Tatouages : 21 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01689

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Tatouages : 21 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/01689
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ARRÊT N°

N° RG 20/01689 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HX52

CRL/DO

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE

26 mars 2020

RG :F18/00140

S.A.R.L. VAISODIS

C/

[G]

Grosse délivrée le 21 février 2023 à :

– Me LEONARD

– Me MICHELIER

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 21 FEVRIER 2023

APPELANTE :

S.A.R.L. VAISODIS Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège.

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Romain LEONARD de la SELARL LEONARD VEZIAN CURAT AVOCATS, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉE :

Madame [R] [G]

née le 31 Mai 1983 à [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Emilie MICHELIER, avocat au barreau de CARPENTRAS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 15 Novembre 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier lors du prononcé de la décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 29 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Février 2023, puis prorogée au 21 février 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 21 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [R] [G] a été engagée à compter du 1er octobre 2001, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel, à raison de 130 heures mensuelles, en qualité d’hôtesse de caisse par la SAS Vaisodis, exploitant le supermarché Super U de [Localité 5].

Par avenant du 1er mai 2014, le contrat de travail à durée indéterminée de Mme [R] [G] est passé à temps complet.

Le 4 mai 2017, Mme [R] [G] était placée en arrêt de travail jusqu’au 23 juin 2017, prolongé jusqu’au 23 juillet 2017.

Le 29 mai 2017, l’employeur était destinataire d’un certificat médical initial daté du 4 mai 2017 pour un accident du travail et établissait une déclaration d’accident du travail pour des faits datés du 29 avril 2017 à 13h00 sur lesquels il émettait des réserves. Le 17 octobre 2017, la Caisse Primaire d’assurance maladie de Vaucluse rejetait la demande de prise en charge de l’accident du 29 avril 2017 au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Le 8 mai 2017, Mme [R] [G] a déposé plainte à la gendarmerie de [Localité 5] contre M. [N] en dénonçant des faits survenus le 29 avril 2017. Après enquête, la plainte a fait l’objet d’une décision de classement sans suite le 12 mars 2018 pour infraction insuffisamment caractérisée.

Par requête du 27 juin 2018, Mme [R] [G] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orange d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur, pour harcèlement sexuel, ainsi que la condamnation de la SARL Vaisodis à diverses sommes indemnitaires.

Par courrier du 13 novembre 2018, Mme [R] [G] a pris acte de la rupture de son contrat de travail .

Par jugement, en date du 26 mars 2020, le conseil de prud’hommes d’Orange a :

– dit que la prise d’acte intervenue ne produit pas les effets d’un licenciement nul,

– prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [R] [G] en date du 13 novembre 2018,

– condamné la SARL Vaisodis, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à payer à Mme [R] [G] les sommes suivantes :

– 9.096, 00 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 6.277, 47 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

– 3.033, 40 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 10% de congés afférents,

– 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [R] [G] du surplus de ses demandes,

– débouté la SARL Vaisodis de sa demande reconventionnelle,

– dit n’y avoir pas lieu à exécution provisoire,

– condamné la SARL Vaisodis aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 15 juillet 2020, la SARL Vaisodis a régulièrement interjeté appel de cette décision, uniquement en ce qu’elle a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [G] aux torts exclusifs de la société et octroyé à la requérante les indemnités dues en cas de licenciement dénué de fondement.

Par ordonnance en date du 29 août 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 15 novembre 2022 à 16 heures et fixé examen de l’affaire à l’audience du 29 novembre 2022 à 14 heures.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 3 novembre 2022, la SARL Vaisodis demande à la cour de :

– déclarer l’appel recevable,

– confirmer partiellement la décision déférée et juger que son PDG, M. [N], n’a commis à l’encontre de Mme [R] [G] aucun agissement (propos ou geste) à connotation sexuelle qualifiable de harcèlement sexuel,

Réformant partiellement la décision déférée :

– juger qu’aucun des éléments évoqués dans le cadre de la demande de résiliation judiciaire ou à l’appui de la prise d’acte n’est constitué ou d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail,

– juger dès lors qu’il n’y a pas lieu de faire produire à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail réalisée par Mme [R] [G] le 13 Novembre 2018, et reçue par elle le 15 novembre 2018, les effets d’un licenciement nul, celle-ci devant s’analyser en une démission,

Par conséquent :

– débouter Mme [R] [G] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, les demandes indemnitaires étant de surcroît totalement excessives par rapport au préjudice,

