Merchandising : 15 juillet 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 21/01156

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Merchandising : 15 juillet 2022 Cour d’appel de Caen RG n° 21/01156
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AFFAIRE : N° RG 21/01156

N° Portalis DBVC-V-B7F-GXRK

 Code Aff. :

ARRET N°

C.P

ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ALENCON en date du 24 Mars 2021 – RG n° 20/00002

COUR D’APPEL DE CAEN

Chambre sociale section 1

ARRET DU 15 JUILLET 2022

APPELANTE :

Madame [T] [R]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Christine HILAIRE, avocat au barreau d’ALENCON

INTIMEE :

S.A.R.L. ALTAM Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Céline VERDIER, avocat au barreau d’EURE

DEBATS : A l’audience publique du 02 mai 2022, tenue par Mme DELAHAYE, Président de Chambre, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme ALAIN

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre, rédacteur

Mme PONCET, Conseiller,

Mme VINOT, Conseiller,

ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 15 juillet 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, par prorogation du délibéré initialement fixé au 7 juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier

Mme [R] a été engagée par la société ALTAM en qualité d’hôtesse de vente par contrat à durée déterminée du 7 juillet au 31 août 2008, puis par contrat à durée déterminée du 10 septembre 2008 au 31 janvier 2009 reconduit pour une durée indéterminée à effet du 1er février 2009. Elle a démissionné le 30 septembre 2009 ;

Un contrat à durée déterminée a été à nouveau conclu entre les parties pour les mêmes fonctions à compter du 3 mai 2010, transformé en contrat à durée indéterminée le 26 octobre 2010. Selon avenant du 30 septembre 2011, Mme [R] est devenue hôtesse de vente adjointe à la responsable ;

Selon contrat de travail à durée indéterminée à effet du 1er février 2013, elle a été engagée en qualité de responsable de magasin Etam Lingerie situé à [Localité 4] par la société ALTAM, la convention collective commerce de détail de l’habillement et des articles textiles étant applicable ;

Le magasin a été exploitée sous l’enseigne NAF NAF à compter du 1er septembre 2018 ;

Mme [R] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 15 novembre 2019 par lettre du 30 octobre précédent, mise à pied à titre conservatoire, puis licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 20 novembre 2019 ;

Contestant la régularité et la légitimité de son licenciement et estimant ne pas avoir été remplie de ses droits au titre de la rupture de son contrat de travail, Mme [R] a saisi le 6 janvier 2020 le conseil de prud’hommes d’Alençon, qui, statuant par jugement du 24 mars 2021, a :

– dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

– condamné la société ALTAM à lui payer la somme de 5175 € (indemnité de préavis), de 6145 € (indemnité de licenciement), de 200 € (heures supplémentaires) outre 20 € de congés payés afférents et 2000€ (indemnité de procédure), et lui remettre sous astreinte une attestation Pôle Emploi ;

– débouté les parties de leurs autres demandes ;

– condamné la société ALTAM aux dépens ;

Par déclaration au greffe du 23 avril 2021, Mme [R] a formé appel de cette décision qui lui avait été notifié le 26 mars 2021 ;

Par conclusions n°2 remises au greffe le 7 janvier 2022 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, Mme [R] demande à la cour de :

– constater que Madame [R] renonce à sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure 2.587 € ;

– confirmer la décision et constater que les condamnations prononcées à l’encontre de la SARL ALTAM au titre de :

‘ l’indemnité compensatrice de préavis de 2 mois de 5.175 €,

‘ ‘indemnité conventionnelle de licenciement de 6.145 €,

‘ rappel d’heures supplémentaires 200 €,

‘ l’indemnité de congés payés y afférent de 20 € ;

Sont définitives et ont été exécutées

– infirmer pour le surplus et condamner la SARL ALTAM à payer à Mme [R] les sommes suivantes :

– 8.095 € brut au titre de rappels de primes et primes de résultat

– 800 € brut au titre de rappel de prime d’inventaire avec intérêts légaux dus de droit à compter de la saisine du conseil des prud’hommes le 2 janvier 2020 ;

– dire et juger que Mme [R] a fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;

– condamner la SARL ALTAM à payer à Mme [R] la somme de 30.000 € à titre de dommages intérêts ;

– dire et juger que Mme [R] a fait l’objet d’un harcèlement moral ;

-condamner la SARL ALTAM à payer à Mme [R] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

