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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE – A –
Section 1
PRUD’HOMMES
Exp +GROSSES le 29 JUIN 2023 à
la SCP LE METAYER ET ASSOCIES
la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS
AD
ARRÊT du : 29 JUIN 2023
MINUTE N° : – 23
N° RG 21/01853 – N° Portalis DBVN-V-B7F-GMUP
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 10 Juin 2021 – Section : COMMERCE
APPELANT :
Monsieur [F] [O]
né le 30 Novembre 1975 à [Localité 4]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Me Agnès MENOUVRIER de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, avocat au barreau D’ORLEANS
ET
INTIMÉES :
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 4] Association déclarée représentée par sa Directrice nationale, Madame [L] [Z], domiciliée au CGEA D'[Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
S.E.L.A.R.L. [Y] FLOREK ([Localité 3]) SELARL [Y] FLOREK ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la SAS LES 3M
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 21 MARS 2023
Audience publique du 06 Avril 2023 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté/e lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité,
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre,
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 29 Juin 2023, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCEDURE
La SAS Les 3 M a été créée le 25 mai 2018, en vue de l’exploitation d’une discothèque, dénommée « le Colibri » à [Localité 7], dans le Loir-et-Cher. Cet établissement nécessitait, avant l’ouverture au public, la réalisation de nombreux travaux.
M. [F] [O] exerce, depuis le 1er décembre 1999, une activité de sapeur-pompier professionnel dans les Yvelines. Son employeur l’a autorisé à mener une activité parallèle dans l’animation des discothèques dès le 2 août 2010.
Il soutient avoir été engagé, à compter du 11 juin 2018, pour gérer les réfections à accomplir au sein de la discothèque «Le Colibri», avant l’ouverture au public prévue pour le 25 janvier 2019.
Il ajoute qu’au moment de son embauche, aucune déclaration préalable n’a été effectuée, aucun contrat de travail n’a été formalisé et qu’il n’a perçu, pendant cette période, aucune rémunération.
Il a été soumis à M. [O] un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel daté du 25 janvier 2019 et prévoyant son engagement par la SAS Les 3 M en qualité d’assistant de direction, emploi relevant de la catégorie maîtrise niveau IV, échelon 2, de la classification de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997. M. [O] n’a pas signé ce contrat.
M. [O] n’a plus perçu de rémunération à compter de mars 2019 et a été placé en arrêt de travail à compter du 17 avril 2019.
Le 3 mai 2019, la SAS Les 3 M a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de Commerce de Blois, qui a fixé la date de cessation des paiements au 25 mai 2018, date de la création de la société et nommé la SELARL [Y]-FLOREK en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire.
Le 3 mai 2019, M. [O] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement économique.
Il a reçu le 14 mai 2019 les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle et s’est vu notifier son licenciement économique, à titre conservatoire, le 17 mai 2019. Il a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 28 mai 2019, en sorte que son contrat de travail a pris fin, d’un commun accord, le 4 juin 2019.
Le 18 mai 2020, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Blois en sa section du commerce
-pour que soit constatée l’existence d’un contrat de travail le liant à cette société pour la période du 10 juin 2018 au 24 janvier 2019,
-et que sa créance au passif de cette société soit fixée aux sommes suivantes :
-18’750 € nets du 10 juin 2018 au 24 janvier 2019 et 1875 € nets de congés payés afférents,
– 18’450 € nets de dommages-intérêts pour travail dissimulé,
– en tout état de cause,
– que sa créance au passif de la société soit fixée aux sommes suivantes,
– 2850 € bruts de rappel de salaires pour la période du 25 janvier au 17 avril 2019,
– 692 € nets d’indemnité légale de licenciement,
– 3019,59 € bruts d’indemnité compensatrice de préavis et 302 € de congés payés afférents,
– 20’742,50 € de dommages-intérêts au titre de la perte de l’allocation de sécurisation professionnelle,
– 1500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
-avec remise des bulletins de salaires et documents de fin de contrat conformes au jugement, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document, ces sommes devant produire des intérêts au taux légal, à la date de la saisine du conseil des prud’hommes, pour les sommes à caractère salarial ,et du prononcé du jugement pour les sommes à caractère indemnitaire, le tout avec capitalisation des intérêts.
