Your cart is currently empty!
N° RG 21/04101 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I5FX
COUR D’APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 07 SEPTEMBRE 2023
DÉCISION DÉFÉRÉE :
Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 07 Octobre 2021
APPELANT :
Monsieur [M] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 5]
représenté par Me Marie-Perrine PHILIPPE, avocat au barreau de ROUEN
INTIMES :
Me [V] [I] mandataire liquidateur de la Société SPIRIT SECURITE EVENEMENTIEL
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Franck GOMOND de la SELARL GOMOND AVOCATS D AFFAIRES, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Pauline LYNCEE, avocat au barreau de ROUEN
Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 4]
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Linda MECHANTEL de la SCP BONIFACE DAKIN & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 15 Juin 2023 sans opposition des parties devant Madame BIDEAULT, Présidente, magistrat chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame POUGET, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l’audience publique du 15 Juin 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Septembre 2023
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 07 Septembre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société Spirit Sécurité Evenementiel (la société) était spécialisée dans les activités de sécurité privée. Elle employait 38 salariés et appliquait la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité.
M. [Y] (le salarié) a été embauché par la société en qualité de responsable secteur aux termes d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 mai 2018.
Par avenant en date du 1er juillet 2018, le salarié a été promu responsable exploitation région Ile de France, position 2, coefficient 275.
A compter du 21 janvier 2020, le salarié a été placé en arrêt de travail.
Par jugement du tribunal de commerce de Rouen en date du 11 février 2020 la société a été placée en redressement judiciaire et Me [I] désigné en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du tribunal de commerce de [Localité 4] du 21 avril 2020 la société a été placée en liquidation judiciaire et Me [I] désigné en qualité de liquidateur.
Le salarié a été licencié pour motif économique par courrier du 5 mai 2020.
Estimant ne pas avoir été intégralement rempli de ses droits au titre de l’exécution de son contrat de travail, le salarié a saisi le 5 novembre 2020 le conseil de prud’hommes de Rouen qui, par jugement du 7 octobre 2021 l’a débouté de l’intégralité de ses demandes, a débouté le liquidateur ès qualités de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et a partagé les dépens.
M. [Y] a interjeté appel le 26 octobre 2021 à l’encontre de cette décision qui lui a été régulièrement notifiée.
L’Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 4] a constitué avocat par voie électronique le 2 novembre 2021.
Me [I] en qualité de liquidateur de la société Spirit Sécurité Evenementiel a constitué avocat le 4 novembre 2021.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 24 juin 2022, le salarié appelant sollicite l’infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et demande à la cour de :
– fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Spirit Sécurité Evenementiel aux sommes suivantes :
2 854,12 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires 2018 outre 285,41 euros au titre des congés payés afférents,
50 118,02 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires 2019 outre 5 011,80 euros au titre des congés payés afférents,
4 521,65 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires 2020 outre 452,16 euros au titre des congés payés afférents,
33 523,13 euros brut au titre des contreparties obligatoires en repos pour l’année 2019 outre 3 352,31 euros brut au titre des congés payés afférents,
18 044,70 euros net à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
10 000 euros net à titre d’indemnisation pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat,
2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil avec capitalisation des intérêts,
– débouter le liquidateur ès qualités de l’ensemble de ses demandes,
– dire le jugement opposable au Cgea,
– condamner le liquidateur ès qualités aux entiers dépens.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 20 avril 2022, le liquidateur ès qualités, réfutant les moyens et l’argumentation de la partie appelante, sollicite pour sa part la confirmation de la décision déférée sauf en ce qu’elle l’a déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, demande en conséquence que le salarié soit débouté de l’intégralité de ses demandes et condamné à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et qu’il soit condamné aux entiers dépens.