– condamner la SARL ALTAM à payer à Mme [R] la somme de 3000 € à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la SARL ALTAM aux entiers dépens. ;

Par conclusions remises au greffe le 13 octobre 2021 et auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés en cause d’appel, la société ALTAM demande à la cour de :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a écarté la faute grave et retenu la cause réelle et sérieuse de licenciement, en ce qu’il a fait droit à la demande de rappels de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents, ;en ce qu’il a ordonné à la Société d’établir une attestation Pole Emploi conforme au jugement sous astreinte et en ce qu’il a condamné la Société à payer à Madame [R] 2000€ au titre de l’article 700 ;

– confirmer en ce qui concerne ses autres dispositifs ;

– débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à payer à la SARL ALTAM la somme de 2000 € au bénéfice de l’article 700 du code de procédure civile ;

– A titre subsidiaire, de considérer que le licenciement de la salariée repose sur une cause réelle et sérieuse et la débouter de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de débouter la salariée de ses autres demandes ;

– de dire que les sommes ayant la nature de salaire ou de contrepartie pécuniaires auxquelles le Conseil condamnerait la société s’entendent comme des sommes brutes de charges sociales, de CSG et de CRDS ;

– de dire que les sommes ayant la nature de dommages et intérêts auxquelles le Conseil condamnerait la société s’entendent comme des sommes brutes de CSG et de CRDS ;

– A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la Cour qualifiait comme sans cause réelle et sérieuse le licenciement, d’appliquer le barème dit « MACRON » et d’évaluer à justes proportions les indemnités sollicitées, de rejeter les autres demandes ;

– de dire que les sommes ayant la nature de salaire ou de contrepartie pécuniaires auxquelles le Conseil condamnerait la société s’entendent comme des sommes brutes de charges sociales, de CSG et de CRDS ;

– de dire que les sommes ayant la nature de dommages et intérêts auxquelles le Conseil condamnerait la société s’entendent comme des sommes brutes de CSG et de CRDS ;

MOTIFS

Il convient de constater que Mme [R] renonce à sa demande d’indemnité pour non respect de la procédure, si bien que la disposition du jugement ayant rejeté cette demande sera confirmée ;

I – Sur le licenciement

La preuve des faits constitutifs de faute grave incombe à l’employeur et à lui seul et il appartient au juge du contrat de travail d’apprécier au vu des éléments de preuve figurant au dossier si les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont établis, imputables au salarié, et s’ils ont revêtu un caractère de gravité suffisant pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail ;

La lettre de licenciement vise les griefs suivants :

« En premier lieu, sur les instructions de notre franchiseur NAF NAF suite à une visite dans le magasin le 23 mai 2019, il vous incombe en tant que Responsable du magasin d'[Localité 4] de réaliser des comptes rendus quotidiens et hebdomadaires avec la Responsable du magasin NAF NAF d’Evreux.

Ces comptes rendus sont nécessaires pour faire le point et échanger sur les bonnes pratiques mises en ‘uvre, dans un objectif de développement et d’amélioration perpétuelle.

Malgré la réitération de cette obligation par une note qui vous a été remise en main propre le 1er juillet 2019, vous persistez à refuser de réaliser ces comptes rendus, ce que vous avez-vous- même reconnu lors de l’entretien préalable.

Dernièrement, le 18 octobre 2019, vous avez même agressé verbalement par téléphone la Responsable du magasin NAF NAF d’Evreux, criant que vous refusiez de lui donner les chiffres de votre magasin et la menaçant qu’elle allait « en baver ”.

En tant que Responsable de magasin, ce comportement extrêmement agressif est particulièrement grave et ne peut être toléré, tout comme votre refus persistant de suivre les instructions de notre franchiseur qui fait courir le risque à notre société de la perte de la franchise, d’autant que le magasin dont vous avez la charge se caractérise par une insuffisance notoire de son chiffre d’affaires.

Malheureusement, il ne s’agit pas là de votre seul manquement et de votre seul refus de suivre les instructions de notre franchiseur.

En effet, en second lieu, vous ne cessez de ne pas respecter le planning de fonctionnement que vous aviez vous-même établi avec la Directrice Régionale Paris Ouest – Normandie de notre franchiseur NAF NAF lors de sa visite dans le magasin en mai 2019.

