Your cart is currently empty!
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 16
Chambre commerciale internationale
ARRÊT DU 01 DECEMBRE 2020
Renvoi après cassation
(n° /2020, 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/03289 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7JIG
Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 04 Novembre 2014 par le Tribunal de Commerce de PARIS (RG n° 2014000592) ayant fait l’objet d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 14 octobre 2016 cassé partiellement par un arrêt du 14 novembre 2018.
DEMANDERESSE :
Société MAZROUI TRADING AND GENERAL SERVICES
Ayant son siège social: [Adresse 4] (EMIRATS ARABES UNIS)
Prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148- ayant pour avocat plaidant Me Catherine DUSSANS, avocat au barreau de PARIS, toque : A0916
DEFENDERESSE :
SA CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE (CMN)
Venant aux droits de la Société d’Armement Maritime et des Transports (SAMT) et de la Société pour l’Industrie et l’Armement (SOFFIA).
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B562 110 965
Ayant son siège social: [Adresse 1]
Prise en la personne de ses représentants légaux,
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480 – ayant pour avocat plaidant Me Jean-Marie TOMASI de la SCP SCP D’AVOCATS LEBAS TOMASI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0289
PARTIE INTERVENANTE:
SOCIETE FINANCIERE DE ROSARIO, SA
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le n° 716 580 477
Ayant son siège social: [Adresse 2]
Prise en la personne de ses représentants légaux,
Intervenante forcée,
Représenté par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125 – ayant pour avocat plaidant Me Didier MALKA, Me Isabelle FORTIN du LLP WEIL GOTSHAL & MANGES (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : L0132
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 19 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. François ANCEL, Président
Mme Fabienne SCHALLER, Conseillère
Mme Laure ALDEBERT, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Monsieur [P] [L] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Clémentine GLEMET
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par François ANCEL, Président et par Clémentine GLEMET, Greffière à qui la minute a été remise par le magistrat signataire.
I- FAITS
Présentation des parties
1-La société Mazroui Trading And General Services (ci-après désignée « la société Mazroui »), est une société de droit des Emirats Arabes Unis (EAU), dont le siège est à [Localité 3], qui se présente comme exerçant une activité de représentation commerciale, de prestations de services et de commerce.
2-La société Constructions Mécaniques De Normandie (ci-après désignée « la société CMN ») qui vient aux droits de la Société d’Armement Maritime et des Transports (ci-après désignée « la SAMT », elle-même venant aux droits de la SAMT Félix Amiot) et de la société Pour L’industrie et L’armement (ci-après désignée la SOFFIA) exerce une activité dans le secteur de la construction de navires et de structures flottantes.
3-La société Financière De Rosario vient aux droits de la société Financière Immobilière La Boissière Beauchamps (ci-après désignée « la société SFIBB »), laquelle détenait 99,99 % du capital de la SAMT (elle-même détenant 99,99% de la société CMN).
Exposé des faits
4-Les 25 août 1982 et 8 novembre 1983, la société CMN a confié à la société Mazroui à titre exclusif la mission d’assurer la promotion des bateaux patrouilleurs côtiers de la société CMN auprès des administrations compétentes des Emirats Arabes Unis (EAU) en contrepartie du versement d’une commission de 10 % du montant du marché qui serait signé si l’offre de CMN était acceptée. Ce contrat était prévu pour une durée d’un an renouvelable par accord mutuel à compter du 25 août 1983.
5-Par lettre du 10 avril 1984, la société CMN a étendu ce mandat afin d’y inclure la promotion de quatre vedettes rapides moyennant une rémunération fixée pour ce marché à 5%.
6-Le 10 mai 1984, la direction des Forces Armées des EAU a invité la société CMN, avec quatre autres sociétés dont la société allemande Lurssen, à « proposer leurs prix pour les bateaux maritimes de dimensions 30-35 mètres ».
7-Le 27 juin 1984, les EAU ont lancé un appel d’offres n° DGP/NF/84/1634/5 pour la fourniture de six patrouilleurs côtiers.
8-Le 22 août 1984, la société CMN a transmis aux EAU une offre n°326/84 portant sur la fourniture de six navires patrouilleurs côtiers rapides aux Forces Armées des EAU.
9-Par lettre du 18 septembre 1984, annulant et remplaçant les courriers datés des 25 août et 8 novembre 1983, la SAMT FELIX AMIOT (devenue ensuite la société SAMT), qui s’est substituée à CMN, a mandaté à titre exclusif la société Mazroui afin de promouvoir son offre du 22 août 1984 auprès des administrations correspondantes des EAU en contrepartie d’une commission de 10 % du montant du marché qui serait signé si l’offre était acceptée.
10-Ce courrier précisait que ce mandat était octroyé pour une année « c’est à dire jusqu’au 25 août 1985 » et que « si aucun marché n’est entré en vigueur à cette date là, le présent courrier sera considéré comme nul et non avenu ».
11-Le 10 février 1985, la direction des Forces Armées des EAU a invité la société CMN, avec quatre autres sociétés dont la société allemande Lurssen, à « proposer leurs prix pour les bateaux maritimes de dimensions 30-35 mètres et dimension 60 mètres».
12-Le 25 février 1985, les autorités des EAU ont demandé à la société CMN de venir présenter leurs produits au titre de l’offre du 22 août 1984 mais également pour d’autres matériels et notamment des hélicoptères et des systèmes de conduite de tir.
13-Par lettre datée du 21 mars 1985, la société SAMT a notifié à la société Mazroui la rupture du contrat aux motifs que l’appel d’offre du 27 juin 1984 ayant « été annulé », l’offre qu’elle avait émise n’avait plus d’objet et qu’elle était donc dégagée de « toute responsabilité » vis à vis de la société Mazroui.
14-Le 20 mai 1985, la direction des Forces Armées des EAU retenait au titre des appels d’offres portant sur des bateaux de dimensions 60 mètres et 38 mètres, la société CMN avec la société Lurssen et invitait ces deux sociétés à venir discuter des cahiers et des charges et des prix.
15-Le marché portant sur l’appel d’offre n° DGP/NF/84/1634 émis en juin 1984 a finalement été attribué à la société de droit allemand Lurssen le 14 février 1987.
16-Le 13 janvier 1992, la SFIBB qui détenait 99,99 % du capital de la SAMT, a cédé à la société SOFFIA l’ensemble de ses actions moyennant un prix de 15 millions d’euros, dont le paiement a été échelonné au terme d’un avenant conclu le 25 février 1992.
17-A la suite de difficultés de paiement des échéances, la société SOFFIA a introduit une procédure arbitrale en application de la clause compromissoire insérée à l’article 7 de ce protocole de cession d’action.
18-Après discussions entre les parties, un protocole d’accord transactionnel a été conclu entre la société SFIBB et la société SOFFIA le 19 avril 1994 au terme duquel les parties sont convenues de ramener le prix de cession des actions à la somme de 8 700 000 Francs majoré de 6 000 000 francs au cas où SOFFIA, SAMT ou CMN viendrait à conclure avant le 31 mars 1995 un contrat de construction de navires d’un montant de 350 000 000 francs avec l’un des pays mentionnés dans le protocole.
