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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/01808 – N° Portalis DBVS-V-B7F-FRNN
Minute n° 23/00155
[H]
C/
[O], [P]
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THIONVILLE, décision attaquée en date du 21 Juin 2021, enregistrée sous le n° 21/00525
COUR D’APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 27 JUIN 2023
APPELANT :
Monsieur [Y] [H]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Madame [U] [O], es qualité de gérant de droit de la société IB PRINT LUX SARL
[Adresse 1]
[Localité 2]
Monsieur [X] [P], es qualité de gérant de fait de la société IB PRINT LUX SARL
[Adresse 1]
[Localité 2]
DATE DES DÉBATS : A l’audience publique du 14 Février 2023 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s’y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l’arrêt être rendu le 27 Juin 2023, en application de l’article 450 alinéa 3 du code de procédure civile
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère
Mme BIRONNEAU, Conseillère
ARRÊT : Contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Selon contrat de travail du 1er juin 2018, la société à responsabilité limitée (SARL) IB Print Lux, immatriculée au [Localité 5], a embauché M. [Y] [H], résidant en France, en tant que technicien dépanneur.
Ce contrat de travail a été rompu et M. [H] a obtenu un reçu pour solde de tout compte en daté du 29 juillet 2020.
Par courrier du 05 novembre 2019, le centre commun de la sécurité sociale du [Localité 5] a notifié à la SARL IB Print Lux l’annulation de l’affiliation de M. [H] auprès de la sécurité sociale luxembourgeoise, avec effet rétroactif au 1er juin 2018.
La SARL IB Print Lux a toutefois continué à s’acquitter des cotisations sociales pour le compte du régime luxembourgeois.
Soutenant avoir été privé de ses droits à sécurité sociale par leur faute, M. [H] a, par acte d’huissier en date du 06 avril 2021, remis en l’étude de Me [W], fait assigner Mme [U] [O], es qualité de gérant de droit de la SARL IB Print Lux, et M. [X] [P], es qualité de gérant de fait de la SARL IB Print Lux, devant le tribunal judiciaire de Thionville afin d’obtenir leur condamnation solidaire à lui verser des dommages et intérêts au visa des articles L.225-251 et L.227-8 du code de commerce.
Mme [O] et M. [P] n’ont pas constitué avocat en première instance.
Par jugement réputé contradictoire du 21 juin 2021, le tribunal judiciaire de Thionville a :
débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes ;
condamné M. [H] aux dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que la seule constatation de l’inobservation des obligations incombant à une société pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale n’impliquait pas nécessairement une faute personnelle commise par le gérant dans sa gestion de sorte qu’en l’absence de tout autre élément permettant d’établir que Mme [O], gérante de droit de la SARL IB Print Lux, avait commis une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement, sa responsabilité ne pouvait être engagée en application de l’article L.223-22 du code de commerce.
Le tribunal a également considéré qu’aucune pièce ne tendait à démontrer que M. [P] s’était comporté comme le gérant de fait de la SARL IB Print Lux de sorte que sa responsabilité ne pouvait davantage être engagée sur le fondement de l’article L.223-22 du code commerce et qu’il convenait de débouter M. [H] de l’ensemble de ses demandes et le condamner aux dépens.
Par déclaration enregistrée auprès du greffe de la cour en date du 15 juillet 2021, M. [H], a interjeté appel de la décision du tribunal judiciaire de Thionville aux fins d’infirmation du jugement rendu le 21 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Thionville en ce qu’il a débouté M. [H] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.
Par acte d’huissier du 18 octobre 2021, remis en l’étude de Me [G], M. [H] a signifié la déclaration d’appel et les conclusions justificatives d’appel accompagnées du bordereau de pièces à M. [P] et Mme [O].
M. [P] et Mme [O] n’ont pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 09 juin 2022.
Par note en délibéré envoyée le 20 avril 2023, la cour a sollicité de M. [H] des explications quant à l’application de l’article L. 222-23 du code du commerce dans le cadre de l’activité d’une société luxembourgeoise et de fournir ou d’expliciter quel autre fondement, notamment luxembourgeois, pourrait être invoqué.
