Tentative de conciliation : 11 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/02494

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Tentative de conciliation : 11 mai 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/02494
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 11 MAI 2023

N° RG 22/02494 – JONCTION avec le N°RG 22/02495

N° Portalis

DBV3-V-B7G-VLRQ

AFFAIRE :

S.A.S. [7]

C/

[J] [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Juillet 2021 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° RG : 20/00788

Copies exécutoires délivrées à :

la SELAS [6]

la SELARL [9]

CPAM DU RHONE

SELARL [5]

Copies certifiées conformes délivrées à :

S.A.S. [7]

[J] [F],

CPAM DU RHONE,

S.A.S. [8]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de VERSAILLES, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S. [7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Thomas HUMBERT de la SELAS BRL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0305

APPELANTE

****************

Monsieur [J] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 substituée par Me Charlotte CAREL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0020

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU RHONE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Dispensée de comparaître par ordonnance du 21/11/2022

S.A.S. [8]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

représentée par Me Marion SARFATI de la SELARL BARBIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 102

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue le 13 Avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Sylvia LE FISCHER, Présidente,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Juliette DUPONT

EXPOSÉ DU LITIGE :

Salarié de la société [8], entreprise de travail temporaire (l’employeur), et mis à la disposition de la société [7] (l’entreprise utilisatrice), M. [J] [F], anciennement M. [S] [G] à l’état civil (la victime), a, le 31 mai 2019, été victime d’un accident que la caisse primaire d’assurance maladie du Rhône (la caisse) a pris en charge, le 19 juin 2019, au titre de la législation professionnelle.

L’état de santé de la victime a été déclaré consolidé à la date du 11 mars 2021 et un taux d’incapacité permanente partielle de 15 % lui a été attribué par décision de la caisse du 12 octobre 2021.

Après échec de la tentative de conciliation, la victime a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Par jugement du 15 juillet 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Nanterre a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

– dit que l’entreprise utilisatrice, substituée dans la direction de l’employeur, a commis une faute inexcusable ;

– dit que les indemnités qui pourraient lui être dues seront majorées dans les conditions prévues à l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;

– rejeté la demande d’expertise médicale judiciaire en reconnaissance des séquelles indemnisables ;

Avant dire droit sur les préjudices indemnisables :

– ordonné une expertise médicale de la victime ;

– fixé à 1 200 euros la consignation dont la caisse devra faire l’avance au titre des frais d’expertise, sans préjudice pour elle de solliciter ultérieurement qu’ils soient laissés à la charge définitive de toute autre partie ;

– sursis à statuer dans l’attente de l’expertise médicale judiciaire, concernant la demande de prise en charge des frais d’assistance du médecin-conseil de la victime ;

– débouté la victime de ses demandes de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’information et pour défaut d’établissement du document unique d’évaluation des risques ;

– condamné l’employeur à verser à la victime six mois de salaire au titre de la perte de son emploi ;

– accueilli la caisse en son action récursoire contre l’employeur ;

– condamné l’employeur à rembourser à la caisse toute somme dont elle fera l’avance en réparation des préjudices subis par la victime et au titre des majorations d’indemnité qu’elle aurait versées en application de l’article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;

– condamné l’entreprise utilisatrice à rembourser à l’employeur toute somme au paiement de laquelle elle sera tenue à l’égard de la caisse en exécution du jugement ;

– condamné l’entreprise utilisatrice à payer à la victime la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’entreprise utilisatrice et l’employeur ont relevé appel de ce jugement.

Après radiation et réinscription au rôle, l’affaire a été plaidée à l’audience du 13 avril 2023.

Les parties ont comparu, représentées par leur avocat, à l’exception de la caisse, dispensée de comparaître.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, l’employeur sollicite, pour l’essentiel, l’infirmation du jugement entrepris et le rejet de l’intégralité des demandes formées par la victime.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, l’entreprise utilisatrice sollicite, à titre principal, l’infirmation du jugement entrepris et le rejet du recours formé par la victime.

A titre subsidiaire, elle demande :

– de surseoir à statuer sur la demande de majoration de la rente ou de l’indemnité en capital ;

– de renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de Nanterre pour la liquidation des préjudices ;

– de débouter la victime de ses demandes en dommages-intérêts ;

– de dire et juger qu’il appartiendra à la caisse de faire l’avance des sommes allouées à la victime en réparation de l’intégralité de ses préjudices ;

– de rejeter l’appel en garantie de l’employeur et, en tout état de cause, de le limiter en considération de la part de responsabilité qui lui incombe dans la survenance de l’accident.