II- PROCEDURE
19-Par acte du 13 janvier 1986, la société Mazroui a assigné les sociétés SAMT et CMN devant le tribunal de commerce de Paris pour voir dire que la résiliation, par la société SAMT, du contrat était fautive, condamner solidairement les sociétés CMN et SAMT à lui payer un Franc de dommages et intérêts à titre d’indemnisation du préjudice moral résultant de cette résiliation fautive et lui donner acte qu’elle se réserve de demander ultérieurement l’indemnisation de son préjudice matériel.
20-Par jugement du 21 janvier 1987, le tribunal de commerce de Paris a jugé que cette résiliation était abusive et a condamné les sociétés SAMT et CMN à un Franc de dommages intérêts pour préjudice moral et donné acte à la Mazroui qu’elle se réservait de solliciter ultérieurement la réparation de son préjudice matériel.
21-Par arrêt du 11 janvier 1990, la cour d’appel de Paris a notamment déclaré la loi de l’Etat des Emirats Arabes Unis applicable au contrat de représentation qui liait la société Mazroui à la société SAMT, dit que ce contrat n’était pas nul et n’est pas devenu caduc, et confirmé pour le surplus le jugement en ce qui concerne la résiliation dudit contrat et les condamnations prononcées contre la SAMT.
22-Par arrêt du 9 juin 1992, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des société SAMT et CMN.
23-Par acte en date du 3 juin 1998, la société Mazroui a assigné devant le tribunal de commerce de Paris la société SAMT en paiement de la somme de 37.068.661 euros, au titre de réparation de son préjudice matériel résultant de son manque à gagner et correspondant à 10% du montant prévisible du marché attribué finalement à la société Lurssen.
24-Estimant que la société SFIBB, aux droits de laquelle vient la société Financière de Rosario, avait notamment commis une faute intentionnelle en leur dissimulant lors de la cession des actions le contenu exact du litige avec la société Mazroui, les sociétés SAMT et SOFFIA ont, par acte du 24 novembre 1998, assigné en intervention forcée la société SFIBB aux fins notamment de dire que cette dernière sera condamnée à verser à la société SOFFIA des dommages et intérêts pour dissimulation de renseignements indispensables, négligences, qui seront égaux au montant de la condamnation prononcée à l’encontre de la société SAMT.
25-Le tribunal de commerce de Paris a par jugement en date du 13 janvier 2009, constaté le péremption de l’instance.
26-La Cour d’appel de Paris, par arrêt en date du 12 janvier 2011, a réformé ce jugement, déclaré l’instance non périmée et renvoyé les parties devant le tribunal de commerce.
27-Par jugement en date du 4 novembre 2014, le tribunal de commerce de Paris :
-s’est déclaré compétent pour se prononcer sur les demandes de la société CMN à l’encontre de la société ROSARIO, venant aux droits et obligations de la société SFIBB ;
-a dit recevable mais mal fondée la société Mazroui en ses demandes, l’en a déboutée ;
-a débouté la société CMN de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société Mazroui ;
-a débouté la société Financière De ROSARIO de sa demande de dommages et intérêts à l’encontre de la société CMN ;
-a condamné, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la société Mazroui à payer à la société CMN la somme de 100.000,00 euros et la société CMN à payer la somme de 3.000 euros à la société Financière de Rosario, venant aux droits et obligations de la société SFIBB ;
-dit n’ y avoir lieu à exécution provisoire ;
-condamné la société Mazroui aux entiers dépens.
28-Le 3 décembre 2014 la société Mazroui a interjeté appel de ce jugement.
29-Par arrêt du 14 octobre 2016, la cour d’appel de Paris a :
– Confirmé le jugement entrepris, sauf à ordonner la rectification de l’erreur matérielle entachant le dispositif de ce jugement relatif à la confirmation de la compétence de la juridiction étatique pour statuer sur la demande de la société CMN (et non comme indiqué par erreur de la société Mazroui) à l’encontre de la société Financière De Rosario nonobstant l’existence de la clause compromissoire ;
– Condamné, en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel la société Mazroui à payer à la société CMN la somme de 50.000 euros, et la société CMN à la SA Financière de Rosario la somme de 10.000 euros,
– Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
– Condamné la société Mazroui aux dépens d’appel, ces derniers étant recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
30-Statuant sur le pourvoi formé par la société Mazroui, la cour de cassation a, par arrêt du 14 novembre 2018, cassé et annulé cet arrêt mais seulement en ce qu’il :
-a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts de la société Mazroui contre la société CMN,
-s’est déclaré compétent pour se prononcer sur les demandes de celle-ci contre la société Financière de Rosario,
-a statué sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens,
31-La cour de cassation a renvoyé la cause et les parties sur ces points devant la cour d’appel de Paris autrement composée.
III ‘ PRETENTIONS DES PARTIES
32-Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 8 septembre 2020, la société Mazroui demande à la Cour, au visa notamment de la Loi Fédérale n°18 du 11 août 1981 des Émirats Arabes Unis et plusieurs articles du code civil et du code de commerce des Émirats Arabes Unis, de bien vouloir :
– Réformer le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 4 novembre 2014 en ce qu’il a déclaré mal fondée la société Mazroui en toutes ses demandes et l’en a déboutée, et en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société CMN, venant aux droits de la SAMT la somme de 100.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau :
– Dire et juger la société Mazroui recevable en sa demande d’indemnisation financière pour le préjudice financier subi du fait de la rupture abusive de ses relations contractuelles avec la société CMN-SAMT du 21 mars 1985 ;
– Dire et juger que l’action introduite par la société Mazroui par exploit en date du 3 juin 1998 à l’encontre de la société CMN est recevable et bien fondée par application des textes légaux de droit émirati susvisés ;
– Débouter la société CMN de toutes ses demandes, fins et conclusions comme étant irrecevables et mal fondées ;
– Condamner la société CMN, à verser à la société Mazroui la somme de 37.068.661 € (ou son équivalent en Dirhams des Emirats Arabes Unis), avec intérêts au taux de 12 % à compter du jugement du Tribunal de Commerce de Paris du 21 janvier 1987 ou subsidiairement de l’exploit introductif d’instance du 3 juin 1998 et jusqu’à l’arrêt à intervenir, avec capitalisation à partir de la date de cet arrêt jusqu’à parfait paiement, en réparation du préjudice financier subi par elle du fait de la résiliation abusive par CMN-SAMT de leurs relations contractuelles, par application des dispositions légales susvisées en vigueur aux Emirats Arabes Unis ;
– Déclarer irrecevable et en tout cas mal fondée la demande de CMN en paiement d’une somme de 500.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– Condamner la société CMN à verser à la société Mazroui la somme de 200.000 euros à titre à titre de réparations complémentaires valant dommages et intérêts par application de l’article 91 du Code des Transactions Commerciales émirati, pour résistance abusive et de mauvaise foi de CMN dans l’exécution de ses obligations ;
– La condamner également au remboursement de la somme de 20.000 euros à elle versée par la société Mazroui en application des dispositions du jugement du Tribunal de Commerce du 13 janvier 2009, réformé par l’arrêt de la Cour d’appel du 12 janvier 2012, avec intérêts de droit ;
– Condamner la société CMN à verser à la société Mazroui la somme de 200.000 euros en application en application des dispositions de l’article 91 du Code des Transactions Commerciales émirati et subsidiairement de l’article 700 du CPC français, et aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction pour ceux la concernant au profit de Maître Véronique DE LA TAILLE, avocat au Barreau de Paris, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
– Statuer sur ce que de droit sur l’appel provoqué requis par la société CMN à l’encontre de la société Financière de Rosario venant aux droits de la société SFIBB.
