Tentative de conciliation : 30 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/10074

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Tentative de conciliation : 30 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/10074
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 13

ARRET DU 30 MAI 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/10074 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCCW3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juillet 2020 -Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° F 19/11937

APPELANTS :

Mademoiselle [D] [N]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Déborah PUSZET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2522

Madame [Z] [N]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Déborah PUSZET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2522

Monsieur [X] [N]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représenté par Me Déborah PUSZET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2522

INTIMEE :

Madame [K] [C]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-marc PEREZ de la SELARL AVOX, avocat au barreau de PARIS, toque : J109

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre chargée du rapport et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d’ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 30 mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

***

Mme [D] [N], née le [Date naissance 3] 1998, a été victime d’une agression sexuelle le 29 novembre 2010, dans son établissement scolaire, alors qu’elle était encore mineure.

M. [X] [N] et Mme [Z] [U] épouse [N], ses parents, et Mme [D] [N] se sont constitués parties civiles dans les deux procédures pénales qui ont suivi et ont chargé Mme [K] [C] de défendre leurs intérêts.

La première procédure pénale s’est déroulée devant le tribunal pour enfants de Paris qui, par jugement du 15 décembre 2016, a déclaré les auteurs coupables d’agression sexuelle en réunion et les a condamnés solidairement à indemniser les parties civiles comme suit :

– pour Mme [D] [N] :

* 7 500 euros pour le déficit fonctionnel temporaire,

* 10 000 euros pour le préjudice scolaire,

* 10 000 euros pour les souffrances endurées,

– pour les époux [N] :

* 5 000 euros chacun pour leur préjudice moral,

* 4 125 euros au titre du préjudice matériel,

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La seconde procédure pénale, qui concernait deux adolescents poursuivis pour n’avoir pas empêché l’agression, s’est tenue devant le tribunal pour enfants d’Evry qui le 20 avril 2017, statuant sur l’action civile, a débouté les consorts [N] de leurs demandes.

Ces derniers ont avisé Mme [C] de leur souhait de faire appel mais le délai a expiré sans que l’acte d’appel soit régularisé.

C’est dans ces conditions que, par acte du 4 octobre 2019, les consorts [N] ont fait assigner Mme [C] aux fins d’engager sa responsabilité civile professionnelle devant le tribunal de grande instance de Paris, lequel par jugement rendu le 8 juillet 2020 a :

– débouté M. [X] [N] et Mmes [Z] et [D] [N] de leurs demandes,

– les a condamnés in solidum aux dépens,

– rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration du 21 juillet 2020, les consorts [N] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 23 décembre 2020, Mmes [D] et [Z] [N] et M. [X] [N] demandent à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il les a déboutés de leurs demandes,

statuant à nouveau:

– condamner Mme [C] à leur verser les sommes suivantes :

* dommages et intérêts pour perte de chance d’interjeter appel et d’être indemnisés : 27 500 euros,

* dommages et intérêts relatifs aux frais engagés pour la procédure pénale : 2 000 euros,

* dommages et intérêts pour préjudice moral propre à la présente procédure : 500 euros,

* dommages et intérêts relatifs aux frais engagés pour la procédure amiable, ayant échoué : 400 euros,

– la condamner à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, notifiées déposées le 4 novembre 2020, Mme [C] demande à la cour de :

– déclarer les consorts [N] mal fondés en leur appel et les en débouter,

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

– condamner les appelants aux dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 7 février 2022.

SUR CE,

L’avocat engage sa responsabilité en application des dispositions de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable aux faits, à charge pour celui qui l’invoque de démontrer une faute, un lien de causalité et un préjudice, lequel doit être certain, qu’il s’agisse du préjudice entier ou d’une perte de chance.

Sur la faute

Le tribunal a retenu que Mme [C] avait manqué à son devoir d’information et de conseil et exposé sa responsabilité civile professionnelle, celle-ci reconnaissant ne pas avoir avisé suffisamment tôt les consorts [N] de la teneur du jugement rendu le 20 avril 2017 par le tribunal pour enfants d’Evry et du délai pour interjeter appel.

Les appelants soutiennent que Mme [C] a manqué à ses obligations d’information, de diligences, d’assistance et de conseil pour leur avoir indiqué que le délai d’appel du jugement courrait à compter de sa notification et pour avoir agi avec légèreté sans se préoccuper des délais de procédure.

Mme [C] ne conteste pas ne pas avoir avisé suffisamment tôt les consorts [N] de la teneur du jugement rendu le 20 avril 2017 par le tribunal pour enfants d’Evry et du délai imparti pour en relever appel.

L’avocat agissant sur mandat ad litem est tenu à une obligation de diligence, à une obligation d’information et à un devoir de conseil envers son client.

Il est établi et reconnu que Mme [C] a manqué à son devoir d’information et de diligences relatif au délai pour interjeter appel de sorte que sa faute est caractérisée.

