Tatouages : 13 décembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/03177

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Tatouages : 13 décembre 2022 Cour d’appel de Nîmes RG n° 19/03177
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 19/03177 – N° Portalis DBVH-V-B7D-HOMG

YRD/ID

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE D’AVIGNON

05 juillet 2019

RG:F 16/00243

[H]

C/

S.A.S. TRANSPORTS EN COMMUN DE LA REGION D'[Localité 6] (TCRA)

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2022

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AVIGNON en date du 05 Juillet 2019, N°F 16/00243

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président,

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère,

M. Michel SORIANO, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Isabelle DELOR, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Octobre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Décembre 2022.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANT :

Monsieur [S] [H]

né le 30 Mars 1980 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Jean-baptiste TABIN, avocat au barreau D’AVIGNON

INTIMÉE :

S.A.S. TRANSPORTS EN COMMUN DE LA REGION D'[Localité 6] (TCRA)

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Olivier BAGLIO de la SCP BAGLIO-ROIG-ALLIAUME-BLANCO, avocat au barreau D’AVIGNON

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 28 Septembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 13 Décembre 2022, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

M. [S] [H] a été engagé par la société Transports en Commun de la Région d'[Localité 6] (TCRA) à compter du 1er novembre 2009 suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de conducteur receveur.

Par avis du 30 novembre 2015, le médecin du travail le déclarait inapte à son poste de travail dans les termes suivants : ‘Ce jour, est inapte à la reprise de son poste. A revoir dans 15 j environ pour une 2° visite : RV proposé le 16/12/2015 à 14h. Serait apte à un poste administratif, sans contraintes posturales ou gestes répétitifs des membres supérieurs’.

À l’issue de la seconde visite médicale en date du 16 décembre 2015, il était déclaré définitivement inapte à son poste de travail dans les termes suivants : ‘Ce jour, est définitivement inapte à la reprise de son poste. Serait apte à un poste administratif, sans contraintes posturales ou gestes répétitifs des membres supérieurs’.

Après avoir été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 26 janvier 2016, M. [H] était licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 03 février 2016.

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits au cours de la relation contractuelle, M. [H] comme huit autres salariés en litige avec la société TCRA, par requête du 30 mars 2016, saisissait le conseil de prud’hommes d’Avignon en paiement d’indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement de départage du 05 juillet 2019, a :

– condamné la société des transports en commun de la région d'[Localité 6] à payer à M. [S] [H] les sommes suivantes :

* 20 341,53 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la société des transports en commun de la région d'[Localité 6] aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement

– rejeté les demandes plus amples ou contraires.

Par acte du 1er août 2019, M. [S] [H] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 04 avril 2022, M. [S] [H] demande à la cour de :

– réformer les chefs de jugement suivants :

* dit que les rappels de primes de caisse et de congés payés inhérents ne sont pas dus

* dit que les rappels de salaires au titre des temps de pause non respectés et les congés payés inhérents ne sont pas dus

* dit que les rappels de salaires au titre des trajets en navette non rémunérés et congés payés inhérents ne sont pas dus

* dit que les dommages et intérêts pour travail dissimulé ne sont pas dus

* dit que les rappels de primes de salissures et congés payés inhérents ne sont pas dus

* limite la condamnation de la TCRA à la somme de 20341,53 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

* rejette les demandes de remises de documents sociaux rectificatifs sous astreinte

Statuant à nouveau,

– condamner la société TCRA, à verser les sommes suivantes :

* à titre de rappel de primes de caisse et de congés payés :

° rappels de prime du 1er avril 2011 au 5 février 2016 (sic)

° congés payés afférents : 58 mois * 45 euros = 2610 euros

* à titre de rappels de salaires pour violation des temps de pause réglementaires et congés payés afférents :

° rappels de salaire : 1 787,19 euros

° congés payés afférents : 178,71 euros

* à titre de rappels de salaires pour travail dissimulé et congés payés afférents :

° rappels de salaire : 268,29 euros

° congés payés afférents : 26,82 euros

* à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 13 561,02 euros

– condamner la société TCRA, à verser les indemnités suivantes au titre de l’entretien des tenues professionnelles :

* rappels d’indemnités au 05 février 2016 : 533,00 euros

* congés payés afférents : 53,30 euros

Enfin,

– condamner l’employeur, dans chacun des dossiers, à la remise d’un bulletin de paye rectificatif mentionnant le versement des sommes soumises à charges sociales, ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision de justice,

– la cour se réservera le droit de liquider ladite astreinte,

– condamner l’employeur à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais d’appel et de première instance,

– le condamner aux entiers dépens.