33-Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 6 octobre 2020, la société CMN demande à la cour d’appel, au visa notamment de l’article 292 du code civil des EAU, de :
– Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a déclaré la Loi de 1981 inapplicable, constaté que la société Mazroui ne rapporte pas la preuve d’un lien de cause à effet entre le préjudice et le fait générateur, déclaré recevable la société CMN en sa demande à l’encontre de la société ère de Rosario, débouté cette dernière de ses demandes à l’encontre de la société CMN et condamné la société Mazroui à payer à la société CMN la somme de 200.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Réformer le jugement pour le surplus et statuant à nouveau :
– Dire et juger que la société Mazroui ne rapporte pas la preuve d’un lien de causalité et d’un préjudice ;
– Débouter la société Mazroui de ses demandes par application de la directive KHALIFA ;
– Débouter la société Mazroui de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
– Dire recevable et bien-fondé l’appel provoqué requis par la société CMN à l’encontre de la société FINANCIERE DE ROSARIO venant aux droits de la société SFIBB ;
– Dire et juger que la société FINANCIERE DE ROSARIO venant aux droits et obligations de la SFIBB sera condamnée à verser à la société CMN des dommages et intérêts pour dissimulation de renseignement indispensables, négligences, à hauteur du montant de la condamnation prononcée à l’encontre de la société CMN ;
– Débouter la société FINANCIERE DE ROSARIO de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
– Condamner la société Mazroui à payer à la société CMN, la somme de 500.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
– Condamner la société FINANCIERE DE ROSARIO venant aux droits et obligations de la SFIBB à payer à CMN la somme de 3 000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– Condamner la société Mazroui à payer à la société CMN la somme de 200 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens, dont distraction pour ceux-là concernant au profit de la SCP BOLLING DURAND LALLEMENT, société d’avocats, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
34-Aux termes de ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 3 janvier 2020, la société Financière De Rosario demande à la cour d’appel de :
A titre principal
– In limine litis, infirmer le jugement entrepris en ce qu’il s’est déclaré compétent pour connaître de la demande la société CMN et, statuant à nouveau, se déclarer incompétent au profit du Tribunal arbitral pour connaître des demandes de la société CMN à l’encontre de Financière de Rosario ;
A titre subsidiaire
– Infirmer le jugement en ce qu’il a jugé la société CMN recevable en ses demandes et, statuant à nouveau, juger la société CMN irrecevable en ses demandes à l’encontre de Financière de Rosario ;
A titre très subsidiaire
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société CMN de toutes ses demandes à l’encontre de la société Financière de Rosario ;
En tout état de cause :
– condamner la société CMN à payer à la société Financière de Rosario la somme 15.000 € pour procédure abusive ;
– condamner la société CMN à payer à la société Financière de Rosario la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société CMN aux dépens dont distraction au profit de Maître Teytaud conformément à l’article 699 du Code de procédure civile.
35-L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 octobre 2020.
IV ‘ MOYENS DES PARTIES ET MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’indemnisation du préjudice matériel de la société Mazroui
36-La société Mazroui, qui rappelle que les arguments de la société CMN relatifs à la qualification du contrat, à la prescription de l’action, et à la nullité des accords en vertu de l’ordre public émirati ne sont plus dans le champ de l’appel et sont donc inopérants, soutient en substance qu’au regard de la loi émiratie, la rupture fautive d’un contrat suffit à elle seule à fonder le droit à indemnisation de la victime de sorte que cette réparation forfaitaire ne suppose pas la démonstration d’un lien de causalité entre la faute commise et le préjudice subi.
37-Elle fait valoir que selon cette loi, il est retenu un principe d’une indemnisation équivalente au préjudice subi dès lors que la rupture contractuelle a été déclarée fautive de sorte que seul le caractère fautif de la rupture suffit à fonder le droit à indemnisation de la partie lésée, sans que l’existence du lien de causalité entre la rupture et le préjudice doivent être démontré.
38-Elle considère à cet égard que les dispositions de la loi n° 18 de 1981 sur les Agents Commerciaux ont vocation à s’appliquer et notamment ses articles 8 et 9 relatifs à l’indemnisation de l’Agent pour rupture abusive dès lors qu’elle justifie de son inscription sur le registre des agents commerciaux, de sorte que son indemnisation doit être déterminée en fonction de la perte de gain ou de chance relative au contrat dont elle a été privée du bénéfice par la résiliation abusive de CMN, c’est-à-dire le montant de la commission à laquelle elle aurait pu prétendre.
39-Elle soutient que la rupture du contrat de représentation à l’initiative de la société CMN et dans les conditions dans lesquelles elle est intervenue, suffit en elle-même à emporter l’indemnisation de la société Mazroui et que ce principe à indemnisation s’applique non seulement au dommage subi mais à l’indemnisation de la perte de bénéfices dont elle peut être la victime, ou encore la perte de chance.
40-La société Mazroui ajoute que le principe de son droit à indemnisation résulte, à défaut d’application de la loi de 1981, du droit général des Emirats Arabes Unis et notamment des articles 106, 292 et 956 du Code Civil, l’article 214 du Code de Commerce.
41-Elle précise que son manque à gagner est égal à 10% du montant prévisible du marché des patrouilleurs côtiers, ces 10% correspondant au montant de la rémunération contractuellement due aux termes des lettres d’engagement de Mazroui et que le montant du marché étant estimé à l’équivalent de 725.000.000 de Deutsche Marks, soit 370.686.614 €, son manque à gagner est donc de 37.068.661 euros.
42-En réponse la société CMN fait valoir que la question de la réparation du préjudice sans la démonstration d’un lien de causalité a été définitivement jugée, tout comme la non-application de la Loi de 1981 sur les agents commerciaux.
43-Elle expose à titre subsidiaire en substance que contrairement à ce que la société Mazroui prétend, cette dernière n’a pas un droit acquis à indemnisation que ce soit au titre des précédentes décisions judiciaires rendues ou au titre des différents textes émiratis qui ne consacrent pas la réparation automatique du préjudice.
