Gérant de fait : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02930

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Gérant de fait : 9 novembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02930
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

15e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 09 NOVEMBRE 2023

Jonction des dossiers RG21/03000 et RG21/02930 par ordonnance du 05 septembre 2022 sous le n° RG 21/02930

N° RG 21/02930 –

N° Portalis DBV3-V-B7F-UYS3

AFFAIRE :

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Maître [E] [N], liquidateur judiciaire de la SOCIETE VIOTECH COMMUNICATIONS

C/

[T] [P]

L’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 5]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Septembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : E

N° RG : F19/00703

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Franck LAFON

Me Nicolas SANFELLE de la SARL AVOCATS SC2 SARL

Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.E.L.A.R.L. ML CONSEILS prise en la personne de Maître [E] [N], liquidateur judiciaire de la SOCIETE VIOTECH COMMUNICATIONS

[Adresse 2]

[Localité 6]

Autre qualité : Intimée dans 21/03000 (Chambre Sociale)

Représentant : Me Fabienne FOURNIER LA TOURAILLE de la SELARL CABINET FOURNIER LA TOURAILLE, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 80

Représentant : Me Franck LAFON, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

APPELANTE

****************

Monsieur [T] [P]

né le 31 Mai 1977 à [Localité 7] (ROUMANIE)

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Autre qualité : Appelant dans 21/03000 (Chambre Sociale)

Représentant : Me Nicolas SANFELLE de la SARL AVOCATS SC2 SARL, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 445

L’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Autre qualité : Intimée dans 21/03000 (Chambre Sociale)

Représentant : Me Sophie CORMARY de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 substituée à l’audience par Me Jeanne-Marie DELAUNAY, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Régine CAPRA, Présidente,

Madame Aurélie GAILLOTTE, Conseiller,

Madame Michèle LAURET, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI

La SARL Viotech communications a été immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le n°439 077 975 le 29 Janvier 2007, après une précédente immatriculation au RCS de BOBIGNY et un début d’activité fixé au 9 août 2001. Elle exerçait une activité de commercialisation de produits et prestations de services dans les technologies informatiques.

M. [T] [P] est l’un des associés fondateurs de la société Viotech Communications.

Par contrat de travail à durée indéterminée du 29 janvier 2007, il a été engagé par cette société en qualité de responsable projet coopératif R & D, statut cadre, moyennant un salaire initial brut mensuel de 3 100 €.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec.

Le 9 novembre 2017, M.[T] [P] et la société ont conclu une rupture conventionnelle du contrat de travail, homologuée par la Direccte le 22 décembre 2017, fixant le dernier jour travaillé au 31 décembre 2017.

Puis, le 31 mai 2018, M.[T] [P] a cédé l’intégralité de ses parts à M.[W] [P], gérant de la société depuis le 26 avril 2013, ce dernier devenant l’associé unique.

Par jugement du 20 septembre 2018, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée de la société Viotech Communications, désignant la société ML conseils, prise en la personne de Me [E] [N] en qualité de liquidateur judiciaire et fixant la date de cessation des paiements au 30 décembre 2017.

Par requête reçue au greffe le 25 novembre 2019, M. [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles afin d’obtenir le versement d’un solde d’indemnité de rupture conventionnelle, des rappels de salaires et des dommages et intérêts pour préjudice financier et économique.

Par jugement du 22 septembre 2021, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Versailles a :

– dit que la rupture conventionnelle homologuée entre les parties est valide,

– débouté Monsieur [T] [P] de sa demande d’indemnité de rupture conventionnelle,

– débouté Monsieur [T] [P] de sa demande de paiement de salaires restant dus,

– débouté Monsieur [T] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice économique et financier,

– débouté la Selarl ML Conseil intervenant en tant que mandataire liquidateur de la Société Viotech de sa demande en nullité du contrat de travail conclu entre les parties,

– débouté la Selarl ML Conseil intervenant en tant que mandataire liquidateur de la Société Viotech de sa demande de restitution de l’indemnité de départ,

– débouté l’AGS de sa demande de juger prescrites les demandes afférentes à la rupture conventionnelle,

-débouté 1’AGS de sa demande de constater une fraude au droit des procédures collectives et de l’AGS,

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 515 du code de procédure civile,

– laissé les éventuels dépens aux parties les ayant engagés.