Il soutient que :

– compte tenu de la prescription applicable, ses demandes de rappel des salaires jusqu’au 30 mars 2011 sont recevables,

– étant en charge de la vente de billet, il estime pouvoir prétendre à la « prime de caisse » et ce nonobstant le coefficient hiérarchique qui lui est attribué,

– l’accord du 4 février 2016 modifiant l’accord du 30 mai 2006 s’agissant de cette prime de caisse lui est inopposable dans la mesure où, d’une part, il n’a pas été négocié et conclu dans le cadre de la procédure de révision dès lors qu’il a modifié l’accord initial, et, d’autre part, dans la mesure où la procédure d’adoption ne pouvait être mise en ‘uvre qu’avec l’accord unanime des parties signataires ce qui n’a pas été respecté en l’espèce,

– les temps de « battement », qui sont destinés à compenser les contraintes liées au trafic, au retournement des bus, à la montée des voyageurs et à la vente de tickets ne peuvent pas être assimilés à des temps de pause de sorte qu’ils doivent être rémunérés en tant qu’heures supplémentaires,

– les temps de « navette » entre deux services constituent un temps de travail effectif et il considère que son employeur ne pouvait réduire de 13% cette durée du travail, et qu’en agissant ainsi, son employeur a violé intentionnellement la législation sur le temps de travail ce qui caractérise, selon lui, du travail dissimulé dont il sollicite l’indemnisation,

– son employeur aurait dû lui verser une indemnité d’au moins 1,30 euros par vacation au titre de l’entretien des tenues professionnelles,

– son employeur n’a pas loyalement procédé à des recherches de reclassement notamment en ne lui proposant pas un poste de commandement à [Localité 6] de sorte qu’il considère que son licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse.

En l’état de ses dernières écritures en date du 27 septembre 2022, contenant appel incident, la SAS Transports en Commun de la Région d'[Localité 6] (TCRA) demande à la cour de :

Statuant sur l’appel formé par M. [S] [H] à l’encontre de la décision rendue le 5 juillet 2019 par le conseil de prud’hommes d’Avignon, ainsi que sur son appel incident,

– infirmer la décision en ce qu’elle :

* l’a condamnée payer à M. [S] [H] la somme de 20.341,53 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* l’a condamnée à payer à M. [S] [H] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’a condamnée aux dépens,

* a rejeté sa demande tendant à voir condamner M. [S] [H] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– confirmer la décision en ce qu’elle a :

* débouté M. [S] [H] du surplus de ses demandes tendant à la voir condamner à lui verser les sommes suivantes :

° 2 610 euros bruts à titre de rappel de primes de caisse ;

° 261 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

° 1 787,19 euros à titre de rappel de salaires pour violation des temps de pause réglementaires ;

° 178,71 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

° 268,69 euros bruts à titre de rappels de salaire pour travail dissimulé trajets navette ;

° 26,82 euros à titre de congés payés afférents ;

° 13 561,02 euros nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

° 870 euros bruts à titre de rappels de primes de salissure ;

° 87 euros bruts à titre de congés payés afférents.

Statuant à nouveau,

– débouter M. [S] [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner M. [S] [H] à la payer la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– le condamner aux entiers dépens d’instance et d’appel.

Elle fait valoir que :

– l’accord d’entreprise du 30 mai 2006 relatif à la « prime de caisse » est dépourvu de caractère interprétatif et il s’applique aux seuls agents chargés de la vente de billets et de l’information du public en agence et non aux conducteurs receveurs, de sorte qu’il est inopposable à M. [S] [H] qui n’exerce pas cette fonction,

– l’accord d’entreprise du 7 mars 2001 prévoit le versement d’une prime de salissure mensuelle pour les seuls agents d’entretien affectés aux pleins des véhicules ainsi qu’aux agents chargés du suivi des poteaux et abris bus du réseau, il ne concerne pas les conducteurs.

– les conducteurs bénéficient d’un temps de pause supérieur à 20 minutes durant les temps de battement, et, durant ces temps de battements, ils ne sont pas à sa disposition et peuvent vaquer librement à leurs occupations,

– le temps de navette ne revêt pas la qualification de temps de travail effectif mais celle de temps de trajet dès lors que durant ce temps de navette le salarié n’est pas à sa disposition et qu’il peut vaquer librement à ses occupations. Elle précise par ailleurs que ce temps de navette fait déjà l’objet d’un traitement plus favorable en terme de rémunération de sorte qu’elle réfute les allégations de travail dissimulé,

– les attestations qu’elle produit sont de nature à démontrer l’attitude négative de M. [S] [H] qui rendait impossible son reclassement à un poste de commandement à [Localité 6], et précise en outre avoir tout mis en ‘uvre pour procéder au reclassement de M. [S] [H], de sorte qu’elle considère avoir respecté son obligation de recherches de reclassement,

– à titre subsidiaire dans la mesure où le licenciement serait déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse, elle indique qu’en application de l’ancien article L. 1235-3 du code du travail, M. [S] [H] ne pourrait prétendre qu’à une somme équivalente à 6 mois de salaire soit la somme de 13 61,02 euros,

– M. [S] [H] ne formule aucune prétention tendant à obtenir une indemnisation supérieure à celle qui lui a été allouée par le conseil de prud’hommes de sorte que le montant des dommages et intérêts ne pourra pas excéder la somme de 20.341,53 euros.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance du 14 mars 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 28 septembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 12 octobre 2022.

MOTIFS

Sur la prime de caisse

En vertu de l’article 2. 6) de l’accord d’entreprise du 30 mai 2006 :

« La prime de caisse mensuelle est fixée à 45 euros pour les personnels chargés de la vente de billetterie, ce à compter du mois de juin. Cet article annule les précédentes dispositions concernant cette prime ».

