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SOC.
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 27 mars 2019
Rejet non spécialement motivé
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 10341 F
Pourvoi n° D 17-22.588
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par la société YVES ROCHER France, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , venant aux droits de la société Laboratoires de biologie végétale YVES ROCHER,
contre l’arrêt rendu le 9 juin 2017 par la cour d’appel de Toulouse (4e chambre, section 1, chambre sociale), dans le litige l’opposant à Mme F… Y…, domiciliée […] ,
défenderesse à la cassation ;
Mme Y… a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 20 février 2019, où étaient présents : M. SCHAMBER, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, Mme Aubert-Monpeyssen, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société YVES ROCHER France, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de Mme Y… ;
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que les moyens de cassation du pourvoi principal et le moyen de cassation du pourvoi incident, annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chaque partie la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES à la présente décision
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société YVES ROCHER France.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR dit que Madame Y… pouvait se prévaloir du statut de gérant de succursale prévu par les articles L. 7321-1 et suivants du Code du travail, d’AVOIR dit que l’initiative prise par la société LABORATOIRE DE BIOLOGIE VEGETALE YVES ROCHER de mettre fin de la relation contractuelle le 9 juillet 2012, l’a été sans qu’aucune motivation ne soit énoncée ; que la rupture de la relation s’en trouve dépourvue de cause réelle et sérieuse et doit être qualifiée comme telle, avec les conséquences juridiques en découlant ; que Madame F… Y… peut bénéficier d’une rémunération mensuelle de 2.687 € (deux mille six cent quatre vingt sept euros) ; que et d’AVOIR, en conséquence, condamné la société YVES ROCHER à lui payer les sommes de 71.862 € à titre de rappel de salaire, 16.128 € à titre d’indemnité de licenciement et 100.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre les frais irrépétibles et les dépens ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l’application des articles L. 7321-1 et suivants du Code du travail. L’article L.7321-1 du Code du travail prévoit que « les dispositions du présent code sont applicables aux gérants de succursales, dans la mesure de ce qui est prévu au présent titre ». Aux termes de l’article L. 7321-2 du Code du travail “est gérant de succursale toute personne :
1°(…)
2° Dont la profession consiste essentiellement :
a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ;
b) (..) ».
Le recours par les parties à la dénomination « contrat de franchise » ne peut interdire aux juges de requalifier la relation contractuelle lorsque les conditions de l’article L. 7321-2 sont remplies. Les conditions fixées à l’article L. 7321-2 sont cumulatives. Si l’une de ces conditions fait défaut, le bénéfice du statut est refusé.
1) L’activité essentielle de vente de marchandise fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise. Il est constant que Mme Y… exploitait dans son établissement à la fois une activité de vente de produits et une activité de soins en cabine. Il ressort des documents comptables versés au dossier que l’activité de vente générait un chiffre d’affaires bien supérieur à celui résultant de l’activité de soins.
vente marchandises
vente de services
exercice clos le 30/06/08
183412 ( 78,33 %)
50750 ( 21,67 % )
exercice clos le 30/0609
181388 ( 77,06 %)
53995 ( 22,94 % )
exercice clos le 30/06/10
192396 ( 76,53 %)
59015 ( 23,47 % )
exercice clos le 30/06/11
179792 ( 76,56 %)
55061 ( 23,44 % )
exercice clos le 30/06/12
197386 ( 77,16 %)
58413 ( 22,84 % )
exercice clos le 30/06/13
199613 ( 77,32 %)
58555 ( 22,68 %)
Contrairement à ce que soutient la Sté YVES ROCHER France, il importe peu que la marge réalisée avec les soins ait été proche de celle générée par la vente de produits, l’importance de l’activité poursuivie devant être mesurée en fonction du chiffre d’affaires qui constitue très concrètement ce qu’elle rapporte. La Sté YVES ROCHER France argumente ensuite sur l’absence de fourniture exclusive des marchandises, mais cet argument n’est pas efficient puisque le texte dispose que le gérant de succursale doit s’approvisionner exclusivement ou presque exclusivement auprès d’une seule entreprise, ce qui était le cas en l’espèce. La première condition est donc remplie.
2) Le local
La Sté YVES ROCHER France ne conteste pas avoir fourni et agréé le local permettant à Mme Y… d’exercer son activité, conformément à l’article 4 du contrat de franchise.
3) Les conditions d’exploitation de l’activité
Il a été stipulé dans le contrat de franchise, notamment aux articles 5 “Exploitation du centre de beauté et obligations de la société” et 6 “Exploitation du centre de beauté et obligations du franchisé » :
5.5 Pour soutenir et promouvoir les ventes, la société entreprendra à sa seule initiative des actions publicitaires telles que l’envoi de publipostages à la clientèle ou toutes autres formes d’actions jugées appropriées, elle mettra selon ses possibilités à la disposition du franchisé des “Livres verts de la beauté”, des catalogues, des documents publicitaires et échantillons que le franchisé devra remettre à la clientèle particulière fréquentant le centre de beauté YVES ROCHER, selon les instructions publicitaires et promotionnelles que lui aura donnéeS la société et auxquelles le franchisé s’engage à se conformer strictement. Le franchisé participera financièrement à cet effort publicitaire en payant trimestriellement à la société une quote-part de frais publicitaires…
6.1 Le franchisé reconnaît devoir maintenir le centre de beauté YVES ROCHER, tant dans son aspect intérieur qu’extérieur conforme aux plans et agencements indiqués par la société, ou dans le manuel de procédures et offrir ou utiliser les produits et services en conformité avec l’image de marque YVES ROCHER et le manuel de procédures.
6.4 Le franchisé s’oblige à ne pas approvisionner son centre de beauté YVES ROCHER, et à ne pas vendre de produits qui n’auraient pas été approuvés expressément par la société, sans en avoir informé préalablement par écrit la société de son intention de le faire, et en donnant à celle-ci la possibilité de déterminer si les caractéristiques et les qualités de ces produits sont comparables à ceux qu’elle a antérieurement approuvés, et s’ils sont compatibles avec l’image de marque des centres de beauté YVES ROCHER.
