Designer : 7 décembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/18005

·

·

Designer : 7 décembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/18005
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-4

ARRÊT AU FOND

DU 07 DECEMBRE 2022

N° 2022/ 236

Rôle N° RG 18/18005 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDKZF

[K] [S]

C/

[H] [A] épouse épouse [A]

[P] [S]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Gilles MARTHA Me Marc MAMELLI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON en date du 27 Septembre 2018 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 17/03303.

APPELANT

Monsieur [K] [S]

né le 17 Août 1948 à CAUDERAN (GIRONDE)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté et assisté par Me Gilles MARTHA de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Vincent SOREL, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat ayant plaidé

INTIMES

Madame [H] [S] épouse [A]

née le 19 Octobre 1954 à ALGER (ALGERIE), demeurant [Adresse 2]

Monsieur [P] [S]

né le 06 Octobre 1949 à ALGER (ALGERIE), demeurant [Adresse 4]

Tous deux représentés et assistés par Me Marc MAMELLI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat ayant plaidé

PARTIE(S) INTERVENANTE(S)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 14 Septembre 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme JAILLET, présidente a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Michèle JAILLET, Présidente

Madame Nathalie BOUTARD, Conseillère

Madame Myriam GINOUX, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Octobre 2022. A cette date le délibéré a été prorogé au 07 décembre 2022

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 décembre 2022,

Signé par Madame Michèle JAILLET, Présidente et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOS” DU LITIGE

Mme [J] [Z], née le 13 mars 1925 à Alger, et M. [G] [S], né le 27 mars 1926 à Alger, se sont mariés le 28 novembre 1947 à Alger ( République Française ) après contrat de séparation de biens passé le 25 novembre 1947 par devant maître [Y], notaire à Alger.

De cette union sont nés trois enfants : M. [K] [S], M. [P] [S] et Mme [H] [S].

Le couple a adopté le régime de la communauté universelle de biens, meubles et immeubles présents et à venir par acte de maître [M] [B], notaire associée à Marseille (13), changement homologué par jugement du tribunal de grande instance de Marseille le 09 octobre 1985.

M. [G] [S] a créé avec M. [N] la société anonyme SODIT (spécialisée dans la vente des pièces détachées d’injection diesel) dont il était le Président Directeur Général.

Depuis sa création, la famille [S] et la famille [N] ont géré cette société.

C’est dans ce contexte que M. [K] [S] a intégré la SA SODIT en tant qu’attaché de direction.

Après le décès de M. [G] [S] le 19 janvier 1993, Mme [J] [Z] veuve [S] disposait de l’usufruit de 489 actions sur un total de 1.000 actions de la SA SODIT.

Mme [Z] a consenti une donation hors part successorale à M. [K] [S], à savoir la pleine propriété du tiers des parts de la SODIT et la nue propriété pour le reste selon acte authentique du 12 avril 1996.

Aux termes d’une lettre manuscrite en date du 27 octobre 2008 ayant valeur testamentaire, Mme [J] [Z] a souhaité la répartition de sa succession de la manière suivante entre ses enfants:

– M. [K] [S] garderait les titres qu’il détenait sur la société SODIT

– M. [P] [S] et Mme [H] [S] ‘garderaient tout le reste’.

Mme [J] [Z] veuve [S] est décédée le 27 novembre 2012 à [Localité 3] (Var).

Elle laisse à sa survivance ses trois enfants précédemment cités.

Les héritiers de Mme [J] [Z] veuve [S] n’ont pas pu aboutir à un règlement amiable de la succession. M. [K] [S] a contesté notamment la valorisation des titres de la société SODIT qu’il détenait. Le notaire, Maître [O], a estimé les parts sociales litigieuses à la somme de 3.434.588,41 euros dans un projet de liquidation de la succesion en date du 17 décembre 2013.

M. [P] [S] et Mme [H] [S] ont saisi le juge des référés pour obtenir une expertise judiciaire des titres de la SA SODIT.

Par ordonnance du 08 juillet 2014, M. [W] [D] a été désigné en qualité d’expert par le président du tribunal de grande instance de Toulon pour l’évaluation des titres de ladite société.