L’accord d’entreprise du 4 février 2016 portant interprétation de l’article 2-6 de l’accord d’entreprise du 30 mai 2006 stipule :

« En considération, d’une part, du vocable usuellement pratiqué dans l’entreprise, d’autre part, de l’intention qui animait les signataires de l’accord de 2006, les Parties au présent accord affirment que les termes « personnels chargés de la vente de billetterie » désignent les salariés exerçant, sous l’autorité hiérarchique ou fonctionnelle de l’agence commerciale, la fonction d’agent commercial de guichet consistant à assurer la vente des titres de transport et l’information de la clientèle, à savoir les Agents d’information et de vente (selon la dénomination issue de l’Accord de branche du 18 septembre 2006) et les Conducteurs ‘ agents commerciaux ».

Tant l’annexe III de la Convention Collective des Transports Urbains (protocole d’accord du 30 janvier 1975) définissant les postes de travail du personnel du mouvement que la grille de classification des emplois qui en est issue distinguent les fonctions de conducteur-receveur de celles d’agent commercial de guichet ou d’agent d’information et de vente.

Seuls ces derniers vendent des titres de transport (à l’unité, en carnet, ticket groupe, pass journée etc’) ainsi que des abonnements et conservent les espèces et effectuent un arrêté de caisse quotidien.

L’employeur précise sans être utilement contredit que les conducteurs-receveurs assurent à la fois la conduite et la recette et disposent à cet effet d’une caisse de l’ordre de 200 euros ainsi que des titres de transport qu’ils sont amenés à vendre à l’unité aux clients occasionnels et/ou qui ne se sont pas préalablement rendus en agence.

Ces derniers ne sont pas tenus de manipuler et conserver des montants importants ni tenus d’effectuer un arrêté de caisse quotidien.

Ainsi ces deux catégories d’emploi répondent à des missions bien distinctes et comportent chacune des modalités de rémunération qui leur sont propres.

Au demeurant, la société intimée rappelle justement que les conducteurs-receveurs bénéficient d’un coefficient 200 supérieur au coefficient185 attribué aux agents d’information et de vente en sorte que ces derniers peuvent prétendre à des primes compensant des tâches auxquelles ne sont pas soumis les premiers quand bien même tous seraient personnellement responsables des titres de transports et des sommes propriété de l’employeur.

L’accord portant interprétation ne vise donc que les agents d’information et de vente et les conducteurs-agents commerciaux étant rappelé que cet accord a été signé par le délégué, signataire de l’accord de 2006, du syndicat FO représentant 55,48 % des suffrages lors des élections professionnelles de 2014 et 58,57 % lors de celles de 2017.

Même si cet accord interprétatif n’est pas opposable aux salariés non adhérents de ce syndicat, il n’en demeure pas moins qu’il exprime la commune intention des signataires de l’accord du 30 mai 2006 qui a été d’octroyer une prime de caisse aux seuls agents d’information et de vente et conducteurs-agents commerciaux ce que les représentants du syndicat CGT, signataires de l’accord du 30 mai 2006, n’ont jamais discuté jusqu’en 2015 étant relevé que sur 320 salariés dont 80% de conducteurs, seuls neuf salariés élèvent une contestation sur l’application de cet accord. En tout état de cause, la cour relève que les autres signataires de cet accord, conclu avec deux autres organisations syndicales, ne contribuent pas à la tentative d’interprétation que souhaite en donner l’appelant de même qu’aucune organisation syndicale n’a estimé opportun d’intervenir dans la présente instance au soutien des demandes du salarié.

C’est dès lors à juste tire que le premier juge a relevé qu’ « il est constant que les conducteurs receveurs bénéficient d’un coefficient plus élevé que les simples conducteurs et les agents d’information et de vente,

– le document de synthèse des revendications du syndicat F0, instrument de l’accord de 2006 et d’ailleurs seul signataire de l’accord interprétatif de 2016, fait état de la prime en cause maisnullement allusion aux conducteurs receveurs,

– le document d’information à destination du personnel place la prime litigieuse dans la seule catégorie des caissières.

De même, si l’accord interprétatif en date du 4 février2016 précité, est inopposable au salarié,

il peut toutefois être utilisé comme un indice parmi d’autres pour rechercher quelle a été l’intention des parties signataires de1’accord du 30 mai 2006, ce d’autant plus que cet avenant a été signé par le syndicat F0, représentatif et majoritaire dans la société TCRA, ce qui n’est pas contesté, à l’origine des revendications salariales ayant abouti à l’octroi d’une prime de caisse pour la catégorie des salariés concernés».

Ainsi l’objet de l’accord du 30 mai 2006 a été d’octroyer une prime de caisse aux seuls agents d’information et de vente et conducteurs-agents commerciaux.

Le jugement mérite confirmation de ce chef.

Sur le temps de pause

L’article 10 du décret du 14 février 2000 relatif à la durée du travail dans les entreprises de transport public urbain de voyageurs dispose :

« 1. Le présent paragraphe régit le régime des coupures des seuls personnels roulants.

Une coupure est une période comprise dans l’amplitude de la journée de travail du salarié pendant laquelle le salarié n’est plus à la disposition de l’employeur et peut vaquer librement à des occupations personnelles. Les coupures d’une durée inférieure ou égale à trente minutes sont comptées dans la durée du travail. Aucun service ne peut compter plus de deux coupures.

