Gérant de fait : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01077

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Gérant de fait : 8 juin 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/01077
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 08 JUIN 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01077 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBX4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’EVRY-COURCOURONNES – RG n° F 18/00990

APPELANT

Monsieur [Z] [H]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

INTIMÉES

SELARL ML CONSEILS prise en la personne de Maître [K] [I]ès qualités de liquidateur judiciaire de la société AXIM FIVE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Christel ROSSE, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 67

ASSOCIATION UNEDIC DÉLÉGATION AGS-CGEA ILE DE FRANCE OUEST

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nicolette GUILLAUME, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente, rédactrice

Madame Sophie GUENIER-LEFEVRE, présidente

Madame Emmanuelle DEMAZIERE, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Nicolette GUILLAUME, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La SELARL Axim Five dont le gérant de droit aux termes des statuts est M. [L] [H], M. [Z] [H] étant un des 4 associés, a été placée en redressement judiciaire le 29 octobre 2015. Un plan de redressement a été arrêté par le tribunal de commerce de Versailles le 15 juin 2017. La société a finalement été placée en liquidation judiciaire le 29 mars 2018.

M. [Z] [H] a été embauché par la société Axim Five selon contrat à temps partiel à durée indéterminée en date du 9 janvier 2014 en tant que conseiller commercial, moyennant un salaire mensuel brut de 2 600 euros pour 104 heures ; il est passé à temps plein à compter du 1er avril 2015 avec un salaire de 4 000 euros, puis comme l’indiquent ses bulletins de salaire, il est devenu responsable de site à compter du 1er septembre 2015 avec un salaire équivalent. Enfin son salaire a été porté à 4 500 euros à compter du 1er septembre 2017.

Par lettre du 11 avril 2018, le mandataire liquidateur a procédé au licenciement économique de M. [H] en précisant que, dans l’hypothèse où il n’existerait pas de lien de subordination, la lettre de licenciement ne lui ouvrirait pas les droits résultant de l’existence d’un contrat de travail.

Par lettre de 10 juillet 2018 et à la suite des réclamations de M. [Z] [H], le mandataire liquidateur l’a informé du refus de prise en charge de son dossier par le régime de garantie des salaires (AGS) en raison notamment de l’absence d’éléments établissant un lien de subordination.

M. [Z] [H] a saisi le conseil de prud’hommes d’Evry le 29 novembre 2018.

Par jugement rendu le 10 décembre 2020, notifié aux parties le 17 décembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Evry a :

– ordonné la jonction des procédures enregistrées sous le numéro de répertoire général 18/0090 et 19/00108,

– dit que M. [H] n’avait pas la qualité de salarié au sein de la société Axim Five,

– débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes,

– débouté les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles,

– dit qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [H] aux dépens,

– dit n’y avoir lieu de prononcer l’exécution provisoire.

Par déclaration du 15 janvier 2021, M. [H] a interjeté appel du jugement en tous ses chefs de décisions, sauf en ce qu’il a ordonné la jonction des procédures enregistrées sous le numéro de répertoire général 18/0090 et 19/00108, débouté les défendeurs de leurs demandes reconventionnelles et dit qu’il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 11 février 2023, M. [H] demande à la cour de :

– dire bien appelé, mal jugé et réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

– débouter l’AGS de son moyen relatif à l’absence d’effet dévolutif

– juger qu’il est bien salarié de la société Axim Five, cette qualité lui ayant été reconnue sans réserve aussi bien par le liquidateur que par l’AGS qui a procédé au versement d’arriéré de salaires et d’indemnités de congés payés,

– débouter Maître [K] [I] personnellement et ès qualités en l’absence totale de preuve utile de sa contestation de ladite qualité de salarié.