Pendant les opérations expertales, M. [K] [S] était en pourparlers pour vendre les parts de la SA SODIT qu’il détenait à la société DIESEL MOTOR FRANCE, SAS représentée par M. [V] [N].

M. [W] [D] a rendu son rapport le 21 décembre 2016.

M. [K] [S] a procédé à la cession de 50% du capital de la SODIT pour une valeur de 1.000.000 d’euros au mois de mars 2017.

M. [K] [S] a refusé de procéder à la liquidation de la succession sur la base de ce rapport.

Par exploit d’huissier du 28 octobre 2014, M. [K] [S] a fait assigner M. [P] [S] et Mme [H] [S] devant le tribunal de grande instance de Toulon afin de requalifier certaines sommes issues de différents contrats d’assurance-vie en donation indirecte.

Par jugement en date du 22 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Toulon a requalifié ces contrats souscrits par Mme [J] [Z] épouse [S] en libéralités.

Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 14 juin 2017.

Par acte d’huissier en date du 06 juillet 2017, M. [P] [S] et Mme [H] [S] ont fait assigner leur frère [K] [S] devant le tribunal de grande instance de Toulon afin d’ouvrir les opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de leur mère.

Par jugement contradictoire en date du 27 septembre 2018, auquel il convient de se référer pour plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, le tribunal de grande instance de Toulon a :

– Accueilli les dernières conclusions n°2 du défendeur notifiées avant l’ordonnance de clôture ;

– Ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Mme [J] [Z] veuve [S] ;

– Désigné M. Le Président de la chambre des notaires du Var pour y procéder, qui ne pourra déléguer Maître [R] [O] ;

– Dit qu’en cas d’empêchement du notaire commis, il sera pourvu à son remplacement par simple ordonnance sur requête ;

– Homologué le rapport de M. [W] [D] expert judiciaire qui servira de base à l’établissement des opérations de comptes, liquidation et partage ;

– Débouté M. [K] [S] de sa demande de rapport à succession s’agissant d’une donation supposée d’un montant de 420.000 euros à M. [P] [S] et à Mme [H] [S] ;

– Ordonné l’exexécution provisoire de la présente décision ;

– Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage et qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Ce jugement a été signifié le 22 octobre 2018.

Par déclaration reçue le 14 novembre 2018, M. [K] [S] a interjeté appel de cette déision.

Dans ses premières conclusions en date du 12 février 2019, M. [K] [S] a demandé à la cour de :

Vu le jugement déféré

Vu les présentes écritures ainsi que les pièces versées aux débats,

Réformer le jugement rendu le 27 septembre 2018 par le Tribunal de grande instance de Toulon en ce qu’il a retenu la valorisation des titres de la société SODIT telle résultant du rapport d’expertise déposé par Monsieur [W] [D] et débouté Monsieur [K] [S] de sa demande aux fins de rapport à la succession des deux dons manuels de 420 000 francs chacun consentis par Mme [J] [Z] veuve [S] au profit de Monsieur [P] [S] et Madame [H] [S],

Et, statuant à nouveau,

Sur la valorisation des titres de la société SODIT,

Dire et juger que s’agissant de titres d’une société non cotée, leur évaluation, pour déterminer les éventuels rapports qu’un héritier doit faire à la succession, est constituée par le prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel ;

Dire et juger que ce prix ne saurait, en cas de cession des titres, être supérieur au prix de cession ;

Constater que Monsieur [K] [S] a cédé l’ensemble des titres qu’il détenait dans le capital de la société SODIT au prix global et forfaitaire de 1 000 000 €, soit au prix de 2 000 € l’action ;

En conséquence,

A titre principal, fixer la valeur des titres détenus par Monsieur [K] [S] à la somme de 1 500 € l’action pour tenir compte du rôle joué par le donataire dans l’enrichissement de la Société.