Tout salarié dont le temps de travail quotidien est supérieur à six heures bénéficie d’une coupure d’au moins vingt minutes. Cette coupure est constituée, notamment, des temps de repas, des temps de disponibilité, des temps d’attente dans les terminus et des différents temps d’inactivité ou d’interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d’une durée d’au moins cinq minutes consécutives. Pour des raisons techniques d’exploitation, la période de coupure peut être remplacée par une période équivalente de repos compensateur attribuée au plus tard avant la fin de la journée suivante.

La coupure pour repas de midi est au minimum de quarante-cinq minutes. Lorsqu’un agent en service entre 11 h 30 et 14 heures ne bénéficie pas, dans cet intervalle, d’une coupure pour repas ou lorsque celle-ci n’est pas au moins égale à quarante-cinq minutes, il doit bénéficier d’une contrepartie déterminée par accord collectif de branche étendu ou par accord d’entreprise.

2. Le régime des coupures des personnels autres que les personnels roulants est fixé par l’article L. 220-2 du code du travail ».

L’appelant soutient qu’aucun conducteur ne bénéficie réellement des pauses prévues, qu’un tableau d’analyse des 639 différentes tournées des conducteurs de la TCRA [Localité 6] montre que 92% des tournées de plus de 6 heures ne comportent pas de pause réglementaire, que l’immense majorité des tournées ne comporte même aucune pause, que la direction se justifie en expliquant que les agents bénéficient de « temps de battement » supérieurs à 5 minutes chacun et d’une durée cumulée supérieure à 20 minutes pour chaque vacation de plus de 6 heures lesquels n’ont pas pour objet de permettre au salarié d’effectuer une pause mais de réguler les horaires du fait des difficultés de circulation liées aux retards et autres perturbations imprévues (embouteillages, travaux, accidents, manifestations, etc.) et que pendant ces « battements » les chauffeurs ont systématiquement des tâches à accomplir :

– temps de retournement du bus (conduite du véhicule au terminus pour se positionner au départ de la ligne suivante),

– surveillance du bus pendant la montée des voyageurs,

– vente des tickets aux voyageurs entrant dans le bus. 

Il verse au débat un compte rendu de réunion des délégués du personnel du 27 novembre 2015, portant sur cette problématique mentionnant :

« 9) TEMPS DE BATTEMENTS THÉORIQUES

Dans un souci de clarté et afin d’éviter que les temps de coupure destinés à préserver la santé et la sécurité des conducteurs (trices) conformément aux dispositions de l’article 10 du décret 2000-118 du 14 février 2000, ne se confondent avec les temps de battement qui eux, sont destinés à réguler les horaires du fait des difficultés de circulation liées aux retards, travaux et autres perturbations imprévues.

Pouvez-vous apporter à la connaissance de tous les salariés, les moments précis où nous pouvons bénéficier de ces périodes de coupure sans être à la disposition de l’employeur et pendant lesquelles nous pouvons vaquer librement à des occupations personnelles’

La direction répond que les temps de battements théoriques sont construits de façon à intégrer les temps techniques nécessaires à la bonne exécution des différentes tâches afférentes aux conducteurs ainsi qu’un temps moyen d’environ 5 mn pendant lequel chaque agent a la possibilité de vaquer à ses occupations dans ou hors le bus. Bien évidemment, ce temps est donné à titre indicatif puisqu’il varie tout au long du service en fonction des aléas de la circulation Il ne peut être considéré comme un dû systématique à chaque terminus mais les enquêtes faites chaque année démontrent que les services supérieurs à 6h disposent de plus de 20 mn chaque jour.

La remise en question de ce fonctionnement pourrait aboutir à une dénonciation des accords d’entreprise et à la mise en place d’un système bien moins favorable pour les conducteurs. La direction est à l’écoute de l’attente de l’ensemble des partenaires sociaux. »

Il cite le cas rapporté par un salarié TCRA qui avait contesté auprès de la direction le fait qu’un retard généré par l’encombrement du trafic avait été décompté sur son compteur individuel comme un « temps de pause » et que dans un courrier du 13 septembre 2016, l’employeur rappelait que « la pause correspond à une prévision d’interruption de la prestation de conduite : équivalent à un temps de battement, elle a notamment vocation à absorber dans la durée du service le risque d’éventuels retards », qu’en l’espèce, le salarié avait terminé sa course avec un retard de 14 minutes qui avait donc été décompté de son temps de pause comme s’il avait pu vaquer librement à ses occupations personnelles pendant ce temps là ce qui démontre que la TCRA ne fait aucune distinction entre les temps de battement nécessaires aux contraintes d’exploitation et les temps de pause effectifs.

Il ajoute que dans ce même courrier du 13 septembre 2016, la TCRA reprochait également à un salarié de s’être accordé un temps de battement de 9 minutes entre deux courses alors que celui-ci n’avait fait que positionner son bus et laisser monter les passagers avant de repartir pour sa deuxième course.