La SELARL ML Conseils a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 6 octobre 2021. Cette affaire a été enregistrée sous le N° RG 21/02930.

M.[T] [P] a également interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 12 octobre 2021. Cette affaire a été enregistrée sous le N° RG 21/03000.

Par ordonnance du 5 septembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction des procédures inscrites sous les N° RG 21/03000 et N° RG 21/02930, qui seront appelées sous ce dernier numéro.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 20 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé complet des moyens, la société ML Conseils demande à la cour de :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la Selarl ML Conseils es-qualité de sa demande de requalification du statut de Monsieur [T] [P],

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la Selarl ML Conseils es-qualité de sa demande de condamnation à l’encontre de Monsieur [T] [P] à hauteur de 40 497,03 euros s’agissant de la somme d’ores et déjà perçue au titre de sa rupture conventionnelle laquelle doit être annulée,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [T] [P] de l’ensemble de ses demandes,

– juger que toutes demandes de condamnations formulées à l’encontre de la Selarl ML Conseils représentée par Maître [E] [N] es-qualité de liquidateur judiciaire de la société Viotech Communication sont irrecevables,

– juger que la demande de fixation au passif à hauteur de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts est irrecevable faute de déclaration au passif,

Y faisant droit,

– juger que Monsieur [T] [P] ne démontre pas sa qualité de salarié avec l’existence d’un lien de subordination et de la réalité d’une activité exercée durant les 6 derniers mois,

– juger que Monsieur [T] [P] ne démontre pas la réalité d’un travail effectué sur les derniers mois de son contrat,

-juger qu’il manque les éléments nécessaires à la démonstration de l’existence d’un contrat de travail,

– prononcer la nullité de la rupture conventionnelle signée entre les parties,

– débouter Monsieur [T] [P] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Monsieur [T] [P] à restituer à la Selarl ML Conseils représentée par Maître [E] [N] es-qualité la somme qu’il a d’ores et déjà perçue au titre de son prétendu contrat de travail soit 40 497,03 euros.

A titre subsidiaire, il est demandé à la Cour, si elle considère que Monsieur [T] [P] est salarié :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [T] [P] de l’ensemble de ses demandes.

A titre infiniment plus subsidiaire, il est demandé à la Cour si elle considère que Monsieur [T] [P] est salarié de :

– ramener à de plus justes proportions l’indemnité allouée,

En tout état de cause :

– condamner Monsieur [T] [P] à verser à la Selarl ML Conseils représentée par Maître [E] [N] es-qualité la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck Lafon, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 3 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [P] demande à la cour d’appel, au visa des articles L.1237-11, L.1237-13, L.1234-9 et R.1234-2 du Code du travail, Vu les articles 1103 et 1217 du Code civil, de :

– infirmer le jugement rendu le 22 septembre 2021 par le conseil de prud’hommes de Versailles en ce qu’il a débouté Monsieur [P] de ses demandes,

– le confirmer en ce qu’il a dit et jugé que la rupture conventionnelle homologuée entre Monsieur [P] et la société Viotech Communications est valide,

Et statuant à nouveau,

– fixer et ordonner l’inscription au passif de la société Viotech Communications représentée par la Selarl ML Conseils, prise en la personne de Maitre [E] [N], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société Viotech Communications les créances suivantes :

– 66.461,43 euros nets au titre du solde de l’indemnité spécifique de rupture,

– 58.235,52 euros bruts au titre de rappel salaire pour la période allant de juillet à décembre 2017,

– 10.000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour préjudice économique et financier,

– 5.820 euros à titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Viotech Communications aux entiers dépens,

– dire et juger que l’ensemble des créances sont opposables à l’Unedic, délégation AGS CGE IDF OUEST.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 16 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, l’Unedic, délégation AGS CGEA d'[Localité 5] demande à la cour de :

– joindre les procédures RG 21/02930 et 21/03000, celles-ci étant identiques et dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice,

– constater que la rupture conventionnelle ayant été homologuée le 23 décembre 2017, toute demande relative à la rupture conventionnelle devait être introduite avant le 24 décembre 2018,

