Tatouages : 2 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02116

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Tatouages : 2 mai 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/02116
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COUR D’APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 02 MAI 2023

EB

N° RG 21/02116 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-MBQS

[V] [J] veuve [N] (DECEDEE)

[R] [P] [N]

[Y] [N]

S.A. LA MEDICALE DE FRANCE

c/

[Z] [K] épouse [A]

CPAM DE LA GIRONDE

CENTRE COMMUNAL D’ACTION SOCIALE

[R] [P] [N]

[Y] [N]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 décembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 13/09068) suivant déclaration d’appel du 23 janvier 2018

APPELANTS :

[V] [J] veuve [N] es-qualité d’héritier du docteur [R] [N], née le [Date naissance 2] 1926 à [Localité 14]

décédée le [Date décès 6] 2020

[R] [P] [N] es-qualité d’héritier du docteur [R] [N]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 15]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 8]

[Y] [N] es-qualité d’héritier du docteur [R] [N]

né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 11]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 9]

S.A. LA MEDICALE DE FRANCE agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 7]

représentés par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Olivier LECLERE, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉS :

[Z] [K] épouse [A]

née le [Date naissance 3] 1961 à [Localité 13] (26)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Mathieu RAFFY de la SELARL MATHIEU RAFFY – MICHEL PUYBARAUD, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître SUSPERREGUI substituant Maître Jean-christophe COUBRIS de la SELARL COUBRIS, COURTOIS ET ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de BORDEAUX

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 16]

CENTRE COMMUNAL D’ACTION SOCIALE pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 10]

non représentés, assignés à personne habilitée

INTERVENANTS :

[I] [N] agissant en qualité d’héritier du docteur [R] [N] et de Madame [V] [N]

né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 15]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 8]

[Y] [N] agissant en qualité d’héritier du docteur [R] [N] et de Madame [V] [N]

né le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 11]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 9]

représentés par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Olivier LECLERE, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 mars 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Roland POTEE, président,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Emmanuel BREARD, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d’appel de Bordeaux

ARRÊT :

– réputé contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE.

Mme [Z] [K] épouse [A], née le [Date naissance 3] 1961, a découvert qu’elle était atteinte du virus de l’hépatite C à l’occasion d’un bilan de santé systématique réalisé le 6 avril 2000 à la demande de la Sécurité Sociale.

Les recherches de l’ARN viral se sont avérées positives le 3 juillet 2000 et le génotypage du virus a révélé qu’il s’agissait d’un virus de type 2. Elle a suivi un traitement par INTERFERON et RIBAVIRINE entre le 3 octobre 2002 et le 24 avril 2003 et à compter du 17 avril 2003, l’ARN virus C s’est révélé négatif.

Mme [A] est considérée consolidée au 13 janvier 2004.

Soutenant avoir été contaminée par le virus de l’hépatite C dans le cadre de 6 séances de sclérothérapie de varices pratiquées par le Docteur [R] [N], phlébologue, entre le 27 février 1986 et le 1er avril 1986, Mme [A] a saisi en référé le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d’expertise médicale.

Par ordonnance du 29 septembre 2008, le juge des référés a désigné le Docteur [C] [L] en qualité d’expert, lequel a déposé son rapport le 24 juillet 2009.

Le 17 avril 2009, le Docteur [R] [N] est décédé.

Par acte délivré les 20, 23 et 24 septembre 2013, Mme [A] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux Mme [V] [J] veuve [N], MM. [Y] et [I] [N], ayants droit du Docteur [R] [N] (ci-après les consorts [N]) et l’assureur de ce dernier, la SA La Médicale de France, en présence de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Gironde (ci-après la CPAM de la Gironde), organisme social auprès duquel elle est affiliée, aux fins de voir constater, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, le lien de causalité entre les actes médicaux pratiqués par le Docteur [R] [N] et sa contamination par le virus de l’hépatite C, et, obtenir l’indemnisation des préjudices en découlant, sous la garantie de l’assureur.