La société intimée, rappelant que les temps de pause sont des temps d’attente dans les terminus et des différents temps d’inactivité ou d’interruption déjà prévus ou intégrés dans les différentes organisations du travail d’une durée d’au moins cinq minutes consécutives réplique que ces temps de battement peuvent être comptabilisés dans la coupure de 20 minutes lorsque le salarié n’est plus à la disposition de son employeur et peut vaquer librement à ses occupations, qu’une étude effectuée sur un échantillon de journées entre novembre 2016 et janvier 2017 a permis de démontrer que les conducteurs bénéficient d’un temps de pause supérieur à 20 minutes durant les temps de battement, et ce même en période de fortes perturbations du trafic dues aux travaux de construction du tramway.

Elle avance que l’examen de cette étude a d’ailleurs conduit le conseil de prud’hommes à constater que le temps de pause était effectivement respecté par l’employeur.

Elle conteste l’analyse de l’appelant et soutient que les temps de battement ne sont pas amputés par les tâches qu’il prétend effectuer sans toutefois en justifier.

Elle affirme que les temps de retournement du bus n’existent pas, qu’il n’est pas demandé aux conducteurs de surveiller le bus pendant la montée des voyageurs et qu’ils doivent laisser les portes ouvertes afin que les voyageurs montent, que la vente des titres de transport ne s’effectue pas durant le temps de battement mais lorsque le conducteur reprend son poste, à l’heure prévue pour le départ, en invitant les voyageurs qui n’ont pas de titre de transport à s’en munir et en procédant le cas échéant à la vente, étant précisé que le temps moyen de cette prise en charge est de 20 secondes.

Concernant le courrier du 13 septembre 2016 , elle rappelle qu’il n’est nullement reproché au salarié de s’être accordé un temps de battement de 9 minutes entre deux courses mais qu’il est simplement rappelé que le temps de travail effectif ce jour était de 2h34 et qu’il n’imposait pas l’existence d’une pause puisqu’étant inférieur à 6 heures, qu’en revanche le salarié est arrivé au terminus à 13h14 au lieu de 13h09 et qu’il a redémarré à 13h23 au lieu de 13h19, de sorte qu’il a pris l’initiative de bénéficier du temps de battement à hauteur de 9 minutes, lequel constitue un temps de pause puisque le salarié est libre de vaquer à ses occupations personnelles.

Enfin, elle ajoute qu’il appartient au salarié de verser au débat un décompte quotidien précis de son temps de travail permettant de démontrer que le temps de pause n’a pas été respecté et qu’il ne pouvait vaquer à de telles occupations.

Or, il appartient à l’employeur d’établir qu’il a satisfait à ses obligations en l’espèce et qu’il a permis au salarié de prendre ses pauses conformément aux prévisions du décret du 14 février 2000 susvisé.

La société intimée produit en pièces n°11 et 12 les relevés de temps d’activité pour les journées entre novembre 2016 et janvier 2017 qui confirment que les conducteurs bénéficient d’un temps de pause supérieur à 20 minutes dès lors qu’ils ont accompli six heures de conduite.

Pour remettre en cause la sincérité de ce document, l’appelant argue que «les pauses, même de cinq minutes, doivent être prévues à l’avance sur le planning» ce qui ne résulte d’aucune disposition. Il n’est pas démontré que le conducteur soit amené à effectuer les tâches telles que décrites par l’appelant pendant ses temps de pause.

Il en résulte que l’employeur rapporte la preuve que les salariés ont effectivement pu bénéficier de leur temps de pause dans les conditions du décret du 14 février 2000 sus visé.

Sur les trajets « navette »

L’article L.3121-1 du code du travail dispose : « La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».

L’article L.3121-4 du code du travail précise par ailleurs :

« Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.

Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraine aucune perte de salaire ».

L’accord d’entreprise du 7 janvier 2011 prévoit en son article 1.2 que : «Compte tenu de la spécificité du travail des salariés concernés, il est expressément convenu, par les parties signataires que :

– Le temps de travail nécessaire aux opérations à accomplir avant le démarrage de l’autobus est valorisé en temps de travail effectif comme suit :

* temps de caisse : 2 minutes (pour les services commençant avant 8h30)

* temps de prise de service : 5 minutes

* temps de fin de service : 1 minute

– Les temps de navette sont pris en compte moyennant une réduction de 13% appliquée au temps mesuré programmé.

En contrepartie des temps ci-dessus les bus sont préparés par le service technique pour les services du matin ».

L’appelant considère que les temps de navette constituent un « temps de travail effectif » qui doit être pris en compte dans sa totalité sans être amputé de 13% et qu’en application de l’article L.2251-1 du code du travail, un accord d’entreprise ne peut déroger aux dispositions d’ordre public relatives à la durée du travail en sorte qu’il doit être déclaré inopposable aux salariés.

L’appelant relève qu’en l’espèce, l’employeur a produit un décompte global de la durée du travail soustrait pendant une année (CR DP du 29/01/2016, p. 13, point 9), que sur un total de 8876,49 heures de trajets « navette », seules 7861,69 heures ont été rémunérées (soit un écart de ‘ 12,91 %), que ce temps de travail dissimulé représente donc (1014,80 h / 100 chauffeurs) = 10,14 h de travail dissimulé par chauffeur sur une année, soit (10,14h / 190 vacations annuelles = 0,533 h) = 3,2 minutes par vacation (3 minutes et douze secondes), qu’un décompte des temps de navette soustraits sur une rotation type montre que le temps de travail soustrait est bien de 10 h par an et par chauffeur (trois minutes et douze secondes par conducteur et par vacation x 190 vacations annuelles), que sur la base minimale de 3 minutes perdues pour chaque vacation, le salarié a calculé le manque à gagner sur la période non prescrite. Il estime sa demande suffisamment précise permettant à l’employeur d’y répondre.