Alors que ce planning de fonctionnement était à respecter parfaitement afin d’être le plus efficace possible, vous continuez à établir un planning différent chaque semaine, destiné à satisfaire votre propre organisation au détriment de l’activité réelle du magasin.

Outre le fait Que cette mauvaise organisation impacte également les autres salariées du magasin qui doivent constamment s’adapter, cela s’en ressent inévitablement sur le chiffre d’affaires.

Dans ce cadre, vous continuez en outre à fixer des horaires largement en dehors des horaires d’ouverture du magasin alors que nous vous avions rappelé au mois de mai 2019 que l’ensemble des tâches qui vous incombent, hors ménage et caisse, doivent être réalisées magasin ouvert, pendant les horaires d’ouverture de celui-ci.

Il est donc inconcevable que vous prévoyez par exemple de débuter des journées de travail à 7 heures alors que le magasin ouvre à 10 heures ! Une telle organisation est totalement inadéquate et injustifiée, d’autant que le chiffre d’affaires de votre magasin est très faible.

Mais pis, nous avons constaté dernièrement que vous ne respectiez pas les horaires que vous avez pourtant vous-même décidés sur les plannings que vous établissez.

A titre d’exemple, le mardi 22 octobre 2019, vous inscrivez sur le planning débuter votre journée de travail à 7 heures alors que la pointeuse montre que vous n’êtes arrivée qu’à 8 heures (7 heures 59 minutes exactement) !

Puis, ce même-jour, alors que le planning indique votre pause déjeuner entre 13 heures et 14 heures, vous prenez en réalité celle-ci une heure après (de 14 heures 1 minutes à 15 heures 10 minutes exactement).

Ainsi, en dépit de vos propres plannings, vous répartissez votre journée de travail en fonction de vos seuls besoins, sans vous préoccupez de vos collègues et de l’activité du magasin.

Il résulte de cette organisation totalement arbitraire de votre part que vous ne respectez en fait pas votre durée du travail de 35 heures hebdomadaires.

En effet, il a été constaté que, selon les périodes, vous effectuiez régulièrement moins de 35 heures par semaine (à titre d’exemple, 32 heures 30 la semaine du 23 au 28 septembre 2019 et, pis, seulement 29 heures et 41 minutes de temps de présence à la pointeuse !) ou, au contraire, vous vous prévoyez des heures supplémentaires non nécessitées par la charge de travail et sans autorisation préalable de notre part (par exemple, 35 heures 30 la semaine du 16 au 21 septembre 2019).

Nous ne pouvons donc que constater votre déloyauté à l’égard de la Société ALTAM alors qu’en tant qu’entreprise familiale, nous mettons toute notre confiance dans nos collaborateurs.

Par ailleurs, nous avons constaté que vous avez manqué plusieurs fois à votre obligation de pointage, laquelle résulte également d’une instruction de notre franchiseur NAF NAF.

A titre d’exemple, le vendredi 4 octobre 2019, vous n’avez pas dépointé entre 9 heures 8 minutes et 18 heures 41 minutes alors que vous aviez pris une pause déjeuner prévue selon votre planning entre 14 heures et 15 heures.

Il en résulte que votre temps de présence sur cette journée est de 9 heures 32 minutes alors que vous deviez faire 8 heures 30 minutes. Le non-respect de votre obligation de pointage nous empêche donc de contrôler véritablement votre réelle durée du travail.

Outre ce non-respect persistant et grave des diverses instructions de notre franchiseur, vous avez cessé de nous informer et de recueillir notre autorisation préalable à la prise de congés payés, procédure informelle que nous mettons à l”uvre avec toutes nos salariées et que vous respectiez auparavant, ce qui démontre également votre intention de persévérer dans un comportement d’insubordination à notre égard.

Enfin, et le dernier incident du 18 octobre 2019 n’en est que l’exemple ultime, nous pensons que vous êtes à 1’origine d’un important turnover au sein du magasin d'[Localité 4] depuis le mois de septembre 2018, en raison de vos difficultés relationnelles persistantes avec les autres salariées et de votre gestion désastreuse du magasin qui engendrent une mauvaise ambiance de travail et altèrent les conditions de travail de vos collègues.

A cela s’ajoute votre attitude anti-commerciale qui nous a été révélée il y a peu, qui rend la clientèle insatisfaite et participe donc du mauvais chiffre d’affaires du magasin.