44-Elle considère en tout état de cause que la loi émiratie de 1981 sur l’agence commerciale n’est pas applicable en la cause, dès lors d’une part, que l’accord litigieux ne correspond pas à une agence commerciale proprement dite qui implique notamment du mandataire la conclusion de marchés au nom de son représenté de manière indépendante, la mise en place d’une infrastructure, l’organisation d’opérations de promotion et de communication pour vendre les produits du représenté sur un territoire défini et d’autre part, que ni la société Mazroui ni l’accord de représentation n’ont été immatriculés contrairement aux exigences de l’article 3 de cette loi et son décret d’application n°22 de 1981. Elle ajoute qu’il résulte de l’article 28 de cette loi que les litiges doivent être obligatoirement soumis à une commission des agences commerciales préalablement à toute action en justice et qu’à défaut l’action est irrecevable de sorte qu’aucune soumission n’ayant été faite à une telle commission, l’action de Mazroui se fondant sur l’application de la Loi Fédérale No 18 est irrecevable.
45-La société CMN soutient enfin que les autres règles du droit émirati issues du code civil et du code commercial consacrent l’exigence d’un lien de causalité et qu’aucune pièce du dossier ne corrobore qu’entre le 21 mars 1985, date de la résiliation du contrat, et le 25 aout 1985, date de la fin du contrat, il y aurait eu d’ultimes négociations et qu’elle lui aurait permis d’obtenir le marché au lieu et place de la société Lurssen, alors même que la société CMN a été sélectionnée après la rupture du contrat avec la société Mazroui.
46-La société CMN, qui considère que la preuve de la prise en compte de la perte de chance en droit émirati n’est pas rapportée, ajoute que la société Mazroui ne pourrait en tout état de cause y prétendre au regard de l’analyse des offres des deux concurrents, étant observé que la comparaison des deux offres fait ressortir que la société CMN-SAMT était plus qu’en mauvaise position par rapport à son concurrent, le prix des patrouilleurs de CMN-SAMT étant supérieurs de plus de 50 Millions de DM par navire (auquel il fallait rajouter le coût de l’armement qui était compris dans l’offre allemande).
47-La société CMN considère que la société Mazroui ne rapporte pas la preuve que la non-obtention du marché est directement liée à la résiliation jugée fautive du mandat, ni qu’elle aurait joué un rôle déterminant dans le fait que la société CMN obtienne le marché avec une offre largement supérieure à l’offre de sa concurrente et que dès lors elle pouvait raisonnablement espérer que la société CMN remporte l’adjudication pour être indemnisée de son bénéfice escompté.
48-Elle rappelle que les appels d’offres pour des ventes commerciales de biens auprès des Forces Armées des Emiraties sont soumis à des règles spéciales, et que les contrats dits « défense », la nomination d’agents, représentants et intermédiaires est interdite, ainsi que le paiement d’une commission à ce titre, ce qui a été confirmé par une directive du 9 décembre 1986 ‘ dite Directive Khalifa de telle sorte qu’aucune commission n’aurait pu être versée à un intermédiaire au titre de la négociation et finalisation du contrat pour la fourniture des patrouilleurs ‘ quelle que soit l’identité de celui qui l’emportait ‘ sans être dans la totale illégalité et sans s’ouvrir à des sanctions substantielles, ce que la société Mazroui devait évidemment savoir.
49-La société CMN soutient enfin à titre subsidiaire que la société Mazroui ne peut qu’être déboutée s’agissant du quantum de préjudice réclamé dès lors que celui-ci s’appuie sur le marché qui aurait été conclu avec la société Lurssen dont le contrat n’est pas communiqué en intégralité et qu’elle n’est pas davantage fondée à solliciter des intérêts au taux de 12% à compter l’acte introductif d’instance en demande de dommages et intérêts financiers, soit le 3 juin 1998, avec capitalisation à compter du Jugement et jusqu’à complet paiement alors que il ne s’agit ici pas d’un retard dans l’exécution d’une quelconque obligation, mais d’une demande de dommages et intérêts dont le principe et le montant ne sont toujours pas acquis ni déterminés puisque c’est justement l’objet de la présente instance.
Sur ce,
Sur le périmètre de la saisine de la cour d’appel de renvoi ;
50-Il convient de rappeler qu’aux termes d’un jugement rendu le 21 janvier 1987, le tribunal de commerce de Paris a jugé que la résiliation du contrat litigieux était abusive et a condamné les sociétés SAMT et CMN à payer à la société Mazroui la somme de un Franc à titre de dommages intérêts pour préjudice moral et a donné acte à la Mazroui qu’elle se réservait de solliciter ultérieurement la réparation de son préjudice matériel.
51-Par arrêt du 11 janvier 1990, la cour d’appel de Paris a qualifié le contrat litigieux non pas de contrat de « courtage » mais de « contrat de représentation », a déclaré la loi des Emirats Arabes Unis applicable à ce contrat, reconnu la validité de ce contrat et confirmé pour le surplus le jugement en ce qui concerne la résiliation dudit contrat et les condamnations prononcées.
52-Par arrêt du 9 juin 1992, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des société SAMT et CMN.
53-Par ailleurs, par arrêt du 14 octobre 2016, la cour d’appel de Paris a notamment confirmé le jugement du tribunal de commerce du 4 novembre 2014 en ce qu’il a dit recevable l’action en réparation de son préjudice matériel de la société Mazroui, ce point n’ayant pas été inclus dans le périmètre de la cassation prononcée le 14 novembre 2018.
54-Il ressort de ces éléments, aujourd’hui définitifs, que la validité du contrat de « représentation » conclu entre la société Mazroui et la société CMN et soumis au droit des Emirats Arabes Unis est acquise, de même que la recevabilité de la demande en réparation et la rupture unilatérale sans motif valable de ce contrat par la société CMN de sorte que la présente cour d’appel de renvoi n’est plus saisie que de deux demandes principales à savoir, d’une part, l’examen du bien fondé de la demande d’indemnisation formée par la société Mazroui de son préjudice matériel consécutif à la rupture ; et d’autre part, la compétence des juridictions étatiques pour connaître de l’action engagée par la société CMN contre la société Financière De Rosario et le cas échéant l’examen du bien fondé de cette demande.
55-Les demandes des parties qui excèdent ce champ, et notamment celle qui porte sur la validité du contrat litigieux au regard de la loi Emirati, seront en conséquence rejetées.
Sur la demande d’indemnisation du préjudice matériel de la société Mazroui ;
56-Il convient à titre liminaire d’observer que le tribunal de commerce de Paris au terme de son jugement rendu le 21 janvier 1987, confirmé sur ce point par la cour d’appel de Paris, a simplement donné acte à la société Mazroui « qu’elle se réserve de demander ultérieurement la réparation de son préjudice matériel », de sorte que ce tribunal n’a pas statué sur l’indemnisation de ce préjudice ni sur son montant.