Suivant acte délivré le 2 octobre 2015, Mme [A] a fait assigner en déclaration de jugement commun le Centre Communal d’Action Sociale de [Localité 12] devant la même juridiction. Les deux procédures ont été jointes.

Par jugement réputé contradictoire du 13 décembre 2017, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

– dit que le lien de causalité entre les actes de sclérose de varices pratiqués par le Docteur [R] [N] et la contamination de Mme [A] au virus de l’hépatite C est établi, engageant la responsabilité du Docteur [R] [N] sur le fondement de l’article 1147 du code civil,

– fixé le préjudice subi par Mme [A], suite à sa contamination au virus de l’hépatite C, à la somme totale de 19.512,46 €, se décomposant comme suit :

* Dépenses de santé actuelles (D.S.A.) : 137,46 €

* Perte de gains professionnels actuels (P.G.P.A.) : 0

* Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.) : 3.375 €

* Souffrances endurées (S.E.) : 8.000 €

* Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.) : 0

* Préjudice spécifique de contamination : 8.000 €

– condamné Mme [J] veuve [N] et MM. [N] en leur qualité d’ayants droit du Docteur [R] [N] et in solidum avec eux la SA Médicale de France à payer à Mme [A] la somme de 19.375 € en réparation de son préjudice corporel après imputation de la créance de la CPAM de la Gironde,

– dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

– condamné Mme [J] veuve [N] et MM. [N] en leur qualité d’ayants droit du Docteur [R] [N] et in solidum avec eux la SA Médicale de France à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 137,46 € en remboursement des prestations versées pour le compte de son assurée sociale, Mme [A],

– condamné Mme [J] veuve [N], MM. [N] en leur qualité d’ayants droit du Docteur [R] [N] et in solidum avec eux la SA Médicale de France à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 105 € sur le fondement de l’article L 376-1 du code de la Sécurité Sociale,

– dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

– ordonné la capitalisation des intérêts au profit de la CPAM de la Gironde en application de l’ancien article 1154 du code civil,

– dit n’y avoir lieu à donner acte à la CPAM de la Gironde de son intention de faire application des dispositions des articles L.376-4, R.376-4 et D.376-1 du code de la sécurité sociale quant à la pénalité financière imputable à l’assureur des tiers responsables pour son défaut d’information quant à l’accident survenu à hauteur de 50% des débours qu’elle a exposés,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné Mme [J] veuve [N], MM. [N] en leur qualité d’ayants droit du Docteur [R] [N] et in solidum avec eux la SA Médicale de France à payer à Mme [A] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [J] veuve [N], MM. [N] en leur qualité d’ayants droit du Docteur [R] [N] et in solidum avec eux la SA Médicale de France à payer à la CPAM de la Gironde la somme de 300 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [V] [J] veuve [N], M. [Y] [N] et M. [I] [N] en leur qualité d’ayants droit du Docteur [N] [R] et in solidum avec eux la SA Médicale de France aux dépens,

– dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Les consorts [N] et La Médicale de France ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 23 janvier 2018.

Mme [V] [J] veuve [N] est décédée le [Date décès 6] 2020.

Par ordonnance du 17 février 2021, le conseiller de la mise en état de la 1ère chambre civile de la cour d’appel de ce siège a ordonné la radiation de l’affaire.

Le 9 avril 2021, la compagnie La Médicale de France et MM. [N], ès qualités d’héritiers de Mme [V] [J] veuve [N] et de M. [R] [N], ont déposé des conclusions d’intervention volontaire et de reprise d’instance, dans lesquelles ils demandent à la cour de :

– les déclarer recevables et bien fondés en leur intervention et y faisant droit,

I. SUR LA RESPONSABILITÉ

– infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– juger que le lien de causalité entre les scléroses de varices pratiquées par le Docteur [R] [N] et la contamination de Mme [A] par le virus de l’hépatite C fait défaut,

– en conséquence, débouter Mme [A] et la CPAM de la Gironde de l’ensemble de leurs demandes,

– condamner Mme [A] à verser aux concluants la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens,

II. A DÉFAUT, SUR LE PRÉJUDICE

– indemniser comme suit les préjudices de Mme [A] :

* DFTP 25% x 600 € x 6 mois =

900 €

* pretium doloris :

4.000 €

– la débouter de ses autres demandes.