-juger en effet que les deux seuls actes revendiqués antérieurs au jugement de liquidation comme prétendument constitutifs d’actes de gestion l’ont été par délégations expresses du gérant,

– juger que la signature postérieure au même jugement d’attestations Pôle Emploi par délégation ne peut ni en fait ni en droit constituer un acte de gestion en raison notamment du principe de dessaisissement,

– fixer ses créances salariales au passif de la liquidation de la société Axim Five se décomposant comme suit :

. Salaires du mois de mars 2018 : 3 419 euros nets

. Salaire du mois d’avril 2018 : 3 434,73 euros nets

. Salaire du mois de mai 2018 : 639,05 euros bruts

. Indemnité compensatrice de congés payés : 9 681,85 euros bruts

. Réintégration des frais de santé : 31,62 euros nets

. Indemnité de licenciement : 5 062,50 nets

. Dommages et intérêts pour résistance abusive : 15 000 euros

– ordonner à la Selarl Ml conseils prise en la personne de Maître [K] [I], en qualité de liquidateur de la société Axim Five de lui remettre un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi permettant de bénéficier de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle sous astreinte de 100 euros par jours de retard et par documents,

– ordonner la remise des bulletins de paie rectificatifs conformes à l’arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

– juger que ses créances seront garanties par l’AGS CGEA à hauteur du plafond le plus élevé,

– condamner la Selarl Ml conseils à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 8 février 2023, la société Ml Conseils prise en la personne de Maître [K] [I], en qualité de liquidateur de la société Axim Five, demande à la cour de :

– confimer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Evry en ce qu’il a considéré que la qualité de salarié ne saurait être reconnue à M. [H] et par conséquent l’a débouté de l’intégralité de ses demandes,

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en condamnation de M. [H] de verser la somme de 6 226,67 euros correspondant à l’avance faite par l’AGS sur le fondement de la répétition de l’indû,

statuant à nouveau,

– condamner M. [H] à lui verser la somme de 6 226,67 euros,

– infimer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande en condamnation de M. [H] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

– condamner M. [H] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées au greffe par voie électronique le 26 janvier 2023, l’AGS demande à la cour de :

– déclarer l’appel de M. [H] [Z] dépourvu d’effet d’évolutif,

– constater qu’il s’en rapporte sur la demande de sursis à statuer de Maitre [K] [I] ès qualités,

par voie de conséquence,

– infirmer la décision dont appel sur ce point,

– confirmer la décision dont appel en ce qu’elle a débouté M. [H] de ses demandes,

– constater que M. [H] avait la qualité de dirigeant de fait de la société Axim Five,

– débouter M. [H] de l’ensemble de ces demandes,

– le recevoir en son appel incident,

– condamner M. [H] à rembourser entre les mains de Maître [K] [I] ès qualités la somme de 6 226,67 euros bruts, à charge pour ce dernier de rembourser l’AGS, au titre de restitution des avances indument effectuées,

très subsidiairement, sur la garantie :

– dire que l’AGS ne devra sa garantie au titre des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et suivants et L. 3253-17 du code du travail,

– limiter la garantie, toutes causes confondues au plafond 6 en vigueur au jour de la liquidation judiciaire,

– limiter l’éventuelle exécution provisoire, à supposer qu’intervienne une fixation de créances, aux hypothèses prévues aux articles R. 1454-14 et R. 1454-28 du code du travail,

– rappeler que la somme éventuellement due au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’une éventuelle astreinte, qu’elle soit ou non liquidée n’entrent pas dans le champ de la garantie de l’AGS,

– statuer ce que de droit sur les dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 14 février 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 10 mars 2023.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

Pour plus ample exposé, il est renvoyé aux écritures déposées par les parties et réitérées oralement à l’audience.

À l’issue des débats, les parties ont été informées de la date de délibéré fixée au 8 juin 2023.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur l’effet dévolutif de l’appel

L’intimée soutient que l’effet dévolutif ne joue pas en l’absence d’une critique expresse des chefs du jugement dans l’acte d’appel et qu’il est interdit à l’appelant de procéder à sa déclaration d’appel en faisant uniquement référence à une pièce jointe, à savoir une annexe qui contient les chefs de la décision critiqués.