6.7 Le franchisé reconnaît devoir exploiter son centre de beauté YVES ROCHER en conformité avec les procédures mises au point par la société dans le manuel de procédures, constitué des instructions écrites existantes à la date de signature du contrat et qui pourront être amendées, complétées ou remplacées dans l’avenir à la seule initiative de la société.
Ces procédures concernent, sans que cette liste puisse être considérée comme limitative, la décoration des centres de beauté YVES ROCHER, leur éclairage intérieur et extérieur, leur agencement, leur mobilier, la présentation des produits, les techniques de ventes, les campagnes publicitaires, la nature et la qualité des services, la comptabilité, les assurances et tout autre domaine que la société considère approprié.
6.10 Le franchisé reconnaît devoir soumettre au préalable à l’approbation de la société toutes les manifestations ou programmes locaux de publicité et de promotion engagés à ses frais, et utilisant les dénominations commerciales, les marques de commerce, les indications, les slogans publicitaires YVES ROCHER.
6.11 Le franchisé s’accorde à tenir la société informée de son chiffre d’affaires vente de produits, de ses frais de promotion et de publicité. Il facilitera aux représentants de la société les contrôles que cette dernière pourrait périodiquement juger appropriés, en particulier en ce qui concerne les stocks.
6.13 Le franchisé s’engage à maintenir le centre de beauté YVES ROCHER ouvert à la clientèle pendant les heures normales d’ouverture.
Il résulte de ces stipulations que, nonobstant la relative autonomie dont pouvait bénéficier Mme Y… en ce qui concerne la gestion du personnel, le montant de sa propre rémunération, les horaires d’ouverture de l’institut de beauté, la gestion du stock, la vente de produits “en composition”, les animations commerciales et les promotions locales, et les flux financiers au sein de l’institut, la franchisée exerçait son activité à des conditions imposées par la Sté YVES ROCHER France, sous son contrôle et sous peine de résiliation du contrat prévue à l’article 8 pour violation de l’une quelconque des dispositions du contrat. Mme Y… justifie en outre par la production de multiples documents des conditions d’exploitation effectives de son institut :
– remplacement de la caisse enregistreuse achetée avec le fonds de commerce par une caisse TCB et une ligne téléphonique directement reliée à la Sté YVES ROCHER France ;
– envoi de catalogues mensuels “Scenario” et “Promotions” imposant notamment les règles de merchandising, l’aménagement des vitrines, la présentation des îlots, gondoles et comptoirs, la tenue vestimentaire des esthéticiennes, les périodes de promotions, les cadeaux clients, les chéquiers “avantage” ;
– établissement des guides de procédures à respecter conformément à l’article 6.7 du contrat ;
– mailings adressés quotidiennement par la Sté YVES ROCHER France à travers le terminal TCB
Dans ces conditions, il est parfaitement établi que le fonds était exploité conformément aux prescriptions imposées par la Sté YVES ROCHER France, sans véritable autonomie de la franchisée. La troisième condition est donc également remplie.
4) La détermination des prix de vente
La Sté YVES ROCHER France soutient pour l’essentiel que les autorités européennes et nationales de la concurrence ont confirmé à plusieurs reprises la licéité des pratiques de “prix maximal” ou de “prix conseillé” qu’elle a mis en place dans le cadre de son réseau. Ce point est sans incidence sur le litige, la question étant de savoir si en pratique la Sté YVES ROCHER France imposait ou non les prix des produits à Mme Y….
Mme Y… produit :
– les catalogues des prix des produits qui lui étaient adressés par YVES ROCHER ;
– les documents publicitaires (affiches, bandeaux, îlots et socles) mentionnant des prix ou des promotions, ce qui contredit la thèse selon laquelle elle avait le choix de fixer elle-même les prix ;
– les mailings adressés par YVES ROCHER aux clientes du réseau pour leur proposer des offres et remises directes, remises que Mme Y… ne pouvait pas refuser de pratiquer ;
– les chéquiers avantages qu’elle devait distribuer à la clientèle ;
– les messages électroniques adressés par YVES ROCHER à l’ensemble du réseau précisant le montant des prix à pratiquer pour tel ou tel produit.