Outre le fait que cette attitude est totalement contraire au savoir-être requis pour occuper votre poste, à savoir notamment le bon sens relationnel, celle-ci cause immanquablement un préjudice financier à la Société et nuit à l’image du magasin et de la marque que nous représentons.

Ainsi, compte-tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l’entreprise est impossible. Nous avons donc décidé de vous notifier une mesure de licenciement pour faute grave, privative d’indemnité de licenciement ainsi que de préavis. »

Sur le refus de réaliser les comptes rendus quotidiens et hebdomadaires

La salariée estime que ces comptes rendus ne correspondant pas aux tâches relevant de ses attributions en sa qualité de responsable de magasin (agent de maîtrise catégorie A2 visé sur ses bulletins de salaire), puisqu’elle n’est pas cadre et n’a pas été formée aux outils de gestion, que M. [E] gérant de la société ALTAM était informé de ces éléments directement par son franchiseur et qu’elle n’avait aucun lien de subordination avec Mme [D] responsable du magasin d'[Localité 5] (qui sera l’épouse de M. [E] le 31 août 2019) et ne pouvait lui communiquer aucune information ;

L’employeur rappelle que cette demande est la suite d’une réunion du 23 mai 2019 organisée suite aux mauvais résultants du magasin d'[Localité 4], ce principe de communication ayant été rappelée à la salariée par une note de service du 1er juillet 2019, que la salariée a refusé d’appliquer ses directives, en particulier le 18 octobre 2019. Il précise que la salariée ne peut décider ce qui est important ou non pour l’employeur, que son contrat de travail lui impose un suivi des consignes administratives et commerciales, la convention collective visant précisément l’application des consignes et décisions relatives aux procédures de vente et à la politique commerciale, et souligne que la salariée a pu accepter d’appliquer ses nouvelles directives, et conteste avoir demandé à la salariée de cesser de lui communiquer ces éléments ;

En l’espèce, à la suite de la visite de Mme [U] directrice régionale de la société NAF NAF, de M. [E] gérant de la société ALTAM et de Mme [R] le 23 mai 2019, un compte rendu a été établi duquel il résulte notamment, à la rubrique Point hebdo et chiffre, que « le magasin d'[Localité 4] et d'[Localité 5] fasse un débriefe de la S-1 et brief de la semaine en cours chaque mardi », et ainsi que [L] ([D] gérante de la boutique d'[Localité 5]) et [T] ([R] gérante de celle d'[Localité 4]) s’appellent tous les mardi afin d’échanger et d’aborder les points suivants : point économique sur la semaine passée, CA, indicateurs, difficultés et axes de progrès avec plan d’actions ; merchandising et organisationnel ; best magasin ; résultats individuels CC, Socloz et CRM avec les bilans de la NAF HEBDO ; actions semaine et validations des plannings à venir. Ce compte rendu prévoit également « un point chiffre journalier : [T] doit effectuer un point chiffre tous les jours auprès de [L] à 15h, et en clôture du magasin. En l’absence de [T], c’est [F] qui l’effectuera. Le jeudi ces points chiffres s’effectueront à [W] » ;

Une note de service reprenant ces points a été établie le 1er juillet 2019, notifiée à la salariée le même jour et communiqué au greffe du conseil de prud’hommes et à l’inspection du travail le 5 juillet suivant.

Le contrat de travail mentionne que la salariée doit notamment consacrer sa diligence au « suivi des consignes administratives et commerciales ». Sur ce point la convention collective commerce de détail et habillement et des articles textiles prévoit pour les responsables de magasin, catégorie agent de maîtrise que « en plus d’assurer de manière permanente la gestion courante du magasin ou du rayon, il assure la bonne marche commerciale du rayon ou du magasin, suite l’état des stocks et procède au réapprovisionnement et à l’achat de nouveaux articles » ;

Les tâches qui lui étaient réclamées par cette note font bien partie de ces fonctions, étant relevé que dès le 24 mai 2019, elle transmettait par sms à M. [E] trois indicateurs (chiffre d’affaires, panier moyen et indicateur de vente) dont le chiffre d’affaire du jour, ce qui démontre qu’elle maîtrisait les outils permettant d’utiliser ces chiffres, étant en outre précisé que ces trois indicateurs sont précisés sur chaque ticket de caisse, et qu’elle a d’ailleurs communiqué entre septembre 2018 et janvier 2019 ces trois indicateurs (CA, IV et PM) à M. [E] ;