Par dernières conclusions enregistrées au greffe et notifiées par voie électronique le 21 mars 2022, l’Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 4], sollicite :
– à titre principal, la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes,
– à titre subsidiaire, la réduction du montant des dommages et intérêts accordés pour manquement à l’obligation de sécurité, le débouté de la demande relative aux intérêts, rappelant les termes de sa garantie et demandant sa mise hors de cause pour toute somme pouvant être allouée au-delà du plafond soit pour un montant global de 49 137,25 euros,
– en tout état de cause, qu’il soit statué ce que de droit quants aux dépens sans qu’ils puissent être mis à sa charge, rappelant que les demandes relatives à la remise d’un document sous astreinte et au paiement d’une indemnité de procédure n’entrent pas dans le champ d’application des garanties du régime.
L’ordonnance de clôture en date du 25 mai 2023 a renvoyé l’affaire pour être plaidée à l’audience du 15 juin 2023.
Il est expressément renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel aux écritures des parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1/ Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
M. [Y] expose avoir été embauché en 2012 par la société Spirit Sécurité dirigée par M. [U] [C] puis par la société A3S Spirit Sécurité à compter du 21 juin 2014. Il indique que cette société a été liquidée en 2018, que M. [C] a alors créé la société Spirit Sécurité Evenementiel gérée par M. [J] en raison de l’interdiction de gérer pendant 5 ans à laquelle il avait été condamné, affirmant cependant que M. [C] était le gérant de fait de la société.
Il précise avoir été embauché à compter du 16 mai 2018, son contrat de travail prévoyant qu’il serait soumis à la durée mensuelle légale de travail à savoir 151,67 heures par mois, ces heures de travail étant planifiées sur huit semaines consécutives.
Il indique avoir progressivement dû assumer une charge de travail écrasante lui imposant de travailler tardivement ainsi que les week-ends sans compensation financière. Le salarié affirme qu’il ne pouvait à lui seul gérer sur son temps de travail les missions suivantes: embaucher les agents, gérer de 30 à 130 agents, gérer les contacts avec les clients, gérer les appels clients, effectuer les contrôles d’intervention.
Le liquidateur ès qualités considère que les fonctions du salarié étaient compatibles avec les dispositions de son contrat de travail fixant la durée hebdomadaire à 35 heures modulables sur des périodes de 8 semaines.
Il constate que des heures supplémentaires ont été réglées mensuellement par l’employeur sur la base des déclarations des salariés, que les bulletins de salaire n’ont jamais été contestés.
Il considère le salarié mal fondé à solliciter dans le cadre de la présente instance le paiement d’heures supplémentaires qu’il n’a jamais déclaré à son employeur, qu’il n’a pas été autorisé à effectuer et dont il n’a jamais demandé le règlement.
Sur ce ;
Aux termes de l’article L 3171-4 du code du travail en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte des dispositions de l’article L.3171-2 al. 1, de l’article L.3171-3 et de l’article L.3171-4 précité, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Au soutien de ses demandes de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, le salarié produit :
– un tableau réalisé par ses soins pour la période comprise entre juin 2018 et janvier 2020 reprenant mensuellement ses durées de travail, le nombre d’heures supplémentaires effectuées, les montants dûs par l’employeur,
– de nombreuses attestations d’agents de la société indiquant qu’il travaillait 24h/24, 7j/7, qu’il était toujours disponible, qu’il était présent jour et nuit, qu’il réglait les difficultés de paiement, de planification,
– l’attestation de sa compagne, Mme [N], qui indique qu’il était peu présent au domicile, que les agents appelaient jour et nuit ainsi que les week-end et pendant les vacances,
– l’attestation de M. [J], client de la société qui indique que M. [Y] était son référent, qu’il était en astreinte 24/24,
– ses bulletins de salaire aux fins d’établir notamment qu’il n’a pris aucun congé entre mai 2018 et décembre 2019 soit pendant 19 mois,
– des relevés d’heures notés par site sur un document à en-tête de la société,
– la copie d’échanges en 2020 avec l’administrateur judiciaire de la société au sujet du règlement des heures supplémentaires afin d’établir que ce dernier communique avec M. [C] et non avec le gérant de droit de la société.
Le salarié présente ainsi des éléments préalables suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en apportant ses propres éléments.
En réponse, le liquidateur ès qualités ne verse aux débats aucune pièce, soutenant uniquement que le salarié ne démontre pas avoir été autorisé à effectuer des heures supplémentaires et en avoir sollicité le règlement.