– condamner Mme [R] [G] au paiement de la somme de 3500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La SARL Vaisodis soutient que :

– le conseil de prud’hommes ne pouvait prononcer la résiliation du contrat de travail dès lors que Mme [R] [G] avait pris acte de la rupture de son contrat de travail,

– la preuve du harcèlement sexuel obéit aux mêmes règles que celle du harcèlement moral et Mme [R] [G] ne rapporte aucun élément venant corroborer les comportements et propos qu’elle impute à M. [N], et encore moins leur caractère répétitif,

– concernant les faits du 29 avril 2017, M. [N] les a toujours contestés et les personnes entendues ont donné dans leurs dépositions des versions différentes de celle donnée par Mme [R] [G] lors de son dépôt de plainte, ce qui explique le classement sans suite de la plainte pénale,

– le refus de prise en charge de ces faits par la Caisse Primaire d’assurance maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels lui est définitivement acquis,

– le motif de la prise d’acte, harcèlement sexuel par M. [N] le 29 avril 2017, est infondé, et elle doit donc s’analyser en une démission.

En l’état de ses dernières écritures en date du 14 janvier 2021, contenant appel incident, Mme [R] [G] a demandé de :

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé la date de la rupture du contrat de travail au 13 novembre 2018,

– pour le surplus, réformer le jugement entrepris,

Statuant à nouveau :

– constater la prise d’acte de la rupture du contrat de travail la liant à la SARL Vaisodis,

– dire que cette prise d’acte, intervenue aux torts de l’employeur, produit les effets d’un licenciement nul,

– condamner la SARL Vaisodis à lui payer :

* 20 000 euros au titre du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, étant précisé que cette indemnité ne saurait en tout état de cause être inférieure à 9 096 euros,

* au titre de l’indemnité légale de licenciement, 6 277,47 euros à parfaire et auxquels s’ajoutent 627,75 euros de congés payés,

* 3 033,40 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 303,34 euros de congés payés,

* 40 000 euros en indemnisation du préjudice subi en raison des faits de harcèlement,

– débouter la SARL Vaisodis du surplus de ses demandes,

– condamner la SARL Vaisodis à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la SARL Vaisodis aux entiers dépens y compris ceux de première

instance.

Mme [R] [G] fait valoir que :

– son contrat a été rompu par sa prise d’acte en date du 13 novembre 2018, ce qui interdisait au conseil de prud’hommes de prononcer la résiliation de son contrat de travail,

– sa prise d’acte doit s’analyser en un licenciement nul en raison des faits de harcèlement sexuel dont elle a été victime de la part de M. [N],

– ces faits ont été décrits dans son dépôt de plainte, et les conséquences sur son état de santé décrites par le Dr [J],

– le classement sans suite de la plainte pénale n’a pas autorité de la chose jugée devant la juridiction sociale,

– le refus de prise en charge des faits par la Caisse Primaire d’assurance maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels a fait l’objet d’un recours actuellement pendant,

– la position de la SAS Vaisodis soulève de nombreuses incohérences dans le courrier adressé à la Caisse Primaire d’assurance maladie au titre de la déclaration d’accident, puisqu’elle avait connaissance du motif de l’arrêt de travail avant le certificat médical initial, elle connaissait les circonstances de l’accident, M. [N] justifie sa présence dans son bureau à la fois par le fait de lui proposer une promotion temporaire et en raison d’un fait de vol de 8.000 euros , l’employeur n’a effectué aucune enquête interne en contradiction avec son obligation de sécurité,

– sa prise d’acte doit donc être retenue comme équivalent à un licenciement nul en raison de ces faits, et elle peut prétendre à l’indemnité de l’article L 1235-3 du code du travail soit au minimum 6 mois de salaire, l’étendue de son préjudice en raison des circonstances de son départ et de son ancienneté justifiant une somme de 20.000 euros,

– elle peut également prétendre à l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis, outre des dommages et intérêts en raison du harcèlement sexuel.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS

Demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

* harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1153-1 du code du travail, dans sa version applicable du 8 août 2012 au 31 mars 2022, aucun salarié ne doit subir des faits:

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.

En vertu de l’article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement sexuel, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande, Mme [R] [G] invoque des propos à caractère sexiste tenus par M. [N] son supérieur hiérarchique et des faits datés du 29 avril 2017 également imputés à M. [N].