Par conclusions écrites, déposées et soutenues oralement à l’audience, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens et prétentions, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la victime sollicite, outre la confirmation du jugement entrepris :

– la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire aux frais de la caisse en vue de la reconnaissance de séquelles indemnisables et de l’attribution d’une rente ou d’une indemnité en capital et de l’évaluation de son préjudice moral ;

– le doublement de l’indemnité en capital ou la majoration maximale de la rente ;

– la prise en charge par l’employeur ou l’entreprise utilisatrice des frais d’assistance de son médecin conseil aux opérations d’expertise ;

– le versement de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi dont le montant sera fixé par la juridiction de céans une fois l’expertise effectuée ;

– l’octroi d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’information, d’une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’établir le document unique d’évaluation des risques et le paiement de six mois de salaires à titre de dommages et intérêts pour la perte d’emploi.

Aux termes de ses conclusions écrites reçues le 18 novembre 2022 et régulièrement communiquées, la caisse, dispensée de comparution, s’en remet à la cour sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable et sollicite le bénéfice de son action récursoire à l’encontre de l’employeur.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, l’entreprise utilisatrice demande la condamnation de la victime à lui verser la somme de 2 000 euros. La victime demande la condamnation des sociétés appelantes à lui verser la somme de 4 000 euros.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient, pour une meilleure administration de la justice, d’ordonner la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de RG 22/02494 et 22/02495 et de dire que l’instance sera poursuivie sous le numéro de RG 22/02494.

Sur la présomption de faute inexcusable et les demandes en dommages et intérêts :

Il résulte de l’article L. 4154-3 du code du travail que l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, est présumée établie pour les salariés temporaires, victimes d’un accident du travail, alors qu’affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n’ont pas bénéficié de la formation renforcée à la sécurité prévue par l’article L. 4154-2 du code du travail.

En l’espèce, la victime, sans évoquer formellement la présomption de faute inexcusable prévue par les dispositions susvisées, indique toutefois qu’il ressort des termes de son contrat de mission temporaire qu’elle devait être soumise à une formation renforcée à la sécurité.

Le jugement entrepris fait expressément mention de la faute inexcusable présumée au sens des dispositions susvisées et l’entreprise utilisatrice estime que la victime n’était pas exposée à un risque particulier à son poste de travail, de sorte que l’obligation de dispenser une formation renforcée à la sécurité ne s’imposait pas.

Il s’ensuit que l’existence d’une faute inexcusable présumée est dans les débats.

Cependant, il n’est nullement établi que la victime occupait un poste de travail présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité. Le contrat de mise à disposition du 26 avril 2019 versé aux débats indique que le poste d’ouvrier polyvalent occupé par la victime n’est pas à risque au sens des dispositions de l’article L. 4154-2 du code du travail, et aucun élément sur les conditions d’emploi du salarié intéressé ne vient démontrer le contraire. L’entreprise utilisatrice précise, en particulier, que la victime n’était pas exposée à un milieu hyperbare, ce qui n’est pas démenti par la partie adverse.

Il s’ensuit qu’aucune présomption de faute inexcusable ne peut être retenue.

La victime ne peut solliciter devant le juge de la sécurité sociale, indépendamment de la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, des dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’information et pour manquement à l’obligation d’établir le document unique d’évaluation des risques. C’est donc à bon droit que les premiers juges ont débouté la victime de ses demandes formées à ce titre. Le jugement sera confirmé sur ces chefs.

Sur la faute inexcusable de droit commun :

Le manquement à l’obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l’employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

En l’espèce, il ressort des pièces du dossier et des explications des parties que l’entreprise utilisatrice était chargée des travaux de génie civil pour la construction d’un ouvrage sur le chantier de la ligne 15 Sud Lot T3C dans le cadre du Grand Paris. Aux termes de son contrat de mission, la victime devait effectuer diverses missions pour le fonctionnement du tunnelier, la maintenance et l’approvisionnement. Selon la déclaration d’accident du travail, la victime intervenait avec d’autres salariés pour effectuer des opérations de maintenance ; en ouvrant une porte blindée, le marinage s’est déversé sur elle et ses collègues, lui occasionnant de nombreuses blessures.