Par ailleurs, la salariée ne conteste pas ne pas avoir exécuté ces tâches y compris la communication de chiffres à M. [E] une fois par semaine (postérieurement au 24 mai 2019). Elle n’établit par aucun élément ou pièce que M. [E] aurait mis fin à cette pratique le 30 juillet 2019 comme elle l’affirme dans ses écritures ;

Elle ne pouvait pour s’y soustraire considérer de sa propre autorité que ces informations étaient inutiles pour son employeur, cette appréciation relevant du pouvoir de direction de ce dernier ;

Elle ne peut pas davantage pour se soustraire des appels hebdomadaires avec Mme [D], responsable du magasin NAF NAF d’Evreux, considérer qu’elle n’a aucun lien de subordination avec cette dernière, ce qui importe peu puisque son employeur lui donnait instruction de communiquer avec elle, ni considérer pour le même motif qu’elle contreviendrait à son obligation de discrétion figurant dans son contrat de travail.

Ce grief est donc établi ;

Sur l’agression verbale du 18 octobre 2019 envers la responsable du magasin d'[Localité 5] 

La salariée conteste les propos reprochés, indiquant que suite aux appels « autoritaires » de Mme [D] y compris sur son portable personnel et en dehors des heures de travail, elle a rappelé ce jour-là Mme [D] pour lui demander de cesser ces appels ;

L’employeur produit aux débats deux attestations de , M. [S] et Mme [I] qui indiquent avoir été présents ce jour là, lorsque Mme [R] a appelé Mme [D], précisant que cette dernière quelques instants après la prise de communication a mis le haut parleur pour que ses collègues puissent entendre la conversation, et attestent tous deux des propos véhéments et menaçants de la responsable du magasin d'[Localité 4], soit « arrêter de m’appeler, je refuse de vous donner les chiffres, ce n’est que le début vous allez en baver » ;

Si Mme [I], au vu des messages échangés via le réseau Facebook avec M. [E] et Mme [D] entretient des liens amicaux avec ces derniers, ce n’est pas le cas en revanche pour M. [S].

Cependant le caractère probant de son témoignage est remis en cause par l’attestation produite par la salariée de Mme [J] cliente qui indique avoir été présente ce jour là et que « Mme [R] n’a pas crié sur la responsable d'[Localité 5], n’a pas été insultante ou menaçante mais lui a demandé de cesser d’appeler pour les chiffres » ;

Un doute existe ainsi sur la réalité des propos qui sont reprochés à la salariée, ce grief ne sera donc pas retenu ;

Non respect du planning de fonctionnement établi avec la directrice régionale de notre franchiseur

Selon le compte rendu de la réunion du 23 mai 2019, un planning de fonctionnement a été établi avec Mme [R], « à respecter stricto sensu afin d’assurer une présence terrain plus efficace ». Ce planning prévoyait la fermeture du magasin le lundi et fixait les horaires de chacune des trois salariés, soit pour Mme [R], sur la base de 35 heures par semaine : le mardi de 9h30 à 19h (8.50 heures pause d’une heure déduite), le mercredi de 13h à 19h (6 heures), le jeudi de 9h30 à 17h (6.5 heures pause d’une heure déduite), le vendredi de 13h à 19H (5 heures pause d’une heure déduite) et le samedi de 9h30 à 19h30 (9 heures pause d’une heure déduite) ;

Au vu de la date de la réunion, jeudi 23 mai 2019, les plannings à prendre en compte sont ceux postérieurs à celle-ci, aucune date d’entrée en vigueur de ce nouveau planning n’ayant été fixée par l’employeur, ces nouvelles dispositions ne pouvaient s’appliquer que la semaine suivante soit au plus tôt la semaine du 3 juin 2019 ;

La lettre de licenciement reproche à la salariée de fixer des horaires en dehors des horaires d’ouverture du magasin, par exemple de débuter la journée à 7h alors que le magasin ouvre à 10h.

Au vu des plannings produits aux débats, Mme [R] commençait effectivement à 7h le mercredi 19 juin (7h-19h), le mardi 20 août (7h-19h), le mardi 24 septembre (7h19h), le mardi1er octobre, le mardi 8 octobre (7h-19h), le mardi 15 octobre (7h-19h30) et le mardi 22 octobre 2019 (7h-19h) ;

La salariée fait valoir que les plannings devaient être modifiés pour s’adapter aux impératifs du magasin (actions commerciales et période de soldes) et au turnover des salariés, également que certaines tâches devaient être effectuées (ménage et caisse pendant que le magasin était fermé).

