Tentative de conciliation : 12 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04293

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Tentative de conciliation : 12 mai 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/04293
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12/05/2023

ARRÊT N° 2023/212

N° RG 21/04293 – N° Portalis DBVI-V-B7F-ONZI

MD/CD

Décision déférée du 27 Septembre 2021 – Pole social du TJ d’AGEN 19/00432

S. TRONCHE

[C] [V]

C/

[L] [Z]

Caisse CPAM DE LOT ET GARONNE

AVANT DIRE DROIT

EXPERTISE MEDICALE

Ccc aux parties

et Me THIZY, Me PEILLET,

Me VEISSIERE

Ccc au Service Expertise

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1 – Chambre sociale

***

ARRÊT DU DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [C] [V]

[Adresse 16]

[Localité 9]

Représentée par Me Frédéric VEYSSIERE de la SELARL FVA, avocat au barreau d’AGEN substituée par Me Thomas EYBERT, avocat au barreau de TOULOUSE, substitué par Me EYBERT, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM”E

Madame [L] [Z]

[Adresse 15]

[Localité 10]

Représentée par Me Marie-hélène THIZY de la SELARL AD-LEX, avocat au barreau D’AGEN, susbstituée par Me Déborah LAURENT, avocat au barreau de TOULOUSE

Caisse CPAM DE LOT ET GARONNE

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par Me Anthony PEILLET, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l’article 945.1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, devant , S. BLUM”, présidente et M. DARIES, conseillère chargées d’instruire l’affaire, les parties ne s’y étant pas opposées. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

S. BLUM”, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile

– signé par S. BLUM”, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS ET PROCÉDURE:

Mme [C] [V] a été victime d’un accident du travail le 18 octobre 2018, alors qu’elle se trouvait au domicile de Mme [Z], pour avoir subi des morsures par le chien de son employeur, de race berger-allemand et une double fracture ouverte de l’avant-bras avec plaie béante et délabrée.

Le chien a été euthanasié après l’incident.

L’accident a été pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPAM.

A la suite de la saisine de la CPAM du Lot et Garonne aux fins de procéder à une tentative de conciliation laquelle a été refusée par Mme [Z], la salariée a saisi le pôle social du tribunal judiciaire d’Agen le 14 octobre 2019 pour voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur.

Le pôle social du Tribunal judiciaire d’Agen, par jugement du 27 septembre 2021, a :

-déclaré recevable le recours formé par Mme [V] aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son ancien employeur, Mme [Z], dans la survenance de son accident du travail du 18 octobre 2018,

-dit que l’accident du travail de Mme [V] survenu le 18 octobre 2018 n’est pas dû à la faute inexcusable de son employeur, Mme [Z],

-condamné Mme [V] à verser à Mme [Z] la somme de 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-condamné Mme [V] aux dépens.

Par déclaration du 20 octobre 2021, Mme [C] [V] a interjeté appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES:

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 05 mars 2023, Mme [C] [V] demande à la cour de :

*la déclarer recevable en son appel,

*débouter Mme [Z] de l’ensemble de ses demandes,

*réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré et, statuant à nouveau:

-déclarer recevable son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son ancien employeur, Mme [Z],

-déclarer le jugement commun à la CPAM du Lot et Garonne,

-juger que l’accident du travail dont elle a été victime le 18 octobre 2018 est dû à la faute inexcusable de son ex-employeur Mme [Z],

-ordonner la majoration à leur maximum des indemnités prévues aux articles L 452-2 et suivants du code de la sécurité sociale,

-dire que cette majoration, qui le cas échéant suivra l’évolution du taux d’incapacité, produira intérêts au taux légal à compter de la décision,

-dire qu’elle a droit à l’indemnisation de ses préjudices non pris en charge par la CPAM du Lot et Garonne au titre du livre IV du code de la sécurité sociale,

-ordonner avant dire droit une expertise médicale et commettre pour y procéder tel médecin expert qu’il plaira, lequel s’adjoindra si nécessaire tout sapiteur de son choix, avec la mission suivante :

1°) Préalablement à la réunion d’expertise, recueillir dans la mesure du possible, les convenances des parties et de leurs représentants avant de fixer une date pour le déroulement des opérations d’expertise. Rappeler aux parties qu’elles peuvent se faire assister par un médecin-conseil et un avocat ;