57-S’il est exact par ailleurs que dans ses motifs, la cour d’appel de Paris a jugé que la loi émiratie de 1981 sur les agences commerciales n’avait pas vocation à s’appliquer, la cour de cassation ayant cassé la décision de la cour d’appel sur l’appréciation du bien fondé de la demande d’indemnisation, il appartient à la présente cour de renvoi d’apprécier le moyen tiré de l’application au contrat de représentation litigieux de ladite loi.
Sur l’application de la loi n°18 de 1981 relative aux agences commerciales ;
58-A cet égard, cette loi porte, comme d’ailleurs le reconnaît la société Mazroui dans ses écritures essentiellement sur la réglementation de l’activité de représentation d’un mandant par un agent dans le but de fournir un service en contrepartie de commissions ou de bénéfices.
59-Ainsi, l’article 1erde la loi définit l’agence commerciale comme « la représentation du mandant par le mandataire pour distribuer, vendre, exposer ou présenter un produit ou un service à l’intérieur de l’Etat en échange d’une commission ou un profit » et son article 3 dispose que « Aucune personne ne peut exercer une activité d’agence commerciale dans les Emirats Arabes Unis, à moins que son nom n’ait été enregistré dans le registre des agents commerciaux prévu à cet effet auprès du Ministère » l’économie et du commerce.
60-En outre, il ressort de l’article 4 de cette même loi, dans sa traduction de l’arabe vers le français effectuée par un traducteur assermenté (Bureau Haddad) que « Pour que le mandat soit valide, l’agent doit être directement lié au mandant principal par un contrat écrit » « notarised », c’est à dire légalisé ou certifié.
61-Il résulte de ces éléments que cette loi entend régir les personnes exerçant une activité d’agence commerciale qui sont inscrites sur un registre spécial et que les contrats concernés doivent être rédigés par écrit et certifiés par les autorités compétentes.
62-Ainsi, la protection juridique de l’agent telle que régie par la Loi 1981 et notamment les conditions de résiliation des contrats et le droit à réparation visées aux articles 8 et 9, n’ont vocation à s’appliquer qu’aux parties qui justifient remplir les conditions posées par cette loi.
63-Enfin, il ressort des articles 27 et 28 de cette loi que tout litige qui découle de l’application d’une agence commerciale est soumis préalablement à la commission des agences commerciales avant d’être portés devant les juridictions.
64-En l’espèce, la société Mazroui ne justifie pas que le contrat conclu le 25 août 1982, réitéré les 8 novembre 1983 et 18 septembre 1984, puisse rentrer dans les prévisions de la loi n°18 de 1981 précitée dès lors d’une part, qu’il n’est justifié d’aucune certification dudit contrat et d’autre part que, si elle produit deux documents pour justifier de son inscription sur le registre précité, l’un est une attestation d’immatriculation à la chambre du commerce et d’industrie d’Abu D’habi au nom de M. [K] (exerçant sous la forme juridique « individuelle ») et l’autre est une licence commerciale (« trade licence ») également au nom de M. [K] de sorte qu’ils ne permettent pas de confirmer cette inscription au profit de la société Mazroui.
65-Enfin, en l’espèce, la société Mazroui ne justifie pas avoir saisi la commission des agences commerciales avant d’engager son action devant les juridictions de sorte qu’elle avait elle-même manifestement considéré à l’époque ne pas relever de son champ d’application.
66-Il convient en conséquence de confirmer sur ce point le jugement du tribunal de commerce de Paris qui a écarté l’application de cette loi au présent litige.
67-Cependant, comme cela résulte de la consultation de Monsieur le Professeur [N] du 5 avril 2013, si cette loi n’est pas applicable, le contrat liant les deux parties qualifié de « contrat de représentation » par l’arrêt de la cour d’appel du 11 janvier 1990 aujourd’hui définitif et liant la cour, pour autant « soumis au droit commun applicable aux relations entre commerçants c’est à dire le Code civil jusqu’en 1993 et, depuis 1993, la loi n°18 de 1993 sur les transactions commerciales » de sorte que l’examen du bien fondé de la demande de la société Mazroui doit être appréciée au seul regard du droit commun civil et commercial émirati, que la société Mazroui invoque au demeurant aussi à titre subsidiaire, sans que cela soit contesté par les intimés.
Sur l’application du droit commun civil et commercial Emirati ;
68-Il convient de relever que si les parties s’opposent quant à l’application de la loi n°18 de 1981 pour régir leur relation contractuelle, elles admettent en revanche l’application du droit civil et commercial commun.
69-A cet égard, il n’est pas contesté qu’en application de l’article 282 de la loi émiratie sur les transactions en matière civile « tout dommage causé à autrui rendra l’auteur contrevenant, même si ce n’est pas une personne ayant discernement, responsable de la réparation du dommage ».
70-En outre, l’article 292 de cette même loi dispose que « L’indemnité est dans tous les cas estimée au montant du dommage supporté par la victime et des pertes qu’il a subies à condition que ces dernières soient une conséquence naturelle des agissements du lésionnaire».
71-Il en résulte, comme l’indique la consultation du cabinet Goodwins sur la jurisprudence des Emirats Arabes Unis s’appuyant sur une décision de la cour de cassation d’Abu D’habi n°721/année judiciaire, qu’en « vertu des dispositions des articles 282, 291 et 293 de la Loi des EAU sur les transactions en matière civile, tout dommage causé à un tiers implique que l’auteur répare ce dommage. Le dommage doit dans tous les cas être évalué conformément au dommage subi par la partie lésée, ainsi qu’avec la perte de revenus, à condition que ce soit une conséquence du fait dommageable ».
72-De même, au terme de la consultation émanant du cabinet Hilal&Associates, avocats à Abu Dhabi, il est précisé qu’il résulte de l’article 292 précité que « toute personne ayant le droit de réclamer une indemnisation pour tout dommage qui lui est causé par une autre personne a également le droit de réclamer dans cette indemnisation la perte de bénéfice dont elle peut être la victime en raison du dommage causé par cette autre personne ».
73-Enfin, au terme d’une consultation sur le droit emirati émanant du cabinet Al Tamini & Company en date du 8 juillet 2020, il est précisé que dans des décisions rendues le 22 mai 2004 (n°585 de 2003J) et le 17 décembre 2006 (n°122 DE 2006j) la cour de cassation de Dubaï a jugé qu’il «est bien établi dans la jurisprudence de notre cour que, dans le contexte de la responsabilité contractuelle, le créancier a la charge de la preuve de la faute du débiteur pour non exécution de ses obligations contractuelles ou le retard dans l’exécution de ses obligations, et des dommages résultant d’une telle faute, tandis que le lien de causalité est présumé une fois la faute et les dommages prouvés, dans la mesure où le débiteur ne peut réfuter le lien de causalité sauf à apporter la preuve d’un cas de force majeure, une raison étrangère ou le fait d’un tiers ou la faute du créancier ».
74-Il ressort de ces éléments que s’il est nécessaire en droit commun émirati de la responsabilité contractuelle d’établir un lien de causalité entre la faute et le dommage, ce lien est dans certains cas, présumé.