Il ressort de ces éléments de preuve que nonobstant les contestations de Sté YVES ROCHER France, la franchisée n’avait aucune réelle autonomie dans la fixation des prix dans la mesure où les prix étaient indiqués dans le catalogue émis par YVES ROCHER, où celle-ci procédait à des campagnes publicitaires informant les clients des tarifs pratiqués et fournissait régulièrement des instructions à la franchisée, et où les prix fixés devaient être annoncés dans le magasin par voie d’affiches ou autres matériels publicitaires. La Sté YVES ROCHER France précisait certes dans les fascicules adressés aux franchisés que “nous vous rappelons que les prix conseillés sont indicatifs et que chaque magasin est libre de vendre les produits à un prix inférieur”, mais une telle précaution n’est pas suffisante pour justifier d’une liberté des prix alors que la modification du prix de vente ne peut être effectuée qu’à la baisse et que la très faible marge dégagée ne donnait pas à la franchisée une possibilité effective de baisser ces prix. Au demeurant, la Sté YVES ROCHER France ne soutient pas que Mme Y… aurait fait usage de cette possibilité de baisse des prix conseillés. Toutes les conditions requises par l’article L. 7321-2 du Code du travail étant ainsi remplies, Mme Y… est fondée à revendiquer le statut de gérant de succursale et l’application du Code du travail. Le jugement du Conseil de Prud’hommes doit être confirmé sur ce point » ;
ET AUX MOTIFS, À LES SUPPOSER TACITEMENT ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « l’article 455 du code de procédure civile dispose, que le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, dès lors il sera fait application de l’article ci-dessus énoncé et référence aux conclusions déposées à l’audience signées par les parties et par le greffier. Que le conseil de Prud’hommes doit tout d’abord se prononcer, sur la demande de sursis à statuer présentée par la Société Laboratoires de Biologie Végétales YVES ROCHER, en vue de la saisine de la Cour de Justice Européenne sur une question préjudicielle, en application du règlement n° 330/2010 relatif à la liberté pour le distributeur, de fixer le prix de vente et non qu’il lui soit imposé par son fournisseur. Que fort des très nombreux éléments produits aux pièces des parties, s’agissant de la politique commerciale de la Société YVES ROCHER envers la franchise de Madame F… Y… il est incontestable, que la Société YVES ROCHER imposait et donnait des ordres impératifs relatifs sur les prix à appliquer aux franchisés. En effet qu’il était donné par la Société YVES ROCHER comme consigne aux gérants et franchisés de la marque, la date effective de modification des prix de coffrets en vente forcée. L’autorisation exceptionnelle de faire une vente forcée sur le produit Plaisir Nature qui ne fonctionnait pas. Le fait que les prix devaient rester identiques à la période précédente. Que devait être proposé en vitrine seul le Gel Glacé au prix de 2 €. Que les chéquiers hiver ne pouvaient être distribués aux clientes qu’à compter du 16 octobre. Que les tarifs soins instituts étaient aussi imposés par YVES ROCHER. Qu’il ressort des pièces, que les informations transmises aux franchisés relèvent bien d’une volonté de la Société YVES ROCHER de tout régenter, de tout imposer dans les Instituts de Beauté à son enseigne, comme le strict respect des plans commerciaux même quand nous sommes amenés à les modifier en dernière minute, installer les frontons comme indiqués, la composition à 15,50 € comprend le savon oriental + un masque d’argile, vous pouvez passer aujourd’hui les coffrets en vente forcée à 29,90 €, nous vous autorisons à faire un prix de vente forcée à 20,50 €, l’offre 50% sur tous les CB est prolongée jusqu’au 25 janvier, nous avons décidé de promotionner exceptionnellement les coffrets Secret d’Essence qui passent de 35,00 € à 29,90 €, attention les prix restent identiques à la période précédente, ne proposez en vitrine que le Gel Glacé, nous vous rappelons que vous pouvez commercer à distribuer les chéquiers hiver à vos clients. Qu’il est démontré, que la Société YVES ROCHER ne laissait pas à Madame F… Y… l’autonomie de gestion de l’institut de beauté, lui permettant d’en adapter l’économie commerciale au regard des besoins afin d’assurer la pérennité de l’établissement, dès lors ou elle n’avait pas la totale liberté de fixer les prix des produits distribués par son fournisseur la Société YVES ROCHER. Que le sursis à statuer sollicité par la Société YVES ROCHER, en soulevant une question préjudicielle, n’apparaît pas être de nature à faire trancher par la Cour de Justice de l’Union Européenne du litige reposant sur des bases juridiques fiables, mais d’avoir pour objectif, eu égard aux nombreuses procédures engagées par les franchisés YVES ROCHER sur le même sujet, de retarder une décision de justice. Que le conseil de prud’hommes, qui constate que la politique commerciale de la Société YVES ROCHER, qui conduisait à ne quasiment laisser à Madame F… Y… aucune liberté sur les prix de vente des produits qu’elle lui livrait, en tire la conséquence qu’il n’y a pas lieu à faire droit à la demande de la Société YVES ROCHER, relative à la question préjudicielle et au sursis à statuer. Que Madame F… ‘Y…, qui avait-conclu le 5 juillet 1989 un contrat de franchise avec la Société Laboratoire Biologie Végétale YVES ROCHER pour exploiter un Centre de Beauté YVES ROCHER soutient, en raison des conditions d’exploitation exigées par YVES ROCHER, pouvoir bénéficier de dispositions de l’article L 7321-2 du code du travail. Que l’article L 7321-2 2° a) du code du travail stipule qu’est gérant de succursale toute personne, dont la profession est de vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise. Qu’en application de l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux, sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Que l’article 6-4 du contrat de franchise précise, que le Franchisé s’oblige à ne pas approvisionner son Centre de Beauté YVES ROCHER, et à ne