2°) Convoquer, par lettre recommandée avec accusé de réception, les parties et leurs conseils à une réunion contradictoire, en les invitant à adresser à l’avance à l’expert et aux parties tous les documents relatifs aux soins donnés; Le cas échéant, se faire communiquer tous documents médicaux détenus par tout tiers avec l’accord des requérants, et entendre au besoin tout sachant où médecin ayant suivi la situation médicale de la victime ;

3°) Entendre les requérants et si nécessaire les personnes ayant eu une implication dans la survenue et dans les suites de l’accident ;

4°) A partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détails :

‘ Les circonstances du fait dommageable initial

‘ Les lésions initiales

‘ Les modalités de traitements en précisant le cas échéant, les durées exactes d’hospitalisation et, pour chaque période d’hospitalisation, le nom de l’établissement, les services concernés et la nature des soins ,

Sur les dommages subis :

5°) Recueillir les doléances de la victime et au besoin de leurs proches et les transcrire fidèlement, ou les annexer, les interroger sur les conditions d’apparition des lésions, l’importance, la répétition et la durée des douleurs, la gêne fonctionnelle subie et leurs conséquences ;

6°) Décrire au besoin un état antérieur en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence directe sur les lésions ou leurs séquelles ;

7°) Procéder en présence des médecins mandatés par les parties, éventuellement des avocats si la victime le demande et si l’expert y consent, à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

8°) À l’issue de cet examen et, au besoin après avoir recueilli l’avis d’un sapiteur d’une autre spécialité, analyser dans un exposé précis et synthétique:

‘ La réalité des lésions initiales

‘ La réalité de l’état séquellaire

‘ L’imputabilité certaine des séquelles aux lésions initiales en précisant au besoin l’incidence d’un état antérieur

9°) Consolidation :

Fixer la date de consolidation et en l’absence de consolidation dire à quelle date il conviendra de revoir la victime; Préciser dans ce cas les évaluations prévisionnelles pour chaque poste de préjudice ;

Apprécier les différents postes de préjudices ainsi qu’il suit :

– déficit fonctionnel temporaire,

– assistance par tierce personne avant consolidation

– frais de logement adapté

-frais de véhicule adapté

– perte de promotion professionnelle

-préjudice scolaire, universitaire ou de formation

– souffrances endurées

– préjudice esthétique

– déficit fonctionnel permanent

– préjudice d’agrément

-préjudice sexuel

– préjudice d’établissement

-préjudices permanents exceptionnels,

Dire que l’expert devra :

– Établir un état récapitulatif de l’ensemble des postes énumérés dans la mission ;

– Fournir de façon générale tous éléments et/ou informations utiles à la solution du litige ;

– Adresser dans les quatre mois de sa saisine un pré rapport aux parties et à leurs Conseils qui dans les quatre semaines de sa réception lui feront connaître leurs éventuelles observations auxquelles l’Expert devra répondre dans son rapport définitif.

– Répondre de manière précise et circonstanciée à ces dernières observations ou réclamations qui devront être annexées au rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement :

– la liste exhaustive des pièces par lui consultées ;

– le nom des personnes convoquées

– le nom des personnes présentes à chacune des réunions d’expertise ;

– la date de chacune des réunions tenues ;

– les déclarations des tiers entendus par lui,

le cas échéant, l’identité du technicien dont il s’est adjoint le concours, ainsi que le document qu’il aura établi de ses constatations et avis (lequel devra également être joint à la note de synthèse ou au projet de rapport).

Dire que l’original du rapport définitif sera déposé en double exemplaire au greffe, tandis que l’expert en adressera un exemplaire aux parties et à leur conseil.

Dire qu’en l’absence de consolidation de la victime au moment de l’expertise, l’expert devra déposer un rapport provisoire et restera tenu de sa mission.

Dire que dans cette dernière situation, l’Expert convoquera de nouveau les parties et procédera à ses opérations définitives dès qu’il sera informé de la consolidation de la victime.

Dire que l’Expert pourra en tant que de besoin, notamment s’il n’accomplit pas ses diligences dans les délais impartis, être remplacé par simple ordonnance du Président de la Chambre Sociale du Tribunal ou de la Cour, ou du magistrat chargé en leur lieu et place du contrôle des expertises, saisi

sur requête de la partie la plus diligente.