L’employeur réplique que le « temps de navette » est le temps d’acheminement entre le dépôt et le lieu de prise de service sur le réseau du conducteur, et inversement, au moyen d’un véhicule léger de l’entreprise, qu’en application de l’article L. 3121-4 susvisé, le temps de déplacement pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif, qu’ainsi le temps de navette ne revêt pas la qualification de temps de travail effectif mais celle de temps de trajet.

En effet, l’accord du 7 janvier 2011 n’assimile pas le temps de navette à du temps de travail effectif, cet accord distingue le temps de travail nécessaire aux opérations à accomplir avant le démarrage de l’autobus lequel est valorisé en temps de travail effectif (temps de caisse, temps de prise de service) et les temps de navette lesquels sont pris en compte moyennant une réduction de 13% appliquée au temps mesuré programmé.

Donc ce temps de trajet est valorisé en temps de travail effectif, ce qu’il n’est structurellement pas, pour 87 % de son temps.

L’employeur ajoute justement que durant le temps de navette le salarié n’est pas à sa disposition et peut vaquer librement à ses occupations, qu’aucune tâche ne lui est demandée ni n’est susceptible de l’être, qu’il s’agit d’un temps qui n’a d’autre vocation que de se rendre sur le lieu d’exécution du contrat et que le paiement de ces temps de navette constitue un avantage supplémentaire, l’entreprise n’ayant pas d’obligation de les rémunérer.

La demande sera, pour les motifs qui précèdent substitués à ceux du premier juge, rejetée.

Sur le travail dissimulé

Selon l’article L.8221-5 du code du travail : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales ».

Pour pouvoir prétendre au paiement de l’indemnité prévue à l’article L.8223-1 du code du travail, laquelle n’est due qu’en cas de rupture du contrat de travail, il appartient au salarié d’établir l’élément intentionnel propre à caractériser un travail dissimulé et de démontrer que l’employeur a volontairement mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures inférieur à celui réellement effectué.

Outre que la plupart des demandes du salarié sont rejetées, l’existence de l’élément intentionnel inhérent au travail dissimulé ne saurait résulter de l’application d’un accord collectif jugé illicite.

La demande est en voie de rejet.

Sur l’entretien des tenues professionnelles

L’article 2 de l’accord d’entreprise du 7 mars 2001 énonce :

« Prime de salissure

Sont concernés les agents d’entretien affectés aux pleins des véhicules ainsi que le ou les agents chargés du suivi des poteaux et abris bus du réseau.

La prime est d’un montant mensuel unitaire de 110 francs. Elle est réduite proportionnellement aux absences ».

Il est de principe que les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de son employeur doivent, dès lors qu’ils résultent d’une sujétion particulière, être supportés par ce dernier. S’agissant de l’entretien et du nettoyage de vêtements de travail imposés par l’employeur, sont ainsi concernés les frais qui excèdent les charges qui résulteraient de l’entretien et du nettoyage des vêtements ordinairement portés par le salarié, soit que le port du vêtement de travail soit imposé en plus de ces derniers, soit que son entretien occasionne des frais particuliers.

L’appelant expose que le règlement intérieur TCRA règle de la façon suivante la question des tenues professionnelles (article 4.7) :

« Il est obligatoire de porter en intégralité les tenues, vêtements et accessoires de sécurité fournis par l’entreprise pendant le temps de travail à l’exclusion de tous vêtements et accessoires personnels. Le personnel est libre d’arriver sur son lieu de travail et d’en repartir en tenue de service.

La tenue, les vêtements ou accessoires de sécurités fournis par l’entreprise ne doivent pas être portés lors de périodes de repos, de congés de toutes sortes ou pour des occasions extérieures à l’activité professionnelle, hors les temps, y compris de trajet, qui précèdent la prise de service ou suivent la fin du service. Le port du bermuda est autorisé du 1er mai de l’année en cours jusqu’au changement d’heure d’hiver. »

L’article 4.8 précise en outre que :

« Le personnel en contact avec le public se doit d’avoir une présentation soignée et propre, ainsi qu’une attitude conforme à l’image de marque d’une entreprise concessionnaire d’une prestation de service public.

Au titre de ce strict objectif, sont à proscrire, dans la tenue ou l’apparence, les éléments qui présentent un caractère extravagant ou excessif, susceptible d’altérer la neutralité de l’image commerciale de l’entreprise auprès de la diversité de ses clients, tels que

– les couleurs et les coupes de cheveux fantaisistes, qui pourraient, de surcroît, mettre en cause la sécurité ou l’hygiène,

– le port de barbe non soigneusement taillée,

– le maquillage manifestement exagéré,

– les effets et accessoires non réglementaires ou affichés, de manière ostentatoire (bijoux, piercing, tatouage…)

La composition de la tenue doit être scrupuleusement respectée, sauf dérogation exceptionnelle provisoire obtenue pour des raisons motivées auprès de la hiérarchie. »

Il soutient que l’entretien de ces tenues, à usage exclusivement professionnel, entraîne un coût significatif (en particulier le lavage et le repassage), que ce coût aurait dû être supporté par la TCRA ce qui n’est pas le cas.