L’appelant rappelle qu’il est possible d’annexer à la déclaration d’appel une pièce jointe la complétant afin de lister l’ensemble des chefs du jugement critiqués. Cette pièce jointe, établie sous forme de copie numérique, fait ainsi corps avec la déclaration d’appel.

Sur ce,

Sur déféré de l’ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 19 octobre 2021 qui avait constaté la recevabilité de la déclaration d’appel de M. [H] en date du 15 janvier 2021 et débouté Me [I] devenu la Selarl ML Conseils ès qualités de sa demande d’incident tendant principalement, à voir déclarer l’appel dépourvu d’effet dévolutif, cette cour par arrêt rendu le 2 novembre 2022 a dit que la juridiction de la mise en état n’a pas le pouvoir de statuer sur l’effet dévolutif de la déclaration d’appel de M. [H] et a renvoyé les parties à conclure sur ce point à l’attention de la cour dans le cadre d’écritures au fond dans le dossier n° RG 21/01077, fixant un calendrier de procédure.

La consultation du RPVA permet d’établir qu’une annexe est jointe à la déclaration d’appel qui elle-même en fait mention.

Cette annexe est rédigée dans les termes qui suivent :

‘COMPLEMENT DE DECLARATION D’APPEL

OBJET DE L’APPEL

Appel limité aux chefs de jugement contradictoire et en premier ressort rendu par le Conseil de Prud’hommes d’Evry-Courcouronnes ‘ formation de départage – SECTION ENCADREMENT ‘ RG F 18/00990 – en date du 10 décembre 2020. Cet appel, selon les moyens qui seront développés dans les conclusions, tend à l’infirmation du jugement qui a :

DIT que Monsieur [Z] [H] n’avait pas la qualité de salarié au sein de la société AXIM FIVE

DEBOUTE Monsieur [H] de l’ensemble de ses demandes de fixation des créances salariales de Monsieur [Z] [H] au passif de la liquidation de la société AXIM FIVE se décomposant comme suit :

‘ Salaires du mois de mars 2018 : 3.419 € nets

‘ Salaire du mois d’avril 2018 : 3.434,73 € nets

‘ Salaire du mois de mai 2018 : 639,05 € bruts

‘ Indemnité compensatrice de congés payés : 9.681,85 € bruts

‘ Réintégration des frais de santé : 31,62 € nets

‘ Indemnité de licenciement : 5.062,50 nets

‘ Dommages et intérêts pour résistance abusive : 15.000 €

DEBOUTE Monsieur [H] de sa demande de remise par la SELARL ML CONSEILS prise en la personne de Maître [K] [I], en qualité de liquidateur de la société AXIM FIVE d’ un certificat de travail et une attestation Pôle emploi permettant de bénéficier de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle sous astreinte de 100 € par jours de retard et par documents et de la remise d’un bulletin de paie rectificatif conforme au jugement sous astreinte de 100 € par jour de retard

Et subsidiairement, qui l’a débouté de ses demandes de fixation au passif de la liquidation judiciaire de AXIM FIVE les sommes suivantes

– Indemnité de préavis : 13.500 €

– Congés payés afférents : 1.350 €

Et qui l’a débouté de sa demande de remise des documents de fin de contrat conforme au jugement’.

Selon l’article 901 du code de procédure civile : ‘la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :

(…)

4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

(…)’

Le décret n° 2022-245 du 25 février 2022 modifiant l’article 901 du code de procédure civile et l’arrêté du 25 février 2022 modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d’appel sont immédiatement applicables aux instances en cours pour les déclarations d’appel qui ont été formées antérieurement à l’entrée en vigueur de ces deux textes réglementaires, pour autant qu’elles n’ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n’a pas fait l’objet d’un déféré dans le délai requis, ou par l’ arrêt d’une cour d’appel statuant sur déféré.

Une déclaration d’appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue ainsi un acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction, même en l’absence d’empêchement technique.

Il convient en conséquence de rejeter la demande de l’AGS tendant à voir déclarer l’appel de M. [H] dépourvu d’effet d’évolutif.

Sur la qualité de salarié

M. [H] soutient avoir exercé des fonctions de salarié sur six ans au total dont les quatre dernières comme responsable de site.

Pour convaincre la cour, l’appelant rapporte l’existence d’un contrat de travail signé par les deux parties, la convention tripartite dans le cadre d’une délégation ponctuelle et expresse du gérant de droit comme le contrat de location de matériel avec gage, le rapport de synthèse de l’audit industriel effectué par la société Beetween qui mettrait en évidence ses véritables fonctions techniques ; il précise que seul son père, M. [L] [H], embauchait et sanctionnait le personnel de l’entreprise.

S’agissant de la signature des attestations de Pôle Emploi en vue des contrats de sécurisation, post-liquidation, M. [H] indique n’avoir fait que remplir les documents qui lui ont été remis à la demande du liquidateur et qu’il ne pouvait donc agir ni d’initiative personnelle ni autrement que dans un cadre délégué.

Le liquidateur comme l’AGS, soutiennent à l’inverse que l’appelant n’a jamais été placé dans une relation salariale. Tout d’abord, le contrat de travail serait fictif, l’appelant qui est le fils du gérant de droit ayant été nommé ‘responsable de site’ alors que l’entreprise est en procédure de redressement judiciaire.

S’agissant de la convention de gage, ils précisent que d’une part l’appelant représente la société pour des actes importants de la société, il ne s’agit donc pas d’une délégation ponctuelle, d’autre part le tribunal a prononcé la nullité de cette convention.

Ensuite, s’agissant de l’audit industriel réalisé en 2016, ils indiquent que seul l’appelant a été rencontré et qu’il agit comme le dirigeant représentant la société, et s’agissant des contrats de sécurisation professionnelle concernant différents salariés, que tous sont signés de la main de l’appelant représentant la société.

Enfin, ils relèvent que l’appelant ne produit aucun élément, demande de congés ou autres, prouvant un quelconque lien de subordination avec la société.

Sur ce,

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité, le contrat de travail étant caractérisé par l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération et d’un lien de subordination juridique entre l’employeur et le salarié.

Le lien de subordination se définit comme l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a de ce fait :

– le pouvoir de donner des ordres et des directives,

– d’en contrôler l’exécution,

– de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l’espèce, un contrat de travail et des bulletins de salaire sont produits par l’appelant.

Il est admis qu’en présence d’un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve

Le contrat de travail que l’appelant produit en pièce 5 lui confie les fonctions de ‘Conseiller commercial’ qu’il dit avoir exercées jusqu’en août 2015, date à laquelle il a été promu ‘responsable de site’, catégorie profession intermédiaire, puis le 1er octobre 2017, reconnu cadre.

Aucun avenant qui préciserait plus avant ses fonctions, n’est venu valider cette promotion.

Cependant M. [H] l’indique lui-même dans ses conclusions, sa fonction de ‘responsable de site’ implique selon ses propres termes ‘tout ce qui touche à l’organisation du site, les process, les relations clients, le suivi de fabrication, le règlement des difficultés liées à la production industrielle’, soit des ‘fonctions de direction technique, commerciale et industrielle’ ou ‘des fonctions commerciales évidentes ( proposition des prix, établissements des devis, appels d’offre, visite clientèle) et des fonctions d’organisation de production’.

Selon le liquidateur, ‘le responsable de site est chargé d’assurer le bon fonctionnement d’un site.

Pour gérer efficacement celui-ci, il manage une équipe de plusieurs personnes et doit être quotidiennement au fait de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Ses connaissances lui permettent de faire face à toutes les situations techniques (dysfonctionnement, panne technique, absence d’instructions, logiciel non paramétré’) et managériales possible. C’est aussi une personne disposant d’un bon relationnel et d’un bon sens commercial.’

Dans le rapport d’audit demandé après l’ouverture de la procédure collective par le juge commissaire, si ainsi que le relève l’intimé, il est indiqué en page 20 que : « [Z] [H] le seul dirigeant rencontré pendant ces 2 jours d’audit est un dirigeant lucide avec le recul sur les dysfonctionnements actuels et les points à améliorer » ou que « [Z] [H] est un responsable de site très impliqué plutôt en recherche de transparence »,

il est également exposé que :

‘C’est donc [Z] [H] qui pilote aujourd’hui la production industrielle de Axim Five.

A noter que dans les bulletins de salaires que l’on nous a remis, (cf Bulletin de paie du 29/02/2016) [Z] [H] n’est pas mentionné comme cadre. Hors, il est à nos yeux le seul véritable ” cadre ” que nous avons rencontré lors de notre audit :

Monsieur [Z] [H] est actuellement la personne clef de Axim Five, en tant que ” Responsable de Site Directeur Technique & Commercial ” (cf. Organigramme Numeca [Localité 7] du 10/03/2016).

Il est responsable de l’unique site de production de Axim Five à [Localité 7]. Ce rôle l’amène à assumer un grand nombre de tâches au quotidien : parmi les plus importantes, Monsieur [Z] [H] s’occupe de tout ce qui tourne autour de la relation client. C’est même le seul à avoir un rôle commercial chez Axim Five, rôle très ouvert puisqu’il couvre l’ensemble du spectre commercial au quotidien :

prospection commerciale,

relation commerciale des clients existants, réponse aux appels d’offres, conseillé par ses collaborateurs, gestion des devis et des commandes, en lien avec l’assistante administrative, suivi des livraisons et satisfactions clients.

Ce rôle est complété par celui de responsable de la production industrielle du site de [Localité 7]:

gestion des achats de matière première,

gestion de l’entretien du parc machine,

gestion de la production,

gestion de l’outil industriel au sens large, et des locaux.

[Z] [H] pilote également les Ressources Humaines du site (12 personnes salariées + 6 prestataires externes présents à temps plein sur le site) et est le garant de la politique RH du site.

Enfin, [Z] [H] pilote l’entreprise Axim Five sur ses aspects financiers : élaboration des budgets, suivi de la comptabilité avec la comptable groupe, budgets prévisionnels, gestion des bilans en liaison avec le cabinet comptable, etc.

Notre présence sur le site pendant 2 jours nous a permis de constater que [Z] [H] est extrêmement impliqué dans son travail, qu’il essaye de faire au mieux pour piloter le site, piloter la production et piloter son entreprise. Mais nous avons aussi constaté que tout le temps qu’il passe côté usine n’est pas passé avec les clients. Or aucune autre ressource commerciale n’est disponible sur le site et il est indispensable au vu de la spécificité des pièces de faire chaque devis client sur le site de [Localité 7], afin de confronter les aspects budgétaires avec les contraintes de production. [Z] [H] nous a d’ailleurs montré de très bonnes aptitudes commerciales : pédagogie et écoute, sens du service, lucidité sur les prix et la concurrence, sens de la satisfaction client, etc.

Nous pensons qu’à ce stade, il est indispensable de doter Axim Five d’une présence commerciale forte, pour fidéliser les clients actuels (mais les clients historiques étant toujours présents, il s’agit plus de voir comment augmenter le CA qu’ils peuvent générer) et surtout pour trouver de nouveaux clients. Or ce ” temps commercial ” ne pourra pas être trouvé si [Z] [H] passe la plus grande partie de son temps à piloter la production comme c’est le cas aujourd’hui.

Notre préconisation irait donc vers la recherche d’une ressource capable de prendre en main de facon rationnelle et productive le site industriel de [Localité 7], dégageant ainsi du temps à [Z] [H] pour les aspects commerciaux tout en lui laissant la main sur la gestion RH et Financière de Axim Five’.

M. [H] démontre également l’exercice par son père de ses pouvoirs de gérant au sein de la société, pour les actes d’embauche ou de sanctions des salariés (pièces 21 à 28).

En outre l’arrêt rendu le 10 janvier 2023 par la cour d’appel de Versailles qui constitue le dernier état du droit, a débouté le liquidateur de sa demande tendant à voir reconnaître la qualité de gérant de fait à M. [Z] [H] et retient que :

‘Le liquidateur verse aux débats un contrat de location d’un lot d’outillage et de machines conclu le 3 juillet 2017 entre la société Numeca représentée par M. [L] [H] et la société Axim five représentée par M. [Z] [H] ainsi que deux conventions tripartites conclues les 15 avril 2014 et 12 février 2018 entre ces mêmes sociétés et M. [X], la société Axim five étant représentée par M. [Z] [H]. Ce dernier justifie d’un pouvoir en date du 12 février 2018 que lui a donné M. [L] [H] pour signer la convention tripartite datée du même jour.

De même, si M. [Z] [H] apparaît comme représentant de la société Axim five et signataire de la convention de gage datée du 20 mars 2018, il est expressément indiqué en page 1 de ce document qu’il a reçu un pouvoir pour représenter la société (…).

Les attestations Pôle emploi comportant la signature de M. [Z] [H] en date des 2 et 7 mars 2016, sont établies au nom de M. [L] [H] et signées par M. [Z] [H] avec la mention “P.O. : pour ordre”en sorte qu’elles ne peuvent être considérées comme un acte réalisé en toute indépendance.

Contrairement à ce que soutient le liquidateur, M. [Z] [H] n’a pas pris d’engagement dans le cadre du plan de continuation, mais uniquement M. [L] [H]. (…)

De son côté, M. [Z] [H] justifie qu’il n’avait pas la signature sur le compte bancaire de la société Axim five ouvert auprès de la banque CIC Ouest qui fonctionnait sous la seule signature de M. [L] [H], qu’il ne donnait aucun ordre de paiement et que seul M. [L] [H] embauchait et licenciait le personnel de l’entreprise.

La lecture des auditions de salariés de la société Axim five devant les services de police dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte contre X pour organisation frauduleuse d’insolvabilité, tentative d’escroquerie aux AGS et escroquerie au jugement qu’il verse aux débats, notamment celle de M. [D] [T] [R], de Mme [A] [W] et de M. [Y] [C], démontre en outre que M. [Z] [H] ne prenait pas de décision sans l’accord de son père.

Il résulte de l’ensemble des éléments rapportés ci-dessus que M. [Z] [H] a agi dans le cadre de ses fonctions de responsable de site, assumant sur place la direction technique, commerciale et industrielle, ce qui ressort du rapport d’audit industriel (pièce 31 page5). Le fait qu’il ait signé sans délégation, sur une période de plus de trois ans, les deux contrats évoqués ci-dessus, et ait pu être l’interlocuteur du mandataire judiciaire, à deux reprises d’après les éléments communiqués, pendant la période d’observation qui a duré plus de dix-huit mois, en l’absence de tout autre élément de preuve autre que la simple affirmation non étayée figurant dans le rapport d’audit industriel, ne suffit pas à caractériser l’exercice en toute indépendance d’une activité positive de gestion et de direction de la société Axim five dont il était le salarié. Il convient par conséquent, infirmant les chefs de jugement le concernant, de débouter la Selarl ML conseils ès qualités de ses demandes dirigées à l’encontre de M. [Z] [H].’

L’ensemble de ces éléments justement rapportés par l’arrêt précité et qui figurent également dans la présente procédure, permettent d’établir que M. [H] exerçait des fonctions techniques et le lien de subordination.