pas vendre de produits qui n’auraient pas été approuvés expressément par.la Société, sans en avoir informé préalablement par écrit la Société de son intention de le faire, et en donnant à celle-ci la possibilité de déterminer si les caractéristiques et les qualités de ces produits sont comparables à ceux qu’elle a antérieurement approuvés, et s’ils sont compatibles avec l’image de marque des Centres de Beauté YVES ROCHER. Qu’il n’est pas sérieusement contesté par la Société YVES ROCHER qu’elle fournissait exclusivement les produits vendus par Madame F… Y… et que par ailleurs, les produits cosmétiques utilisés lors des soins dispensés aux clients du centre de beauté étaient aussi ceux fournis par YVES ROCHER. Qu’au-delà de la contrainte quasi-exigée à Madame F… Y…, de ne vendre que des produits YVES ROCHER, cette société lui imposait, s’appuyant sur le savoir faire et l’uniformité du réseau, de suivre nombre d’instructions relatives à l’organisation et à la gestion du centre de beauté, telle que les commandes de la marchandise, la mise en place des opérations commerciales, les pratiques des soins du visage et du corps, la planification de l’emploi du temps, la procédure d’encaissement et de tenue de la caisse, les contrats de maintenances techniques, comme le démontre les courriers qui lui étaient adressés. Que des informations précises et circonstanciées étaient aussi communiquées à Madame F… Y… concernant les pratiques commerciales, le respect des campagnes de promotion, les prix de produits figurant sur les catalogues mensuels Scénario, les affiches publicitaires qui lui était régulièrement adressés par la Société YVES ROCHER. Qu’il est établi à partir de l’ensemble des éléments produits par les parties au procès, constitués par plusieurs centaines de pièces et des explications fournies à la barre, que Madame F… Y… ne disposait pas d’une liberté totale pour exploiter son Institut de Beauté, dés lors où, elle n’avait pas une réelle, libre, et totale autonomie d’action commerciale et de gestion de son fonds de commerce. Que les arguments avancés par la Société Laboratoires de biologie végétale YVES ROCHER, ainsi que les nombreuses attestations qu’elle produit, dont la sincérité peut être sérieusement mis en doute en raison du lien étroits entre les attestants et leur destinataire la Société YVES ROCHER, pour s’opposer à la prétention de Madame F… Y… au bénéfice des dispositions de l’article L. 7321-2 du code du travail, ne résistent pas à l’examen dès lors où la Société YVES ROCHER était et exigeait être le quasi-seul fournisseur de marchandises à Madame F… Y…. En effet qu’il ressort aussi d’un faisceau d’indices, que la politique économique de la Société Laboratoires de biologie végétale YVES ROCHER consistait à rechercher des Franchises, pour se soustraire aux dispositions du droit du travail, tout en gardant un quasi- total contrôle de la gestion des centres de beauté, au moyen de contraintes exorbitantes imposées aux franchisés. De ce qui précède, le conseil de prud’hommes constate que les conditions dans lesquelles a été mise Madame F… Y… par la société YVES ROCHER pour exploiter son Institut de Beauté, relève des dispositions de l’article L 7321-2 du code du travail, et se trouve donc être dans le cadre d’un contrat de gérant de succursale » ;
1°/ ALORS, DE PREMIÈRE PART, QUE peuvent se prévaloir du statut de gérant de succursale les personnes dont la profession consiste à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ; que la cour d’appel s’est bornée, pour déterminer si la profession de Madame Y… consistait essentiellement à vendre des marchandises, à examiner les proportions respectives du chiffre d’affaires, et a expressément refusé de tenir compte de la marge respective des activités de vente et de soins et le temps de travail respectivement consacré par Madame Y… à chaque activité ; qu’en statuant de la sorte, cependant qu’il lui incombait d’examiner l’ensemble des éléments produits aux débats pour déterminer si l’activité de vente représentait l’activité essentielle de Madame Y…, la cour d’appel a méconnu son office et a ainsi privé de base légale sa décision au regard de l’article L. 7321-2 du Code du travail ;
2°/ ALORS, DE DEUXIÈME PART, QUE la société YVES ROCHER avait expressément contesté dans ses conclusions d’appel (pages 22-23), que les marchandises vendues par Madame Y… aient été fournies « exclusivement ou presque exclusivement » par elle ; qu’elle soulignait au contraire qu’elle avait la possibilité de vendre des marchandises autres que celles de la gamme YVES ROCHER ; qu’en affirmant que Madame Y… devait s’approvisionner « presque exclusivement » auprès de la société YVES ROCHER, sans préciser sur quels éléments de preuve elle fondait cette affirmation, la cour d’appel a violé l’article 455 du Code de procédure civile ;
3°/ ALORS, DE TROISIÈME PART QUE seul peut se prévaloir du statut de gérant salarié celui dont l’activité personnelle est de vendre des marchandises de toute nature qui lui sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise ; que la société YVES ROCHER avait fait valoir, en l’espèce (ses conclusions, page 21), que Madame Y… avait pour activité personnelle essentielle l’organisation et la gestion de son entreprise, les ventes elles-mêmes étant effectuées par des salariées qu’elle avait embauchées à cette fin ; qu’en s’abstenant d’examiner, ainsi qu’elle y était invitée, si Madame Y… exerçait en fait personnellement l’activité de vente de marchandises, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 7321-2 du Code du travail ;
4°/ ALORS, DE QUATRIÈME PART, QUE peuvent se prévaloir du statut de gérant de succursale les personnes dont la profession consiste à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ; que la société YVES ROCHER avait soutenu, dans ses conclusions d’appel, que sauf opération de promotion spécifique les franchisés pouvaient modifier à la hausse comme à la baisse les prix conseillés ; qu’en retenant comme constant aux débats que les prix conseillés ne pouvaient être modifiés qu’à la baisse, la cour d’appel a méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
