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COMM.
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 4 mars 2020
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 167 F-D
Pourvoi n° R 17-17.148
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 MARS 2020
1°/ la société Auchan France, société anonyme,
2°/ la société Eurauchan, société par actions simplifiée,
toutes deux ayant leur siège […] ,
ont formé le pourvoi n° R 17-17.148 contre l’arrêt rendu le 8 février 2017 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant :
1°/ à la société […], société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
2°/ à la société […] , société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
défenderesses à la cassation.
les sociétés […] et […] défenderesses au pourvoi ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
les demanderesses au pourvoi principal invoquent, à l’appui de leur recours, quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l’appui de leur recours, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Bras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Auchan France et Eurauchan, de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat des sociétés […] et […], et après débats en l’audience publique du 14 janvier 2020 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 8 février 2017), que la société […] (la société […]) et la société […] , qui exercent une activité de fabrication et de négoce de bijoux fantaisie, entretenaient des relations commerciales avec la société Auchan France (la société Auchan) et la société Eurauchan, centrale de référencement du groupe Auchan, spécialisées dans la grande distribution ; que reprochant aux sociétés Auchan et Eurauchan d’avoir facturé des fausses prestations de services de coopération commerciale, la société […], qui était mise en sommeil depuis 2007, et la société […] les ont, le 27 décembre 2011 et le 13 juin 2013, assignées en nullité des accords commerciaux conclus entre, respectivement, 2002 à 2006 et 2007 à 2011 et en restitution des sommes versées à ce titre ; que les sociétés Auchan et Eurauchan leur ont opposé la prescription de leur action en nullité ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Auchan et la société Eurauchan font grief à l’arrêt de rejeter cette fin de non-recevoir alors, selon le moyen :
1°/ que les dispositions de l’article L. 110-4 du code de commerce, relatives à la prescription des « obligations nées à l’occasion de leur commerce » entre commerçants ou entre un commerçant et un non commerçant sont, sauf à ce qu’elles ne soient invoquées expressément, sans application quant à la prescription de l’action en nullité d’un contrat ; que, dans leurs conclusions devant la cour d’appel, les sociétés Eurauchan et Auchan faisaient expressément valoir que les actions en nullité des contrats de coopération commerciale et services distincts, conclus de 2002 à 2008, étaient, en application de l’article 1304 du code civil, irrecevables comme prescrites, pour avoir été intentées plus de cinq ans après la conclusion de ces contrats ; que la cour d’appel a expressément constaté que les sociétés intimées demandaient « que soit prononcée la nullité des accords commerciaux conclus sur la période de 2002 à 2011 » ; qu’en affirmant cependant, pour rejeter l’exception de prescription et condamner, en conséquence les sociétés Eurauchan et Auchan in solidum à rembourser aux sociétés […] et […] les sommes en principal de, respectivement, 301 599, 29 euros et 18 590 euros, que « c’est la prescription entre commerçants de l’article L. 110-4 du code de commerce qui s’applique aux actions en nullité des contrats de coopération commerciale fondées sur l’article L. 442-6 du code de commerce » et qu’antérieurement à la loi du 17 juin 2008, la prescription prévue par ce texte était de 10 ans, la cour d’appel a violé, par fausse application les dispositions de l’article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble et par refus d’application, les dispositions de l’article 1304 ancien du code civil ;
2°/ que l’action en nullité d’un contrat, pour absence de cause ou cause illicite, se prescrit par cinq ans lorsque la règle qu’elle sanctionne, même d’ordre public, est édictée dans le seul intérêt privé de l’une des parties contractantes ; que la cour d’appel a retenu que les « accords de coopération commerciale établis en violation de l’article L. 442-6 du code de commerce sont nuls sur le fondement de l’article 1131 du code civil en vigueur au moment des faits litigieux », qu’« en effet, leur cause est illicite puisqu’ils violent les dispositions impératives d’ordre public dudit article » et que « la nullité est encourue dès lors qu’elle est invoquée par celui dont la loi qui a été méconnue tendait à assurer la protection, en l’espèce, le fournisseur protégé par la législation d’ordre public relative à la coopération commerciale » ; qu’en jugeant cependant, que les actions en nullité des contrats litigieux, bien qu’exercées plus de cinq ans après la conclusion desdits contrats, n’étaient pas prescrites, la cour d’appel n’a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 1131 et 1304 du code civil, dans leur rédaction applicable au litige ;
Mais attendu que les actions en annulation des contrats de coopération commerciale, qui sont fondées sur la nullité d’ordre public de ceux-ci, sont soumises à la prescription de l’article L.110-4 du code de commerce qui, initialement décennale, est devenue quinquennale en application de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile ; qu’après avoir constaté que les actions en annulation concernaient des accords de coopération commerciale conclus en 2002 et 2007, antérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi, de sorte qu’il y avait lieu d’appliquer les dispositions de l’article 2222, alinéa 2, du code civil, qui dispose qu’en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, c’est exactement qu’abstraction faite du motif surabondant critiqué par la seconde branche, la cour d’appel a retenu que l’assignation du 27 décembre 2011, qui visait les contrats de coopération commerciale de 2002 à 2006, et celle du 13 juin 2013, relatives aux contrats de 2007 à 2011, ont, chacune, été délivrées avant la date d’acquisition de la prescription ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur la requête en rectification d’erreur matérielle et le troisième moyen du pourvoi incident :
Attendu que sociétés […] et […] demandent que soit rectifié l’arrêt attaqué en y ajoutant, conformément à ses motifs, le chef de dispositif suivant : “Déboute la société […] de ses demandes formées sur le fondement de l’article L.442-6, I, 1°, du code de commerce, au titre des contrats de coopération commerciale conclus entre 2009 et 2011” et font grief à l’arrêt ainsi rectifié de rejeter les demandes formées par la société […] sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce, au titre des contrats de coopération commerciale conclus entre 2009 et 2011 alors, selon le moyen :
1°/ qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu’il appartient au distributeur de prouver la réalité et le caractère non disproportionné du service rendu au regard de l’avantage en cause ; qu’en l’espèce, la société […] faisait valoir que les conventions de distribution signées avec la société Eurauchan en 2009, 2010 et 2011 comportaient de nombreux avantages ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu, ou à tout le moins, manifestement disproportionnés aux services éventuellement rendus ; qu’en se bornant à énoncer que « la société Eurachan verse aux débats des pièces (tracts publicitaires, lettres de ristournes, books, attestations de l’agence de communication en charge des clichés pour les opérations promotionnelles), attestant de la réalité de certaines prestations publicitaires en 2010, de sorte que ce grief n’est pas constitué à suffisance de droit », sans constater ni la réalité ou la proportionnalité de l’ensemble des services rendus en 2010, ni a fortiori celle des services rendus au cours des années 2009 et 2011, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce ;
2°/ qu’engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu ; qu’il appartient au distributeur de prouver la réalité et le caractère non disproportionné du service rendu au regard de l’avantage en cause ; qu’en retenant en l’espèce, pour écarter les demandes de la société […] au titre des conventions conclues entre 2009 et 2011, que « si trois nouvelles ristournes conditionnelles (dont ristournes de gamme et ristournes de détention numériques) apparaissent, les éléments versés aux débats par la société […] ne sont pas suffisamment circonstanciés pour établir ses griefs », cependant qu’il appartenait aux sociétés Eurauchan et Auchan, et non à la société exposante, de rapporter la preuve de la réalité et du caractère proportionnés des services rendus, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l’article L. 442-6, I, 1°, du code de commerce.