-dire que les frais d’expertise seront avancés par la CPAM du Lot et Garonne,

-dire qu’il appartiendra au service médical de la CPAM du Lot-et Garonne de transmettre sans délai à l’expert tous les éléments médicaux ayant conduit à la prise en charge de l’accident, et notamment le rapport d’évaluation du taux d’incapacité de la victime,

-dire qu’il appartiendra au service administratif de la CPAM du Lot et-Garonne de transmettre sans délai à l’expert le dossier administratif de la victime et tous documents utiles à son expertise,

-ordonner que la CPAM du Lot-et-Garonne devra avancer l’ensemble des sommes à lui verser,

*ordonner le versement d’une provision de 6000 euros à valoir sur l’indemnisation définitive,

*renvoyer la cause et les parties devant le Pôle Social du Tribunal Judiciaire d’Agen afin de statuer sur l’indemnisation des préjudices subis par elle,

*condamner Mme [Z] au paiement de la somme de 114 euros au titre des frais correspondant au coût de la sommation interpellative en date du 19 janvier 2021 faite pour les besoins de la cause à Mme [X],

*condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

*réserver les dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 02 mars2023, Mme [L] [Z] demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris,

– condamner Mme [V] à lui verser la somme de 1000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées à l’audience, la CPAM du Lot et Garonne demande à la cour de :

– statuer ce que de droit sur la demande de Mme [V],

– constater que la CPAM du Lot et Garonne s’en rapporte à justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable,

– Dans l’hypothèse où la cour reconnaîtrait l’existence de la faute inexcusable de l’employeur, condamner Mme [Z] au remboursement des sommes dont la CPAM effectuera l’avance au titre de l’indemnisation complémentaire définitive des préjudices de la victime,

– recevoir l’action récursoire de la CPAM à l’encontre de Mme [Z] [L].

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIVATION:

Dans le cadre de l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur destinée, notamment, à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, les dispositions des articles L.4121-1 et suivants du code du travail lui font obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

L’employeur a, en particulier, l’obligation d’éviter les risques et d’évaluer ceux qui ne peuvent pas l’être, de planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants.

Les articles R. 4121-1 et R. 4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

Le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.

Il suffit que la faute inexcusable de l’employeur soit une cause nécessaire de l’accident du travail pour engager sa responsabilité.

C’est au salarié qu’incombe la charge de la preuve de la faute inexcusable, et par voie de conséquence d’établir que son accident du travail présente un lien avec une faute commise par son employeur, dans le cadre de son obligation de sécurité.

La déclaration par le juge répressif de l’absence de faute pénale non intentionnelle ne fait pas obstacle à la reconnaissance d’une faute inexcusable en application de l’article L 452-1 du code de la sécurité sociale .

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l’employeur ait été la cause déterminante de l’accident survenu au salarié. Il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l’employeur soit engagée, même si d’autres fautes ont concouru au dommage.

***

Les faits se sont déroulés en la seule présence de Mme [V] et de Mme [Z] laquelle selon l’appelante, avait ou aurait dû avoir conscience des risques auxquels elle l’exposait.

Madame [V] explique qu’après avoir terminé son travail au domicile de son employeur, Madame [Z], celle-ci, âgée de 78 ans, l’a raccompagnée jusqu’à son véhicule automobile, garé à l’extérieur de la propriété, en compagnie du chien berger allemand dénommé Gédéon, sans que celui-ci ne soit muselé ni tenu en laisse, alors qu’il était habituellement enfermé dans son chenil grillagé et sécurisé.

Au moment où elle allait monter en voiture, le chien lui a sauté dessus et l’a attaquée sans raison au bras et à la main, a refusé de la lâcher et lui a infligé de profondes morsures.

Madame [Z] a tenté de faire lâcher prise au chien, par des coups de pied et de poing et est tombée à terre sous la force de l’animal.

Apercevant un morceau de bois posé contre un mur derrière la salariée, Madame [Z] lui a demandé de le lui lancer. Celui-ci se trouvant à plusieurs mètres, elle s’est traînée jusqu’au mur en essayant de se protéger, le chien continuant à la mordre. Elle a fait passer le bâton à Madame [Z], qui en a frappé le chien jusqu’à ce qu’il lâche prise.

Elle a été gravement blessée, tel que décrit par le certificat médical initial établi par le service des urgences de l’hôpital de [Localité 19], comme présentant une « fracture ouverte des deux os de l’avant-bras droit avec délabrement cutané important à plusieurs endroits et extériorisation du fragment proximal du cubitus en dehors de la peau par une plaie de 4 cm environ ».

Mme [V] fait valoir qu’elle a subi une intervention chirurgicale avec la pose d’une broche qui devra être enlevée dans le futur, ainsi qu’une longue rééducation, avec des douleurs et des limitations articulaires et musculaires toujours présentes.