75-En outre, s’il ne ressort pas de manière expresse de ces textes que la perte de chance constitue un préjudice réparable, une telle reconnaissance résulte de la jurisprudence ainsi que plusieurs consultations concordantes produites aux débats en attestent.
76-Ainsi, dans un « Avis juridique concernant une demande en réparation pour perte de chance/opportunité dans le cadre du droit des EAU » du 16 février 2016, le cabinet GOODWINS indique que « les articles 282 et 292 de la loi des EAU sur les transactions en matière civile qui traitent de la perte de bénéfices ont été interprétés par les Tribunaux des EAU pour intégrer intégralement la perte de chance/d’opportunité ».
77-En outre, dans une consultation complémentaire du 8 avril 2020, ce cabinet indique, sur le fondement d’une décision de la cour de cassation de Dubaï n°46/2006 qui a précisé que « rien dans la loi n’empêche d’inclure le gain escompté dans le calcul de la perte de gain dès lors que ces attentes sont fondées sur des fondements raisonnables », que « la cour fait une distinction entre la certitude et l’espérance. Bien que le manque à gagner englobe naturellement les gains, qui étaient certains d’être réalisés si la rupture n’avait pas eu lieu, l’article 292 ou même toute disposition dans les lois des EAU, n’exclut pas les gains que la partie lésée aurait pu raisonnablement espérer si la rupture n’avait pas eu lieu. Il est donc logique de conclure que par la seule démonstration de la perte des gains escomptés, la partie lésée a amplement rempli la charge de la preuve du lien de causalité entre la rupture et la perte de gains ».
78-Par ailleurs, une consultation du Cabinet TAMKEEN en date du 17 février 2016 ayant pour objet « perte d’opportunité ‘ droit des EAU » explique à propos de l’article 292 du code civil précité que s’il « n’y a pas de texte de loi particulier traitant de la perte de chance/d’opportunité, cependant l’article de loi ci-dessus a été interprété pour intégrer la perte d’opportunité ».
79-Ces analyses sont corroborées par la consultation du professeur [N] qui cite une décision de la cour de cassation d’Abu Dhabi en date de du 30 avril 2015 (n°572/24) aux termes de laquelle celle-ci a précisé que pour apprécier la perte du gain escompté, « il faut que la perte elle-même du gain escompté soit certaine et prouvée, même si l’acquisition du gain n’est pas certaine, et la perte du gain escompté sera certaine si la victime peut raisonnablement espérer le réaliser ».
80-Au regard de ces éléments concordants, il y a lieu de considérer que la perte de chance est réparable selon le droit émirati, et qu’il appartient aux tribunaux d’apprécier le montant de l’indemnisation due au regard de la perte effectivement subie par la victime.
81-Il appartient dès lors à la cour d’apprécier en l’espèce si la rupture fautive du contrat de représentation le 21 mars 1985 avant son échéance prévue le 25 août 1985, autorise la société Mazroui à être indemnisée de la perte de gains qu’elle aurait pu raisonnablement réaliser et, en cas de réponse positive, d’en évaluer le quantum.
82-A cet égard, il ressort des éléments de faits de l’espèce que la résiliation du contrat de représentation est intervenue le 21 mars 1985 avant l’échéance du contrat au prétexte de l’annulation de l’appel d’offre par les autorités des EAU et que ce motif s’est révélé erroné dès lors que le contrat finalement conclu avec l’entreprise concurrente de la société CMN porte bien comme numéro celui de l’appel d’offre pour lequel la mission de représentation avait été confiée à la société Mazroui ( à savoir le numéro DGP/NF/84/1634/5).
83-Il est établi par ailleurs que :
-Le 10 février 1985, le Chef des Forces Armées indiquait souhaiter avoir les prix de la société CMN pour la fourniture de patrouilleurs de 60 mètres en plus des patrouilleurs de 35-38 mètres, et ce dans un panel avec quatre autres sociétés sélectionnées dont la société Lurssen.
-Le 20 mai 1985, la Direction des Forces Armées a sollicité la convocation des sociétés CMN et Lurssen afin de discuter avec elles des cahiers des charges et des prix présentés « vu que ces deux sociétés ont été retenues parmi les sociétés qui ont présenté leur offres ».
-L’appel d’offre (DGP/NF/84/1634/5) a été attribué à la société Lurssen selon contrat conclu avec les autorités EAU le 5 mars 1987.
84-Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la résiliation le 21 mars 1985 du contrat de représentation a bien privé la société Mazroui de la possibilité de poursuivre les négociations avec les autorités des EAU à son terme et le bénéfice éventuel de la commission prévue au contrat en cas d’attribution du marché à la société CMN.
85-La disparition de cette éventualité constitue en conséquence un préjudice certain et direct de la société Mazroui qui résulte de la résiliation du contrat de telle sorte que celle-ci est bien fondée à en solliciter la réparation quand bien même l’issue de l’appel d’offre ne s’est concrétisée que deux ans plus tard et que le marché n’a pas été attribué à la société CMN, ces éléments n’étant pas de nature à remettre en cause le préjudice direct et certain de la société Mazroui au titre de la perte de chance et sont seulement de nature à influer sur le quantum du préjudice qui peut lui être attribué.
Sur l’évaluation du préjudice subi par la société Mazroui ;
86-Il ressort de l’article 389 du code civil émirati que « si le montant des dommages et intérêt n’est pas fixé par la loi ou par le contrat, le juge l’estimera en proportion du préjudice effectivement subi lors de sa survenance ».
87-Au terme de la consultation du cabinet Al Tamini & Company communiquée par la société Mazroui, non contredite sur ce point par la société CMN, il ressort de la jurisprudence émiratie que l’évaluation du préjudice ressort du pouvoir du juge du fond « à condition toutefois que cette évaluation soit fondée sur des motifs raisonnables et qu’elle soit étayée par la documentation afin d’être adaptée aux dommages, ni plus ni moins » (extrait Cour suprême de L’union des EAU, contestation n°622/29J session du 12/2/2008).
88-De même, dans l’avis juridique précité du cabinet GOODWINS du 16 février 2016 (cf.supra § 76), ce consultant indique que « dans le cadre du droit des EAU, une demande en réparation pour perte de chance/opportunité découleraient d’une rupture ou d’un acte délictuel et le quantum de la réparation est lié à la perte véritable », ce qui ne signifie pas que ce quantum puisse être égal au montant de la commission que la société Mazroui aurait perçue si le marché avait été signé avec la société CMN.
89-Ainsi, la société Mazroui n’est pas fondée à solliciter des dommages et intérêts à hauteur de la somme qu’elle aurait dû percevoir si le contrat avait été conclu, en se fondant sur le prix du marché conclu avec la société allemande Lurssen, alors que si la perte de chance est un préjudice certain en droit émirati, il ne résulte nullement de ce droit qu’il peut être égal à l’avantage qu’aurait procuré cette chance, et donc être en l’espèce fixé à hauteur de la commission qu’elle aurait dû percevoir si le marché avait été attribué à la société CMN.