– constater que la présente instance n’a été introduite qu’en novembre 2019,

En conséquence,

– juger prescrite toute demande afférente à la rupture conventionnelle,

– débouter Monsieur [P] de ses demandes relatives au paiement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et de dommages et intérêts pour préjudice économique et financier,

A titre principal,

– constater l’existence d’une fraude au droit des procédures collectives et à l’AGS,

En conséquence,

– mettre l’AGS hors de cause au titre de la présente instance,

– constater l’irrecevabilité des demandes, fins et prétentions de Monsieur [P],

En tout état de cause,

– mettre hors de cause l’AGS s’agissant des frais irrépétibles de la procédure,

– condamner à titre reconventionnel Monsieur [P] à verser à l’Unedic, AGS CGEA d'[Localité 5] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Monsieur [P] aux éventuels dépens,

– mettre hors de cause l’AGS s’agissant des frais irrépétibles de la procédure,

– juger que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l’ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l’article L 622-28 du code du commerce,

– fixer l’éventuelle créance allouée au salarié au passif de la Société,

– juger que le CGEA, en sa qualité de représentant de l’AGS, ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6, L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L 3253-15, L 3253-19 à 21 et L

3253-17 du code du travail et selon les plafonds légaux,

– juger que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 5 juillet 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 20 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, il convient de préciser qu’il ne sera pas statué sur les demandes tendant à “constater ” et ” dire et juger ” qui ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens.

1° Sur la demande de nullité de la rupture conventionnelle :

La SELARL ML Conseils demande l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a débouté de sa demande de nullité de la rupture conventionnelle établie entre M. [T] [P] et la société Viotech Communications et elle sollicite en conséquence la condamnation de M. [P] à restituer l’indemnité de 40.497,03 euros perçue en exécution de cette rupture.

Elle soutient à ce titre que M. [T] [P] n’avait pas la qualité de salarié au sein de la société Viotech Communications en raison de l’absence de lien de subordination avec son employeur, de l’absence de prestation de travail de juillet à décembre 2017, et de la perception d’une rémunération fluctuante au cours de la relation de travail en l’absence de signature d’avenant au contrat. Le liquidateur ajoute que M. [T] [P], associé fondateur de la société, a accompli des actes positifs de gestion en toute indépendance, et a été condamné par la cour d’appel de Versailles par arrêt du 20 septembre 2022 solidairement avec M.[W] [P] à payer au liquidateur la somme de 50.000 € au titre de leur responsabilité pour insuffisance d’actifs.

M. [P] conclut à la confirmation du jugement ayant jugé la rupture conventionnelle valide, en se fondant sur l’existence d’un contrat de travail signé le 9 janvier 2007, la perception régulière d’une rémunération établie par les bulletins de salaire produits aux débats, et le lien de subordination le liant aux gérants successifs de la société, soulignant sur ce point que le statut d’associé au sein d’une société n’est pas incompatible avec celui de salarié.

Sur ce,

La preuve de l’existence d’un contrat de travail visé à L.1221-1 du code du travail repose, pour celui qui s’en prévaut, sur la démonstration de trois éléments, la fourniture d’un travail, le versement d’une rémunération et le lien de subordination entre l’employeur et le salarié.

Cependant, en présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.

Par ailleurs, le cumul d’un mandat social avec un contrat de travail est possible, sous réserve d’abord que la fonction salariée corresponde à un emploi réel et effectif et qu’elle se distingue nettement de l’activité de mandataire, ensuite, que dans l’exercice de son emploi salarié, le mandataire se trouve dans un réel état de subordination vis-à-vis de son employeur et enfin que l’intéressé soit rémunéré en contrepartie de son emploi.

En l’espèce, M. [T] [P] produit aux débats, outre son contrat de travail écrit signé le 29 janvier 2017, ses bulletins de paie au titre de l’année 2017 et une attestation Pôle Emploi du 31 décembre 2017.

En raison du contrat de travail apparent de M. [P], il incombe à la SELARL ML Conseils de démontrer son caractère fictif.