Selon les explications fournies par l’entreprise utilisatrice, l’ouverture de la porte d’accès à la chambre d’abattage latérale gauche a été entreprise pour procéder à une vérification visuelle des dents et molettes de la tête du tunnelier. Le pilote du tunnelier a informé le chef d’équipe de la présence d’une pression de 0,2 à 0,3 bars relevée sur les capteurs de pression dans la chambre d’abattage. La victime a débuté les opérations d’ouverture de la porte sous la direction et le contrôle de son chef d’équipe, en procédant au dévissage des boulons de fixation de la porte. A la dépose du dernier boulon, les taquets n’ont pas retenu la porte qui s’est ouverte brutalement sous la poussée de terre ; la coulée a déséquilibré les personnes présentes.

Il n’est pas contesté que la victime a été blessée par l’ouverture non contrôlée d’une porte blindée du tunnelier. Toutefois, les parties ne versent aux débats aucune pièce permettant de comprendre les raisons pour lesquelles cette ouverture n’a pas été maîtrisée ou de retenir, le cas échéant, l’existence d’une cause inconnue.

L’entreprise utilisatrice se retranche derrière les circonstances indéterminées de l’accident tout en invoquant, subsidiairement, et sur un mode conditionnel, l’existence d’une faute ou d’une négligence imputable au chef d’équipe, sans qu’aucun élément ne vienne étayer son analyse. De son côté, la victime se borne à produire des pièces médicales et des coupures de presse étrangères à la présente affaire.

Il apparaît cependant à la lecture des pièces de la procédure que plusieurs documents permettraient une meilleure compréhension des faits. Ainsi, le plan particulier de sécurité et de protection de la santé (le PPSPS, pièce n° 5 de l’entreprise utilisatrice) indique, page 21, que chaque accident fait l’objet d’une analyse des causes et d’une enquête accident par la cellule travaux concernée en parallèle avec le service prévention. Il est précisé que les conclusions de cette enquête sont transcrites dans un rapport qui est commenté lors d’un quart d’heure sécurité et diffusé en interne et en externe. Il est donc demandé à l’entreprise utilisatrice et à l’employeur de verser aux débats l’arbre des causes et le rapport qui ont dû être établis à la suite de l’accident et éventuellement, le compte rendu du collège inter-entreprises de sécurité, de santé et des conditions de travail.

Il est par ailleurs observé que le risque lié à l’ouverture des portes blindées permettant l’accès à la chambre d’abattage n’apparaît pas à l’examen du tableau d’analyse des risques joint au document intitulé ‘procédure commune de management’ du PPSPS. Les parties sont invitées à s’expliquer sur ce point.

Enfin, les parties sont invitées à s’expliquer sur ce que représente la pression de 0,2 à 0,3 bars relevée sur les capteurs de pression dans la chambre d’abattage, et si l’indication d’une telle pression autorisait ou non l’ouverture de la porte d’accès.

La réouverture des débats sera ordonnée à cet effet.

Dans l’attente, il sera sursis à statuer sur la reconnaissance de la faute inexcusable et ses éventuelles conséquences.

Les dépens ainsi que les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront réservés.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe :

Ordonne la jonction des procédures enregistrées sous les numéros de RG 22/02494 et 22/02495 et dit que l’instance sera poursuivie sous le numéro de RG 22/02494 ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il débouté M. [J] [F] de ses demandes en dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de formation et d’information et pour défaut d’établissement du document unique d’évaluation des risques ;

SURSOIT à statuer sur les autres demandes et notamment, sur la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [8] ou de la société [7], substituée dans la direction de l’employeur ;

ORDONNE la réouverture des débats à l’audience de mise en état du jeudi 5 octobre 2023 à 9 heures ;

INVITE les parties à produire les pièces et à fournir les explications demandées dans les motifs du présent arrêt ;

Dit que la notification de l’arrêt vaut convocation des parties à l’audience susvisée ;

Réserve les dépens ainsi que les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Sylvia Le Fischer, Présidente, et par Mme Méganne MOIRE, greffière, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.

La GREFFIERE, La PRESIDENTE,

 


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