Mme [Z] réplique que la salariée stationnait son véhicule à l’intérieur, sur un rail bétonné côté nord et non à l’extérieur de la propriété, car il aurait géné la circulation et que le jour des faits, le chien, âgé de 7 ans, polyvalent et de bon tempérament, a eu une réaction imprévisible.

Il était toujours à l’extérieur quand Mme [V], salariée depuis 3 ans, travaillait à l’intérieur du domicile et présent lorsqu’elle sortait, ce sans difficulté.

L’accident est intervenu alors que Mme [V] s’est rendue avec Mme [Z] pour récupérer des cartons. Au moment où Mme [V] soulevait un carton pour le déposer dans le coffre du véhicule, le chien, présent, s’est jeté sur son bras.

Elle objecte que la salariée n’a pu se traîner plusieurs dizaines de mètres pour attraper un bâton car il n’y a pas de mur à proximité.

***

Il ressort des éléments de la procédure et il n’est pas contesté que le maître enfermait le chien dans un chenil quand une personne qu’il ne connaissait pas, se présentait ou rendait visite et que pendant 3 ans, aucun incident n’est intervenu avec la salariée, le chien pouvant être à l’extérieur en présence des maîtres lorsque Mme [V] arrivait ou partait.

La présence à l’extérieur du chien avec une personne connue n’était pas exceptionnelle. Ainsi M. [U], jardinier, travaillant tous les lundis depuis 7 ans à la propriété, atteste que lors de son arrivée, les employeurs ont fait en sorte que le chien Gédéon s’habitue à lui en le tenant enfermé quelques heures dans le chenil puis ils l’ont libéré pour qu’il se comporte bien en sa présence. Chaque fois que le chien était en liberté, les maîtres étaient présents

et il n’a pas eu de problème de comportement avec l’animal.

Quelques mois avant l’accident, un incident est intervenu le 09 mai 2018.

M. [Z] déclare qu’il jouait dans le jardin à lancer de l’herbe au chien, se trouvant près de lui et lequel par accident a attrapé sa main, sans gravité.

Le certificat des urgences mentionne des circonstances différentes: le patient était dans son jardin, il a voulu pousser son chien qui s’est retourné et l’a mordu. A l’examen clinique, le patient présentait une plaie de la face dorsale de la main droite d’environ 2 cm (plaie non profonde et peau très fine), morsure de chien sans gravité.

Sans qu’il y ait lieu de considérer en l’espèce que l’employeur a manqué à ses obligations au regard de l’article L 211-14-2 du code rural, pour ne pas avoir déclaré la morsure dont M. [Z] a été victime, l’employeur aurait dû s’interroger sur une perte de maîtrise du chien.

Quelques jours après l’accident de Mme [V], Mme [F], sa fille, accompagnée d’une amie Mme [N], s’est rendue au domicile des employeurs pour récupérer le véhicule automobile de sa mère. Elles déclarent que pendant la conversation, le chien enfermé dans l’enclos était très agressif et aboyait.

Le chien de l’employeur, de race berger allemand est un animal de fort gabarit, communément considéré comme un chien de compagnie mais aussi de défense de son maître et de sa propriété.

La cour constate que de manière habituelle, les époux [Z] appliquaient des mesures de prudence, mettant à l’écart le chien dans un enclos, lors de visite de personnes non proches et restaient présents dans le jardin même lorsqu’il connaissait la personne.

Ils avaient donc conscience d’une dangerosité potentielle du chien qui aurait dû amener le maître à mettre le chien à l’écart pour sécuriser les rapports de proximité avec la salariée.

Contrairement à l’appréciation portée par le pôle social du tribunal judiciaire, la cour considère que la faute inexcusable de l’employeur est établie.

– Sur les conséquences de la faute inexcusable :

Dès lors que la faute inexcusable de l’employeur est établie, le salarié peut prétendre à la majoration de rente prévue à l’article L 452-2 du code de la sécurité sociale, majoration qui sera fixée au maximum prévu par cet article.

L’article L 452-3 du code de la sécurité sociale prévoit que la victime d’un accident du travail imputable à la faute inexcusable de l’employeur peut demander, en sus de la majoration de la rente qu’elle reçoit, indemnisation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d’agrément, et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Il résulte par ailleurs de la décision du conseil constitutionnel du 18 juin 2010 que la victime d’une faute inexcusable de l’employeur peut également demander réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, soit notamment le déficit fonctionnel temporaire, l’assistance par tierce personne avant consolidation, le préjudice sexuel et le préjudice exceptionnel.