90-A cet égard il convient d’observer que, d’une part, le marché n’a pas été conclu en faveur de la société CMN.
91-D’autre part, les négociations pour l’attribution de ce marché ont perduré près de 2 ans après l’éviction de la société Mazroui avant la décision finale des autorités EAU, ce dont il résulte que la rupture du contrat de représentation n’est pas intervenue, comme la société Mazroui le soutient, alors que d’ultimes négociations devaient s’engager.
92-Enfin, il convient d’observer que, au jour de la rupture du contrat, la société CMN était en concurrence depuis le 10 février 1985 avec quatre autres sociétés, celle-ci n’ayant appris qu’en mai 1985, soit après cette rupture, qu’elle n’était finalement plus en concurrence avec l’entreprise Lurssen.
93-Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu d’évaluer le préjudice liée à la perte de chance à une somme de 3 000 000 euros, la société Mazroui étant déboutée pour le surplus.
94-A cette somme seront en revanche ajoutés les intérêts légaux. A cet égard, il ressort de la consultation communiquée par la société Mazroui, émanant du cabinet Al Tamini & Company en date du 8 juillet 2020, non contredite sur ce point, que la cour de cassation de Dubaï a jugé que « The judicial custom of the Dubaï Courts has been settled to calculate such interest as 9% per annum starting form the date of filing the claim if the debt is a certain/known amount and does not subject to the discretion of the judge. However, if the judge would have a power to estimate the value of the debt, the interest shall then run from the date of the final judgment », ce que la cour traduit comme suit étant observé que les parties produisent deux traductions légèrement différentes : « La coutume judiciaire des juridictions de Dubaï est de calculer cet intérêt au taux de 9% par an à compter de la date du dépôt de la demande si la dette est d’un montant certain/connu et n’est pas soumise à la discrétion du juge. Cependant si l’estimation de la dette dépend du pouvoir discrétionnaire du juge, les intérêts courent à compter de la date du jugement définitif ».
95-En l’état de ces éléments, le point de départ des intérêts légaux, fixés à la somme de 9%, doit être la date du présent arrêt dès lors que cette somme a été fixée par la cour et qu’elle n’était pas connue au moment du dépôt de la demande de sorte que la société Mazroui sera déboutée pour le surplus, en ce compris la capitalisation des intérêts dont le principe en droit émirati n’est pas établi.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Mazroui à l’encontre de la société CMN pour résistance abusive ;
96-Il ressort de l’article 91 du code de commerce des EAU que « en sus des dommages-intérêts compensatoires, le créancier pourra requérir des dommages-intérêts moratoires destinés à réparer le préjudice résultant du retard dans l’exécution de l’obligation, sans que le créancier soit tenu de prouver que ce préjudice résulte d’une fraude ou d’une faute grave imputable au débiteur ».
97-Il ressort de la consultation du professeur [N] que « la question relève du pouvoir souverain des juges du fond».
98-En l’espèce, pour solliciter une condamnation de la société CMN à une somme de 200 000 euros à ce titre, la société Mazroui se contente d’indiquer dans ses conclusions que celle-ci est due en raison de la résistance abusive et la mauvaise foi de la société CMN, les multiples incidents soulevés par elle pour retarder le cours de la procédure et les frais qu’elle a exposés pour faire reconnaître ses droits.
99-Cependant, d’une part, l’exercice d’une défense en justice constitue par principe un droit et ne peut à lui seul caractériser une résistance abusive.
100-D’autre part, si la longueur de la procédure est incontestable dans cette affaire, elle est aussi en partie liée au choix procédural de la société Mazroui de scinder ses demandes en deux instances distinctes l’une ayant porté d’abord sur la rupture fautive du contrat et la seule indemnisation du préjudice moral et l’autre, engagée en 1998 pour obtenir l’indemnisation de son préjudice matériel, laquelle demande a fait l’objet de deux décisions de rejet de la part des juges du fond avant l’annulation de l’arrêt de la cour d’appel de Versailles par la cour de cassation.
101-Enfin, le préjudice subi du fait des frais exposés pour sa défense sera réparé sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
102-Pour l’ensemble de ces motifs, cette demande sera rejetée.
Sur la compétence du tribunal de commerce de Paris pour statuer sur l’appel en garantie de la société CMN envers la société FINANCIERE ROSARIO ;
103-La société CMN soutient que la clause compromissoire est manifestement inapplicable aux demandes qu’elle formule en ce qu’elles portent sur des fautes commises par la société SFIBB dans la dissimulation du contenu exact du litige avec la société Mazroui au moment de la cession des actions et que sa demande d’indemnisation est une action délictuelle et non une action contractuelle de sorte qu’elle ne porte pas sur un litige qui aurait dû être soumis à la clause compromissoire.
104-Elle précise que la clause compromissoire avait un objet clairement défini en ce qu’elle ne concernait que les litiges relatifs à l’interprétation, la validité ou l’exécution du protocole de cession d’actions du 13 janvier 1992 et que l’objet du présent litige est manifestement sans lien avec cette clause en ce qu’il concerne la rupture fautive par la société SAMT, le 21 mars 1985, du contrat conclu avec la société Mazroui le 25 août 1982.
105-La société CMN conclut en outre au rejet de la fin de non recevoir qui lui est opposée du fait du protocole transactionnel qui a été conclu le 19 avril 1994 entre les sociétés SFIBB, CMN, SAMT et SOFFIA au terme duquel les parties ont convenu de réduire le prix de cession d’actions en raison d’une trésorerie de la société dont les actions ont été cédées (SAMT) inférieure à ce qui avait été indiqué. Elle précise que le passif en jeu dans la transaction du 21 avril 1994 concernait donc la trésorerie du chantier SAM-CMN, et nullement le contrat Mazroui. Elle considère en conséquence que la société Financière De Rosario ne peut la considérer comme irrecevable.
106-La société CMN soutient au fond que la société SFIBB n’a pas informé le cessionnaire du contenu du contentieux avec la société Mazroui étant observé qu’à l’époque de la cession, le litige entre les sociétés Mazroui et SAMT, dont seul l’ancien actionnaire avait une véritable connaissance, était provisionné à hauteur de 1 Million de Francs, alors que la demande de dommages et intérêts pour préjudice matériel formulée dans l’assignation du 3 juin 1998 par la société Mazroui porte sur plus de 37 millions d’euros.
107-Elle s’estime en conséquence fondée s’il s’avérait qu’elle soit condamnée à régler une somme dont l’ordre de grandeur dépasserait largement la provision constituée, à réclamer alors à la société SFIBB un dédommagement égal au montant de la condamnation, en réparation du préjudice qu’elle a subi du fait de la faute intentionnelle que constitue la dissimulation du contenu exact du litige et de l’ampleur du risque, et de la faute d’imprudence que constitue l’insuffisance de provision.
108-En réponse, la société Financière De Rosario soutient in limine litis que les juridictions étatiques sont incompétentes pour statuer sur la demande en garantie de la société CMN à son encontre au regard de la clause compromissoire incluse dans le protocole du 13 janvier 1992 qui n’est pas manifestement inapplicable.