Il relève également des incohérences dans les demandes formées par le salarié observant qu’il ne déduit pas systématiquement de ses demandes les heures supplémentaires effectivement réglées par l’employeur (ex : juin 2018).
Le liquidateur considère que les plannings produits par le salarié n’étant pas contresignés par l’employeur et portant des ratures sont dénués de valeur probante.
L’Ags considère que les attestations produites par le salarié sont des attestations de complaisance, que M. [Y] ne peut sérieusement soutenir avoir accompli plus de 3 698 heures supplémentaires en 2019 sans jamais avoir formulé de réclamations à son employeur à ce titre.
Au regard des pièces produites de part et d’autre, la cour constate que des heures supplémentaires étaient régulièrement payées à M. [Y].
Le salarié qui, pendant la durée de son contrat de travail, ne formule pas de demande spécifique à l’employeur en paiement d’heures supplémentaires, ne renonce pas pour autant à son droit de les réclamer, dans la limite de la prescription de l’article L.3245-1 du code du travail.
Il ressort des pièces produites et notamment du règlement régulier d’heures supplémentaires que la réalisation d’heures supplémentaires résultait de la charge importante de travail du salarié.
Au regard des amplitudes horaires de travail du salarié, de ses missions, l’employeur ne pouvait légitimement ignorer que M. [Y] travaillait au -delà de la durée légale, parfois le week-end et régulièrement le soir.
La cour relève le nombre important d’attestations concordantes produites par le salarié, dont une émanant d’un client de la société et le fait que les intimés ne produisent pas d’élément objectif de nature à remettre en cause leur valeur probante.
Les allégations de M. [Y] étayées par les bulletins de paie selon lesquelles il n’a pas pris de congés pendant une période de 19 mois ne sont pas spécifiquement contredites par les intimées.
Les incohérences prétenduement relevées par le liquidateur sont uniquement relatives au fait que des heures supplémentaires ont effectivement été réglées à M. [Y] au cours de la relation contractuelle, le salarié les ayant déduites des montants de ces demandes.
Enfin, la cour constate que M. [J] qui a attesté en faveur du salarié en sa qualité d’ancien client de la société en est devenu le gérant et par conséquent l’employeur de M. [Y].
Ainsi, au vu des éléments produits de part et d’autre, et sans qu’il soit besoin d’une mesure d’instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que M. [Y] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées qu’il réclame.
Le jugement sera par conséquent infirmé de ce chef et il sera fait droit aux demandes formées par le salarié à hauteur des sommes sollicitées.
En présence d’une procédure collective intéressant la société Spirit Sécurité Evenementiel la cour doit cependant se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l’état des créances sans pouvoir condamner le débiteur à paiement.
2/ Sur la contrepartie obligatoire en repos
Aux termes de l’article L 3121-38 du code du travail, dans ses versions applicables à l’espèce, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d’un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Une contre partie en repos est obligatoire pour toute heure accomplie au delà du contingent.
Il n’est pas contesté par les parties que la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité est applicable à la relation contractuelle et qu’elle fixe le contingent annuel d’heures supplémentaires à 329 heures par an.
En application de l’article D 3121-14 du code du travail, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis.
Au regard du nombre d’heures supplémentaires effectuées par le salarié au cours de l’année 2019, il sera fait droit à sa demande de contrepartie obligatoire en repos à hauteur de la somme mentionnée au présent dispositif, celle-ci n’étant pas utilement contestée par les intimés.
En présence d’une procédure collective intéressant la société Spirit Sécurité Evenementiel la cour doit cependant se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l’état des créances sans pouvoir condamner le débiteur à paiement.
3/ Sur la demande au titre du travail dissimulé
Par application de l’article L.8221-5, 2° du code du travail, la mention sur le bulletin de paie d’un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli constitue le travail dissimulé dans la mesure où elle est intentionnelle.
L’attribution par une juridiction au salarié d’heures supplémentaires non payées ne constitue pas à elle seule la preuve d’une dissimulation intentionnelle.
