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SOC.
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 mars 2019
Rejet
M. CHAUVET, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 330 F-D
Pourvoi n° D 17-20.886
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. J… N…, domicilié […] ,
contre l’arrêt rendu le 3 avril 2017 par la cour d’appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société M… T… dermo-cosmétique, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 29 janvier 2019, où étaient présents : M. CHAUVET, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbé, conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Barbé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Richard, avocat de M. N…, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société M… T… dermo-cosmétique, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué ( Basse-Terre, 3 avril 2017), que M. N…, engagé le 3 janvier 2000 en qualité de représentant statutaire exclusif par les laboratoires Dolisos puis, à compter du 1er avril 2002, par la société M… T… Dermo-cosmétique, a occupé le poste de directeur régional pour la Guadeloupe le 22 juillet 2002, puis, à compter du 1er avril 2011, pour l’ensemble de la région des Antilles ; qu’il a fait l’objet d’un repositionnement sur son périmètre antérieur, à savoir la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy, le 1er décembre 2011, après avoir fait l’objet d’un avertissement le 11 octobre 2011 ; qu’il a été licencié pour insuffisance professionnelle le 17 janvier 2013 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes en annulation de la rétrogradation dont il a fait l’objet, constituant une mesure disciplinaire illicite, et en condamnation de la société à lui payer un rappel de salaire pour la période du 1er décembre au 18 avril 2013 et des dommages-intérêts pour non respect de la procédure disciplinaire, alors, selon le moyen :
1°/ qu’en se bornant, pour décider que la mesure de rétrogradation prise à son encontre ne constituait pas une sanction déguisée et était justifiée en raison de son insuffisance professionnelle, à affirmer que ce repositionnement résultait d’un bilan réalisé les 7 et 8 novembre 2011, sans indiquer la teneur de ce bilan, sauf à citer « quelques exemples », la cour d’appel, qui n’a pas mis la Cour de cassation en mesure de s’assurer de ce que la mesure ne constituait pas une sanction disciplinaire déguisée et caractérisait une insuffisance professionnelle, a privé sa décision de motifs, en violation de l’article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le fait, pour le salarié, de s’abstenir d’exécuter les instructions de l’employeur ou de faire preuve de négligence ne constitue pas une insuffisance professionnelle, mais une faute disciplinaire ; qu’en décidant que le grief fait à égard de n’avoir pas suivi les stratégies d’implantation des nouvelles marques et de n’avoir fait aucune remontée auprès de sa hiérarchie caractérisait une insuffisance professionnelle, bien que ces faits, à les supposer établies, aient dû être qualifiés de faute disciplinaire, la cour d’appel a violé les articles L. 1331-1, L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;
3°/ que le fait, pour le salarié, de s’abstenir d’exécuter les instructions de l’employeur ou de faire preuve de négligence ne constitue pas une insuffisance professionnelle, mais une faute disciplinaire ; qu’en décidant que le fait, pour lui d’avoir pris des congés d’été en « décalé » avec l’ensemble des collaborateurs du réseau commercial du territoire, faisant obstacle à un suivi rigoureux de l’activité des collaborateurs, constituait une insuffisance professionnelle, bien que ce fait, à le supposer établi, ait dû être qualifié de manquement disciplinaire, la cour d’appel a violé les articles L. 1331-1, L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;
4°/ que le fait, pour le salarié, de s’abstenir d’exécuter les instructions de l’employeur ou de faire preuve de négligence ne constitue pas une insuffisance professionnelle, mais une faute disciplinaire ; qu’en décidant que le fait, pour lui, d’avoir négligé d’accompagner une collaboratrice « mise sous objectifs », en ne lui consacrant que deux jours sur trois mois, constituait une insuffisance professionnelle, bien que ce fait, à le supposer établi, ait dû être qualifié de manquement disciplinaire, la cour d’appel a violé les articles L. 1331-1, L. 1333-1 et L. 1333-2 du code du travail ;
5°/ que le seul fait, pour le salarié de n’avoir pas atteint l’objectif qui lui a été assigné ne caractérise pas une insuffisance professionnelle ; qu’en décidant néanmoins que le fait que la réorganisation souhaitée en 2011 avec la création d’un troisième poste de VRP sur la Guadeloupe n’avait donné lieu à aucun retour sur investissement caractérisait une insuffisance professionnelle, la cour d’appel a violé les articles L. 1331-1, L. 1333-1, L. 1333-2 et L. 1232-1 du code du travail ;