A titre subsidiaire, si la Cour estimait qu’aucune décote ne devait intervenir sur la valeur des titres, dire et juger que la valeur de rapport s’élèvera à la somme de 2 000 € l’action, correspondant à la valeur de cession de la participation de M. [K] [S] ;

Sur le rapport des deux donations de 420 000 francs

Constater que Mme [J] [Z] veuve [S] a déclaré dans une note manuscrite écrite de sa main avoir donné « de la main à la main » à Monsieur [P] [S] et à Madame [H] [S], la somme de 420 000 francs chacun ;

En conséquence, ordonner, conformément aux conclusions de l’Expert judiciaire en page 53 de son rapport, le rapport à la succession de la somme totale de 375 515 € par Monsieur [P] [S] et de la somme de 332 200 € par Madame [H] [S] ;

Condamner in solidum Monsieur [P] [S] et Madame [H] [S] au paiement d’une somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Les condamner in solidum aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Dans leurs premières conclusions en date du 10 mai 2019, Mme [H] [S] et M. [P] [S] ont sollicité de la cour de :

Confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON,

Rejeter les demandes de Monsieur [K] [S]

CONDAMNER Monsieur [K] [S] au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l’Article 700 du Code de Procédure Civile.

CONDAMNER Monsieur [K] [S], aux entiers dépens.

Par requête du 03 mars 2021, Mme [H] [S] et M. [P] [S] ont saisi le tribunal judiciaire de Toulon d’une rectification d’omission matérielle en sollicitant l’ajout de la désignation d’un juge commis chargé de la surveillance des opérations de partage.

Par jugement en date du 29 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Toulon a déclaré irrecevable cette demande au motif qu’un appel avait été interjeté sur le jugement rendu le 27 septembre 2018 de sorte que seule la cour d’appel est compétente pour statuer sur cette demande.

La cour n’a pas été saisie d’un appel contre cette dernière décision.

Par soit-transmis du 12 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a demandé aux parties de bien vouloir lui indiquer si le notaire avait pu réaliser son projet d’état liquidatif et si un rapprochement même partiel était intervenu entre les parties après celui-ci le cas échéant.

Le conseil des intimés, a répondu le 12 octobre 2021 que le notaire avait établi un projet de partage le 10 juin 2020, qu’il avait convoqué les parties le 08 juillet 2020 mais que M. [K] [S] n’avait pas répondu à la convocation.

Le conseil de l’appelant, a répliqué le 19 octobre 2021 qu’aucun rapprochement n’a été possible entre les parties et mentionne que le notaire n’a pas réalisé de projet d’état liquidatif, préférant attendre semble-t-il la décision d’appel.

Par ordonnance de mise en état du 27 octobre 2021, le conseiller de la mise en état a défixé l’affaire de l’audience du 03 novembre 2021 et a révoqué l’ordonnance de clôture pour permettre aux parties de communiquer le projet d’état liquidatif établi le 10 juin 2020.

Par avis du 24 mars 2022, l’affaire a été refixée au 14 septembre 2022, avec une demande expresse adressée aux parties de transmettre leur dossier avant le 15 juillet 2022, compte tenu de la période estivale.

Dans ses dernières conclusions en date du 28 juin 2022, M. [K] [S] demande à la Cour de :

Vu le jugement déféré,

Vu l’appel interjeté par Mr [K] [S],

Vu les présentes écritures ainsi que les pièces versées aux débats,

Il est demandé à la Cour de bien vouloir :

Réformer le jugement rendu le 27 septembre 2018 par le Tribunal de grande instance de Toulon en ce qu’il a retenu la valorisation des titres de la société SODIT telle résultant du rapport d’expertise déposé par Monsieur [W] [D] et débouté Monsieur [K] [S] de sa demande aux fins de rapport à la succession des deux dons manuels de 420 000 francs chacun consentis par Mme [J] [Z] veuve [S] au profit de Monsieur [P] [S] et Madame [H] [S],

Et, statuant à nouveau,

Sur la valorisation des titres de la société SODIT,

Dire et juger que s’agissant de titres d’une société non cotée, leur évaluation, pour déterminer les éventuels rapports qu’un héritier doit faire à la succession, est constituée par le prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel et ne saurait résulter du recours à la seule méthode mathématique ;

Dire et juger que ce prix ne saurait, en cas de cession des titres, être supérieur au prix de cession ;