Elle indique en outre que les fiches de pointage de mai à aout 2019 sont prescrites ;

En l’occurrence, il convient au préalable de relever que si un fait fautif ne peut plus donner lieu « à lui seul » à une sanction au-delà du délai de deux mois, l’employeur peut invoquer une faute prescrite lorsqu’un nouveau fait fautif est constaté, à condition toutefois que les deux fautes procèdent d’un comportement identique. Aucune prescription ne peut donc être retenue, les faits reprochés à la salariée, -l’établissement de plannings ne respectant les prescriptions de l’employeur, et fiches de pointage révélant le non-respect des plannings- s’analysant en la poursuite d’un même comportement fautif ;

Le compte rendu de la réunion du 23 mai 2019 prévoie en effet la possibilité d’intégrer des heures le mardi en fin de journée et mercredi matinée lors des mises en place d’opérations commerciales avec swiftage, et une réalisation des plannings des deux premières semaines de soldes avec [T]. D’ailleurs il est constant que le magasin a été ouvert à nouveau le lundi après-midi pendant la période des soldes d’été, ce qui démontre que le planning pouvait être modifié, l’employeur en étant parfaitement informé ;

La salariée justifie, outre la période des soldes d’été (26 juin au 6 août 2019), des promotions du 20 au 26 août 2019, et du 24 septembre au 1er octobre 2019, et du 2 au 7 octobre 2019. Si comme l’indique l’employeur, et le rappelle le compte rendu du 23 mai 2019, le « merchendising » ne se fait pas magasin fermé mais « au fil de l’eau avec une bonne préparation du plan de masse et organisationnel magasin », le compte rendu apporte lui-même une exception en cas d’opérations commerciales spécifiques ;

Par ailleurs, il résulte des instructions de l’employeur (lettre adressée à la salariée le 7 mai 2019 que « l’ensemble des tâches, hors ménage et caisse, doivent être réalisées en magasin ouverts, soit de 10h à 19h du mardi au samedi, et de 14à19h (à la date de cette note, le magasin était ouvert le lundi).

Dès lors, la salariée devait nécessairement effectuer ces tâches en dehors de ces horaires ;

De même, aucun élément ne permet d’établir que les deux autres vendeuses concernées par la modification des plannings en aient subi un préjudice, le seul témoignage sur ce point de Mme [C] [V] (vendeuse dans le magasin entre février et mai 2019) qui indique que Mme [R] établissait les horaires dans son seul intérêt, n’est pas probant, cette salariée ayant quitté le magasin lors de la mise en place des plannings reprochés ;

Enfin, l’analyse des plannings permet de constater que ces modifications horaires ne conduisaient pas à réduire l’ouverture et la fermeture du magasin au public ;

Au vu de ces éléments, ce grief n’a pas de caractère fautif ;

Non-respect des horaires fixés sur les plannings et non-respect de l’obligation de pointage

La comparaison des plannings avec les fiches de pointage dont chacune est signée par la salariée démontre que celle-ci, à de très nombreuses reprises, n’a pas respecté les horaires qu’elle s’est elle-même fixés dans ses plannings.

Comme il l’a été précédemment relevé, aucune prescription ne peut être invoquée s’agissant de la poursuite d’un même comportement fautif ;

Ainsi, le 19 juin 2019, alors que son planning indiquait des horaires de 7h à19h, elle est, selon la fiche de pointage, arrivée à 8h30 jusqu’à 13h12, puis de 14h02 à 19h ;

Le 1er juillet 2019, alors que son planning indiquait des horaires de 9h30 à 19h, elle est, selon la fiche de pointage, arrivée à 9h50 pour repartir à 17h23, le 3juillet 2019, alors que son planning indiquait des horaires de 9h30 à 19h, elle est, selon la fiche de pointage, arrivée à 9h18 jusqu’à 12h03 puis de 13h34 à 14h24, puis de 15h02 à 19h13, le 16 juillet 2019, alors que son planning indiquait des horaires de 8h à 19h30, elle est, selon la fiche de pointage, arrivée à 9h24 jusque 13h06 puis de 13h57 à 17h34 ;