Le 04 mai 2023, en réponse à cette note en délibéré, M. [H] a indiqué avoir été embauché par la SARL IB Print Lux sans pour autant avoir été licencié de la première société française et que courant juin 2020 il n’a plus travaillé que pour la société française puisque la SARL IB Print Lux avait été « fermée » (sic). M. [H] a alors ajouté que l’article L. 222-23 du code du commerce lui semblait applicable tout en indiquant toutefois que le droit luxembourgeois, précisément l’article 441-9 de la Loi du 10 aout 1915 concernant les sociétés commerciales et du Règlement grand-ducal du 5 décembre 2017 portant coordination de la loi modifiée du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales, instaurait un régime similaire au droit français s’agissant de la responsabilité des dirigeants.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 10 février 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des moyens, l’appelant M. [H] demande à la cour de :
dire l’appel de M. [H] recevable et bien fondé ;
En conséquence,
infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
condamner in solidum Mme [O], gérant de droit, et M. [P], gérant de fait, de la SARL IB Print Lux à verser à M. [H] la somme de 46 148,61 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral et financier subi du fait de leur faute, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l’assignation à titre de dommages et intérêts complémentaires ;
condamner in solidum Mme [O] et M. [P] à la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner in solidum Mme [O] et M. [P] aux entiers frais et dépens des deux instances.
Sur la faute de Mme [O] et de M. [P], M. [H] soutient que M. [P] est le gérant de fait de la SARL IB Print Lux, en témoignent, selon lui, la signature sur son contrat de travail ainsi que l’attestation de M. [N] qu’il produit.
Se prévalant de la jurisprudence de la cour de cassation rendue au visa de l’article L.223-22 du code de commerce, M. [H] estime que le fait de ne pas avoir fait le nécessaire pour qu’il soit affilié à la caisse de sécurité sociale française constitue une faute de la part de Mme [O] et M. [P], de surcroit détachable de leur fonction, engageant ainsi leur responsabilité personnelle. M. [H] ajoute qu’il s’agit d’une faute d’une particulière gravité et qu’il ne peut être sérieusement allégué qu’elle ne serait pas intentionnelle.
M. [H] expose que du fait de l’absence de cotisation à l’URSSAF, il s’est vu privé de toute indemnité chômage et se voit encore à ce jour privé de toutes les cotisations retraites.
L’appelant ajoute que ce n’est qu’à partir du 23 juin 2021 après un contrôle de l’URSSAF et un recouvrement forcé des cotisations sociales qu’il a pu obtenir un déblocage de sa situation de sorte que du 1er octobre 2020 au 23 juin 2021 il a été privé de tout revenu, le mettant lui et sa famille en difficulté financière et morale dont il estime avoir droit à réparation pour un montant de 10 000 euros.
M. [H] fait également valoir, concernant ses droits à la retraite, qu’il a perdu deux ans de cotisations à savoir à compter du 1er juin 2018 jusqu’au 1er juillet 2020 de sorte qu’en s’appuyant sur le barème de rachat des trimestres retraite, il estime la perte de 8 trimestres de retraite et de 25 mois de cotisation à la somme de 21 872 euros.
Enfin, M. [H] affirme également avoir été privé pendant tout ce temps d’une aide à la création d’entreprise et a fait calculer ses droits à ce titre par Pole emploi pour un montant de 14 276,61 euros.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il est rappelé que selon l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparait pas le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable, et bien fondée.
L’alinéa 6 de l’article 954 du même code dispose que la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement de première instance.
Mme [O] et M. [P], n’ayant pas constitué avocat à hauteur d’appel, sont donc réputés s’approprier les motifs du jugement et il ne sera fait droit aux demandes de M. [H] qu’en application de l’article 472 précité.
I- Sur la responsabilité de Mme [O] et M. [P]
L’article L. 210-3 du code du commerce dispose que les sociétés dont le siège social est situé en territoire français sont soumises à la loi française. Les tiers peuvent se prévaloir du siège statutaire, mais celui-ci ne leur est pas opposable par la société si son siège réel est situé en un autre lieu.