5°/ QU’IL EN VA D’AUTANT PLUS AINSI QUE la société YVES ROCHER avait, en outre, fait valoir (ses conclusions page 42) que les variations du taux de marge brute de Madame Y… démontraient qu’elle avait nécessairement fait usage de sa faculté de modifier à la hausse comme à la baisse les prix de vente conseillés puisque ces derniers étaient établis sur la base d’un taux de marge brute uniforme de 31% dont Madame Y… s’écartait significativement et dans des proportions variables d’une année sur l’autre ; qu’en affirmant que la société YVES ROCHER ne soutenait pas que Madame Y… aurait fait usage de sa faculté de s’écarter des prix de vente conseillés, la cour d’appel a derechef méconnu les termes du litige en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;
6°/ QU’en statuant de la sorte, la cour d’appel a omis de répondre aux conclusions décisives de la société exposante, violant ainsi l’article 455 du Code de procédure civile ;
7°/ ALORS, DE SEPTIÈME PART QUE la communication effectuée par la société YVES ROCHER auprès de la clientèle nationale sur ses prix conseillés ne démontrait pas en soi que les franchisés n’avaient pas la possibilité de s’en écarter ; qu’en s’appuyant sur ces motifs impuissants à caractériser l’impossibilité, pour les franchisés, de s’écarter des prix conseillés par le franchiseur, la cour d’appel a violé l’article L. 7321-2 du Code du travail ;
8°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE QUE tout jugement doit être motivé ; qu’en ne précisant pas sur quel élément de preuve soumis à la discussion contradictoire des parties elle se fondait pour dire que la très faible marge dégagée ne donnait pas à la franchisée une possibilité effective de baisser les prix par rapport aux prix conseillés, la cour d’appel a violé, pour cette raison supplémentaire, l’article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR décidé que le salaire de référence mensuel de Madame Y… devait être fixé à la somme de 2.687 € et d’AVOIR, sur le fondement de ce salaire de référence, condamné la société YVES ROCHER à lui payer les sommes de 71.862 € à titre de rappel de salaire, 16.128 € à titre d’indemnité de licenciement, outre les frais irrépétibles et les dépens ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur les demandes de Mme Y…. 1) La détermination du salaire de référence. Les attributions et responsabilités exercées par Mme Y… au sein de l’institut de beauté qu’elle exploitait correspondent au statut de directrice d’institut. Du fait de l’annulation par le Conseil d’Etat le 19 mai 2006 de l’accord du 27 avril 2004 fixant pour la convention collective de la parfumerie esthétique la rémunération minimum des cadres, il n’existe dans ladite convention collective aucune rémunération supérieure au coefficient 200, soit 1260,75 € bruts par mois. Dans la mesure où ce coefficient correspond à un emploi d’esthéticienne, sans rapport avec celui d’une directrice d’institut, la Sté YVES ROCHER France ne saurait utilement soutenir que seul ce salaire minimum conventionnel peut être utilisé comme salaire de référence. Ce salaire de référence doit être recherché par rapport à ce qui est habituellement pratiqué pour une directrice d’institut du réseau de distribution des produits YVES ROCHER. Mme Y… demande à la cour de retenir une rémunération de référence d’un montant de 2687,00 € par mois en se référant au salaire des directrices d’institut du réseau YVES ROCHER, et plus précisément au salaire de la directrice salariée (Mme W…) de l’institut de Versailles (en réalité de Velizy). La Sté YVES ROCHER France soutient que Mme Y… ne verse aux débats aucun élément de nature à établir qu’elle était dans la même situation que Mme W…, le chiffre d’affaires et le nombre de salariés des deux instituts étant très différents. La cour constate que la Sté YVES ROCHER France s’abstient de verser aux débats les bulletins de paie de ses directrices salariées qui permettraient de déterminer le salaire perçu par la directrice d’un institut comparable à celui de Mme Y… en chiffre d’affaires et nombre de salariés. En fonction des éléments dont dispose la cour, la rémunération de référence doit donc être fixée à 2687 € par mois. La décision du Conseil de Prud’hommes doit être confirmée.
2) La rupture des relations contractuelles. La Sté YVES ROCHER France a mis fin aux relations contractuelles par lettre du 9 juillet 2012, sans aucune motivation. La rupture ne peut donc que s’analyser que comme un licenciement, lequel n’étant pas motivé est nécessairement sans cause réelle et sérieuse.
3) Le rappel de salaires
Mme Y… aurait dû percevoir un salaire de 2687 € par mois.
Le Conseil de Prud’hommes ayant été saisi le 23 juin 2014, elle est recevable à solliciter un rappel de salaires sur la période du 23 juin 2009 au 13 juillet 2013, soit 2687 x 48 mois = 128.976 € bruts.
Mme Y… a perçu pendant cette période les rémunérations suivantes pour un montant total de 46.472 € nets, soit 57.114 € bruts, devant être déduits de cette somme : – exercice clos le 30 juin 2010: 6373 €
– exercice clos le 30 juin 2011: 10.324 €
– exercice clos le 30 juin 2012: 14.585 €
– exercice clos le 30 juin 2013: 15.190 € .
Mme Y… est donc bien fondée à solliciter un rappel de salaires de 71.862 €. La Sté YVES ROCHER France expose que Mme Y… exploitait l’institut de beauté avec sa fille A… Y…, laquelle percevait un salaire, et que les bénéfices tirés de l’exploitation du centre étaient donc répartis entre la mère sous forme de bénéfices commerciaux, et la fille sous forme de salaires. Elle fait valoir qu’il conviendrait que les bulletins de paie de A… Y… soient produits afin de vérifier si Mme Y… n’aurait pas choisi de se priver d’une partie des bénéfices en versant à sa fille un salaire sans commune mesure avec celui d’une esthéticienne. Ce moyen sera écarté, les documents comptables versés aux débats ne faisant apparaître aucune rémunération anormale versée à A… Y….