Il évalue le coût minimum d’un lavage/repassage comme suit :

– 0,45 euros : coût de l’électricité pour la machine à laver (cycle de base)

– 0,15 euros : coût de l’électricité pour le fer à repasser (2000 W pour 30 min)

– 0,40 euros : coût de l’eau utilisée (cycle de base)

– 0,30 euros : coût d’une dosette de lessive classique

– Total : 1,30 euros

Il considère qu’une tenue professionnelle doit être lavée et repassée pour chaque vacation, à raison de 15 vacations par mois (hors les 5 semaines de congés payés), que le coût annuel minimum de l’entretien des tenues professionnelles peut être évalué à la somme de (10,77 mois x 15 x 1,30 euros) = 210 euros, soit 17,50 euros par mois.

L’employeur rétorque que contrairement aux tenues des agents concernés par la prime de salissure conventionnelle, les conducteurs ne sont pas particulièrement exposés aux salissures et ne répondent pas à un objectif de sécurité ou d’hygiène, mais à un objectif d’image commerciale, que la tenue est composée de vêtements civils qui n’imposent pas d’entretien particulier comme pourraient le nécessiter des vêtements spécifiques de sécurité, qu’ainsi, les frais d’entretien n’occasionnent pas de frais particuliers pour les conducteurs, ni de frais supérieurs à ceux des vêtements qui seraient ordinairement portés si la tenue professionnelle n’était pas exigée, puisqu’un lavage classique en machine suffit.

Il ajoute que la tenue des conducteurs n’est pas imposée en sus des vêtements ordinairement portés mais s’y substitue, de sorte que le fait pour un conducteur de porter cette tenue ou des vêtements personnels entraîne un coût identique, que dès lors, et à défaut de justifier de charges plus importantes que pour des vêtements ordinairement portés, comme le conseil de prud’hommes l’a justement constaté, la demande ne saurait prospérer, que les conducteurs reçoivent plusieurs vêtements de sorte qu’un nettoyage n’est pas nécessaire pour chaque vacation.

Il cite à titre d’exemple la dotation fournie pour 2016 :

– Hommes : 2 pantalons ou 1 pantalon et 1 bermuda, 1 veste ou 1 blouson, 1parka, 2 chemises manches longues, 2 chemises manches courtes ou 2 polos, 1 gilet et une cravate ;

– Femmes : 2 pantalons/jupes ou 1 pantalon/jupe et 1 bermuda, 1 veste, 1parka, 2 chemises manches longues, 2 chemises manches courtes, 1 gilet, 1cravate ou 1 foulard.

Il demeure incontournable que le règlement intérieur prévoit expressément qu’il est obligatoire de porter en intégralité les tenues, vêtements et accessoires de sécurité fournis par l’entreprise pendant le temps de travail à l’exclusion de tous vêtements et accessoires personnels.

L’entretien de ces effets incombant aux salariés, ces derniers sont en droit de demander l’indemnisation que leur coûte leur entretien nonobstant l’existence d’un accord collectif qui concerne plus spécifiquement la prime de salissure dont l’appelant ne revendique pas l’octroi.

La cour estime à la somme de 5 euros par mois la contribution de l’employeur étant relevé que ces effets vestimentaires n’appellent aucun traitement ou soin particulier et que ces vêtements peuvent être nettoyés avec les effets personnels de la famille. S’agissant du remboursement de frais, cette indemnité ne génère pas de congés payés.

Par ailleurs, l’action en paiement de sommes correspondant au remboursement de frais professionnels n’est pas soumise à la prescription triennale prévue à l’article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 se rapportant à l’action en paiement ou en répétition du salaire mais à la prescription biennale prévue pour les actions portant sur l’exécution du contrat de travail prévue à l’article L.1471-1 du code du travail, créé par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Le salarié ayant saisi le conseil de prud’hommes le 30 mars 2016, peut donc faire remonter ses demandes de rappels de salaires jusqu’au 30 mars 2014.

Les rappels d’indemnités arrêtées selon les écritures de l’appelant au 05 février 2016 s’élèvent donc à : 5 euros x 22 mois = 110 euros.

Le jugement sera réformé de ce chef.

Sur le licenciement de M. [H]

M. [H] a été licencié en raison de son inaptitude et de l’impossibilité de procéder à son reclassement.

M. [H] conteste l’impossibilité dans laquelle se serait trouvé son employeur pour procéder à son reclassement.

Il soutient que l’employeur ne lui a communiqué que des offres de reclassement sur des postes subalternes, à temps partiel et éloignés d'[Localité 6] tels que :

– Responsable de secteur à [Localité 5] (69)

– Responsable d’exploitation contrôle de voyageurs à [Adresse 4] (78)

– Chef de secteur [Localité 8] et [Localité 9] (78)

– Technicien méthode à [Localité 7]

– Standardiste ([Localité 6])

– Caissier à temps partiel ([Localité 6])

– Assistant planning à temps partiel (1/4 temps) ([Localité 6])

– Agent commerciale à temps partiel (1/3 temps) ([Localité 6]).