Cette disposition s’étend aux sociétés étrangères et il est constant que l’appréciation des pouvoirs des dirigeants d’une société relève de la loi nationale de cette société.
En l’espèce, il ressort de l’acte d’assignation que M. [H] entend engager la responsabilité de M. [P] et Mme [O] en tant que dirigeants de fait et de droit de la SARL IB Print Lux dont il est constant que le siège social est au [Localité 5].
Dès lors, le régime de responsabilité des dirigeants de société relève du droit luxembourgeois et il en sera fait application.
L’article 441-9 de la Loi luxembourgeoise du 10 août 1915 concernant les sociétés commerciales dispose que les administrateurs, les membres du comité de direction et le directeur général sont responsables envers la société, conformément au droit commun, de l’exécution du mandat qu’ils ont reçu et des fautes commises dans leur gestion.
Les administrateurs et les membres du comité de direction sont solidairement responsables, soit envers la société, soit envers tous tiers, de tous dommages résultant d’infractions aux dispositions de la présente loi, ou des statuts.
Les administrateurs et les membres du comité de direction ne seront déchargés de cette responsabilité, quant aux infractions auxquelles ils n’ont pas pris part, que si aucune faute ne leur est imputable et s’ils ont dénoncé ces infractions, pour ce qui est des membres du conseil d’administration, à l’assemblée générale la plus prochaine et, pour ce qui concerne les membres du comité de direction, lors de la première séance du conseil d’administration après qu’ils en auront eu connaissance.
Il est admis que la responsabilité personnelle d’un dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions, c’est-à-dire que ses agissements doivent dépasser le cadre normal de ses fonctions. De tels agissements relèvent de fautes graves ou intentionnelles incompatibles avec l’exercice normal de la fonction.
Ainsi sans avoir à s’intéresser à la réalité de la faute, pour déterminer l’acte reproché aux gérants de la société, il convient d’examiner si celle-ci est séparable des fonctions de gérant.
Il est reproché à Mme [O] et M. [P], en tant que gérant de droit et de fait de la SARL IB Print Lux, un défaut d’affiliation à la caisse de sécurité sociale française, démarche qui incombe à la société.
En effet, si un gérant de droit ou de fait est investi du pouvoir de conclure un contrat de travail, du devoir de procéder à la déclaration préalable à l’embauche et d’effectuer les démarches d’affiliation auprès des organismes sociaux compétents, ces activités s’exercent dans le cadre de la gérance de l’entreprise et non à l’occasion d’une activité séparable de la gestion de la société.
De plus, les seules allégations de M. [H] ne suffisent pas à démontrer le caractère intentionnel de la faute reprochée, d’autant que des démarches dans le sens d’une affiliation ont été effectuées, mais auprès du mauvais organisme de sécurité sociale. Il n’est donc pas davantage établi que l’un ou l’autre des gérants aient intentionnellement privé M. [H] d’affiliation à la sécurité sociale française.
De même, le caractère de gravité de la faute alléguée ne saurait ressortir des seules conséquences financières et morales évoquées par M. [H], résultant de l’absence d’affiliation.
De plus, le seul dépôt de plainte contre un employeur pour travail dissimulé sans que l’issue de cette plainte ne soit connue ne vaut pas faute pénale constituée et il ne peut en être tiré de conséquences sur la nature de la faute.
La faute reprochée n’est donc pas de nature à engager la responsabilité personnelle d’un ou plusieurs gérants.
Cette seule constatation faisant obstacle à l’aboutissement de l’action de M. [H], il n’y a pas lieu d’étudier les préjudices allégués par ce dernier.
Le jugement entrepris sera donc confirmé.
II- Sur les frais et dépens
La cour confirme le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thionville le 21 juin 2021 en ce qu’il a condamné M. [H] aux dépens de première instance.
Y ajoutant, M. [H], qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par la tribunal judiciaire de Thionville le 21 juin 2021,
Y ajoutant,
Déboute M. [Y] [H] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [Y] [H] aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente de chambre