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COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 18 novembre 2020
Rejet
M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 663 F-D
Pourvoi n° S 18-25.709
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 18 NOVEMBRE 2020
1°/ la société Apodiss, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
2°/ M. H… R…, domicilié […] ,
3°/ la société Administrateurs judiciaires partenaires (AJ Partenaires), société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est […] , prise en la personne de M. X… V…, agissant en qualité d’administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Apodiss, et ayant un établissement secondaire […] ,
ont formé le pourvoi n° S 18-25.709 contre l’arrêt rendu le 19 octobre 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Urban State Group, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] , anciennement dénommée Groupe Cardinal,
2°/ à la société Financière Cardinal, société par actions simplifiée,
3°/ à la société Cardinal promotion, société par actions simplifiée, anciennement dénommée Cardinal investissement,
4°/ à la société Cardinal entreprises, société par actions simplifiée,
5°/ à la société PNI, société par actions simplifiée unipersonnelle,
ayant toutes les quatre leur siège […] ,
6°/ à la société MJ Synergie, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est […] , prise en la personne de M. F… A…, pris en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société Apodiss, et ayant un établissement secondaire, […] ,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Apodiss, de M. R…, de la société Administrateurs judiciaires partenaires, ès qualités, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat des sociétés Urban State Group, Financière Cardinal, Cardinal promotion, Cardinal entreprises et PNI, et l’avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l’audience publique du 29 septembre 2020 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 19 octobre 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 24 mai 2017, pourvoi n° 15-16.953), M. R…, professionnel de l’immobilier, a créé, le 10 mars 2003, la société Apodissimo, devenue Apodiss, et engagé une collaboration avec la société Groupe cardinal, qui avait une activité d’études immobilières et de promotion immobilière, par le truchement de sociétés filiales dédiées. Cette collaboration s’est notamment traduite par la constitution de la société Cardinal Consulting, dans le capital de laquelle la société Apodiss a pris une participation de 33 %, provisoirement portée par la société Groupe cardinal.
2. Le 27 octobre 2005, une convention de prestation de services a été conclue entre les sociétés Groupe cardinal et Apodiss, aux termes de laquelle cette dernière devait recevoir, en contrepartie de ses services, une rémunération forfaitaire mensuelle et une rémunération proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé dans le cadre des opérations immobilières auxquelles elle aurait apporté son concours.
3. Le 2 août 2007, à la suite de la comparution de M. R… devant un tribunal correctionnel, la société Groupe cardinal a décidé de mettre fin à leur collaboration et un protocole transactionnel a été conclu pour résilier la convention de 2005 et prévoir le versement à M. R… d’une certaine somme au titre de plusieurs opérations immobilières en cours.
4. En juin 2008, la société Groupe cardinal et la société Apodiss ont repris leurs relations d’affaires, sans qu’un contrat écrit ait été formalisé.
5. La société Groupe cardinal, devenue Urban State Group, ayant mis fin à ces relations par lettre du 30 juin 2010, la société Apodiss et M. R… l’ont assignée, ainsi que ses filiales, les sociétés Financière cardinal, Cardinal investissement, devenue Cardinal promotion, Cardinal entreprises et PNI, en dommages-intérêts pour rupture brutale d’une relation commerciale établie et paiement de diverses sommes restant dues à titre de rémunération.
6. La société Apodiss ayant été mise en redressement judiciaire, les sociétés Administrateurs judiciaires partenaires (la société AJP), prise en la personne de M. V…, administrateur judiciaire, et MJ Synergie, prise en la personne de M. A…, mandataire judiciaire, sont intervenues à la cause.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et troisième moyens, ci-après annexés
7. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le quatrième moyen
Enoncé du moyen
8. M. R…, la société Apodiss et la société AJP, ès qualités, font grief à l’arrêt de condamner la société Groupe cardinal, devenue Urban State Group, à payer à la société Apodiss la seule somme de 66 087,50 euros au titre de la rupture brutale d’une relation commerciale établie, alors :
« 1°/ que pour limiter à trois mois la durée du préavis qui aurait dû être accordé à la société Apodiss, la cour d’appel a considéré que cette société avait entretenu avec la société Groupe cardinal une première relation d’affaires qui s’était achevée par la conclusion d’un protocole d’accord signé en août 2007, et qu’une seconde relation d’affaires, brutalement rompue le 30 juin 2010, avait été suivie entre le mois de juin 2008 et le 30 juin 2010 ; que la cour d’appel en a déduit que le délai de préavis qui avait être accordé à la société Apodiss préalablement à la rupture de cette seconde relation aurait dû être de trois mois ; qu’en statuant ainsi, sans s’expliquer, comme elle y était invitée, sur les pièces 15, 16 par lesquelles la société Apodiss avait démontré que les relations d’affaires entretenues avec le Groupe cardinal avaient repris bien avant juin 2008, pour un chiffre d’affaires avoisinant en outre les 20 000 000 d’euros, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que pour déterminer la durée du préavis qui doit être délivré à la partie qui supporte la rupture d’une relation commerciale établie, le juge doit tenir compte de l’état de dépendance dans laquelle celle-ci se trouve placée vis-à-vis de son partenaire commercial, sans que ne puisse lui être opposé l’absence de diversification de ses activités ; que pour limiter à trois mois la durée du préavis qui aurait dû être accordé à la société Apodiss par la société Groupe cardinal à l’occasion de la rupture de leurs relations commerciales, la cour d’appel a retenu qu’il n’y avait pas lieu de tenir compte de l’état de dépendance économique dans lequel la société Apodiss avait été placée, dès lorsque que cet état relevait de « sa propre responsabilité » ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6 du code de commerce ;
3°/ que l’état de dépendance dans lequel se trouvait placée la société Apodiss vis-à-vis de la société groupe Cardinal devait d’autant plus être pris en considération dans le calcul du préavis prévu par l’article L. 442-6 du code de commerce que cet état de dépendance ne résultait pas d’un choix exclusivement personnel émanant de la société Apodiss mais bien d’une stratégie d’ensemble à la construction et à l’initiative de laquelle se trouvait également la société Groupe cardinal ; qu’à cet égard, la société Apodiss rappelait qu’elle avait été constituée à l’initiative de M. R… et de M. M…, gérant de la société Groupe cardinal, dans le but précis d’assister le groupe dans la réalisation des opérations immobilières qu’il conduisait ; qu’elle rappelait que les relations entre les parties étaient à ce point enchevêtrées que M. R… exerçait de fait des fonctions de direction au sein de la société Groupe cardinal et que les parties avaient conjointement engagé des négociations en vue de l’entrée de la société Apodiss dans le capital de la société Financière cardinal et de la nomination de M. R… en qualité de directeur général de cette société ; qu’en ne s’expliquant pas sur ces circonstances, qui justifiaient en tout état de cause la prise en considération de l’état de dépendance dans lequel se trouvait placée la société Apodiss vis-à-vis de la société Groupe cardinal, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 du code de commerce ;
4°/ que le juge doit tenir compte, dans la détermination du préavis qui doit être délivré au commerçant qui supporte la rupture d’une relation commerciale établie au sens de l’article L. 442-6 du code de commerce, des spécificités liées au secteur dans lequel les parties interviennent ; qu’en statuant comme elle l’a fait, par des motifs qui ne permettent pas d’établir qu’elle aurait tenu compte, comme elle y était pourtant invitée, des spécificités inhérentes à l’activité de la promotion immobilière, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6 du code de commerce. »