Gérant de fait : 25 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00606

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Gérant de fait : 25 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00606
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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 25 OCTOBRE 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00606 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJH6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Octobre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 18/00834

APPELANTE

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Vanina FELICI, avocat au barreau de PARIS, toque : C1985

INTIMES

Monsieur [I] [O] [M]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par Me Renaud CAVOIZY, avocat au barreau de PARIS, toque : D0263

Maître [J] [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL APS2

[Adresse 3]

[Localité 5]

N’ayant pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane MEYER, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Stéphane MEYER, président

Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller

Madame Nelly CHETIENNOT, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE et Madame Joanna FABBY

ARRET :

– REPUTE CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Stéphane MEYER, Président, et par Jadot TAMBUE, Greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur [I] [O] [M] a été engagé par la société Aps2, par contrat indéterminé de chantier à compter du 1er juillet 2016, en qualité de poseur.

La relation de travail est régie par la convention collective du Bâtiment de la région parisienne.

Par jugement du 15 mai 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé la liquidation judiciaire de la société Aps2 et a désigné Maître [P] en qualité de liquidateur judiciaire.

Par lettre du 17 mai 2017, Monsieur [O] [M] était convoqué par Maître [P] pour le 24 mai 2017 à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 29 mai suivant.

Arguant de la cessation du paiement de son salaire à compter de novembre 2016, Monsieur [O] [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 21 mars 2018 et formé des demandes afférentes aux indemnités de rupture, ainsi qu’à l’exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 17 octobre 2019, le conseil de prud’hommes de Bobigny a fixé les créances suivantes de Monsieur [O] [M] au passif de la liquidation judiciaire de la société Aps2 et a débouté ce dernier de ses autres demandes :

– indemnité compensatrice de préavis : 1 613,44 € ;

– indemnité compensatrice de congés payés : 1 827,63 € ;

– rappel de salaire de novembre 2016 à mai 2017 en deniers ou quittances 8 914,86 € ;

– dommages et intérêts pour absence de paiement du salaire : 2 000 € ;

– les dépens ;

– le conseil a également déclaré le jugement opposable à l’AGGS CGEA IDF EST.

L’Ags a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 17 janvier 2020, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 avril 2020, l’Ags demande l’infirmation du jugement en ce qui concerne les fixations prononcées, le rejet des demandes de Monsieur [O] [M] et à titre subsidiaire, euros, que la demande de dommages-intérêts pour absence de paiement du salaire soit déclarée irrecevable, A titre plus subsidiaire, l’Ags demande le rejet de la demande de dommages-intérêts, que cette demande lui soit déclarée inopposable, la limitation des montants de l’indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 1 466,65 euros, de l’indemnité de congés payés à hauteur de 1 258,75 euros et qu’il soit en tout état de cause fait application des limites légales de sa garantie.

Au soutien de ses demandes, l’Ags fait valoir que :

– Monsieur [O] [M] a arrêté de travailler en novembre 2016, date de cessation des paiements et il existe un doute sur la véracité des bulletins de salaire concernant la période postérieure ; Monsieur [O] [M] ne démontre pas avoir fourni une prestation de travail pour le compte de la société depuis cette date, alors que plusieurs éléments démontrent le contraire ;

– Monsieur [O] [M] a adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle, ce qui le prive du droit au préavis et à l’indemnité de congés payés correspondante ;

– à titre subsidiaire, le montant de l’indemnité compensatrice de préavis réclamée est erroné ;

– Monsieur [O] [M] ne démontre pas avoir été empêché de prendre ses congés, ne produit pas d’attestation de la Caisse des Congés Payés du Bâtiment faisant état d’une défaillance de l’employeur dans le paiement des cotisations et ne peut en aucun cas prétendre à une quelconque indemnité de congés payés pour la période de l’année N-2 ;

– à titre subsidiaire, le montant de l’indemnité de congés payés réclamée est erroné ;