Constater que Monsieur [K] [S] a cédé l’ensemble des titres qu’il détenait dans le capital de la société SODIT au prix global et forfaitaire de 1 000 000 €, soit au prix de 2 000 € l’action ;

Constater que le rapport d’expertise est notamment entaché d’une erreur grossière s’agissant de l’évaluation des immeubles de la société SODIT puisque l’expert judiciaire a valorisé un terrain au regard de droits à construire qui, en l’état de l’analyse réalisée par Monsieur [T] [U], Architecte DPLG, n’existent pas sur le terrain litigieux ;

Constater que la méthode d’évaluation dite patrimoniale n’a pas pris en compte le critère économique de rentabilité de l’entreprise ni la spécificité de son domaine d’activité ;

Constater que la valeur du fonds de commerce est nulle ;

En conséquence,

Dire et Juger que le rapport d’expertise ne doit pas être suivi sur la question de l’évaluation des titres de la société SODIT ;

Connaissance prise du prix de cession des titres de la société SODIT,

A titre principal,

Fixer la valeur des titres détenus par Monsieur [K] [S] à la somme de 1 500 € l’action pour tenir compte notamment du rôle joué par le donataire dans l’enrichissement de la Société.

A titre subsidiaire, si la Cour estimait qu’aucune décote ne devait intervenir sur la valeur des titres,

Dire et juger que la valeur de rapport s’élèvera à la somme de 2 000 € l’action, correspondant à la valeur de cession de la participation de M. [K] [S] ;

Sur le rapport des deux donations de 420 000 francs,

Constater que l’appelant apporte la preuve matérielle d’un don manuel de Mme [J] [Z] veuve [S] au profit de Monsieur [P] [S] et de Madame [H] [S], à hauteur de la somme de 420 000 francs chacun ;

Constater que ces dons n’ont pas été révélés par leurs bénéficiaires ;

En conséquence,

Dire et juger que Monsieur [P] [S] et de Madame [H] [S] devront rapporter à la succession la somme de 420 000 francs (soit 64 028,58 €) chacun sans par ailleurs pouvoir y prétendre à aucune part conformément aux dispositions de l’article 778 al. 2 du Code civil qui sanctionnent le recel successoral ;

Ordonner, conformément aux conclusions de l’Expert judiciaire en page 53 de son rapport, le rapport à la succession de la somme totale de 375 515 € par Monsieur [P] [S] et de la somme de 332 200 € par Madame [H] [S] ;

Condamner in solidum Monsieur [P] [S] et Madame [H] [S] au paiement d’une somme de 12 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Les condamner in solidum aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 24 juin 2022, les intimés sollicitent de la cour de:

CONFIRMER le jugement du Tribunal de Grande Instance de TOULON,

ORDONNER l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Mme [J] [Z] veuve [S] conformément au projet de partage établi par Maître [W],

DESIGNER un juge en charge en charge de la surveillance des opérations de partage,

REJETER les demandes de Monsieur [K] [S] ,

CONDAMNER Monsieur [K] [S] au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l’Article 700 du Code de Procédure Civile,

CONDAMNER Monsieur [K] [S], aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2022.

La cour a reçu le dossier de M. [K] [S] le 04 juillet 2022.

A la date du 25 août 2022, la cour n’avait pas reçu le dossier de M. [P] [S] et de Mme [H] [S] alors que, comme exposé ci-dessus, il était demandé aux parties d’envoyer leur dossier avant le 15 juillet 2022.

Un nouveau soit-transmis a donc été envoyé aux parties le 26 août 2022 indiquant que la cour tirerait toutes les conséquences d’une production tardive des pièces des intimés.

Le dossier des intimés est parvenu à la cour le 31 août 2022.

Par soit-transmis des 13 et 21 septembre 2022, l’acte de mariage des époux [Z]/[S] et leur contrat de mariage ont été réclamés aux parties, en précisant que l’arrêt ne pourrait pas être rendu le 19 octobre 2022, date de la mise à disposition annoncée à l’audience.