Par conclusions déposées le 2 mars 2023, Mme [A] demande à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 13 décembre 2017 en ce qu’il a considéré établi le lien de causalité entre les actes de sclérose de varices pratiqués par le Docteur [R] [N] et la contamination de Mme [A] par le virus de l’hépatite C, engageant la responsabilité du Docteur [R] [N] sur le fondement de l’article 1147 du Code Civil,

– confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 13 décembre 2017 en ce qu’il a dit que la SA la Médicale de France est tenue de garantir Mme [V] [J], veuve [N], MM. [N], en leur qualité d’ayants droit du Docteur [R] [N] des conséquences dommageables de la contamination par le virus de l’hépatite C dont a été victime Mme [A],

– réformer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 13 décembre 2017 quant à l’évaluation de préjudices subis par Mme [A] et les fixer comme suit :

‘ Au titre des préjudices patrimoniaux temporaires : 5.845,61 euros sauf MEMOIRE

‘ Au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires : 18 100 euros

‘ Au titre du préjudice spécifique de contamination : 60 000 euros

A titre subsidiaire,

– réformer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux en date du 13 décembre 2017 quant à l’évaluation de préjudices subis par Mme [A] et les fixer comme suit :

‘ Au titre des préjudices patrimoniaux temporaires : 5.845,61 euros sauf MEMOIRE

‘ Au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires : 78 100 euros,

– condamner solidairement MM. [N], en leur qualité d’ayants droit du Docteur [R] [N] et du Docteur [V] [J] veuve [N], sous garantie de la Médicale de France, à verser à Mme [A] les sommes ci-dessus, en réparation du préjudice subi,

– juger que ces sommes porteront intérêts de droit y afférents,

– déclarer l’arrêt à intervenir commun à l’organisme social,

– débouter les appelants de toutes demandes contraires,

– condamner solidairement MM. [N], en leur qualité d’ayants droit du Docteur [R] [N] et du Docteur [V] [J] veuve [N], sous garantie de la Médicale de France, à verser à Mme [A] une indemnité de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La CPAM de la Gironde et le Centre Communal d’Action Sociale de [Localité 12] n’ont pas constitué avocat. Ils ont été régulièrement assignés à personne.

L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 21 mars 2023.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 7 mars 2023.

MOTIFS DE LA DECISION.

I Sur l’intervention volontaire des consorts [N].

En vertu de l’article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d’appel dès lors qu’elles y ont intérêt les personnes qui n’ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité.

Il sera relevé que MM. [N] interviennent volontairement à la présente instance en qualité d’ayants droit de leur mère, décédée depuis la décision de première instance.

Cette intervention, du fait de l’intérêt de ces héritiers, non discuté, sera déclarée recevable.

II Sur la responsabilité.

L’article 1147 du code civil applicable prévoit que ‘Le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part’.

Il est de principe qu’il appartient, du fait du droit positif applicable, en l’espèce, antérieur à la loi du 4 mars 2022, à la partie demanderesse de prouver l’existence d’un lien de causalité entre les actes de soins par le soignant, preuve pouvant être rapportée par tous moyens, en particulier par présomptions, à condition qu’elles soient graves, précises et concordantes.

Il est constant que Mme [A] a subi 6 séances de sclérothérapie pratiquées par le docteur [R] [N] entre le 27 février 1986 et le 1er avril 1986.

La contamination d’un patient par le virus de l’hépatite C consécutive à des soins prodigués dans un cabinet médical constitue, si elle est avérée, une infection nosocomiale définie comme celle apparaissant au cours ou à la suite de soins alors qu’il en était exempt antérieurement.