– la demande de dommages et intérêts pour absence de paiement des salaires est irrecevable comme ayant été formée tardivement devant le conseil de prud’hommes ; en tout état de cause, cette demande n’est pas fondée.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 juillet 2020, Monsieur [O] [M] demande la confirmation du jugement en ce qui concerne les fixations de créances relatives à, l’indemnité compensatrice de préavis, l’Indemnité compensatrice de congés payés et le rappel de salaire de décembre 2016 à mai 2017, son infirmation pour le surplus et la fixation de ses créances suivantes au passif de la liquidation judiciaire de la société Aps2 :

– indemnité compensatrice de préavis : 1 613,44 € ;

– indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 161,34 € ;

– indemnité compensatrice de congés payés : 1 827,63 € ;

– rappel de salaire de décembre 2016 à mai 2017 : 8 914,86 € ;

– dommages et intérêts pour absence de paiement de salaire : 2 000 € ;

– les intérêts au taux légal avec capitalisation ;

– Monsieur [O] [M] demande également qu’il soit ordonné à Maître [P] de lui remettre les documents sociaux de fin de contrat conformes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;

– il demande également que la décision soit déclarée commune et opposable à l’Ags.

Au soutien de ses demandes, Monsieur [O] [M] expose que :

– il a travaillé jusqu’en mai 2017 mais n’a pas été réglé de ses salaires à compter de décembre 2016, malgré la remise de bulletins de paie ; l’Ags ne produit aucun élément justifiant de l’extinction de l’obligation de paiement de salaire ;

– il n’a jamais adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle ;

– l’entreprise n’a jamais adhéré à une caisse de congés payés et il justifie de sa demande d’indemnité formée à cet égard ;

– sa demande de dommages et intérêts pour absence de paiement du salaire est recevable car elle se rattache par un lien suffisant aux demandes originaires ; il rapporte la preuve de son préjudice.

Par ordonnance du 10 mai 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté les demandes de Monsieur [O] [M] tendant à voir déclarer caduc l’appel formé par l’Ags.

Bien que régulièrement assigné par acte d’huissier de justice du 3 mars 2020 remis à personne, Maître [P] n’a pas constitué avocat.

L’arrêt sera donc réputé contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 6 juin 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’existence d’un contrat de travail

Aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties auraient proposée.

Il en résulte que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles auraient donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité de celui qui se prétend salarié.

Le contrat de travail suppose l’existence d’une prestation de travail en contrepartie d’une rémunération, exécutée sous un lien de subordination, caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.

En l’espèce, Monsieur [O] [M] produit un contrat de travail écrit conclu avec la société Aps2, daté du 1er juillet 2016, ainsi que des bulletins de paie afférents à la période de juillet 2016 à novembre 2016, émanant de cette société.

Ces éléments laissent présumer l’existence d’un contrat de travail.

De son côté, l’Ags n’argue d’une absence de prestation de travail et de lien de subordination qu’à compter de novembre 2016.

Elle ne combat donc pas utilement la présomption de contrat de travail pour la période antérieure.

Par ailleurs, l’Ags ne prouve, ni même n’allègue, l’existence d’une rupture de ce contrat de travail à compter de décembre 2016.

Il convient donc d’en déduire que le contrat de travail conclu entre Monsieur [O] [M] et la société Aps2 n’a pris fin que le 29 mai 2017, date de notification de son licenciement.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

L’Ags ne rapporte pas la preuve de son allégation selon laquelle Monsieur [O] [M] aurait adhéré à un contrat de sécurisation professionnelle, le seul élément qu’elle produit étant un relevé émanant de ses propres services.

En conséquence, Monsieur [O] [M] est fondé à obtenir paiement d’une indemnité compensatrice de préavis égale à un mois de salaire sur le fondement des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, soit la somme de 1 466,65 euros, ainsi que l’indemnité de congés payés afférente, soit 146,66 euros.

Il convient donc d’infirmer le jugement sur ces points.

Sur la demande de rappel de salaires

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

La fourniture d’un travail et le paiement de la rémunération qui en constitue la contrepartie constituant des obligations essentielles de l’employeur, ce dernier n’est fondé à s’abstenir de payer le salaire convenu que s’il prouve que le salarié a cessé de se tenir à sa disposition pour travailler, dès lors que le contrat de travail n’a pas été rompu.