Par message du 27 septembre 2022, le conseil des intimés a indiqué que ces derniers, malgré des recherches effectuées, ne disposaient que de l’extrait de mariage transmis précédemment, et que s’agissant d’un acte de 1947 établi dans l’ancien département d’Algérie, une démarche auprès de l’état civil risquait de s’avèrer aléatoire et assez longue, ses clients lui précisant que leurs parents étaient mariés sous le régime de la communauté.

Par message du même jour, le conseil de l’appelant a indiqué que son client n’a pas copie des actes réclamés compte-tenu de leur ancienneté, car ses parents se sont mariés à Alger le 28 novembre 1947 sous le régime de la sépartion de biens et auraient ensuite changé de régime en faveur de la communauté universelle en arrivant à [Localité 5].

Par soit-transmis du 04 octobre 2022, la présidente a répondu en substance qu’il n’était pas possible à la Cour de rendre son arrêt en l’état des mentions contradictoires relatives au régime matrimonial des parents de l’appelant et des intimés et que dans l’attente des pièces réclamées par la cour, la mise à disposition était repoussée au 07/12/2022 sous réserve de les obtenir le 30/11/2022.

Par transmission RPVA du 25 octobre 2022, le conseil de l’appelant a adressé l’acte notarié comportant le changement de régime matrimonial des époux [G] [S] et [J] [Z] ainsi que la mention en marge de leur acte de mariage.

Par courrier électronique du 27 octobre suivant, le conseil des intimés a transmis une attestation immobilière du 13 septembre 2007 confirmant le changement de régime matrimonial de Mme [J] [Z] et de M. [G] [S] pour la communauté universelle avec clause d’attribution intégrale au conjoint survivant, changement homologué par jugement rendu le 9 octobre 1985 par le Tribunal de Grande Instance de Marseille.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives régulièrement déposées.

Sur l’étendue de la saisine de la cour

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir ‘constater’ ou ‘donner acte’ de sorte que la cour n’a pas à y répondre.

Par ailleurs l’effet dévolutif de l’appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l’instance d’appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s’ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu’en cours d’instance d’appel.

Cependant la saisine de la cour est strictement circonscrite aux chefs du jugement attaqué du 27 septembre 2018 qui ne concerne pas la désignation d’un juge commis, demande qui n’a pas été présentée en première instance.

Sur le principe de concentration temporelle des prétentions en cause d’appel

L’article 910-4 du code de procédure civile dispose que :

‘A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’

Dans ses dernières conclusions, M. [K] [S] a ajouté les chefs de demandes suivants qu’il ne formulait pas dans ses premières écritures :

‘Constater que le rapport d’expertise est notamment entaché d’une erreur grossière s’agissant de l’évaluation des immeubles de la société SODIT puisque l’expert judiciaire a valorisé un terrain au regard de droits à construire qui, en l’état de l’analyse réalisée par Monsieur [T] [U], Architecte DPLG, n’existent pas sur le terrain litigieux ;

Constater que la méthode d’évaluation dite patrimoniale n’a pas pris en compte le critère économique de rentabilité de l’entreprise ni la spécificité de son domaine d’activité ;

Constater que la valeur du fonds de commerce est nulle ;

Dire et Juger que le rapport d’expertise ne doit pas être suivi sur la question de l’évaluation des titres de la société SODIT ;

Constater que ces dons n’ont pas été révélés par leurs bénéficiaires ;

En conséquence,

Dire et juger que Monsieur [P] [S] et de Madame [H] [S] devront rapporter à la succession la somme de 420 000 francs (soit 64 028,58 €) chacun sans par ailleurs pouvoir y prétendre à aucune part conformément aux dispositions de l’article 778 al. 2 du Code civil qui sanctionnent le recel successoral ‘.

Dans leurs dernières conclusions, Mme [H] [S] et M. [P] [S] formulent également des prétentions non incluses dans leurs première écritures à savoir :

‘ORDONNER l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Mme [J] [Z] veuve [S] conformément au projet de partage établi par Maître [W];

DESIGNER un juge en charge en charge de la surveillance des opérations de partage.’

Ces demandes n’étaient pas contenues dans les premières conclusions respectives des parties, contrairement à la règle prescrite par l’article 910-4 du code de procédure civile ; elles sont par conséquent irrecevables d’office de sorte que la cour n’a pas à les examiner.