109-A titre subsidiaire, la société Financière De Rosario considère que la demande de la société CMN est irrecevable aux motifs que suite au protocole d’accord conclu le 13 janvier 1992 portant cession des actions que la société SFIBB (aux droits de qui vient Financière de Rosario) détenait au capital de SAMT à SOFFIA (aux droits de qui vient CMN), une procédure arbitrale a été initiée le 20 avril 1993 par la société SOFFIA aux fins d’obtenir la condamnation de « la société SFIBB à garantir la société SOFFIA de tout passif non révélé dans les comptes de SAMT et CMN et trouvant son origine antérieurement à l’acte du 13 janvier 1992 ».
110-Elle précise que le 19 avril 1994, SFIBB, CMN, SAMT et SOFFIA ont conclu un protocole d’accord transactionnel mettant un terme définitif à leur différend et qu’aux termes de ce protocole la société SOFFIA (aux droits de qui vient CMN) a notamment renoncé à titre définitif et irrévocable à toute demande, notamment en paiement, pour quelque motif que ce soit, ayant sa cause ou ses conséquences dans la cession des actions de la société SAMT et que cette renonciation interdit donc à la société CMN d’engager une action en paiement à l’encontre de Financière de Rosario ayant sa cause ou ses conséquences dans l’acte de cession du 13 janvier 1992.
111-A titre subsidiaire, la société Financière De Rosario soutient que la demande n’est pas fondée dès lors que l’on ne saurait lui reprocher d’avoir dissimulé à la société SOFFIA, aux droits de qui vient CMN, le contenu et l’ampleur des risques attachés au litige Mazroui alors que ce litige était clairement mentionné dans les comptes sociaux et annexes à la convention de cession et que le Président de SOFFIA (M. [G] [I]) était également Président de SAMT et gérant de CMN.
Sur ce,
112-En application de l’article 1448 du code de procédure civile, lorsqu’un litige relevant d’une convention d’arbitrage est porté devant une juridiction de l’Etat, celle-ci se déclare incompétente sauf si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi et si la convention d’arbitrage est manifestement nulle ou manifestement inapplicable.
113-Il appartient ainsi au tribunal arbitral de statuer par priorité sur sa propre compétence, sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage.
114-En l’espèce, il est constant que le 13 janvier 1992, la SFIBB, qui détenait 99,99 % du capital de la SAMT, a cédé à la société SOFFIA, aux droits de laquelle vient la société CMN, l’ensemble de ses actions moyennant un prix de 15 millions d’euros, dont le paiement a été échelonné au terme d’un avenant conclu le 25 février 1992.
115-L’article 7 de ce protocole de cession comporte une clause compromissoire, dont la validité n’est pas remise en cause et qui est rédigée comme suit : « Tout litige relatif à l’interprétation, à la validité et l’exécution du présent accord, sera soumis à un tribunal arbitral, composé de trois arbitres, qui appliquera le droit français et statuera en dernier ressort ».
116-Dans le cadre de la présente action, la société CMN souhaite obtenir la condamnation de la société Financière De Rosario, qui vient aux droits de la société SFIBB, aux motifs que lui auraient été dissimulées au moment de la cession des actions des informations relatives au litige opposant la SAMT à la société Mazroui faisant obstacle à une prise en compte de ce litige à sa juste valeur dans les comptes de la société SAMT, laquelle aurait eu une incidence sur le prix de cession des actions, objet du protocole de cession.
117-Il ressort ainsi de ces éléments que cette demande, qu’elle soit de nature délictuelle ou contractuelle, n’est pas dépourvue de tout lien avec le protocole de cession d’actions litigieux dans lequel est incluse la clause compromissoire de sorte que cette dernière n’est pas manifestement inapplicable étant observé que le tribunal arbitral est prioritairement compétent pour se livrer à une interprétation de cette clause afin de déterminer si l’action précitée porte sur l’interprétation, la validité ou l’exécution de la cession d’action.
118-Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris et de dire que la juridiction étatique est incompétente pour se prononcer sur l’action dirigée par la société CMN contre la société Financière De Rosario et de renvoyer la première à mieux se pourvoir.
Sur la demande formée par la société Financière De Rosario au titre de la procédure abusive contre la société CMN ;
119-L’exercice d’une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à des dommages et intérêts qu’en cas de faute susceptible d’engager la responsabilité civile de son auteur.
120-En l’espèce, la société Finanière De Rosario sera déboutée de sa demande à ce titre, à défaut pour elle de rapporter la preuve d’une quelconque faute ou légèreté blâmable de la part de la société CMN, qui a pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits et d’établir l’existence d’un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense.
Sur les frais et dépens ;
121-Il y a lieu de condamner la société CMN, partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
121-En outre, la société CMN doit être condamnée à verser à la société Mazroui, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 50 000 euros. Pour les mêmes motifs, la société CMN sera condamnée à payer à la société Financière de Rosario la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
123-Il n’y a pas lieu en revanche de prononcer une condamnation de la société CMN à restituer à la société Mazroui la somme de 20 000 euros précédemment versée par elle au titre de sa condamnation à l’article 700 du code de procédure civile prononcée par le tribunal de commerce de Paris le 13 janvier 2009 et infirmée par la cour d’appel de Paris le 12 janvier 2011.
124- En effet l’obligation de restitution résulte de plein droit de l’infirmation du jugement de sorte que l’arrêt infirmatif rendu par la cour d’appel de Paris le 12 janvier 2011 constitue le titre exécutoire permettant d’en poursuivre le recouvrement forcé, sans qu’une mention expresse en ce sens soit nécessaire.
PAR CES MOTIFS
La cour,
1- Infirme le jugement du Tribunal de Commerce de Paris en date du 4 novembre 2014 en ce qu’il a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts de la société Mazroui Trading And General Services contre la société Constructions Mécaniques De Normandie, s’est déclaré compétent pour se prononcer sur les demandes de celle-ci contre la société Financière de Rosario, et a statué sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens,
Statuant à nouveau :
2- Condamne la Société Mécaniques De Normandie à payer à la société Mazroui Trading And General Services la somme de 3 000 000 euros avec intérêts au taux de 9 % à compter du présent arrêt ;
3- Déboute la société Mazroui Trading And General Services pour le surplus de ses demandes;
4- Déclare le tribunal de commerce de Paris incompétent pour connaître de la demande la société Mécaniques De Normandie à l’encontre de la société Financière De Rosario et renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
5- Condamne la société Mécaniques De Normandie à payer à la société Mazroui Trading And General Services la somme de 50 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
6- Condamne la société Mécaniques De Normandie à payer à la société Financière de Rosario la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
7- Condamne la société Mécaniques De Normandie aux dépens de première instance et d’appel, dont pour les seuls dépens de l’appel et pour ceux qui les concernent, distraction au profit de Maître Véronique De La Taille et de Maître Teytaud en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La greffièreLe Président
C. GLEMET F. ANCEL