Le liquidateur judiciaire, ès qualités, a conclu, pour sa part :
à titre principal
-au constat que M. [O] n’a pas eu une activité salariale pour le compte de cette société,
-au débouté, en conséquence, de toutes ses demandes,
à titre subsidiaire,
-au prononcé de la nullité du contrat de travail dont il se prévalait,
-au débouté de toutes ses demandes,
-et à sa condamnation à lui régler 1500 € ,au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le CGEA d’Orléans, quant à lui, a sollicité le rejet de l’ensemble des demandes et, subsidiairement ,que soient réduits à de plus justes proportions les dommages-intérêts qui pouvaient lui être alloués, en rappelant les limites de sa garantie.
Par jugement du 10 juin 2021, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé du litige, le conseil de prud’hommes de Blois a :
– Constaté que M. [F] [O] n’avait pas eu d’activité salariale pour le compte de la SAS Les 3M,
– Débouté M. [F] [O] de l’ensemble de ses demandes,
– Condamné M. [F] [O] à payer à Maître [I] [Y], ès qualités de liquidateur de la société LES 3M, la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné M. [F] [O] aux entiers dépens de l’instance.
Le 5 juillet 2021, M. [F] [O] a relevé appel de cette décision.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 1er mars 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles M. [F] [O] demande à la cour de :
– Déclarer M. [F] [O] recevable et bien fondé en son appel,
– Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Blois le 10 juin 2021 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– Juger qu’un contrat de travail existe entre M. [F] [O] et la société LES 3M pour la période du 11 juin 2018 au 24 janvier 2019 ;
– Juger que le contrat de travail conclu entre M. [F] [O] et la société LES 3M en date du 25 janvier 2019 n’encoure pas la nullité
– Fixer la créance de M. [F] [O] à inscrire au passif de la société LES 3M, représentée par Maître [Y], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société LES 3M, aux sommes de :
– 18.750 euros nets à titre de rappel de salaire pour la période allant du 11 juin 2018 au 24 janvier 2019 ;
– 1.875 euros nets au titre des congés payés afférents ;
– 18.450 euros nets à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;
– 3.850 € bruts à titre de rappel de salaire pour la période allant du 25 janvier
2019 à 17 avril 2019 ;
– 385 euros bruts au titre des congés payés afférents
– 692 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– 3.019,59 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 302 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
– 20.742,50 euros nets à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de l’allocation de sécurisation professionnelle ;
– Ordonner à Maître [Y], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société LES 3M, d’établir et de remettre à M. [O] un bulletin de salaire et des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard, passé le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
– Rejeter toutes les demandes fins et conclusions de Maître [Y] es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la SAS Les 3 M ;
– Rejeter toutes les demandes fins et conclusions de l’association UNEDIC Délégation AGS CGEA d’Orléans ;
Y ajoutant,
– Fixer la créance de M. [O] à inscrire au passif de la société LES 3M, représentée par Maître [Y], ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société LES 3M, à la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– Dire que les dépens passeront en frais privilégiés de la liquidation de la société LES 3M.
M. [F] [O] rappelle avoir créé la SARL le Prestige pour exploiter une discothèque à [Localité 6], avant de céder ce commerce en novembre 2012. En 2015, il a été engagé en tant que salarié par la société Magelan frères, qui a été placée, par la suite, en liquidation judiciaire. Le 31 mai 2018, il a postulé sur le poste de directeur de salle et disc jockey de la discothèque « le Colibri ».
Sur la période du 11 juin 2018 au 24 janvier 2019, il affirme avoir réellement travaillé pour suivre les travaux de réfection, comme l’attestent trois témoins. Il ajoute avoir été présent comme salarié lors de la commission de sécurité du 7 janvier 2019. Il fournit au débat de nombreux courriels qui justifient la réalité de son travail.
Lors de l’entretien préalable du 27 avril 2019, M. [S], président de la société Les 3 M, a reconnu l’avoir employé en qualité de salarié dès juin 2018. Le dirigeant a d’ailleurs admis devant témoins devoir ses salaires depuis cette dernière date.