Sur la valeur des titres de la société SODIT

M. [K] [S] fait grief à l’arrêt entrepris de l’avoir débouté de sa demande visant à fixer la valeur de 1.500 euros l’action de la société SODIT. Il expose, en substance, que :

– Il avait été indiqué à l’expert que l’appelant avait cédé sa participation dans la société SODIT au prix de 1.000.000 euros (soit 2.000 euros l’action). L’expert justifiait sa position de ne pas prendre en compte cette valeur car l’administration fiscale pouvait fort bien taxer, pour le calcul des droits d’enregistrement, une valeur supérieure au montant de la cession.

Ce raisonnement serait contraire à la jurisprudence selon M. [K] [S],

– Lorsqu’il s’agit d’évaluer des titres de sociétés non cotées, il convient de considérer la valeur du bien constituée par le prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel,

– Le prix du marché serait nécessairement le prix de cession quand le bien a été vendu et ce de jurisprudence constante,

– Ce même prix du marché devait être lui-même corrigé de la plus-value résultant de la très bonne gestion du donataire.

Le rôle joué par M. [K] [S] a été important puisque les capitaux propres ont augmenté sous son mandat de président, et ce de 650%. Il conviendrait de tirer les conséquences de cette situation en appliquant au prix de cession un abattement de 500 euros par action qui représente moins de 7% de bénéfices cumulés après impôts sur la période de 1993 à 2001,

– Les valeurs retenues par l’expert seraient en tout état de cause très critiquables.

La méthodologie d’évaluation n’a pas du tout pris en compte selon l’appelant le critère économique de la rentabilité de l’entreprise. Or, la société SODIT est spécialisée dans la vente des pièces détachées d’injection diesel. L’expert n’aurait pas pris en compte que le marché du diesel vit une ‘chronique d’une mort annoncée’ pour expertiser la valeur des parts litigieuses,

– Sur la valeur patrimoniale du patrimoine immobilier, des irrégularités ont été aussi constatées (Sur la prise en compte de droits à construire et le correctif à appliquer en fonction de travaux) et ont été dénoncées dans un dire du 29 juillet 2016.

L’appelant sollicite, par conséquent, la fixation de l’action à une somme forfaitaire de 1.500 euros en raison de sa gestion et, à titre subsidiaire, à une somme de 2.000 euros, et ce contrairement au rapport d’expertise n’ayant pas pris en compte le prix de la cession opérée.

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement entrepris.

Ils s’opposent à toute plus-value du fait de la gestion de M. [K] [E].

Ils font valoir notamment que :

– Sur l’évaluation unitaire des actions de la SODIT : le virage important pris en 1993 a été permis par le conjonction de plusieurs phénomènes dont la disparition d’un salaire important versé l’ancien PDG, à la dévaluation de la Lire italienne et de la fin du prêt immobilier du local professionnel. Ces éléments n’auraient pas de rapport avec la gestion de M. [K] [S],

– Sur les erreurs alléguées par l’appelant concernant le rapport d’expertise : il n’y aurait pas lieu de remettre en cause ce document puisque M. [K] [S] n’apporterait aucune preuve à ses critiques,

– L’expert judiciaire rejoindrait peu ou prou dans ses conclusions les précédentes expertises diligentées par les parties dans le cadre de la tentative de règlement de la succession de Mme [J] [Z] veuve [S] ; cette expertise confirmerait le déséquilibre opéré dans ladite succession par l’attribution préférentielle à l’appelant des titres de la société SODIT.

Le jugement entrepris a relevé que la procédure arrive après deux expertises amiables et une expertise judiciaire et qu’aucune de ces expertises n’a satisfait M. [K] [S] alors que l’expert judiciaire a pourtant répondu aux critiques de ce dernier sur l’estimation de la valeur des titres de la société SODIT.

La décision attaquée a homologué le rapport de M. [W] [D] qui servira de base à l’établissement des opérations de compte, liquidation et partage.

