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CIV. 3
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 mai 2020
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 316 F-D
Pourvoi n° D 19-13.212
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 28 MAI 2020
La société La Capitelle, société civile immobilière, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° D 19-13.212 contre l’arrêt rendu le 16 octobre 2018 par la cour d’appel de Chambéry (chambre civile, 1re section), dans le litige l’opposant à la société Supermarché du Val Claret, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société La Capitelle, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Supermarché du Val Claret, après débats en l’audience publique du 10 mars 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Chambéry, 16 octobre 2018), la société Supermarché du Val Claret (la société) dont M. L… est le dirigeant et principal actionnaire, exploite un fonds de commerce dans deux locaux distincts, le lot n° 5398, propriété de M. L…, et le lot n° 1834, propriété de la société.
2. Le 18 décembre 2001, M. L… a vendu le lot n° 5398 à la société La Capitelle (la SCI). Le 13 septembre 2002, la SCI a donné ce local à bail à la société pour une durée de neuf ans et moyennant un loyer annuel de 77 749 euros.
3. Le 3 octobre 2003, en exécution d’un protocole, les actions de la société ont été cédées à MM. F… et M…, ainsi qu’à la société Semta qu’ils avaient constituée.
4. Le 23 avril 2004, la société a vendu le lot n° 1834 à la SCI.
5. Le 4 mars 2013, la société locataire a demandé le renouvellement du bail. La société bailleresse en a accepté le principe moyennant un loyer annuel de 200 000 euros.
6. Le 15 mai 2014, la SCI a saisi le tribunal aux fins voir juger que la société avait exploité le lot n° 1834 sans verser de loyer, qu’elle était redevable d’une indemnité d’occupation dans les limites de la prescription quinquennale, que le lot, qui ne figurait pas dans le bail initial, devait être inclus dans le bail renouvelé à compter du 1er avril 2013 et que le loyer du bail renouvelé devait être déplafonné, les caractéristiques des locaux ayant été de ce fait notablement modifiées en cours de bail.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La SCI La Capitelle fait grief à l’arrêt de dire que le lot 1834 est inclus dans le périmètre du bail depuis sa cession, alors :
« 1°/ que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que le juge ne peut, sans méconnaître l’objet du litige, se prononcer sur une demande dont il n’a été saisi par aucune des parties ; qu’en l’espèce, la SCI La Capitelle demandait à la cour d’appel, réformant le jugement sur ce point, de constater que le lot n° 1834 ne figurait pas dans le bail commercial du 13 septembre 2002 et qu’aucun avenant n’avait été régularisé en cours d’exécution de ce bail ; que la société Supermarché du Val Claret demandait, de la même manière, à la cour d’appel de réformer le jugement sur l’étendue de l’assiette du bail commercial du 13 septembre 2002, de dire et juger que le lot n° 1834 n’a pas été inclus dans l’assiette du bail commercial et de constater qu’elle l’occupait sans droit ni titre ; qu’en confirmant que le jugement en tant qu’il a dit que le lot 1834 est inclus dans le périmètre du bail depuis sa cession, cependant qu’elle n’était saisie d’aucune demande en ce sens, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ qu’une personne ne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent qu’à la condition que la croyance du tiers aux pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier ces pouvoirs ; que, pour dire que la SCI La Capitelle était engagée, sur le fondement d’un mandat apparent, à mettre à disposition de la société Supermarché du Val Claret le lot n° 1834 sans contrepartie financière, la cour d’appel s’est bornée à relever que M. L…, associé de la SCI La Capitelle s’était présenté comme gérant de cette société et porte-fort de ses associés dans un protocole rédigé par un professionnel du droit, de sorte que ses interlocuteurs avaient pu légitimement croire que ce dernier agissait en vertu d’un mandat et dans les limites de celui-ci ; qu’en se prononçant de la sorte, par des motifs impropres à caractériser les circonstances autorisant MM. F… et M…, agissant dans le cadre de leur activité professionnelle, à ne pas vérifier les pouvoirs de M. L…, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1998 du code civil. »
Réponse de la Cour
8. La cour d’appel a constaté qu’aux termes du protocole du 3 juillet 2003, la SCI dont M. L… était le gérant devait faire son affaire personnelle du rachat du lot 1834 appartenant à la société avant la réitération de la cession d’actions, M. L… s’engageant à consentir par avenant, une extension du bail commercial existant, aux locaux cédés, et ce sans supplément de loyers.
9. Elle a relevé que, lors de la signature de l’acte rédigé par un professionnel du droit, M. L…, dirigeant de la société et associé de la SCI, s’était présenté comme gérant de celle-ci et porté fort de ses filles, également associées de la SCI.
10. En l’état de ces constatations qui font ressortir des circonstances autorisant MM. F… et M… à ne pas vérifier les pouvoirs de M. L…, elle a pu en déduire, sans modifier l’objet du litige, que ceux-ci avaient pu légitimement croire que M. L… avait agi en vertu d’un mandat apparent et dans les limites de celui-ci, de sorte qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Capitelle aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Capitelle et la condamne à payer à la société Supermarché du Val Claret la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille vingt.