Il ressort des pièces produites par la SELARL ML Conseils que la société Viotech a été constituée par trois associés, M.[T] [P], [V] [P] et [L] [I], auxquels s’est associé M.[W] [P], le père de [T] [P], le 29 décembre 2010, M.[W] [P] ayant ensuite acquis la qualité de gérant de société le 26 avril 2013, puis étant devenu l’associé unique par cession de parts de M. [V] [P] et [L] [I] le 14 avril 2017, puis de la totalité des parts de M.[T] [P] le 31 mai 2018.

[T] [P] a par ailleurs signé un contrat de travail au sein de la société Viotech communications le 29 janvier 2007 en qualité de responsable de projet coopératif R et D, comportant ” des activités de soutien des projets européens auxquels Viotech participe “. Le contrat précisait qu’” il sera encadré par le Gérant de Viotech Communications à qui il rapportera directement “, qu’il ” s’engage à remplir les tâches qui lui incombent au respect des cahiers des charges, directives et calendriers de travaux fixés par oral et/ou par écrit par sa direction “. La durée du travail était fixée à 39 heures moyennant une rémunération brute mensuelle de 3.100 €, outre remboursement des frais professionnels sur présentation de facture.

La lecture des pièces démontre qu’il disposait de la signature bancaire à la caisse d’épargne sur le compte de la société Viotech depuis le 28 janvier 2010 aux côtés de M. [L] [I], alors gérant de l’entreprise, même s’il a mentionné le contraire dans le questionnaire adressé en 2019 à Pôle emploi. Or, les fonctions énoncées au contrat de travail ne justifiaient pas que M.[T] [P] dispose d’une signature bancaire, et il n’est pas établi que M.[W] [P], gérant, détenait également cette signature sur le compte bancaire de la société en sa qualité de gérant depuis 2013.

En outre, [T] [P] procédait au paiement des cotisations URSSAF comme le démontre le mail qui lui a été adressé par [W] [P] le 19 octobre 2017, et il a effectué au règlement des charges URSSAF du 3ème trimestre 2017 à hauteur de 8.551 €, des honoraires comptables du 2nd trimestre 2017 pour 1.420 € et de factures de prestataires pour 9.498 €, en contrepartie de la cession d’un véhicule appartenant à la société, tel qu’il ressort du protocole d’accord de cession du 15 décembre 2017, sans lien avec l’exécution du contrat de travail.

S’agissant de la rémunération, les bulletins de salaire de l’année 2017 et l’attestation Pôle emploi fournis par M. [P] figurent des montants sans rapport avec la rémunération prévue au contrat, ainsi que des variations de salaire non stipulées. En effet, tandis qu’il percevait une rémunération nette de 1284,59 € de janvier à mars 2017, il lui était versé une somme de 5.011,63 € en avril, puis aucune rémunération en mai et juin, ensuite un salaire d’environ 5100 € de juillet à septembre puis une rémunération de 10.214 € en octobre et novembre 2017.

Le protocole d’accord signé le 15 décembre 2016 par M.[T] [P] avec son employeur aux termes duquel il a accepté une diminution de sa rémunération à hauteur du SMIC sur le début de l’année 2017 en raison des difficultés de trésorerie de l’entreprise avec compensation sous la forme de primes incluses sur ses bulletins de fin d’année ne permet pas à lui seul de justifier l’intégralité des écarts de rémunération puisque la non-perception de salaire sur les mois de mai et juin 2017 n’est pas justifiée, tandis que les quantums perçus ne sont pas davantage explicités par la signature d’un avenant au contrat. Il ressort du mail du 13 octobre 2017 que M.[T] [P] était en outre à l’initiative du paiement de sa prime sur le mois d’octobre 2017 du fait de la perception du crédit impôt recherche développement, alors que le versement de la rémunération relève de l’employeur.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, la chambre commerciale de la cour d’appel de Versailles a considéré dans un arrêt non définitif rendu le 20 septembre 2022, que M.[T] [P] disposait de la qualité de gérant de fait de la société Viotech communications et l’a condamné solidairement avec M.[W] [P], gérant de droit, à payer des sommes au liquidateur sur le fondement de la responsabilité pour insuffisance d’actif.

