pour connaître de celles de ces demandes tendant à la réparation des préjudices causés par leur expulsion, les époux [X] ont formulé dans ce cadre une nouvelle demande tendant à ‘ordonner la compensation des créances réciproques des parties à due concurrence’. Cette demande est en elle-même irrecevable comme n’ayant pas été formulé dès la saisine de la cour d’appel.
En conséquence, faute de demande de compensation recevable, les demandes d’indemnisation, nouvelles en cause d’appel, ne sont recevables conformément à l’article 70 du code de procédure civile, que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Or comme l’a déjà relevé la cour dans sa décision du 10 juin 2021, les époux [X] n’ont, à aucun moment, soulevé un lien d’indivisibilité entre les conventions les liant à l’intimée que ce soit dans la présente procédure ou dans les diverses autres procédures ci-dessus rappelées. La cour relève encore qu’il n’est pas démontré par les locataires que les baux litigieux étaient mixtes. Au contraire, il est bien distingué entre les baux ruraux et le bail civil, aucun élément produit ne permettant de considérer que la commune intention, par ailleurs niée par le bailleur, était de conclure une seule convention.
Il en résulte que les demandes tendant à la réparation de la perte d’une chance de construire la maison prévue, de la perte de chance de générer des revenus locatifs, de la perte de chance d’accroître les revenus de l’exploitation et de réduire les coûts de déplacement, de la perte de chance de pouvoir mener à bien la construction d’une maison sur un terrain agricole sont irrecevables comme nouvelles en cause d’appel.
Il en est de même des demandes en réparation du préjudice moral et matériel qui, aux termes des conclusions des époux [X], ne sont en lien qu’avec la procédure d’expulsion elle-même. Ces demandes étant irrecevables devant la cour, il n’est pas besoin de statuer sur le point de savoir si elles relevaient d’une compétence exclusive du juge de l’exécution. Les demandes ne pouvant prospérer devant la cour, il lui appartiendra en effet, dans le cadre de sa saisine et de la procédure pendante devant lui, de trancher la question.
En revanche, la demande portant condamnation à 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour avoir été logés dans une maison vétuste et ancienne doit être considérée comme ayant un lien suffisant avec les prétentions originaires et doit donc être déclarée recevable.
Sur la demande d’indemnisation liée à la vétusté du logement loué
La cour relève que, contrairement à ce qu’affirment les époux [X] dans leurs écritures (notamment p.17), la cour de cassation n’a en aucun cas demandé à la cour d’ordonner une expertise pour établir l’état de la maison. Elle a, dans son arrêt du 23 novembre 2017, reproché à la cour d’appel de Grenoble de ne pas avoir recherché, comme cela lui était demandé, si le bailleur avait satisfait à son obligation de délivrance en mettant à la disposition des preneurs un bâtiment vétuste.
Sur ce point précis, il a déjà été jugé, dans l’arrêt du 10 juin 2021, que ‘s’il n’est pas contesté par la Fondation [10] que la maison louée était ancienne, il ne ressort d’aucun des éléments du dossier, notamment d’aucune photographie, aucune attestation, aucun courrier de doléance des locataires en cours de bail sur la vétusté ou l’indécence de la maison, qu’elle était dans un état tel qu’il pourrait être retenu à l’encontre de la bailleresse qu’elle aurait manqué à son obligation de délivrance d’un logement en bon état’.
La cour observe encore que les époux [X] s’appuient sur le procès-verbal d’expulsion (pièce n°20). Or le document produit ne comporte qu’un seule page ne démontrant en rien la vétusté des lieux. Ils se fondent encore sur des pièces n°20-1, 20-2 qui ne sont pas versées au dossier et ne figurent pas dans le bordereau de pièces. Pour le reste, les doléances concernant le logement ne reposent que sur de simples affirmations non démontrées.
Il résulte de ce qui précède que les époux [X] seront déboutés de leur demande en indemnisation du fait de la vétusté de la maison louée.
La cour note enfin qu’il n’y a pas lieu, comme cela est demandé subsidiairement, d’ordonner une expertise pour chiffrer les préjudices, la réalité de la vétusté n’étant pas démontrée. Les époux [X] seront donc déboutés de leur demande en ce sens.
Sur les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, les époux [X] qui succombent seront condamnés in solidum aux dépens, qui seront recouvrés dans les conditions prévues à l’article 42 de la loi 91-647 du 10 juillet 1991. Ils seront corrélativement déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile comme n’en remplissant pas les conditions d’octroi.
Il n’est pas inéquitable de faire supporter par les époux [X] partie des frais irrépétibles non compris dans les dépens exposés par la Fondation [10]. Ils seront donc condamnés in solidum à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement et contradictoirement,
Dit irrecevables comme nouvelles en cause d’appel les demandes tendant à la réparation de la perte d’une chance de construire la maison prévue, de la perte de chance de générer des revenus locatifs, de la perte de chance d’accroître les revenus de l’exploitation et de réduire les coûts de déplacement, de la perte de chance de pouvoir mener à bien la construction d’une maison sur un terrain agricole, du préjudice moral et du préjudice matériel,
Dit irrecevable la demande en délais de paiement présentée par Mme [T] [S] et M. [Y] [X],
Dit recevable la demande tendant à l’indemnisation du préjudice né de la vétusté de la maison louée,
Déboute Mme [T] [S] et M. [Y] [X] de leur demande d’indemnisation du fait de la vétusté de la maison louée,
Déboute Mme [T] [S] et M. [Y] [X] de leur demande subsidiaire d’expertise,
Condamne in solidum Mme [T] [S] et M. [Y] [X] aux dépens de l’instance,
Déboute Mme [T] [S] et M. [Y] [X] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Mme [T] [S] et M. [Y] [X] à payer à la Fondation [10] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 04 mai 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente