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8ème Ch Prud’homale
ARRÊT N°267
N° RG 22/06312 –
N° Portalis DBVL-V-B7G-THHO
M. [D] [N]
C/
SCP [H] [O] (Liquidation judiciaire de la SARL BMC CONSTRUCTION)
– Association UNEDIC, Délégation AGS-CGEA DE [Localité 4]
Appel sur la compétence : Infirmation
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me Christophe LHERMITTE
– Me Bruno CARRIOU
Copie certifée conforme à
– Me [H] [O]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 26 JUIN 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,
Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,
Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 14 Avril 2023
devant Monsieur Philippe BELLOIR, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Madame [P] [E], Médiatrice judiciaire
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 26 Juin 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [D] [N]
né le 10 Avril 1974 à [Localité 7] (TURQUIE)
demeurant [Adresse 1]
[Localité 6]
comparant et ayant Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représenté à l’audience par Me Mathieu BRULE, Avocat plaidant du Barreau de NANTES
INTIMÉES :
La SCP de Mandataire Judiciaire [H][O] prise en la personne de Me [H] [O] ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL BMC CONSTRUCTION
[Adresse 2]
[Localité 5]
INTIMÉE NON CONSTITUÉE
…/…
L’Association UNEDIC, Délégation AGS-CGEA DE [Localité 4] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :
[Adresse 3]
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Me Samir LAABOUKI substituant à l’audience Me Bruno CARRIOU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Avocats au Barreau de NANTES
=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=
M. [D] [N] soutient avoir été embauché à compter du 02 janvier 2018 dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de Chef d’équipe et qu’il a exercé ses fonctions sous la subordination de M. [F] [N], représentant légal de la société BMC CONSTRUCTION.
M. [D] [N] soutient qu’il n’aurait plus perçu sa rémunération à compter du mois de novembre 2020.
Le 20 janvier 2021, la société BMC CONSTRUCTION a été placée en liquidation judiciaire.
Le 2 février 2021, M. [D] [N] a été licencié pour motif économique par la SCP [O], en qualité de mandataire judiciaire de la société BMC CONSTRUCTION.
Le 13 avril 2021, le mandataire judiciaire a informé M. [D] [N] de la contestation par l’AGS-CGEA de [Localité 4] de sa qualité de salarié et de son refus de prendre en charge les créances sollicitées.
Par courrier du 14 juin 2021, M. [D] [N] a contesté ce refus.
A compter du 30 juin 2021, M. [D] [N] a été placé en arrêt de travail.
Le 28 septembre 2021, M. [D] [N] a saisi le Conseil de prud’hommes de Nantes aux fins de dire et juger que l’AGS-CGEA de [Localité 4] ne rapportait pas la preuve de l’absence de contrat de travail et de lien de subordination.
La cour est saisie de l’appel régulièrement formé le 28 octobre 2022 par M. [D] [N] contre le jugement du 30 septembre 2022 notifié le 18 octobre 2022, par lequel le Conseil de prud’hommes de Nantes a :
‘ Dit que l’existence du contrat de travail liant M. [D] [N] à la société BMC CONSTRUCTION n’est pas établie,
‘ S’est déclaré incompétent pour répondre aux demandes M. [D] [N], au profit du Tribunal de commerce de Nantes,
‘ Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
‘ Condamné M. [D] [N] aux dépens éventuels.
Vu l’ordonnance du 9 novembre 2022 autorisant, au visa des articles 84 et suivants, 917 et suivants du code de procédure civile, M. [D] [N] à faire délivrer assignation à jour fixe avant le 25 novembre 2022 et fixant l’audience de plaidoiries au 17 février 2023 ;
Vu les assignations à jour fixe délivrées à Me [O] ès qualités le 16 novembre 2022 et à l’AGS-CGEA de [Localité 4] le 27 novembre 2022 ;
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 3 février 2023, suivant lesquelles M. [D] [N] demande à la cour de :
‘ Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes en ce qu’il a :
– Dit que l’existence du contrat de travail liant M. [D] [N] à la société BMC CONSTRUCTION n’est pas établi,
– Déclaré l’incompétence du Conseil de prud’hommes de Nantes au bénéfice du Tribunal de commerce de Nantes,
Statuant à nouveau,
‘ Dire et juger que l’AGS n’apporte pas la preuve de l’absence de contrat de travail et de lien de subordination,
‘ Déclarer le Conseil de prud’hommes de Nantes matériellement compétent pour connaître du litige dont il a été saisi et opposant M. [D] [N] à l’AGS-CGEA de [Localité 4], la société BMC CONSTRUCTION et Me [O] es qualité de liquidateur judiciaire,
‘ Evoquer l’affaire sur le fond du litige en application de l’article 88 du code de procédure civile,
‘ Inviter les parties à constituer avocats pour conclure sur le fond,
En toute hypothèse,
‘ Débouter l’AGS-CGEA de [Localité 4] et la SCP [O] de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires,
‘ Condamner l’AGS-CGEA de [Localité 4] à verser à M. [D] [N] une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner la SCP [O] à verser à M. [D] [N] une somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Condamner l’AGS-CGEA de [Localité 4] aux entiers dépens.
Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, suivant lesquelles l’AGS-CGEA demande à la cour de :
‘ Recevoir l’AGS et le CGEA de [Localité 4] en leur intervention,
‘ Donner acte au CGEA de [Localité 4] de sa qualité de représentant de l’AGS dans l’instance,
‘ Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
‘ Débouter M. [D] [N] de l’ensemble de ses prétentions,
En tout état de cause,
‘ Condamner M. [D] [N] à verser à l’AGS-CGEA de [Localité 4] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
‘ Statuer ce que de droit sur les dépens.
Par application de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, il sera rappelé qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
Si le CGEA-AGS de [Localité 4] développe dans les motifs de ses dernières conclusions du 13 décembre 2022 (pages 8 et 9) un moyen relatif à l’irrecevabilité des demandes du salarié, il ne formule, dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour en application de l’article 954 du code de procédure civile, aucune demande relative à ce titre. Partant, la cour n’examinera pas cette demande.
***
Sur l’existence du contrat de travail de M. [D] [N]
M. [D] [N] soutient que le Conseil de prud’hommes de Nantes doit être déclaré compétent pour connaître du litige l’opposant à l’AGS-CGEA de [Localité 4]. Il estime être lié à la société BMC CONSTRUCTION par un contrat de travail aux motifs que :
– en présence d’un contrat de travail écrit, il appartient à celui qui en conteste l’existence d’en rapporter la preuve et qu’en l’espèce, l’AGS-CGEA de [Localité 4] ne rapporte pas une telle preuve,
– il a exercé son activité dans le cadre d’un lien de subordination, puisqu’il était soumis aux directives et au contrôle du gérant de la société, M. [F] [N].
L’AGS-CGEA de [Localité 4] réplique que M. [D] [N] ne rapporte ni la preuve de la réalité de l’activité salariée qu’il exerçait, ni celle d’un lien de subordination entre lui et la société BMC CONSTRUCTION ; que M. [F] [N], désigné comme gérant de droit de la société BMC CONSTRUCTION, est un membre de la famille de M. [D] [N] ; que, dans les faits, M. [D] [N] est également gérant de la société et que parallèlement, il était gérant de la société [N] qui a été liquidée postérieurement à sa date d’embauche au sein de la société BMC CONSTRUCTION.
Il résulte des articles L.1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d’autrui moyennant rémunération.
L’existence de relations de travail ne dépend, ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des circonstances de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle.
Le contrat de travail peut se définir comme étant une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination, moyennant une rémunération. Trois éléments indissociables le caractérisent : l’exercice d’une activité professionnelle, la rémunération et le lien de subordination.
Le lien de subordination est l’élément déterminant du contrat de travail, puisqu’il s’agit là du seul critère permettant de le différencier d’autres contrats comportant l’exécution d’une prestation rémunérée. Il est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
S’il appartient en principe à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence et le contenu, la charge de la preuve est inversée en présence d’un contrat de travail apparent.
En l’espèce, le contrat à durée indéterminée à temps plein signé entre la SARL BMC CONSTRUCTION et M. [D] [N] le 2 janvier 2018 (pièce n°1) et les bulletins de paie édités à compter de cette date et jusqu’au mois de janvier 2021 (pièce n°2) créent une apparence de contrat de travail dont il incombe à l’AGS de démontrer la fictivité.
Le fait que M. [D] [N] ait des liens familiaux avec M. [F] [N], gérant de la SARL BMC CONSTRUCTION, ce qu’il ne discute pas, n’empêche pas l’existence d’une relation de travail, contrairement à ce que soutient l’AGS.
Et si l’AGS CGEA de [Localité 4] affirme que M. [D] [N] se comportait comme un gérant de fait et disposait d’une autre société qui a été liquidée, ce dont l’AGS déduit l’absence de lien de subordination, la cour constate, cependant, qu’aucune pièce ne vient corroborer ces allégations dès lors que sont produits uniquement trois pièces par l’AGS CGEA de [Localité 4] : les statuts de la SARL BMC construction, un extrait de la convention collective du bâtiment et un jugement du 30 septembre 2022 concernant un autre salarié.
En outre, les bulletins de paie produits par l’appelant font figurer les cotisations au régime d’assurance chômage.
Dès lors, la fictivité du contrat de travail apparent du 2 janvier 2018 n’étant pas suffisamment établie, le conseil des prud’hommes est compétent pour connaître des prétentions du salarié concernant ce contrat.
Le jugement sera infirmé sur la compétence et l’affaire sera renvoyée devant le conseil des prud’hommes de Nantes pour qu’il soit statué au fond, ainsi que l’appelant le sollicite dans le dispositif de ses écritures.
Sur les frais irrépétibles
Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu’il soit fait application de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; le CGEA-AGS de [Localité 4] qui succombe en appel, doit être condamné à indemniser le salarié des frais irrépétibles qu’il a pu exposer pour assurer sa défense en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant en dernier ressort et par arrêt réputé contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
DIT que la fictivité du contrat de travail apparent du 2 janvier 2018 n’est pas démontrée,
DIT que le conseil des prud’hommes de Nantes est compétent pour connaître des demandes afférentes à ce contrat de travail du 2 janvier 2018,
RENVOIE la cause et les parties devant ce conseil pour qu’il soit statué au fond,
CONDAMNE le CGEA-AGS de [Localité 4] à payer à M. [D] [N] la somme de 800 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE le CGEA-AGS de [Localité 4] aux entiers dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.