Il affirme avoir sollicité à diverses reprises, par écrit, le règlement de ses salaires, en vain. Il conteste avoir été l’un des fondateurs de la société alors qu’aucune pièce n’est en mesure de le prouver et qu’il n’a pas mis un centime dans la société, depuis sa création.
Il calcule le rappel de salaires qui lui est dû, à compter de juin 2018 jusqu’au 25 janvier 2019 alors qu’il n’était que peu de garde , ces mois-là, dans ses fonctions de sapeur pompier, en sorte qu’un temps plein lui est dû à hauteur de 18’750 € et les congés payés afférents. Il sollicite une indemnité de travail dissimulé de 18’450 €.
Quant à la période du 25 janvier au 17 avril 2019, il n’a plus perçu sa rémunération à compter du mois de mars et il lui est donc dû 2717,64 € pour mars 2019 et 1132,36 € jusqu’au 17 avril 2019.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 28 décembre 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles la SELARL [Y] Florek, prise en la personne de Maître [I] [Y], en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la SAS Les 3 M demande à la cour de :
– S’entendre M. [O] déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondé en son appel interjeté du jugement prononcé par le Conseil de prud’hommes de Blois en date du 10 juin 2021.
– Confirmer la décision entreprise.
– S’entendre M. [O] débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
En particulier,
– Dire et juger que M. [O] ne saurait venir prétendre à l’existence d’un quelconque contrat de travail.
– Dire et juger que M. [O] n’a donc pas eu une activité salariale pour le compte de la société LES 3 M.
– Constater que M. [O] n’a pas eu une activité salariale pour le compte de la société LES 3M.
Et, en conséquence,
– Débouter M. [O] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
A titre subsidiaire, au visa de l’article L.632-1 du code de commerce,
-Prononcer la nullité du contrat de travail dont se prévaut M. [O] et, par voie de conséquence, S’entendre ce dernier débouter de l’ensemble de ses demandes, fins
et prétentions.
– Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a alloué à Maître [Y] ès-qualités la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant au titre des frais irrépétibles exposés par devant la Cour,
– S’entendre M. [O] condamner au paiement d’une somme complémentaire de 2 .000 ,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
S’agissant de l’absence de contrat de travail, le mandataire liquidateur souligne :
– que M. [O] était sapeur-pompier professionnel dans les Yvelines,
-qu’il a toujours souhaité avoir une activité parallèle dans l’animation des discothèques,
-qu’il a créé la SARL le Prestige à [Localité 6], vendue en 2012,
– qu’il s’est intéressé à une nouvelle structure, l’EURL Magelan frères, qui exploitait une discothèque à Chaingy, où il s’est fait consentir un contrat de travail, qui a été annulé par le conseil de prud’hommes d’Orléans le 15 mars 2017, ce qui a été confirmé par cette cour, par arrêt du 19 juillet 2018,
-que le 25 mai 2018, a été créée la SAS Les 3 M, discothèque « Le Colibri» à [Localité 7], les trois hommes étant Messieurs [W] et [I] [S] et [F] [O], ce dernier s’étant présenté comme le principal animateur, en particulier à la presse, ayant investi 300’000 € pour remettre aux normes l’établissement.
Le liquidateur judiciaire ne peut manquer de s’interroger sur le salaire qu’il prétend avoir eu de 2745,09 € pour un horaire réduit de 60,66 heures mensuelles , soit 14 heures par semaine réparties le week-end , les vendredis et samedis de 22h 30 à 5 heures 30.
Le tribunal de commerce de Blois, qui a prononcé la liquidation judiciaire de la société le 3 mai 2019, a fait remonter la date de cessation des paiements au jour de la création de la société, le 29 mai 2018.
M. [O] avait visiblement un intérêt personnel à l’activité de la société dont il était l’un des membres fondateurs, et s’est bien gardé de réclamer le moindre salaire pendant la période de juin 2018 à janvier 2019.
En fait, M. [O] ne démontre pas le lien de subordination et s’est même présenté comme étant dirigeant de la structure ,en sollicitant la régularisation de la situation des autres salariés.