Les pièces produites aux débats et en particulier les échanges de mails apportés tant par M.[T] [P] que par la SELARL ML Conseils n’établissent pas l’existence d’une prestation de travail dissociée des fonctions de gérant de fait. Surtout, la SELARL démontre au travers de ses pièces qu’il n’existait pas de lien de subordination entre [T] [P] et son père, [W] [P], caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En effet, si les échanges de mails produits aux débats témoignent d’une concertation entre M.[W] et [T] [P], ils établissent le fait que ce dernier agissait en toute indépendance et qu’il n’existait ni directives ni contrôle de son activité de la part du gérant de droit. En outre, le mail du 25 juillet 2017 échangé entre [W] [P] et [T] [P] au sujet du projet ” Delta ” établit au contraire que le gérant de droit sollicitait l’aval de son fils sur celui-ci, excluant tout lien de subordination.

Enfin, la conclusion d’une convention de rupture conventionnelle entre les parties le 9 novembre 2017 à effet du 31 décembre 2017 fixant le montant de l’indemnité à 120.000 € au profit de [T] [P], soit au-delà des minima légaux, et ce alors que la cessation des paiements a été fixée par le tribunal de commerce au 30 décembre 2017 comme étant contraire à l’intérêt de la société.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que [T] [P] ne se trouvait pas dans une relation de subordination et que le contrat de travail conclu au sein de la société Viotech communications est fictif. En conséquence, il convient d’annuler la rupture conventionnelle conclue le 9 novembre 2017 entre M.[T] [P] et la société Viotech communications et de condamner [T] [P] à restituer à la SELARL ML Conseils représentée par Maître [E] [N] es qualité de liquidateur de la société Viotech Communications la somme de 40.497,03 € perçue au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle, montant qui n’est pas contesté par les parties.

Le jugement sera donc infirmé dans son expression contraire.

2° Sur le solde de l’indemnité de rupture conventionnelle :

M. [P] sollicite la fixation du reliquat de l’indemnité de rupture conventionnelle au passif de la liquidation.

Le liquidateur lui oppose la nullité de la convention de rupture conventionnelle.

La cour ayant déclaré la rupture conventionnelle nulle en l’absence de contrat de travail, il convient de débouter M. [P] de sa demande, de sorte que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

3° Sur les demandes de rappel de salaire et de dommages-intérêts :

Le contrat de travail de M. [P] ayant été jugé fictif, les demandes formulées au titre de rappel de salaire seront rejetées.

Et, la convention de rupture ayant été annulée, il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts pour préjudice économique et financier résultant du retard de paiement du solde de l’indemnité de rupture.

Le jugement de première instance ayant rejeté les demandes de ces chefs sera donc confirmé.

Sur la mise hors de cause de l’AGS :

Le contrat de travail de Monsieur [P] ayant été considéré comme étant fictif, il convient de mettre l’UNEDIC, Délégation AGS CGEA d'[Localité 5], hors de cause.

Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

[T] [P] succombant au litige, sera tenu des dépens, dont distraction au profit des avocats en application de l’article 699 du code de procédure civile, tel qu’il sera dit au dispositif.

Il sera en outre condamné à verser la somme de 2.000 € à la SELARL ML Conseils représentée par Maître [E] [N] es qualité de liquidateur de la société Viotech Communications et de 1.000 euros à l’UNEDIC AGS CGEA d'[Localité 5].

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Versailles du 22 septembre 2021 en ce qu’il a débouté M.[T] [P] de sa demande d’indemnité de rupture conventionnelles, de ses demandes de paiement de salaires restant dus et de dommages-intérêts pour préjudice économique et financier ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,

Prononce l’annulation de la rupture conventionnelle signée le 9 novembre 2017 entre la société Viotech communications et M.[T] [P] ;

Condamne M.[T] [P] à restituer à la SELARL ML Conseils représentée par Maître [E] [N] es qualité de liquidateur de la société Viotech la somme de 40.497,03 € perçue au titre de l’indemnité de rupture conventionnelle ;

MET l’UNEDIC AGS CGEA d'[Localité 5] hors de cause ;

Condamne M.[T] [P] à payer à la SELARL ML Conseils représentée par Maître [E] [N] es qualité de liquidateur de la société Viotech Communications la somme de 2.000 € et à l’UNEDIC AGS CGEA d'[Localité 5] la somme de 1.000 € pour frais irrépétibles de procédure en cause d’appel,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne M.[T] [P] aux dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Franck LAFON, Avocat

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, La Présidente,

 


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