En l’espèce, le salarié soutient que l’infraction de travail dissimulé est constituée en ce que d’une part la société s’est abstenue de contrôler son temps de travail et, d’autre part, qu’elle ne lui a pas réglé le montant des heures supplémentaires que l’employeur n’ignorait pas qu’il effectuait.
Il ressort cependant des éléments du dossier d’une part que l’employeur a régulièrement réglé des heures supplémentaires et, d’autre part, qu’il n’est pas établi qu’au cours de la relation contractuelle le salarié ait expressément formulé une demande supplémentaire à ce titre alors qu’il résulte des éléments produits et des missions exercées par M. [Y] qu’il bénéficiait d’une grande autonomie dans l’organisation de son travail.
Il ne résulte pas en l’espèce des pièces versées aux débats et compte tenu du désaccord entre les parties quant au calcul du nombre d’heures effectuées par le salarié, que c’est sciemment que l’employeur a omis de lui payer des heures supplémentaires.
En conséquence, par confirmation du jugement entrepris, il y a lieu de débouter le salarié de sa demande.
4/ Sur la demande au titre du manquement à l’obligation de sécurité
Le salarié soutient que la société n’a pris aucune mesure pour assurer sa sécurité et protéger sa santé physique et mentale en ce que d’une part il a été victime d’une agression de la part du gérant de fait, M. [C] le 17 janvier 2020 et, d’autre part, que la société n’a pas respecté à son égard ses obligations en termes d’amplitudes horaires.
Il expose que le 17 janvier 2020, il est venu récupérer les clés du site vers 16h30 pour travailler à 19h, que n’étant pas payé il a appelé le gérant M. [J] qui l’a renvoyé vers M. [C], qu’après une dispute au téléphone, M. [C] est arrivé furieux et alcoolisé sur le site, muni d’un couteau, qu’il l’a poussé dans le dos à plusieurs reprises en lui proférant des menaces de mort.
Il précise avoir été admis au service des urgences pour malaise avec crise de larmes, le docteur [B] ayant constaté une crise d’angoisse avec choc émotionnel.
Il indique avoir déposé plainte le 18 janvier 2020, avoir établi une déclaration d’accident du travail le 21 janvier 2020, la caisse primaire d’assurance maladie ayant pris en charge le fait accidentel au titre de la législation sur les risques professionnels.
Concernant le non-respect des durées de travail, le salarié soutient avoir, à plusieurs reprises, travaillé plus de 50 heures par semaine allant jusqu’à effectuer 135 heures en octobre 2019.
Le liquidateur ès qualités soutient que les demandes formées par le salarié au titre d’un éventuel manquement de l’employeur à la législation sur les accidents du travail ne relèvent pas de la compétence de la juridiction prud’homale mais de celle du pôle social du tribunal judiciaire.
Le salarié versant aux débats sa déclaration d’accident du travail du 21 janvier 2020 et le courrier de reconnaissance de l’accident par la caisse, le liquidateur considère que seul le pôle social est compétent pour lui accorder des dommages et intérêts en réparation du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
Concernant le non respect des amplitudes et durées de travail, le liquidateur ès qualités affirme que le salarié est défaillant à apporter la preuve de ses allégations.
L’Ags considère que le salarié forme une demande d’indemnisation exorbitante sans justifier d’un quelconque préjudice tant dans son principe que dans son quantum.
Sur ce ;
Si la juridiction prud’homale est seule compétente pour connaître d’un litige relatif à l’indemnisation d’un préjudice consécutif à la rupture du contrat de travail, relève, en revanche, de la compétence exclusive du pôle social du tribunal judiciaire l’indemnisation des dommages résultant d’un accident du travail, qu’il soit ou non la conséquence d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.
En l’espèce, le salarié verse aux débats la déclaration d’accident du travail établie le 21 janvier 2020. S’il ne produit pas la décision de prise en charge par la caisse de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels, il justifie percevoir des indemnités journalières ‘accident du travail’ pour un accident en date du 17 janvier 2020.
En outre, les intimés ne contestent pas la prise en charge de l’accident par la caisse primaire d’assurance maladie.