Dès lors, à la fois la prestation de travail, la rémunération, le lien de subordination, et donc la qualité de salarié de M. [H] sont établis. Le jugement critiqué sera en conséquence infirmé en ce qu’il a jugé à ce titre.

Les demandes en paiement ne sont pas contestées par le liquidateur et pas davantage par l’AGS qui relèvent seulement qu’en l’absence de démonstration d’un préjudice, les dommages et intérêts pour résistance abusive ne sont pas dus. L’AGS oppose en outre à l’appelant les limites de sa garantie.

Les créances salariales au passif de la liquidation de la société Axim Five seront ainsi fixées, conformément aux demandes de M. [Z] [H] :

. Salaires du mois de mars 2018 : 3 419 euros nets

. Salaire du mois d’avril 2018 : 3 434,73 euros nets

. Salaire du mois de mai 2018 : 639,05 euros bruts

. Indemnité compensatrice de congés payés : 9 681,85 euros bruts

. Réintégration des frais de santé : 31,62 euros nets

. Indemnité de licenciement : 5 062,50 nets.

Au regard de la solution donnée au litige, la demande en répétition de l’indû formée à l’encontre de M. [Z] [H] ne peut aboutir. Elle sera rejetée, le jugement querellé étant confirmé en ce qu’il a jugé à ce titre.

Sur les demandes accessoires

M. [Z] [H] ne présente à l’appui de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive aucune argumentation précise. En l’absence notamment, de la preuve d’un préjudice indépendant des postes déjà indemnisés, sa demande sera rejetée.

La remise d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt s’impose sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance du liquidateur n’étant versé au débat.

Il convient de rappeler que l’obligation du C.G.E.A, gestionnaire de l’AGS, de procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail se fera dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créance par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253-20 du code du travail.

Partie perdante, la société Ml Conseils prise en la personne de Maître [K] [I], en qualité de liquidateur de la société Axim Five, sera condamné aux dépens. Le jugement étant infirmé en ce qu’il a jugé de ce chef. Sa demande formée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ne peut aboutir.

L’équité commande de débouter M. [Z] [H] de sa demande de remboursement de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

DÉBOUTE l’AGS de sa demande tendant à voir déclarer l’appel de M. [H] [Z] dépourvu d’effet d’évolutif,

INFIRME le jugement déféré en ses chefs critiqués sauf en ce qu’il a débouté ‘les défendeurs’ de leurs demandes reconventionnelles,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que M. [H] avait la qualité de salarié au sein de la société Axim Five,

FIXE au passif de la société Axim Five la créance de M. [Z] [H] à hauteur de :

. Salaires du mois de mars 2018 : 3 419 euros nets

. Salaire du mois d’avril 2018 : 3 434,73 euros nets

. Salaire du mois de mai 2018 : 639,05 euros bruts

. Indemnité compensatrice de congés payés : 9 681,85 euros bruts

. Réintégration des frais de santé : 31,62 euros nets

. Indemnité de licenciement : 5 062,50 nets,

DÉBOUTE M. [Z] [H] de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive,

REJETTE le surplus des demandes,

RAPPELLE que le jugement d’ouverture de la procédure collective de la société a opéré arrêt des intérêts légaux et conventionnels,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE la remise par la société Ml Conseils prise en la personne de Maître [K] [I], en qualité de liquidateur de la société Axim Five à M. [Z] [H] d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail et d’un bulletin de salaire récapitulatif conformes à la teneur du présent arrêt, au plus tard dans le mois suivant son prononcé,

DIT que l’AGS ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-19 et L. 3253-17 du code du travail, limitées au plafond de garantie applicable, en vertu des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail, et payable sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire, et sur justification par ce dernier de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L. 3253-20 du code du travail,

LAISSE les dépens à la charge de la société Ml Conseils prise en la personne de Maître [K] [I], en qualité de liquidateur de la société Axim Five.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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