À titre subsidiaire, le mandataire-liquidateur conclut à la nullité du contrat de travail, sur le fondement de l’article L. 632-1 du code du commerce qui dispose que sont nuls les contrats commutatifs intervenus depuis la date de cessation des paiements.
En l’espèce, le contrat de travail contient des prestations déséquilibrées, dès lors que la rémunération du salarié était fixée à 2745,08 € pour 14 heures de travail par semaine, excédant manifestement les possibilités de l’entreprise, puisque la cessation des paiements a été arrêtée à la date même de la création de la structure.
Vu les dernières conclusions remises au greffe le 10 février 2023 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du Code de procédure civile et aux termes desquelles l’association UNEDIC Délégation AGS CGEA d’Orléans demande à la cour de :
– S’entendre M. [O] déclarer irrecevable et à tout le moins mal fondé en son appel interjeté du jugement prononcé par le Conseil de prud’hommes de Blois en date du 10 juin 2021.
– Confirmer en tous points la décision entreprise.
– S’entendre débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
En particulier, dire et juger que M. [O] ne peut venir prétendre avoir été salarié de la société LES 3 M.
– Dire et juger que l’intéressé n’était donc pas titulaire d’un quelconque contrat de travail.
– Dire et juger surabondamment que M. [O] doit être considéré comme gérant de fait de la société les 3 M.
A titre subsidiaire,
– Dire et juger que Maître [Y] est bien fondé en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la société LES 3 M de solliciter la nullité du contrat de travail invoqué par M. [O] au visa de l’article L.632-1 du code de commerce.
A titre infiniment subsidiaire,
– Dire et juger que M. [O] ne justifie pas de la réalité d’un quelconque préjudice lui permettant de prétendre à l’allocation de dommages et intérêts au titre d’une perte d’allocation de sécurisation professionnelle.
En toute hypothèse,
– Déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA en qualité de gestionnaire de l’AGS, dans les limites prévues aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail, et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
La garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D.3253-5 du code du travail.
En l’espèce, le plafond applicable est le plafond 4.
L’AGS CGEA d’Orléans s’associe aux explications contenues dans les conclusions du liquidateur judiciaire et insiste sur la gérance de fait, en l’absence d’une relation de subordination caractéristique de l’existence d’un contrat de travail.
Subsidiairement, M. [O] pouvait toujours demander, à titre rétroactif, l’allocation de sécurisation professionnelle sous réserve que Pôle emploi le considère comme demandeur d’emploi, alors qu’il exerce une activité à plein temps de pompier professionnel, au grade d’adjudant chef, dans les Yvelines.
Une ordonnance de clôture a été rendue le 1er mars 2023, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 6 avril 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
La notification du jugement est intervenue le 21 juin 2021, en sorte que l’appel principal de M. [O], régularisé le 5 juillet 2021, dans le délai légal d’un mois s’avère recevable.
Les parties ont toutes conclu, en premier lieu, sur la question de l’existence d’un contrat de travail ayant lié les parties et, en second lieu sur la nullité de ce contrat.
Sur l’existence d’un contrat de travail entre la SAS Les 3 M et M. [O]
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné (Soc., 28 novembre 2018, pourvoi n° 17-20.079, PBRI).
Il y a lieu de distinguer deux périodes.
A) sur la période du 11 juin 2018 au 24 janvier 2019.
M. [F] [O] exerce une activité de sapeur-pompier professionnel dans les Yvelines.
M. [K] atteste que M. [O] a accompli un travail sur le chantier de la future discothèque à compter du 11 juin 2018 et jusqu’à son ouverture en janvier 2019 (pièce n° 10 du dossier de l’appelant). Cette attestation est corroborée par celle de M. [G] qui indique que le salaire convenu était de 2500 euros net par mois durant toute la durée des travaux (pièces n° 9 et n° 26 du dossier de l’appelant). M. [R], maire de la commune de [Localité 7], précise avoir rencontré à de nombreuses reprises M. [O] entre septembre 2018 et février 2019 et que celui-ci exerçait pleinement son activité d’assistant de direction pour le compte de la discothèque Le Colibri (pièce n° 11). L’avis de la commission de sécurité mentionne la présence de l’intéressé en qualité de salarié lors de la réunion du 7 janvier 2019 (pièce n° 12).