En conséquence, la juridiction prud’homale est incompétente pour statuer sur la demande du salarié de dommages et intérêts en réparation du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité à l’origine de l’accident.
La juridiction demeure compétente pour statuer sur les manquements de l’employeur à l’obligation de sécurité antérieurs à l’accident du travail.
L’article L.3121-34 du code du travail dispose que la durée quotidienne de travail effectif par salarié ne peut excéder dix heures, sauf dérogations accordées dans des conditions déterminées par décret.
L’article L.3121-35 du même code dispose qu’au cours d’une même semaine, la durée de travail ne peut dépasser quarante-huit heures. En cas de circonstances exceptionnelles, certaines entreprises peuvent être autorisées à dépasser pendant une période limitée le plafond de quarante-huit heures, sans toutefois que ce dépassement puisse avoir pour effet de porter la durée du travail à plus de soixante heures par semaine.
La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.
Le liquidateur ès qualité ne justifie pas du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne. En outre, au vu des éléments produits par le salarié il apparaît que les dépassements de la durée maximale hebdomadaire ont existé.
Le non-respect des durées maximales de travail génère pour le salarié un préjudice dans sa vie personnelle et engendre des risques pour sa santé et sa sécurité.
En conséquence, il sera fait droit à la demande du salarié en lui accordant au titre de la réparation de son préjudice des dommages et intérêts à hauteur de la somme mentionnée au présent dispositif.
5/ Sur la garantie de l’Ags
Il convient de dire le présent arrêt opposable à l’Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 4] et de rappeler que la garantie de l’Ags n’est due, toutes créances avancées pour le compte du salarié que dans la limite des plafonds définis notamment aux articles L 3253-17, D 3253-2 et D 3253-5 du code du travail et dans la limite des textes légaux définissant l’étendue de sa garantie à savoir les articles L 3253-8 à L 3253-13, L 3253-15 et L 3253-19 à L 3253-24 du code du travail.
En outre, il sera rappelé que l’Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 4] ne devra être amenée à garantir les éventuelles créances salariales que dans la mesure où l’employeur justifierait de l’impossibilité dans laquelle il se trouve de procéder lui-même au règlement des dites créances et ce en vertu du principe de subsidiarité de la garantie de l’Ags.
6/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Il serait inéquitable de laisser à la charge du salarié les frais non compris dans les dépens qu’il a pu exposer.
Il convient en l’espèce de condamner le liquidateur ès qualités à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Me [I] ès qualités les frais irrépétibles exposés par lui.
Il y a également lieu de condamner Me [I] ès qualités aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement, en dernier ressort ;
Infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Rouen du 7 octobre 2021 sauf en ce qu’il a débouté M. [Y] de sa demande au titre de l’indemnité de travail dissimulé ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant:
Fixe la créance de M. [M] [Y] dans la procédure collective de la société Spirit Sécurité Evenementiel aux sommes suivantes qui seront inscrites sur l’état des créances déposé au greffe du tribunal de commerce :
2 854,12 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires 2018 outre 285,41 euros au titre des congés payés afférents,
50 118,02 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires 2019 outre 5 011,80 euros au titre des congés payés afférents,
4 521,65 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires 2020 outre 452,16 euros au titre des congés payés afférents,
33 523,13 euros brut au titre des contreparties obligatoires en repos pour l’année 2019 outre 3 352,31 euros brut au titre des congés payés afférents,
1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité pour la période antérieure au 17 janvier 2020 ;
Précise que le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majorations ;
Déclare irrecevable la demande formée par le salarié au titre du manquement de l’employeur à son obligation de sécurité en lien avec les faits du 17 janvier 2020 ;
Déclare la présente décision opposable à l’Unédic délégation Ags Cgea de [Localité 4] qui sera tenue à garantie dans les limites prévues aux articles L 3253-6 à L 3253-17, D 3253-5 et D 3253-2 du code du travail ;
Condamne Me [I] en qualité de liquidateur de la société Spirit Sécurité Evenementiel à verser à M. [M] [Y] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne Me [I] en qualité de liquidateur de la société Spirit Sécurité Evenementiel aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière La présidente