En cause d’appel, M. [K] [S] critique le travail de l’expert M. [W] [D] notamment dans l’évaluation des titres de la société SODIT. A l’appui de sa prétention, il souligne qu’il aurait fallu prendre en compte la valeur de la cession intervenue le 10 mars 2017, soit celle de 1.000.000 euros, et non celle retenue par l’expert à hauteur de 1.564.039 euros.

Or, comme le note fort justement l’expert ( page 56 de son rapport ) : ‘le fait que Monsieur [K] [S] trouve un acquéreur au prix de 1.000.000 euros ne veut pas dire que ces parts valent ce prix. Et, pour preuve, l’administration fiscale peut fort bien taxer pour le calcul des droits d’enregistrement la cession des parts à une valeur supérieur au montant de la cession’.

M. [K] [S], en vendant ses parts sociales pour la somme de 1.000.000 euros en mars 2017 ne peut pas arguer du prix de vente qu’il a consenti pour remettre en cause la justification expertale précédemment citée et ayant abouti à la fixation de la valeur de l’intégralité de ses parts détenues à hauteur de 1.564.039 euros.

M. [K] [S] ne démontre pas en quoi le rapport d’expert commettrait une erreur en fixant à un prix plus haut que celui de la cession des parts sociales.

L’argument tiré de la non prise en compte du secteur est inopérant puisque le travail de M. [W] [D] est justifié en fait et en droit pour aboutir aux résultats évoqués, notamment en prenant en compte la pluralité de facteurs s’imposant dans l’industrie du diesel.

En outre, les parties produisent :

– une évaluation datée du 08 avril 2013 du cabinet [X] [I] qui évalue l’entreprise SODIT ‘entre 1.504.000 euros et 1.838.200 euros’.

– une évaluation de la société ABC aboutissant à une estimation de la société de 5.285.000 euros.

Ces deux évaluations non contradictoires ne permettent pas de remettre en cause l’expertise judiciaire réalisée par M. [W] [D] et dont les parties ont pu discuter le contenu pendant les opérations expertales.

Le prix de la cession est, dans la situation présentée devant la cour, nettement inférieur à la réalité du marché, étant rappelé que le rapport de M. [W] [D] date de décembre 2016.

Or, la vente conclue en mars 2017 ne prend aucunement acte de ce différentiel de prix de près d’un demi-million d’euros.

La valeur des parts sociales de la société SODIT devra être fixée à la somme retenue par l’expert judiciaire.

Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Il convient de débouter M. [K] [S] de toutes ses demandes concernant la valorisation des titres de la société SODIT.

Sur le rapport à la succession des deux dons manuels

M. [K] [S] reproche au jugement de ne pas avoir motivé correctement le rejet de la demande qu’il formulait sur le rapport à la succession des deux dons manuels à l’initiative de Mme [J] [Z] veuve [S] à ses deux enfants [P] et [H] d’une somme de 420.000 francs.

Il expose, en substance, que :

– le document émanant de la main du défunt mentionnant expressément un don manuel a été produit à l’instance et n’a jamais été contesté qu’il soit de la main de la défunte. Il rappelle que sur ce point, l’expert a été confronté à des difficultés puisque les intimés n’ont produit aucun relevé de compte sur les périodes demandées. La cour doit tirer, selon l’appelant, toutes les conséquences de ce refus.

– M. [K] [S] rappelle que M. [P] [S] a acquis un bien à [Localité 3] le 27 février 1998 alors que la donation litigieuse a été réalisée en janvier 1998. L’expert conclut que l’apport nécessaire pour faire cette acquisition provient nécessairement du prêt non contesté de 400.000 francs. Or, cet apport a également pu être effectué selon l’appelant par la remise de la somme de 420.000 francs en janvier 1998. Cette hypothèse serait plausible selon lui.

– Il résulterait d’un courrier adressé par Maître [G] [C] à son client, M. [P] [S] le 2 février 2002, un différentiel de 420.000 francs entre la somme à rapport (1.120.000 francs) et les donations révélées (700.000 francs). Le notaire serait manifestement au courant de cette donation.