Elle verse aux débats les éléments suivants :

– la copie du procès-verbal de dépôt de plainte en date du 8 mai 2017 à la gendarmerie de [Localité 5] dans lequel elle indique qu’elle a été appelée par M. [N] dans son bureau, qu’il lui a demandé de s’asseoir ‘ il s’est levé en voulant me raconter une histoire qui s’était passée il y a dix ans. Il est passé sur le côté, puis dans mon dos et est venu se mettre en face de moi, adossé à son bureau. Il a commencé à me caresser le visage avec les deux mains, en me disant qu’il y a dix ans, il avait vu mon copain m’embrasser sur le parking du magasin et qu’il avait envie de faire la même chose depuis ce jour-là. Il s’est encore plus approché et a essayé de m’embrasser. J’ai réussi à me sortir de la chaise, à me lever et à aller jusqu’à la porte. De là, il m’a suivi et m’a dépassé. Il s’est interposé entre moi et la porte. Il m’a recaressé le visage, mais cette fois avec seulement une main, car il avait la main gauche sur la poignée de la porte. Il refusait de me laisser sortir sauf à une condition, que je n’en parle à personne, que c’était dommage que l’on ait pas pu continuer et que ce serait pour une prochaine fois. Il a déverrouillé la porte, je suis quasiment sure que j’ai entendu des clés tourner. Il a entre-ouvert puis il a refermé en me disant bien que ça restait entre nous, et qu’il ne fallait pas en parler. De peur, j’ai répondu oui. Il a ouvert et j’ai pu sortir. (…) J’ai rejoint en larmes ma responsable, [U]. J’ai récupéré ma bouteille d’eau et je suis partie en salle de pause. Je pense qu’à ma tête elle a compris qu’il y avait eu un problème. Je monte en salle de pause, dans les deux minutes qui ont suivi, il est monté en salle de pause pour me demander si il devait remettre le badge à [U], chose qu’il sait très bien. (…) A la fin de mon service je suis allée voir mons directeur, Monsieur [S] [I] pour lui expliquer ce qui s’était passé et de là, je suis rentrée chez moi

Question : Que vous a-t-il dit ‘

Réponse : il était décomposé. Il ne savait pas trop quoi faire. Il m’a demandé ce que je voulais faire. Je lui ai répondu que je ne savais pas et que je ne voulais pas perdre mon boulot. Je précise qu’il vient juste de prendre son poste. Il m’a demandé si je voulais qu’il aille le voir et je lui ai répondu non. J’ai juste demandé qu’on me protège pour ne plus me retrouver seule avec lui. Après je suis partie, je suis rentrée chez moi.

(…)

Question : avez-vous eu des doutes avant de monter dans son bureau quant à ce qui allait se passer ‘

Réponse : Oui, j’avais des craintes de me retrouver seule avec lui, vis à vis de propos verbaux qu’il me tenait depuis quelques temps, depuis un an ou deux. J’ai comme exemple les suivants : un jour il m’a demandé le titre d’un film qui venait de sortir,. Je lui ai dit que je l’avais sur la langue et il m’a dit qu’il aimerait bien y mettre la sienne. Je n’ai pas répondu, je me suis retournée et j’ai continué mon travail ( .. ) il attendait que je sois seule à l’accueil (…) Une autre fois je me suis baissée à l’accueil pour attraper mon colis. Il a vu une partie de mon tatouage en bas du dos et il m’a dit que c’était joli et qu’il aimerait bien le voir en entier. Le pire, c’est récemment, il m’a dit que j’étais de plus en plus belle. J’étais au coffre et ça date dela semaine dernière. Il m’a dit que le sourire m’allait bien, et que j’avais un joli corps et m’a demandé si je faisais du sport. Je lui ai répondu que non et il m’a démandé pourquoi je ne rougissais pas. Je lui ai répondu que non (…)

Question : Avez-vous parlé des propos que Monsieur [N] [W] vous a tenu à des employés sur votre lieu de travail’

Réponse : Oui, à madame [H] [C], Madame [A] [U] ma responsable de caissie, à Monsieur [E] le grand directeur, Monsieur [O] qui est actuellement directeur à [Localité 3], Madame [L] [M] qui est hôtesse de caisse avec moi’.

– un certificat médical du Dr [D] en date du 12 mai 2017 qui indique avoir reçu Mme [R] [G] en consultation et qu’elle allègue un harcèlement sexuel sur son lieu de travail, et une prescription médicale de ce médecin,

– la copie de courriers du Dr [J], psychiatre, en date du 18 septembre 2018, adressés au conseil de prud’hommes et à la Caisse Primaire d’assurance maladie dans lesquels il indique ‘ cette patiente nous dit avoir été victime de harcèlement moral et sexuel dands le cadre de son travail de la part d’un supérieur hiérarchique’.