4) L’indemnité de licenciement. Aux termes de l’article 4 de l’annexe III de la convention collective, en cas de licenciement l’employeur doit verser une indemnité égale à un quart de mois de salaire par année de présence, avec plafond de six mois. Compte tenu de son ancienneté de 24 ans, Mme Y… a droit à une indemnité de : 2687 x 1/4 x 24 = 16.128 € » ;
ET AUX MOTIFS, À LES SUPPOSER TACITEMENT ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « qu’il ne saurait être retenu comme sérieux et raisonnable l’argumentaire de la Société YVES ROCHER qui évoque que la rémunération mensuelle dont pourrait prétendre Madame F… Y… serait, en application de l’accord N° 4 du 17juin 1994, de la convention collective de la Parfumerie et de l’Esthétique, de 1 260.75 € bruts et ajoute qu’elle ne peut pas prétendre au salaire de 2 687 perçu par Madame W… qui était directrice salariée du centre de beauté YVES ROCHER. Qu’en l’absence de disposition conventionnelle permettant d’apprécier le coefficient et la rémunération mensuelle pour les Directrices d’Instituts de Beauté il y a lieu en l’espèce, de considérer que la rémunération mensuelle légitime, en application de la règle à travail égal salaire égal, à laquelle peut prétendre Madame F… Y…, qui assurait les fonctions de Directrice de l’Institut est au minimum celle versée par la Société YVES ROCHER à une Directrice d’Institut exerçant la même fonction, soit la somme de 2 867 € par mois. Qu’il est établi que Madame F… Y… n’a pas perçu durant l’exploitation de son fonds de commerce une rémunération mensuelle supérieure à celle de 2 867 E, il y a lieu de procéder à une régularisation au titre des salaires. Que pour la période non prescrite de cinq années, la balance réalisée entre la rémunération à laquelle Madame F… Y… aurait pu bénéficier et celle effectivement perçue au regard des résultats économiques de l’Institut qu’elle gérait, s’élève à la somme de 74 526 € bruts. Qu’au cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires réalisés par le salarié et au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, le juge forme sa conviction après avoir ordonné au besoin une mesure d’instruction. Que dans le cadre de la relation avec la Société YVES ROCHER celle-ci précise contractuellement l’article 6-13 que le franchisé s’engage à maintenir le Centre de Beauté YVES ROCHER ouvert à la clientèle pendant les heures normales d’ouverture et dans un mail adressé à un centre de beauté de […] elle en précise l’amplitude de 9h30 à 20h15 du lundi au samedi inclus. Que contractuellement il est aussi indiqué que le franchisé reconnaît devoir diriger personnellement son Centre de Beauté YVES ROCHER, qu’il reconnaît devoir maintenir et exploiter personnellement ou avec une esthéticienne une ou plusieurs cabines de soins, ce qui laisse entendre que Madame F… Y… avait l’obligation d’une permanence personnelle durant la totalité de l’amplitude de la période d’ouverture de l’Institut » ;
ALORS, TOUT D’ABORD, QUE le franchisé remplissant les conditions prévues par l’article L. 7321-2 du Code du travail ne peut, en l’absence de lien de subordination, être assimilé à un salarié et ne peut en conséquence prétendre à l’application du principe « à travail égal, salaire égal » par référence au salaire perçu par un salarié, leurs situations respectives n’étant par définition pas comparables ; qu’en déterminant la rémunération mensuelle à laquelle pouvait prétendre Madame Y… par référence à la rémunération perçue par Madame W…, directrice salariée d’un institut YVES ROCHER à […], cependant qu’en l’absence de lien de subordination Madame Y… ne pouvait être considérée comme étant dans une situation comparable à celle d’un salarié, la cour d’appel a violé l’article L. 7321-2 du Code du travail ensemble et par fausse application le principe « à travail égal, salaire égal » ;
ALORS, ENSUITE ET SUBSIDIAIREMENT,QU’en supposant même applicable entre salariés et gérants de succursales le principe « à travail égal, salaire égal », il appartenait au demanderesse qui revendiquait une rémunération sur le fondement de ce principe, de soumettre dans un premier temps au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, après quoi seulement il incombait à la société YVES ROCHER de rapporter la preuve d’éléments objectifs justifiant cette différence ; que la demanderesse demandait en l’espèce à ce que lui soit attribué le même salaire que celui de Madame W…, directrice salariée d’un institut YVES ROCHER à […] (ses conclusions, pages 31-32) à savoir 2.687 € bruts mensuels ; que la société YVES ROCHER avait pour sa part fait valoir (ses conclusions, pages 49-50) que l’institut YVES ROCHER de […] était d’une dimension non comparable, tant en ce qui concerne le chiffre d’affaires que le nombre de salariés, à celui exploité par Madame Y…, de telle sorte qu’elles n’effectuaient pas un travail de valeur égale ; que la cour d’appel a déclaré que Madame Y… pouvait prétendre au même salaire que Madame W… au seul motif que la société YVES ROCHER ne versait pas d’éléments de nature à établir la rémunération perçue par une directrice d’un institut comparable à celui de Madame Y… ; qu’en statuant de la sorte cependant qu’il ne pouvait être mis à la charge de la société YVES ROCHER, l’obligation d’établir le salaire perçu par un salarié ou assimilé placé dans une situation comparable à celle de la demanderesse, les juges du fond devant seulement vérifier si celle-ci était ou non dans une situation objectivement comparable à celle de la salariée dont elle revendiquait la revendication, la cour d’appel a violé principe « à travail égal, salaire égal », ensemble les articles L. 1221-1 et L. 7321-2 du Code du travail ;
ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE le principe « à travail égal, salaire égal » ne peut s’appliquer qu’entre salariés de la même entreprise ; qu’en attribuant à Madame Y… exactement le même salaire mensuel que celui que percevait Madame W…, sans répondre au moyen de défense décisif de la société YVES ROCHER qui faisait valoir qu’il résultait des bulletins de paie de Madame W…, avec laquelle Madame Y… se comparait, qu’elle était salariée de la société STANDYR et non de la société YVES ROCHER, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du Code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour Mme Y….
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir débouté Mme Y… de sa demande en paiement d’heures supplémentaires
AUX MOTIFS QUE sur les conditions d’exploitation de l’activité, il a été stipulé dans le contrat de franchise, notamment aux articles 5 “Exploitation du centre de beauté et obligations de la société” et 6 “Exploitation du centre de beauté et obligations du franchisé” :
“5.5 Pour soutenir et promouvoir les ventes, la société entreprendra à sa seule initiative des actions publicitaires telles que l’envoi de publipostages à la clientèle ou toutes autres formes d’actions jugées appropriées, elle mettra selon ses possibilités à la disposition du franchisé des “Livres verts de la beauté”, des catalogues, des documents publicitaires et échantillons que le franchisé devra remettre à la clientèle particulière fréquentant le centre de beauté YVES ROCHER, selon les instructions publicitaires et promotionnelles que lui aura données la société et auxquelles le franchisé s’engage à se conformer strictement. Le franchisé participera financièrement à cet effort publicitaire en payant trimestriellement à la société une quote-part de frais publicitaires…
6.1 Le franchisé reconnaît devoir maintenir le centre de beauté YVES ROCHER, tant dans son aspect intérieur qu’extérieur conforme aux plans et agencements indiqués par la société, ou dans le manuel de procédures et offrir ou utiliser les produits et services en conformité avec l’image de marque YVES ROCHER et le manuel de procédures.