Le droit en vigueur à la date des soins subis par Mme [A], mettait à la charge du médecin, quel que soit le lieu où ils étaient prodigués, cabinet de ville ou établissement de soins, une obligation de sécurité de résultat, reposant sur le fait que le devoir d’asepsie constitue une obligation fondamentale du médecin dont il ne peut se libérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère conformément aux dispositions de l’article 1147 du code civil.

Il appartient au patient de rapporter la preuve, non de la faute du médecin, mais du lien de causalité entre l’infection et les soins prodigués, la seule preuve du dommage étant insuffisante et le lien de causalité entre les soins et l’infection n’étant pas présumé. Cependant, la preuve du lien de causalité peut être rapportée par tous moyens et spécialement par des présomptions graves, précises et concordantes.

En application de ce qui précède, il revient à Mme [A] de démontrer que la contamination de celle-ci par le virus de l’hépatite C a pour origine les soins pratiqués par le docteur [R] [N] dont ni la réalité, ni la nature, ni la date ne sont contestées.

Il convient d’examiner les quatres éléments invoqués par Mme [A] pour caractériser lesdites présomptions :

– l’absence de facteurs de risque au regard de son état antérieur

– l’existence d’un sous-génotype commun aux patients du docteur [N]

– la concomitance de ses séances de sclérothérapie avec une patiente du docteur [N] contaminée par le VHC de sous-génotype identique

– les conditions d’asepsie lors de séances de sclérothérapie.

***

Les appelants critiquent le jugement en date du 13 décembre 2017, non en ce qu’il ne retient pas une exclusion à d’autres sources d’exposition de l’intimée, donc à l’absence de facteurs de risque, ni du fait de l’identification du génotype, mais en ce qu’il admet la concomitance des consultations entre Mme [A] et une autre patiente, Mme [U], au sein du cabinet des docteurs [N], et les conditions d’aseptie de ce cabinet médical ainsi que les risques liés aux actes de sclérothérapie.

Ils estiment la solution retenue sévère, faute de rapporter la preuve d’une absence de contamination à l’hépatite C préalable, de l’écoulement de nombreuses années entre les soins litigieux et la découverte de l’infection, du délai anormal d’incubation du virus. Ils notent en particulier que l’intimée a subi d’autres actes présentant un risque d’infection, notamment une ablation des végétations en 1969, une appendicectomie en 1979, des soins en mésothérapie avant 1986, une ablation de grains de beauté dans le dos, une intervention de la cloison nasale en 1988, un accouchement en 1990 avec épisiotomie, un stripping bilatéral en 1991, un accouchement en 1996 avec épisiotomie, une intervention sur le ménisque droit en 1997, des soins dentaires, outre qu’elle présentait des tatouages et est aide-soignante depuis 1982. De même, ils remarquent que le génotype 2, habituellement minoritaire, est majoritaire dans la région bordelaise et a été retrouvé chez d’autres phlébologues et au CHU, et que le virus de leur adversaire n’a pas été séquencé.

Ils dénoncent le fait que si Mme [A] a consulté les docteurs [N] en même temps que Mme [U], il s’agit néanmoins d’une unique consultation, qu’il est ignoré si la contamination a eu lieu ce jour là, soit le 27 mars 1986, et dans quel ordre les patientes ont été reçues.

Ils observent que les manquements aux règles d’asepsie par le docteur [N] ne sont pas établis, les témoignages versés n’étant pas suffisants, démentis par les expertises réalisées sur les patientes mentionnant que les procédés de stérilisation utilisés permettaient d’éradiquer le virus ou par diverses décisions de justice.

Ils s’opposent à l’existence de toute pratique telle que l’aspiration de sang dans la seringue ou du ‘pot commun’, disant que le docteur [N] s’est servi selon les attestations versées aux débats d’une seringue, ampoule et aiguille pour chaque patiente.

***

Il revient à la cour d’examiner les quatre éléments de présomption sur lesquels Mme [A] s’appuie pour établir le lien de causalité entre sa contamination et les soins prodigués par le docteur [N].