Et, elle renvoie aux pièces produites par l’employeur :

– le courrier de réserve qu’il a joint à la déclaration d’accident du travail pour en contester les termes,

– l’audition de Mme [C] [H] par les services de gendarmerie, responsable de caisse, qui indique ‘ je suis au courant de cette affaire car je suis une des responsables de Mme [G], elle m’a tenue informée le jour même des faits.

J’ai pris mon poste à 14h car ce jour là je travaillais l’après midi. Quand [R] est arrivée elle m’a dit ‘ ben voilà c’est arrivé’ elle était en pleur. Elle m’a expliqué que Mr [N] l’a appelé qu’elle est monté dans son bureau puis qu’elle s’est assise et Mr [N] lui a sauté dessus. C’est sa version à elle mais moi je n’ai rien vu des faits car j’ai commencé à 14H. Je précise que Mme [G] nous parle depuis longtemps des faits, elle nous disait en parlant de Mr [N] ‘ un jour ou l’autre,il m’aura’,

– l’audition de Mme [U] [V] par les services de gendarmerie, responsable de caisse qui indique ‘ le jour des faits, je me trouvais à mon poste de travail à l’accueil. J’étais justement venue remplacer [R] qui elle était en pause. J’étais en bas à l’accueil lorsque Monsieur [N] m’a appelé en me demandant où se trouvait [R], je lui ai indiqué qu’elle était en pause. Je pense l’avoir appelé, elle est passée devant l’accueil et m’a indiqué qu’elle montait voir M. [N].

Au bout d’un certain temps, elle est redescendue en pleurs, dans tous ses états,. Elle me disait que ça y est, ça c’était passé, qu’elle avait envie de vomir. Elle m’a dit qu’il l’avait coincé. Je lui ai dit de monter en pause pour souffler, c’est ce qu’elle a fait. C’est à ce moment là que plusieurs perosnnes l’ont vu.

Question : Qu’avez-vous appris par [R] des faits survenus dans le bureau de Monsieur [N]’

Réponse : elle m’a dit qu’elle avait été coincée et qu’elle a pu se dégager quand le téléphone a sonné.’

– l’audition de M. [I] [S], directeur de supermarché U, par les services de gendarmerie qui indique notamment ‘ le jour des faits je me trouvais àl’accueil. J’ai vu arriver [R]. On sentait qu’elle n’était pas dans son état normal. Mais vu qu’elle venait de perdre son père et sa mère, je me suis dit que son état était dû à ça. Nous étions deux à lui demander ce qui n’allait pas et elle s’est mise à pleurer.

J’étais en train d’acheter mon repas et elle est partie je pense aux bureaux. Dans la journée, je ne l’ai pas revu. J’ai du la voir quelque jours après, elle m’a demandé un entretien. Je l’ai reçu dans mon bureau et elle m’a expliqué que Monsieur [N] avait essayé de l’embrasser. J’ai de suite été surpris par le comportement de Monsieur [N]. Pour moi, ça n’était pas possible qu’il se comporte comme ça. Du peu que je le connais, je ne le vois pas faire ça. Car je le trouve proche de ses employés, à l’écoute de leurs problèmes. Elle m’a dit qu’il a essayé de la coincer contre le mur pour tenter de l’embrasser. De mémoire, elle m’a dit ça.

(…)

Question : A l’issue de l’entretien, que demandait-elle ‘

Réponse : Finalement elle ne demandait rien, elle voulait juste en parler’.

Les différentes auditions produites sont contradictoires entre elles puisque la version donnée par Mme [R] [G] n’est reprise par aucun des témoins qui l’a vue sortant du bureau de M. [N] : alors qu’elle indique n’avoir parlé à personne (‘J’ai rejoint en larmes ma responsable, [U]. J’ai récupéré ma bouteille d’eau et je suis partie en salle de pause. Je pense qu’à ma tête elle a compris qu’il y avait eu un problème’) sa responsable de caisse indique qu’elle lui aurait dit ‘ça y est, ça c’était passé, qu’elle avait envie de vomir’ et ‘elle m’a dit qu’elle avait été coincée et qu’elle a pu se dégager quand le téléphone a sonné.’

La description des faits varie entre la déclaration de Mme [R] [G] et celles des témoins qui rapportent ce qu’elle aurait dit, les témoins indiquant qu’elle a été ‘coincée contre un mur’ là où l’appelante explique qu’elle était assise sur une chaise.