6.4 Le franchisé s’oblige à ne pas approvisionner son centre de beauté YVES ROCHER, et à ne pas vendre de produits qui n’auraient pas été approuvés expressément par la société, sans en avoir informé préalablement par écrit la société de son intention de le faire, et en donnant à celle-ci la possibilité de déterminer si les caractéristiques et les qualités de ces produits sont comparables à ceux qu’elle a antérieurement approuvés, et s’ils sont compatibles avec l’image de marque des centres de beauté YVES ROCHER.
6.7 Le franchisé reconnaît devoir exploiter son centre de beauté YVES ROCHER en conformité avec les procédures mises au point par la société dans le manuel de procédures, constitué des instructions écrites existantes à la date de signature du contrat et qui pourront être amendées, complétées ou remplacées dans l’avenir à la seule initiative de la société. Ces procédures concernent, sans que cette liste puisse être considérée comme limitative, la décoration des centres de beauté YVES ROCHER, leur éclairage intérieur et extérieur, leur agencement, leur mobilier, la présentation des produits, les techniques de ventes, les campagnes publicitaires, la nature et la qualité des services, la comptabilité, les assurances et tout autre domaine que la société considère approprié.
6.10 Le franchisé reconnaît devoir soumettre au préalable à l’approbation de la société toutes les manifestations ou programmes locaux de publicité et de promotion engagés à ses frais, et utilisant les dénominations commerciales, les marques de commerce, les indications, les slogans publicitaires YVES ROCHER.
6.11 Le franchisé s’accorde à tenir la société informée de son chiffre d’affaires vente de produits, de ses frais de promotion et de publicité. Il facilitera aux représentants de la société les contrôles que cette dernière pourrait périodiquement juger appropriés, en particulier en ce qui concerne les stocks.
6.13 Le franchisé s’engage à maintenir le centre de beauté YVES ROCHER ouvert à la clientèle pendant les heures normales d’ouverture.”
qu’il résulte de ces stipulations que, nonobstant la relative autonomie dont pouvait bénéficier Mme Y… en ce qui concerne la gestion du personnel, le montant de sa propre rémunération, les horaires d’ouverture de l’institut de beauté, la gestion du stock, la vente de produits “en composition”, les animations commerciales et les promotions locales, et les flux financiers au sein de l’institut, la franchisée exerçait son activité à des conditions imposées par la société YVES ROCHER France, sous son contrôle et sous peine de résiliation du contrat prévue à l’article 8 pour violation de l’une quelconque des dispositions du contrat.
Mme Y… justifie en outre par la production de multiples documents des conditions d’exploitation effectives de son institut : – remplacement de la caisse enregistreuse achetée avec le fonds de commerce par une caisse TCB et une ligne téléphonique directement reliée à la société YVES ROCHER France ; – envoi de catalogues mensuels “Scenario” et “Promotions” imposant notamment les règles de merchandising, l’aménagement des vitrines, la présentation des îlots, gondoles et comptoirs, la tenue vestimentaire des esthéticiennes, les périodes de promotions, les cadeaux clients, les chéquiers “avantage” ; – établissement des guides de procédures à respecter conformément à l’article 6.7 du contrat ; – mailings adressés quotidiennement par la Sté YVES ROCHER France à travers le terminal TCB ; que dans ces conditions, il est parfaitement établi que le fonds était exploité conformément aux prescriptions imposées par la société YVES ROCHER France, sans véritable autonomie de la franchisée. La troisième condition est donc également remplie ; sur la détermination des prix de vente, que la société YVES ROCHER France soutient pour l’essentiel que les autorités européennes et nationales de la concurrence ont confirmé à plusieurs reprises la licéité des pratiques de “prix maximal” ou de “prix conseillé” qu’elle a mis en place dans le cadre de son réseau ; que ce point est sans incidence sur le litige, la question étant de savoir si en pratique la Sté YVES ROCHER France imposait ou non les prix des produits à Mme Y… ; que Mme Y… produit : – les catalogues des prix des produits qui lui étaient adressés par YVES ROCHER ; – les documents publicitaires (affiches, bandeaux, îlots et socles) mentionnant des prix ou des promotions, ce qui contredit la thèse selon laquelle elle avait le choix de fixer elle-même les prix ; – les mailings adressés par YVES ROCHER aux clientes du réseau pour leur proposer des offres et remises directes, remises que Mme Y… ne pouvait pas refuser de pratiquer ; – les chéquiers avantages qu’elle devait distribuer à la clientèle ; – les messages électroniques adressés par YVES ROCHER à l’ensemble du réseau précisant le montant des prix à pratiquer pour tel ou tel produit ; qu’il ressort de ces éléments de preuve que nonobstant les contestations de société YVES ROCHER France, la franchisée n’avait aucune réelle autonomie dans la fixation des prix dans la mesure où les prix étaient indiqués dans le catalogue émis par YVES ROCHER, où celle-ci procédait à des campagnes publicitaires informant les clients des tarifs pratiqués et fournissait régulièrement des instructions à la franchisée, et où les prix fixés devaient être annoncés dans le magasin par voie d’affiches ou autres matériels publicitaires ; que la société YVES ROCHER France précisait certes dans les fascicules adressés aux franchisés que “nous vous rappelons que les prix conseillés sont indicatifs et que chaque magasin est libre de vendre les produits à un prix inférieur”, mais une telle précaution n’est pas suffisante pour justifier d’une liberté des prix alors que la modification du prix de vente ne peut être effectuée qu’à la baisse et que la très faible marge dégagée ne donnait pas à la franchisée une possibilité effective de baisser ces prix ; qu’au demeurant, la société YVES ROCHER France ne soutient pas que Mme Y… aurait fait usage de cette possibilité de baisse des prix conseillés ; que toutes les conditions requises par l’article L. 7321-2 du Code du travail étant ainsi remplies, Mme Y… est fondée à revendiquer le statut de gérant de succursale et l’application du code du travail ; que le jugement du conseil de prud’hommes doit être