Sur le préjudice et le lien de causalité

Le tribunal a retenu que le préjudice n’était pas certain en ce que :

– le tribunal pour enfants a rejeté l’indemnisation en l’absence de lien de causalité entre les préjudices allégués et l’infraction d’abstention volontaire d’empêcher l’agression,

– les chances d’infirmation de la décision rendue par le tribunal pour enfants le 20 avril 2017 étaient incertaines en ce que d’une part les demandeurs n’établissent pas la réalité et l’ampleur d’un préjudice spécifique lié à l’abstention volontaire de MM. [E] et [F] et d’autre part, leurs écritures démontrent qu’ils n’entendaient en réalité, qu’obtenir des indemnités complémentaires pour les postes de préjudice déjà examinés par le tribunal pour enfants de Paris,

– il n’est pas davantage constant que, s’agissant de ces postes, le tribunal pour enfants d’Evry, puis, la cour d’appel aurait dû augmenter les montants d’indemnisation conformes à la jurisprudence habituelle.

Les consorts [N] soutiennent que la cour d’appel de Paris aurait infirmé la décision du tribunal pour enfants rejetant leurs demandes d’indemnisation en ce que :

– la faute de Mme [C] les a privés de toute possibilité d’obtenir réparation du préjudice subi en raison de la présence et du comportement MM. [E] et [F] lors de l’agression sexuelle d'[D] [N],

– le jugement rendu par le tribunal d’Evry n’est pas un complément ni un accessoire du jugement rendu par le tribunal de Paris, s’agissant de juger des personnes différentes pour des faits différents,

– le droit à indemnisation pour les victimes directes et par ricochet d’infraction de non empêchement volontaire d’un crime ou d’un délit contre l’intégrité d’une personne ne saurait être confondu avec le droit d’obtenir réparation en raison des préjudices subis suite à une agression sexuelle,

– en appel, les débats auraient porté sur l’indemnisation des victimes du délit de non empêchement de crime ou délit,

– les faits imputables à MM. [E] et [F] ont aggravé leur préjudice car ils n’ont pas, et de façon volontaire, empêché l’agression, ont empêché [D] de s’enfuir, l’ont insultée et filmée au moment où elle se faisait agresser.

Ils détaillent ensuite les différents chefs de préjudice dont ils demandent réparation, soit pour [D] des préjudices résultant des périodes d’hospitalisation, des souffrances endurées et de l’incidence scolaire et pour ses parents un préjudice moral.

Mme [C] prétend que les appelants ont déjà été indemnisés de leurs préjudices par le jugement du tribunal pour enfants de Paris et que sa faute ne leur a fait perdre aucune chance d’obtenir une indemnisation complémentaire en ce que :

– l’indemnisation revendiquée à l’égard de MM. [E] et [F] n’était autre que celle du préjudice corporel, lequel est lié à l’infraction d’agression sexuelle subie mais pas à l’abstention volontaire d’empêcher le crime ou le délit,

– les consorts [N] ont été déboutés car ils n’invoquaient pas de préjudice distinct,

– l’indemnisation accordée correspond à une indemnisation définitive de l’intégralité des préjudices consécutifs à l’agression sexuelle,

– l’indemnisation qui a été demandée devant le tribunal pour enfants et qui est sollicitée encore aujourd’hui est une indemnisation complémentaire des mêmes préjudices qui ont déjà fait l’objet d’une réparation intégrale et non celle d’un préjudice distinct de celui consécutif à l’agression sexuelle en lien direct avec l’infraction d’abstention volontaire d’empêcher un crime ou un délit.

– surabondamment, les consorts [N] demandent à être indemnisés de la totalité des préjudices qu’ils estiment avoir subis alors que la réparation de la perte d’une chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si celle-ci s’était réalisée.

La faute de Mme [C] a privé les consorts [N] de voir leurs demandes examinées à nouveau en appel et leur a ainsi causé une perte de chance d’obtenir gain de cause en justice.

Il convient d’évaluer les chances de succès du recours manqué en reconstituant le procès qui n’a pas eu lieu, à l’aune des dispositions légales qui avaient vocation à s’appliquer au regard des prétentions et demandes respectives des parties ainsi que des pièces en débat.

Il appartient aux appelants d’apporter la preuve que la perte de chance est réelle et sérieuse et si une perte de chance même faible est indemnisable, la perte de chance doit être raisonnable et avoir un minimum de consistance.

En toute hypothèse, la réparation de la perte de chance doit être mesurée en considération de l’aléa jaugé et ne saurait être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

Devant le tribunal pour enfants de Paris, les consorts [N] demandaient la condamnation des trois prévenus reconnus coupables d’agressions sexuelles ou de complicité d’agressions sexuelles au paiement des sommes suivantes :

– 10 000 euros au titre des périodes d’hospitalisations d'[D],

– 15 000 euros au titre des absences et incidences scolaires d'[D],

– 20 000 euros au titre des souffrances endurées par [D],

– 10 000 euros au titre du préjudice moral pour chacun des deux parents,

– 4 125 euros au titre du préjudice matériel des deux parents.