Il reproche à son employeur de ne pas lui avoir proposé un poste de chef de groupe sur l’agence d'[Localité 6] qui correspondait parfaitement à ses attentes et à son profil ( un niveau bac + 2, une certification comme Technicien supérieur en logistique, une expérience en qualité de technicien supérieur en méthodes d’exploitation). Ce poste de chef de groupe ne supposait pas des «mouvements répétitifs des membres supérieurs » comme indiqué dans l’avis d’inaptitude.

L’employeur rétorque que «le reclassement de Monsieur [S] [H] sur ce poste sur le site d'[Localité 6] ne pouvait être envisagé. En effet, Monsieur [S] [H] a adopté au cours des relations contractuelles une attitude professionnelle négative connue de tous, si bien que son reclassement sur un poste de commandement de ce type aurait entrainé de vives contestations et oppositions de la part du personnel.»

La société intimée se justifie par la production de l’attestation de Mme [V] [Z], Responsable planning : « Il est très réservé et nos rares échanges professionnels sont tendus et conflictuels contrairement d’avec les autres conducteurs.

Quand il se présente au service planning, je trouve qu’il a une attitude détachée de l’entreprise. En situation dégradée, il n’est pas disponible et répond par la négative à toutes nos sollicitations ».

Elle verse également l’attestation de M. [X] [D], Chef de groupe, qui joint à son attestation un extrait du compte-rendu d’entretien du 30 novembre 2015 établi en vue de la reprise de ses fonctions par M. [H] indiquant :« Je lui explique que pendant plusieurs mois, il n’a pas fait l’effort de porter la tenue règlementaire de TCRA (pantalon en jean).

Il m’explique qu’il avait perdu du poids que son pantalon était trop grand et qu’il préférait porter un jean.

Je lui explique que sa perte de poids n’a pas été aussi rapide que ce qu’il prétend, pour porter pendant plusieurs mois son jean. Plusieurs chefs de groupe en ont fait la remarque, qu’il devait faire un effort par rapport aux Cr qui étaient dans le même cas que lui.

Mr [H] me répond qu’il ne veut pas être comparé aux autres conducteurs.

Je lui demande s’il rencontre des problèmes avec certains d’entre eux.

Sa réponse est qu’il n’a pas de problème majeur, mais il n’a pas l’intention de sympathiser avec tout le monde, qu’il n’a pas d’envie particulière à discuter avec des personnes qui lui sont indifférentes.

Je lui réponds qu’il se met toujours en retrait du personnel, c’est une réalité, mais je trouve qu’il a une vision sévère envers ses collègues de travail.

(‘)

Je lui demande s’il est intéressé par un autre poste, comme celui de vérificateur ou à l’agence commerciale.

Il me répond qu’il n’est plus intéressé à travailler à TCRA. L’ambiance ne lui plait pas et me répète que de toute manière, il a l’intention de quitter la région avec sa famille ».

Or, outre que le salarié fait observer qu’il n’a pas signé ce compte-rendu d’entretien professionnel, ces intentions prêtées au salarié sont en contradiction avec les souhaits exprimés par ce dernier pour demeurer au sein de l’entreprise.

Il n’est pas discuté que ce poste disponible sur [Localité 6] était compatible avec les qualifications et l’état de santé du salarié, étant rappelé qu’en vertu de l’article L.1226-10 du code du travail dans sa version applicable à l’époque des faits :

« Lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, le médecin formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en ‘uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail »

Dès lors, peu importe l’opinion supposée que pouvaient se faire de lui les collègues de travail de M. [H] et les intentions prêtées à ces derniers par l’employeur, dans la mesure où le salarié présentait les aptitudes professionnelles et médicales pour occuper ce poste, l’employeur devait le lui proposer. En ne le faisant pas, l’employeur a manqué à son obligation de procéder à des recherches loyales et exhaustives en vue de reclasser son salarié en sorte que le licenciement est privé de cause réelle et sérieuse.

Le jugement mérite confirmation tant en son principe qu’en son quantum.

L’entreprise employant habituellement au moins onze salariés et le salarié présentant une ancienneté de plus de deux ans, il sera fait application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort

– Confirme le jugement déféré en ce qu’il a :

– condamné la société des transports en commun de la région d'[Localité 6] à payer à M. [S] [H] les sommes suivantes :

* 20 341,53 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la société des transports en commun de la région d'[Localité 6] aux dépens,

– ordonné l’exécution provisoire du présent jugement

– rejeté les demandes de l’appelant au titre de la prime de caisse, le temps de pause, les trajets « navette » et le travail dissimulé,

– Réforme pour le surplus, statuant à nouveau des chefs réformés et y ajoutant,

– Condamne la société TCRA à payer à M. [H] la somme de 110 euros au titre de l’entretien des tenues professionnelles jusqu’au 5 février 2016,

– Ordonne le remboursement par l’employeur aux organismes concernés de tout ou partie des indemnités de chômage payées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du prononcé de la présente décision, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage, et dit qu’une copie certifiée conforme de la présente sera adressée à ces organismes conformément aux dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail,

– Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne l’appelant aux dépens d’appel.

Arrêt signé par le président et par la greffière.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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