En l’espèce, il appartient donc à l’Ags, qui s’oppose au paiement du salaire de Monsieur [O] [M] correspondant à la période de décembre 2016 à mai 2017, de prouver qu’il aurait cessé de se tenir à disposition de son employeur pour travailler à compter de décembre 2016.

A cet égard, l’Ags expose et établit qu’il résulte des relevés bancaires produits par Monsieur [O] [M] en première instance et qu’elle produit en cause d’appel, que la société SAF M, créée par le gérant de fait et le gérant de droit de la société Aps2, avec le même siège social que cette dernière, a adressé à Monsieur [O] [M] chaque mois des versements pour des montants réguliers entre novembre 2016 à juin 2017, alors que, durant près de 6 mois, il ne s’est jamais manifesté auprès de la société Aps2 pour obtenir le paiement de ses salaires.

De son côté, Monsieur [O] [M] ne fournit aucune explication de nature à contredire utilement ces éléments.

Il convient d’en déduire que l’Ags prouve que Monsieur [O] [M] a cessé de se tenir à disposition de la société Aps2 pour travailler à compter de décembre 2016.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il a fait droit à sa demande de rappel de salaires.

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence de paiement du salaire

Aux termes de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois, l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Aux termes de l’article 70 du même code, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

En l’espèce, la demande additionnelle de Monsieur [O] [M] de dommages et intérêts pour absence de paiement du salaire, formée en cours d’instance prud’homale, se rattache par un lien suffisant à sa demande initiale de rappel de salaire.

Sa demande est donc recevable, étant précisé que le conseil de prud’hommes n’a pas expressément statué sur ce point.

Cependant, cette demande n’est pas fondée, étant la conséquence de la demande de rappel de salaires qui ne l’est pas. Le jugement doit donc être infirmé en ce qu’il y a fait droit.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

Aux termes de l’article L.3141-28 du code du travail, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.

En l’espèce, non seulement l’Ags ne rapporte pas la preuve de l’adhésion de la société Aps2 à une caisse de congés payés, mais Monsieur [O] [M] rapporte la preuve contraire.

Cependant, l’indemnité ne peut concerner que les congés non pris par le salarié au titre de la période de référence en cours à la date de rupture de son contrat de travail, sauf accord différend des parties.

Il convient donc de ne faire droit à la demande de Monsieur [O] [M] qu’au titre de l’année 2016/2017, ce qui aboutit à une indemnité de 1 258,75 euros, somme reconnue à titre subsidiaire par l’Ags.

Il convient donc d’infirmer le jugement en ce sens.

Sur les autres demandes

Les intérêts au taux légal cessent de produire effet au jour de l’ouverture de la procédure collective

Il convient d’ordonner la remise d’un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d’un certificat de travail et d’une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d’une astreinte apparaisse nécessaire.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré ;

Statuant à nouveau ;

Fixe la créance de Monsieur [I] [O] [M] au passif de la procédure collective de la société Aps2 aux sommes suivantes :

– indemnité compensatrice de préavis : 1 466,65 € ;

– indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 146,66 € ;

– indemnité compensatrice de congés payés : 1 258,75 € ;

Rappelle que les intérêts au taux légal cessent de produire effet au jour de l’ouverture de la procédure collective ;

Dit que le Centre de Gestion et d’Etude, AGS-CGEA – Ile de France Est – Unité Déconcentrée de l’UNEDIC devra garantir ces créances dans la limite du plafond légal ;

Ordonne à Maître [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Aps2, de remettre à Monsieur [I] [O] [M], un bulletin de salaire rectificatif, ainsi qu’un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa signification ;

Déclare recevable mais mal fondée la dommages et intérêts pour absence de paiement du salaire;

Déboute Monsieur [I] [O] [M] du surplus de ses

demandes ;

Condamne Maître [P], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Aps2, aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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