6°/ que l’employeur ne peut imposer à un salarié soumis au code du travail, comme sanction d’un comportement fautif, une rétrogradation impliquant la modification de son contrat de travail ; qu’en décidant néanmoins qu’il n’est pas fondé à se plaindre de la rétrogradation qui lui avait été imposée, motif pris de ce qu’il avait souscrit à l’avenant à son contrat de travail le repositionnant sur la région Guadeloupe, la cour d’appel a violé les articles L. 1331-1, L. 1221-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
Mais attendu qu’ayant relevé que le repositionnement du salarié, directeur commercial, sur le secteur de la région Guadeloupe était décidé en raison d’un bilan professionnel non satisfaisant sur les stratégies d’implantation qui n’avaient pas été respectées, sur l’encadrement insuffisant de son équipe et sur des résultats commerciaux décevants et que cette modification avait fait l’objet d’un avenant signé par le salarié, la cour d’appel, qui n’était pas tenue d’entrer dans le détail de l’argumentation des parties, a pu en déduire que cette décision ne s’analysait pas en une mesure disciplinaire ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur les deuxième et troisième moyens réunis :
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de le débouter de ses demandes tendant à reconnaître qu’il a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de voir, en conséquence, condamner la société à lui payer des dommages-intérêts, outre une somme au titre des circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement et de sa demande en condamnation de la société à lui payer des dommages-intérêts pour violation de l’obligation de formation et d’adaptation, alors, selon les moyens :
1°/ qu’en décidant que son insuffisance professionnelle était caractérisée par « les carences observées
essentiellement » au cours de « l’année 2011 », période au cours de laquelle il occupait un poste différent de celui occupé lors de son licenciement, la cour d’appel, qui s’est prononcée par des motifs impropres à caractériser une insuffisance professionnelle justifiant la mesure de licenciement, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ;
2°/ qu’en décidant que son insuffisance professionnelle était établie, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, ayant occupé le même poste pendant environ dix années, il n’avait jamais fait l’objet du moindre reproche jusqu’à ce premier avertissement en date du 11 octobre 2011 et s’il avait bénéficié de primes et d’avancement établissant qu’à l’inverse, il était pleinement compétent dans son poste, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 ;
3°/ que l’employeur ne peut prononcer un licenciement pour insuffisance professionnelle, lorsque les faits caractérisant cette insuffisance trouvent leur cause dans la circonstance que l’employeur n’a pas mis à la disposition du salarié les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission ; qu’en s’abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si les griefs qui lui étaient adressés par la société, afin de caractériser une insuffisance professionnelle, résultaient du fait que l’employeur n’avait pas mis à sa disposition les moyens matériels et humains nécessaires à l’exécution de sa prestation de travail, alors même que sa charge de travail continuait d’augmenter, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013- 504 du 14 juin 2013, et L. 6321-1, alinéas 1 et 2, du code du travail ;
4°/ que l’employeur doit veiller à l’adaptation du salarié à son poste de travail et au maintien de sa capacité à occuper l’emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations ; que, lorsqu’il a manqué à cette obligation, il ne peut prononcer le licenciement du salarié pour insuffisance professionnelle ; qu’en décidant que son insuffisance professionnelle était caractérisée, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la formation qui lui avait été dispensée par la société n’était pas adéquate et adaptée à son poste, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1235-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et L. 6321- 1, alinéas 1 et 2, du code du travail ;
5°/ que l’employeur doit veiller à l’adaptation du salarié à son poste de travail et au maintien de sa capacité à occuper l’emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations ; que l’employeur qui manque à cette obligation est tenu d’indemniser le préjudice subi par le salarié en raison de cette absence de formation ; qu’en se bornant, pour le débouter de sa demande dommages-intérêts pour manquements de la société à son obligation de formation, à constater qu’il avait subi diverses formations, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces actions de formation étaient adéquates et adaptées au poste et aux responsabilités qu’il exerçait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 6321-1, alinéas 1 et 2, du code du travail ;