Lors de son audition le 25 avril 2019 par les militaires de la compagnie départementale de gendarmerie de [Localité 8], M. [O] a indiqué : « Ma mission était surtout de valider la commission de sécurité. J’ai alors récupéré à ce moment là tous les documents administratifs de sécurité pour les analyser, ce que j’ai fait durant les deux mois suivant. Régulièrement, je me rendais sur place pour effectuer et faire effectuer les travaux nécessaires comme récupérer le matériel non conforme. J’ai effectué les différents contrôles y compris avec les organismes agréés ». Il ressort des courriels produits en pièce 13 que M. [O] a bien effectué cette mission, préalablement à l’ouverture de l’établissement.
M. [G] ajoute que M. [O] avait demandé devant lui à de très nombreuses reprises à M. [W] [S], président de la société, ses salaires et que celui-ci aurait répondu : « oui je sais c’est exact nous sommes complètement en retard dans le règlement de tous les salaires depuis juin 2018 » (pièce 26).
M. [U] relate : « M. [O] réclamait à son employeur sa déclaration d’embauche du mois de juin 2018, également tous ses salaires qui n’ont jamais été payés depuis cette date. M. [W] [S] a dit : « tu peux attendre, tous tes salaires vont bientôt arriver avec la déclaration d’embauche du mois de juin 2018 » (pièce 27).
Mme [V] confirme les réclamations des salaires et la réponse de M. [S] : « oui c’est vrai, mais tu auras ton argent dans une semaine au plus tard, car je n’ai pas le temps, là » (pièce 28).
Il en résulte que M. [O] a accompli, sous l’autorité d’un employeur, une prestation de travail consistant à s’assurer que la discothèque satisferait aux normes de sécurité au moment de son ouverture. Il avait été convenu avec les dirigeants de la société Les 3 M, et notamment M. [W] [S], que M. [O] exercerait la mission qui lui était confiée sous un lien de subordination. M. [O] a bien, dans les faits, été soumis aux ordres et directives de la société Les 3 M, celle-ci en contrôlant l’exécution.
Il y a donc lieu d’en déduire que M. [O] rapporte la preuve de l’existence d’un contrat de travail l’ayant lié à la société entre le 11 juin 2018 et le 24 janvier 2019.
B) sur la période du 25 janvier 2019 au 17 avril 2019
M. [O] se prévaut d’un contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel daté du 25 janvier 2019 non revêtu de sa signature (pièce n° 1). Cet écrit prévoit son engagement en qualité d’assistant de direction, avec comme fonctions l’organisation du personnel et de la gestion de la partie technique, sonorisation et lumière. La durée de travail convenue est de 14 heures par semaine, les vendredis et samedis de 22h30 à 5h30, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2745,08 € pour un horaire mensualisé de 60,66 heures.
La société lui a remis trois bulletins de salaire en janvier, février et mars 2019, mais il n’a été réglé que pour les deux premiers mois.
Pendant cette période, la réalité de la prestation de travail est avérée, les heures de travail effectuées ayant été communiquées par le cabinet comptable au mandataire liquidateur (pièce n° 26).
L’existence d’un lien de subordination découle de la convocation du 15 avril 2019 à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement (pièce 16), le président de la société reprochant à M. [O] différents manquements à ses obligations contractuelles conduisant au prononcé d’une mise à pied à titre conservatoire.
Par conséquent, il y a lieu de retenir que M. [O] a été lié par un contrat de travail avec la SAS Les 3 M entre le 11 juin 2018 et le 17 avril 2019.
Sur la nullité du contrat de travail
A titre liminaire, il est versé aux débats un arrêt rendu le 19 juillet 2018 (RG 17/01111) par la présente juridiction prononçant la nullité du contrat de travail conclu le 20 juin 2015 entre M. [F] [O] et l’EURL Magelan, après avoir retenu que ce contrat, conclu pendant la période suspecte, contenait des prestations déséquilibrées excédant notablement les possibilités de la société. Aucune conséquence ne saurait être tirée de cette décision relative à un litige autre que celui soumis à la cour.