Ces éléments auraient dû conduire le tribunal à retenir l’existence de cette donation de 420.000 francs. M. [K] [S] demande la condamnation de M. [P] [S] et de Mme [H] [S] au rapport de la somme de 64.028,58 euros chacun sans pour pouvoir y prétendre conformément aux dispositions de l’article 778 alinéa 2 du Code civil.

Les intimés rappellent que l’expert n’a pas trouvé de trace dans les comptes bancaires d’un prétendu prêt de 420.000 francs. Ils soulignent la mauvaise foi de l’appelant qui avance ses prétentions sur quelques lignes ‘a priori’ écrites par Mme [J] [S].

Ce document n’étant ni daté, ni signé, ne saurait servir de preuve en la matière selon les intimés.

Le jugement entrepris indique qu’il appartient à M. [K] [S] de rapporter la preuve de la donation consentie à Mme [H] [S] et à M. [P] [S].

Il note que la lettre sur laquelle se fonde le demandeur est non datée et non signée ; ce qui ne permet donc pas de justifier des donations consenties.

En cause d’appel, M. [K] [S] continue de se fonder sur un document non daté et non signé indiquant un prêt de 400.000 francs et une donation manuelle de 420.000 francs consentis à M. [P] [S] et Mme [H] [S].

Ce document, dont la véracité est contestée par les intimés, n’a aucune force probante puisqu’il n’est ni daté, ni signé.

L’argumentation de M. [K] [S] se fonde, exclusivement, sur des hypothèses sans apporter la preuve de l’existence de ces donations.

L’appelant doit être débouté de ses demandes à ce titre.

Il convient de confirmer le jugement entrepris sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [K] [S], qui succombe, doit être condamné aux dépens d’appel et débouté de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles.

Les intimés ont exposé des frais de défense complémentaires en cause d’appel ; M. [K] [S] sera condamné à leur payer aux intimés la somme globale de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare irrecevables les prétentions suivantes de M. [K] [S] :

‘Constater que le rapport d’expertise est notamment entaché d’une erreur grossière s’agissant de l’évaluation des immeubles de la société SODIT puisque l’expert judiciaire a valorisé un terrain au regard de droits à construire qui, en l’état de l’analyse réalisée par Monsieur [T] [U], Architecte DPLG, n’existent pas sur le terrain litigieux ;

Constater que la méthode d’évaluation dite patrimoniale n’a pas pris en compte le critère économique de rentabilité de l’entreprise ni la spécificité de son domaine d’activité ;

Constater que la valeur du fonds de commerce est nulle ;

Dire et Juger que le rapport d’expertise ne doit pas être suivi sur la question de l’évaluation des titres de la société SODIT ;

Constater que ces dons n’ont pas été révélés par leurs bénéficiaires ;

En conséquence,

Dire et juger que Monsieur [P] [S] et de Madame [H] [S] devront rapporter à la succession la somme de 420 000 francs (soit 64 028,58 €) chacun sans par ailleurs pouvoir y prétendre à aucune part conformément aux dispositions de l’article 778 al. 2 du Code civil qui sanctionnent le recel successoral ;’

Déclare irrecevables les prétentions suivantes de Mme [H] [S] et M. [P] [S] :

‘ORDONNER l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Mme [J] [Z] veuve [S] conformément au projet de partage établi par Maître [W];

DESIGNER un juge en charge en charge de la surveillance des opérations de partage.’

Confirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 27 septembre 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Toulon,

Y ajoutant,

Déboute M. [K] [S] de ses demandes visant à :

– ‘Dire et juger que s’agissant de titres d’une société non cotée, leur évaluation, pour déterminer les éventuels rapports qu’un héritier doit faire à la succession, est constituée par le prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l’offre et de la demande dans un marché réel ;

– Dire et juger que ce prix ne saurait, en cas de cession des titres, être supérieur au prix de cession’;

Condamne M. [K] [S] aux dépens d’appel,

Déboute M. [K] [S] de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles,

Condamne M. [K] [S] à payer la somme globale de 5.000 euros aux intimés, Mme [H] [S] et à M. [P] [S], au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Michèle Jaillet, présidente, et par Mme Céline Litteri, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

la greffière la présidente

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x