Aux termes du jugement du 15 décembre 2016, rectifié le 20 février 2018, ils ont obtenu :

– 7 500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire d'[D],

– 10 000 euros au titre du préjudice scolaire d'[D],

– 10 000 euros au titre des souffrances endurées par [D],

– 5 000 euros au titre du préjudice moral pour chacun des deux parents,

– 4 125 euros au titre du préjudice matériel commun.

Devant le tribunal pour enfants d’Evry, les consorts [N] demandaient, déduction faite de la somme de 37 500 euros allouée par la décision du tribunal pour enfants de Paris, la condamnation des deux prévenus reconnus coupables de s’être abstenus volontairement d’empêcher un crime ou un délit, au paiement des sommes suivantes :

– 2 500 euros au titre des périodes d’hospitalisations d'[D],

– 5 000 euros au titre des absences et incidences scolaires d'[D],

– 10 000 euros au titre des souffrances endurées par [D],

– 5 000 euros au titre du préjudice moral de chacun des deux parents.

Il n’est pas démontré qu’ils auraient formulé d’autres demandes devant la cour d’appel si un débat s’était instauré alors qu’ils forment encore à ce jour les mêmes demandes.

Les auteurs ayant été condamnés dans les deux dossiers pour des infractions distinctes, il est certain que les préjudices résultant de chacune de ces infractions devaient être analysés séparément.

Les consorts [N] sollicitant devant la seconde juridiction des préjudices au titre du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice scolaire et des souffrances endurées identiques à ceux dont ils avaient déjà demandé et obtenu réparation devant la première juridiction, et dont il a été reconnu qu’ils résultaient directement de l’agression sexuelle subie par [D], sans établir la relation causale entre l’inaction des prévenus et leur dommage, ils n’ont perdu aucune chance de voir la décision de première instance infirmée en appel.

En outre, s’il est exact que les ayants droit de la victime directe de violences sont fondés à solliciter l’indemnisation des préjudices par ricochet qui leur ont été personnellement causés par les délits de non-empêchement de crime ou délit contre les personnes dont le prévenu a été déclaré coupable, les époux [N], victimes par ricochet, n’ont pas plus perdu une chance d’obtenir devant la cour d’appel réparation de leur préjudice moral dès lors qu’ils le rattachent directement à l’agression subie par leur fille et au fait que celle-ci a été filmée, alors que MM. [E] et [F] n’ont pas été poursuivis pour ces faits. Ils ne font état en effet que du bouleversement de leur vie de famille en raison de l’inquiétude ressentie pour leur fille du fait de son état psychologique, de la séparation liée aux hospitalisations, du changement de comportement de leur fille, de leur renfermement sur le plan social et de la peur de voir la vidéo diffusée.

Il s’en déduit que les appelants ne rapportent pas la preuve de la perte d’une chance réelle et sérieuse d’obtenir gain de cause en appel, de sorte que le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes de dommages et intérêts

Les appelants sollicitent une indemnisation propre au présent litige, soit 500 euros au titre de leur préjudice moral, 400 euros au titre de la tentative de conciliation pour laquelle ils ont demandé à être conseillés juridiquement par la Société de courtage des barreaux, courtier d’assurance à qui l’assureur du barreau de l’Essonne a délégué la gestion des sinistres, et 2 000 euros au titre du préjudice matériel résultant de l’absence d’allocation de cette somme au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

Mme [C] répond que la demande d’indemnité au titre de la procédure amiable n’est accompagnée d’aucun justificatif et se confond avec l’indemnité allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile de sorte qu’elle doit être rejetée.

Le jugement du 20 avril 2017 a débouté les parties civiles de leur demande formée à hauteur de 2 000 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale.

En l’absence de perte d’une chance réelle et sérieuse d’obtenir gain de cause en appel sur le principal, la perte de chance d’obtenir gain de cause sur ce fondement est inexistante.

En revanche, il est certain que la faute de Mme [C] est à l’origine de la procédure en responsabilité civile professionnelle qu’ils ont engagée laquelle leur a nécessairement causé des soucis et tracas qui seront justement réparés par l’allocation de la somme demandée à hauteur de 500 euros.

Faute de pièce justifiant la somme de 400 euros payée au titre de la conciliation, la demande formée à ce titre sera rejetée.

Mme [C] sera condamnée aux dépens et au paiement d’une indemnité procédurale.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme [D] [N], Mme [Z] [N] et M. [X] [N] de leur demande de dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral résultant de la présente procédure et condamné les consorts [N] aux dépens,

Statuant de ce chef,

Condamne Mme [K] [C] à payer à Mme [D] [N], Mme [Z] [N] et M. [X] [N] la somme de 500 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la présente procédure outre 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [K] [C] aux dépens de première instance et d’appel.

LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE

 


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