confirmé sur ce point” (arrêt p.7 § dernier à p.10 § 2) ; que les dispositions du code du travail relatives aux heures supplémentaires font partie du livre Ier de la troisième partie du code et ne sont donc applicables aux gérants de succursales que si le chef d’entreprise qui fournit les marchandises e imposé ou a au moins donné son accord sur les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement dont le gérant assure la gestion ; que la société YVES ROCHER France soutient qu’elle n’a jamais imposé à Mme Y… les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail ; qu’elle fait valoir sur ce point que Mme Y… a librement fixé ses propres conditions de travail, qu’elle a embauché jusqu’à six salariées et avait donc la possibilité de se faire remplacer, en particulier par sa fille, et qu’elle a librement fixé les conditions de travail des six salariés engagés ; qu’elle relève que le fait que le gérant se voit imposer les conditions d’exploitation de son fonds de commerce ne signifie pas qu’il se voit imposer tes conditions de travail, de santé et de sécurité au travail ; que Mme Y… fait quant à elle valoir que la société YVES ROCHER France exigeait que l’institut soit ouvert à la clientèle pendant les jours et heures normaux d’ouverture, qu’elle donnait des instructions quotidiennes sur les conditions d’exploitation, qu’elle imposait une politique de rentabilité induisant les horaires de travail des salariés, qu’elle analysait les résultats commerciaux et le niveau d’atteinte des objectifs… ; qu’elle ajoute qu’elle ne pouvait fixer librement sa propre rémunération, qu’elle n’avait pas la maîtrise de la masse salariale et qu’elle n’était pas libre de fixer les horaires d’ouverture de l’institut ; que la cour constate que les arguments de Mme Y… concernent essentiellement le fait que la société YVES ROCHER France imposait les conditions d’exploitation de l’institut, ce qui a été retenu pour confirmer l’application de l’article L. 7321 -1 du code du travail, mais qu’elle ne fournit pas d’éléments de preuve relatifs aux conditions de travail, de santé et de sécurité au travail ; qu’aux termes du contrat de franchise, le franchisé s’est obligé à diriger personnellement son centre de beauté et être seul responsable de l’engagement et du renvoi des employés, ainsi que de leur rémunération, à maintenir un personnel suffisant pour une exploitation du centre de beauté conforme aux dispositions du contrat de franchise, et à maintenir le centre de beauté ouvert à la clientèle pendant les heures normales d’ouverture ; que ces stipulations sont conformes à l’objet du contrat qui est d’assurer une certaine rentabilité aux instituts et ne présente pas d’horaires précis ; que la diffusion des horaires des différents instituts de beauté sur le site Internet de la société Yves Rochet n’implique pas nécessairement que les jours et heures d’ouverture aient été imposés par la société ; que l’obligation faite à la franchisée de diriger personnellement son centre de beauté ne lui impose pas d’être présente sur l’ensemble de l’amplitude horaire du magasin et ne lui interdit pas d’organiser la répartition du travail et de déléguer certaines tâches lors de ses absences ; que par ailleurs, la rémunération de Mme Y… n’était pas imposée par la société YVES ROCHER France mais dépendait de facteurs autres que ceux liés à la politique commerciale de la société, comme la situation de l‘institut, sa rentabilité et les modalités de gestion mises en place par le franchisé ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que la société YVES ROCHER France imposait à Mme Y… les conditions d’exploitation commerciale de son institut en fonction des critères définis par la marque sans pour autant fixer les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité de l’institut ni même soumettre celles-ci à son accord ; que Mme Y… ne remplit donc pas les conditions de l’article L. 7321-3 du code du travail et ne peut prétendre au paiement d’éventuelles heures supplémentaires en application de ce texte ; que le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé sur ce point” (arrêt p. 13 et 14) ;
ALORS D’UNE PART QUE le chef d’entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter est responsable de l’application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail lorsqu’il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu’ayant énoncé, pour rejeter la demande de paiement d’heures supplémentaires de Mme Y…, que celle-ci ne fournissait pas d’éléments de preuve relatifs aux conditions de travail, de santé et de sécurité au travail tout en ayant relevé au préalable, à partir des éléments produits aux débats par Mme Y…, qu’il était “parfaitement établi que le fond était exploité conformément aux prescriptions imposées par la société YVES ROCHER France sans véritable autonomie de la franchisée” et que la franchisée “n’avait aucune réelle autonomie dans la fixation des prix”, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquence légales de ses constatations en violation de l’article L. 7321-3 du code du travail ;
ALORS D’AUTRE PART QUE le chef d’entreprise qui fournit les marchandises ou pour le compte duquel sont recueillies les commandes ou sont reçues les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter est responsable de l’application aux gérants salariés de succursales des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail lorsqu’il a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l’établissement ou si celles-ci ont été soumises à son accord ; qu’ayant énoncé, pour rejeter la demande de paiement d’heures supplémentaires de Mme Y…, que sa rémunération “n’était pas imposée par la société YVES ROCHER France mais dépendait de facteurs autres que ceux liés à la politique commerciale de la société, comme la situation de l‘institut, sa rentabilité et les modalités de gestion mises en place par le franchisé”, après avoir relevé qu’il était “parfaitement établi que le fond était exploité conformément aux prescriptions imposées par la société YVES ROCHER France sans véritable autonomie de la franchisée” et que la franchisée “n’avait aucune réelle autonomie dans la fixation des prix”, la cour d’appel n’a pas déduit de ses propres constatations les conséquences légales qui s’en évinçaient, en violation de l’article L. 7321-3 du code du travail.