L’entretien avec M. [E] est présenté par Mme [R] [G] comme ayant eu lieu le jour des faits dénoncés, alors que ce dernier précise qu’il l’a vue dans un premier temps en milieu de journée, en même temps que Mme [H] et qu’elle n’a rien dit ( ce qui correspond à la version de Mme [R] [G] sur ce seul point ) et qu’elle lui a ensuite demandé un entretien plusieurs jours plus tard, avant d’être placée en arrêt maladie, alors que Mme [R] [G] indique que c’est le jour même.

Les éléments relatifs aux relations entre l’employeur et la Caisse Primaire d’assurance maladie, par essence postérieurs aux faits dénoncés, sont sans incidence sur le présent litige.

Les éléments médicaux produits, s’ils démontrent la réalité de problèmes de santé subis par Mme [R] [G], ne sont pas des éléments permettant de démontrer des faits de harcèlement moral, tout au plus pourraient ils en être la conséquence.

En conséquence, les éléments invoqués par Mme [R] [G], qui sont contradictoires avec sa description des faits, et sur certains points contradictoires entre eux, n’établissent pas une présomption de harcèlement sexuel.

Mme [R] [G] sera en conséquence déboutée de sa demande présentée de ce chef.

Demandes relatives à la rupture du contrat de travail

La résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée à l’initiative du salarié et aux torts de l’employeur produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de sorte que le salarié doit être indemnisé par le versement des indemnités de rupture et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d’effet ne peut être fixée qu’au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n’a pas été rompu avant cette date.

Il appartient aux juges du fond d’apprécier les manquements imputés à l’employeur au jour de leur décision.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, et qu’il est licencié ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l’annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu’il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu’à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l’analyser en une prise d’acte qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d’une démission.

Il appartient au juge de vérifier la réalité de cette volonté non équivoque de démissionner. Ce caractère équivoque ne pouvant résulter que de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission, ce n’est que si de telles circonstances sont caractérisées que le juge devra analyser cette démission, eut-elle été donnée sans réserve, en une prise d’acte de la rupture ayant les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient soit dans le cas contraire d’une démission. La démission est nécessairement équivoque lorsque le salarié énonce dans la lettre de rupture les faits qu’il reproche à l’employeur.

Même exprimée sans réserve, la démission peut être considérée comme équivoque lorsqu’il est établi qu’un différend antérieur ou concomitant à la rupture opposait les parties et la prise d’acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu’il reproche à son employeur entraîne la rupture immédiate du contrat de travail et ne peut en conséquence être rétractée. Dès lors, le comportement ultérieur du salarié est sans incidence

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il impute à son employeur, cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Dans cette hypothèse, il appartient au salarié de démontrer la réalité des griefs qu’il impute à son employeur, lesquels doivent présenter un caractère suffisamment grave pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Mme [R] [G] a sollicité dans un premier temps la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits de harcèlement sexuel, puis a adressé à son employeur le 13 novembre 2018 une notification de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur.

Le contrat de travail a donc été rompu par le courrier du 13 novembre 2018, soit antérieurement à la décision judiciaire qui ne pouvait plus par suite prononcer de résiliation judiciaire d’un contrat qui était déjà rompu.

Dès lors que les faits de harcèlement sexuel motivant la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail soutenue par Mme [R] [G] puis la demande de prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur, ne sont pas établis, cette dernière sera déboutée de sa demande tendant à voir qualifier la prise d’acte en licenciement nul et de ses demandes indemnitaires subséquentes.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Infirme le jugement rendu le 26 mars 2020 par le conseil de prud’hommes d’Orange,

Et statuant à nouveau,

Déboute Mme [R] [G] de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel,

Constate que le contrat de travail entre Mme [R] [G] et la SAS Vaisodis a été rompu par la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en date du 13 novembre 2017,

Déboute Mme [R] [G] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail,

Déboute Mme [R] [G] de sa demande de requalification de la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur en licenciement nul, et de ses demandes indemnitaires subséquentes,

Juge n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt infirmatif tient lieu de titre afin d’obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l’exécution provisoire,

Condamne Mme [R] [G] aux dépens de la procédure d’appel.

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Condamne Mme [R] [G] aux dépens de première instance et de la procédure d’appel.

Arrêt signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, et par Monsieur Julian LAUNAY-BESTOSO, Greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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