L’assemblée plénière de la cour de cassation retient, dans deux arrêts rendus le 20 janvier 2023, que la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent. Il en résulte notamment qu’il n’y a pas lieu de distinguer les souffrances temporaires ou permanentes, l’ensemble des douleurs physiques et morales endurées par la victime devant faire l’objet de l’indemnisation complémentaire prévue par l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale.

Une expertise doit être ordonnée avant dire droit sur cette réparation, et une provision de 3000 euros sera allouée à Mme [V].

Conformément aux dispositions de l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation de ces préjudices doit être versée directement à Mme [V] par la caisse primaire d’assurance maladie du Lot et Garonne , qui en récupérera le montant auprès de l’employeur.

Les demandes formées au titre des frais irrépétibles et la charge définitive des frais d’expertise seront réservées en fin de cause.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 september 2021par le pôle social du tribunal judiciaire d’Agen,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que Mme [L] [Z] a commis une faute inexcusable à l’origine de l’accident du travail dont Mme [C] [V] a été victime,

Ordonne la majoration de la rente servie à la victime dans les limites maximales prévues par l’article L 452-3 du code de la sécurité sociale, et dit que la majoration suivra l’évolution du taux d’incapacité de Mme [V],

Avant dire droit sur l’indemnisation des préjudices subis par Mme [C] [V], ordonne une expertise médicale, confiée au docteur [K] [M], inscrit à titre probatoire sur la liste des experts de la cour d’appel de Toulouse, demeurant :

[Adresse 13]

[Localité 8]

Tél : [XXXXXXXX02] Fax : [XXXXXXXX01]

Port. : [XXXXXXXX05] Mèl : [Courriel 14]

ou, à défaut:

le docteur [T] [O], inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel de Toulouse,

demeurant :

Clinique [18] [Adresse 12]

[Localité 8]

Tél : [XXXXXXXX03] Fax : [XXXXXXXX04]

Port. : [XXXXXXXX06] Mèl : [Courriel 17]

avec pour mission de:

– convoquer les parties qui pourront se faire assister par le médecin de leur choix,

– se faire remettre les documents nécessaires à la réalisation de sa mission, y compris ceux détenus par des tiers,

– décrire les lésions subies par la victime, en relation directe avec l’accident du travail, et recueillir ses doléances,

– préciser les périodes pendant lesquelles la victime a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, avant consolidation, dans l’incapacité de poursuivre ses activités personnelles habituelles, et le taux de cette incapacité temporaire; indiquer le cas échéant si l’assistance d’une tierce personne a été nécessaire pendant cette période,

– déterminer la nature et évaluer la gravité des souffrances physiques et morales endurées par la victime, selon l’échelle de sept degrés,

– déterminer la nature et évaluer la gravité du préjudice esthétique, temporaire et définitif, selon l’échelle de sept degrés,

– évaluer l’existence et l’importance du préjudice d’agrément, résultant de la répercussion des troubles sur les activités de loisir et sportives,

– évaluer la répercussion des troubles séquellaires sur les actes de la vie courante,,

– le cas échéant, donner au tribunal tous éléments médicaux d’information lui permettant d’apprécier les préjudices liés aux frais d’aménagement d’un véhicule ou d’un logement, le préjudice sexuel et les préjudices permanents exceptionnels,

– donner tous éléments médicaux d’information utiles sur l’existence d’un préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

– soumettre un pré-rapport aux parties et répondre à leurs dires avant de déposer un rapport définitif;

Dit que l’expert devra déposer son rapport dans le délai de six mois à compter de la notification de la présente décision,

Dit que les frais d’expertise seront avancés par la caisse primaire d’assurance maladie de l’Ariège qui en récupèrera le montant auprès de l’employeur ou son substitué;

Dit qu’une provision de 3000 euros doit être allouée à Mme [C] [V], à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices;

Dit que la caisse primaire d’assurance maladie du Lot et Garonne doit faire l’avance des réparations dues à Mme [C] [V], et en récupèrera le montant auprès de l’employeur ou son substitué;

Déclare le présent arrêt opposable à la caisse pimaire d’assurance maladie du Lot et Garonne,

Réserve les demandes formées au titre des frais irrépétibles et les dépens.

Dit que l’affaire sera rappelée à l’audience de conférence du 9 janvier 2024 à 14 heures à laquelle les parties devront comparaître.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, présidente et C. DELVER, greffière.

LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE

C. DELVER S. BLUM”

.

 


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