Le premier est l’absence de facteur de risque. Sur ce point, les premiers juges ont exactement retenu qu’il existait de la part de l’intimée d’autres antécédents pouvant justifier de la découverte du virus de l’hépatite C, à savoir l’ablation des végétations en 1969, une appendicectomie en 1979, une mésothérapie avant 1986, une intervention de la cloison nasale en 1988, des soins en acupuncture, une ablation de grains de beauté avant la scélothérapie, un stripping bilatéral en 1991, des soins dentaires, retenus en outre par l’expert judiciaire. Il doit être remarqué qu’il n’est en revanche pas établi que le métier d’aide soignante ait exposé Mme [A] à un risque quelconque au titre de la contamination au virus de l’hépatite de type C.

Au final, les éléments médicaux, en particulier le rapport d’expertise médical, ne permettent pas d’exclure d’autres sources de contamination et Mme [A] n’est donc pas fondée à conclure à l’absence de facteur de risque et par conséquent à une première présomption à ce titre.

En deuxième lieu, en ce qui concerne le génotype du virus, il ressort du rapport d’expertise que le virus qui a affecté l’intimée est d’un génotype 2, mais que du fait de l’absence de séquençage chez l’intéressée, il n’a pas été déterminé le sous-type viral.

Il ne ressort d’aucune pièce versée aux débats, en particulier du fait que la fréquence du génotype 2 dans la région bordelaise est largement supérieure à celle relevée au niveau national, qu’il existe un indice grave et concordant que ce virus ait été contracté lors de soins prodigués chez le docteur [N].

Il ne sera par conséquent pas davantage retenu de présomption de ce chef.

Le troisième point est la concomitance des six séances de scléroses de varices dont a bénéficié Mme [A] auprès du cabinet du docteur [N] avec la présence d’autres personnes infectées par le virus de l’hépatite C. Il est établi que l’intéressée a en particulier été traitée le 27 mars 1986, soit le même jour que Mme [U], laquelle a été considérée comme contaminée par le virus de l’hépatite C par des actes de sclérothérapie réalisés au sein du cabinet des docteurs [N], du fait de l’existence de présomptions graves, par jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 7 décembre 2016.

Néanmoins, contrairement à la première décision, la cour constate qu’il n’est établi qu’une seule interaction au sein du cabinet visé par le présent litige pendant la durée de vie du virus de l’hépatite C qui est de plus de 16 heures et de moins de 4 jours.

Ce seul événement, en ce qu’il n’est corroboré ni par l’ordre de passage des patientes, ni par la découverte dans un délai rapproché du virus ayant contaminé Mme [A] [K] ne saurait être retenu.

En l’absence de plusieurs présomptions graves et concordantes, il ne saurait être rapporté la preuve de la responsabilité du docteur [N] dans la contamination de Mme [A] [K] par le virus de l’hépatite C, quelles qu’aient été les conditions d’asepsie au sein du cabinet du praticien concerné.

Les demandes faites à ce titre seront donc rejetées et le jugement en date du 13 décembre 2017 infirmé.

II Sur les demandes annexes.

Il y a lieu de déclarer opposable la présente décision à la CPAM de la Gironde et au Centre Communal d’Action Social de [Localité 12].

Aux termes de l’article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Sur ce fondement, Mme [A] [K], qui succombe au principal, supportera la charge des dépens.

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

En l’espèce, l’équité commande que Mme [A] [K] soit condamnée à verser à MM. [N] et à la société La Médicale de France la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

LA COUR,

Déclare recevable l’intervention volontaire de MM.[Y] et [I] [N] ès qualités d’héritiers de Mme [V] [J] veuve [N] et de M. [R] [N],

Infirme le jugement rendu le 13 décembre 2017 par le tribunal de grande instance de Bordeaux,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [A] [K] et la CPAM de la Gironde de l’ensemble de leurs demandes ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [A] [K] à verser à MM.[Y] et [I] [N] ès qualités d’héritiers de Mme [V] [J] veuve [N] et de M. [R] [N] et à la société La Médicale de France, ensemble, la somme de 1.000€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [A] [K] aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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