En application de l’article L. 632-1 du code du commerce, est nul, lorsqu’il est intervenu depuis la date de cessation des paiements, tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie.
Par jugement du 3 mai 2019, le tribunal de commerce de Blois a prononcé la liquidation judiciaire de la SAS Les 3 M et fixé la date de cessation des paiements au 29 mai 2018.
La cour a retenu l’existence d’un contrat de travail à compter du 11 juin 2018, soit postérieurement à la date de cessation des paiements.
Selon les éléments du dossier, la SAS Les 3 M a confié à M. [O] une mission consistant à s’assurer que la discothèque satisferait aux normes de sécurité au moment de son ouverture. Il ressort des pièces produites par M. [O] que la prestation de travail convenue ne nécessitait pas d’accomplir un travail à plein temps. A cet égard, l’intéressé, lors de son audition par la gendarmerie, ne précise pas ses horaires de travail entre le 11 juin 2018 et le 24 janvier 2019. Il ressort au contraire de ses déclarations que les tâches qu’il a accomplies étaient ponctuelles, comme par exemple une analyse durant deux mois des documents administratifs de sécurité, étant précisé que M. [O] exerçait en parallèle une activité de pompier professionnel dans les Yvelines. A cet égard, l’emploi sur lequel M. [O] a postulé le 31 mai 2018 auprès du gérant de la discothèque était celui de DJ et de directeur de salle, poste qui ne pouvait être pourvu qu’après l’ouverture de la discothèque (pièce n° 15).
Dans ce contexte, étant relevé que l’établissement n’avait pas ouvert et que la société n’encaissait pas de recettes, il y a lieu de retenir l’existence d’un déséquilibre entre les prestations des parties au contrat, les obligations de la société de verser un salaire de 2500 euros net par mois à compter du 11 juin 2018 excédant notablement celles du salarié d’accomplir une prestation de travail très inférieure à un temps complet (en ce sens, Soc., 15 juin 2004, pourvoi n° 02-41623, Bull. 2004, V, n° 163).
Ainsi qu’il a été précédemment exposé, il est versé aux débats un contrat de travail du 24 janvier 2019 non signé par M. [O] prévoyant son engagement en qualité d’assistant de direction moyennant une rémunération brute mensuelle de 2745,08 € brut pour 60,66 heures de travail par mois.
Au regard des tâches confiées – organisation du personnel et gestion de la partie technique, sonorisation et lumière -, du niveau conventionnel de l’emploi (agent de maîtrise niveau IV, échelon 2, de la classification de la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants du 30 avril 1997), de la durée de travail convenue de 14 heures par semaine, les obligations de la société de verser une rémunération mensuelle de 2745,08 euros brut excèdent notablement celles du salarié. Il y a donc lieu de retenir l’existence d’un déséquilibre entre les prestations des parties au contrat (en ce sens, Soc., 29 octobre 2002, pourvoi n° 00-45.612, Bull. 2002, V, n° 325).
A cet égard, M. [O] n’a perçu aucune rémunération à compter de mars 2019, ce qui démontre que la rémunération convenue excédait les capacités financières de la société.
Dans ces conditions, il y a lieu de prononcer la nullité du contrat de travail conclu entre M. [O] et la SAS LES 3 M.
Par voie de confirmation du jugement, il y a lieu de débouter M. [O] de l’intégralité de ses prétentions.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l’UNEDIC – CGEA d’Orléans.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il y a lieu de condamner M. [F] [O] aux dépens de l’instance d’appel.
L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais irrépétibles de l’instance d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 juin 2021, entre les parties, par le conseil de prud’hommes de Blois ;
Déclare le présent arrêt opposable à l’Association pour la Gestion du Régime de Garantie des Créances des Salariés intervenant par l’UNEDIC – CGEA [Localité 4] ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [F] [O] aux dépens de l’instance d’appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Alexandre DAVID