Il en est de même pour le mois de septembre 2019, notamment le 17 septembre 2019, alors que son planning indiquait des horaires de 8H30 à 19h, elle est, selon la fiche de pointage, arrivée à 14h05 et est repartie à 19h, le 16 septembre 2019, alors que son planning indiquait des horaires de 13h à 20h30, elle est, selon la fiche de pointage, arrivée à 11h01 jusqu’à 12h34 puis de 13h50 à 19h52, le 26 septembre 2019, alors que son planning indiquait des horaires de 9h30 à 14h, elle est , selon la fiche de pointage, arrivée à 14h et repartie à 17h ;

Concernant le mois d’octobre 2019, le 8 octobre, le planning mentionne des horaires de 7h à 19h, avec une pause de 14h à 15h, alors que les relevés de pointage mentionnent une arrivée à 8h14, une pause de 13h08 jusqu’à 14h 30 puis un départ à 19h14 ; le 15 octobre 2019 : le planning mentionne des horaires de 7h à 19h30, avec une pause de 13h à 14h, alors que les relevés de pointage mentionnent une arrivée à 8h01, une pause de 13h14 jusqu’à 14h 14 puis un départ à 19h16 ; le mardi 22 octobre 2019 : le planning prévoit un horaire de 7 h à 19h avec une pause de 13hà14H, et les fiches de pointage mentionnent une arrivée à 7h59 jusqu’à 14h01 et une reprise à 15H10 jusqu’à 19h03 ;

Il résulte de l’ensemble de ces éléments un non-respect des horaires fixés par les plannings que la salariée a elle-même élaboré. Elle ne conteste pas utilement ces faits. En effet, si la mise en place des soldes, des offres promotionnelles ou des tâches à effectuer hors ouverture du magasin, peuvent justifier la modification ponctuelle du planning souhaité par le franchiseur et l’employeur, ces mêmes éléments ne peuvent toutefois justifier, sauf circonstance précise et exceptionnelle non alléguée et à fortiori démontrée, le non respect des horaires de ces mêmes plannings ;

A ce titre, concernant le non respect de l’horaire de pause fixé pour la journée du 22 octobre, prévue sur le planning entre 13h et 14h et que la salariée a prise entre 14h et 15h, celle-ci indique sans être utilement contredite qu’elle a décalé sa pause compte tenu d’une affluence de clientèles et du fait que seulement trois cabines d’essayage sur quatre étaient utilisables ;

A l’exception de la modification de l’horaire de pause, le grief est donc établi ;

La lettre de licenciement reproche également à la salariée de ne pas respecter son obligation de pointage et vise la journée du 4 octobre 2019 pour laquelle la fiche de pointage mentionne une arrivée à 9h et un départ à 18h41. La salariée reconnaît qu’elle n’a pas pris de pause déjeuner en raison d’une affluence clientèle liée aux offres promotionnelles et du fait qu’elles n’étaient que deux au magasin. Le planning mentionne effectivement qu’elles étaient deux au lieu de trois et il a été relevé ci-avant une période promotionnelle jusqu’au 7 octobre 2019. Par ailleurs l’employeur n’établit que la salariée aurait en réalité pris une pause qu’elle n’a pas mentionné : Ce grief ne peut être retenu ;

La lettre vise également le non-respect de la durée hebdomadaire de 35h heures pour la semaine du 23 au 28 septembre 2019 et pour celle du 16 au 21 septembre 2019. Au vu des plannings établis, la premier correspond à une durée de 32h30, et le second une durée de 35h30. Il en résulte que l’établissement de certains plannings a été fait sans respecter la durée hebdomadaire de 35h, correspondant à la durée prévue par le contrat de travail et rappelée lors de la mise en place du planning le 23 mai 2019 ;

Ce grief est donc établi ;

Absence de demande d’autorisation pour les congés

La lettre de licenciement vise le non-respect de la procédure de congés sans indiquer concrètement la date et les congés concernés ;

L’employeur ne le fait pas davantage dans ses écritures, et n’indique pas à la cour les modalités de prise de congés payés applicable dans l’entreprise, alors même que la salariée soutient l’avoir informé.

Les bulletins de salaire de 2019 mentionnent des congés payés en août et juin, ce qui implique que l’employeur était informé, des jours de congés payés sont également notés en juin juillet et août 2018 ;

Ce grief n’est donc pas établi ;

Difficultés relationnelles avec les autres salariés du magasin et gestion désastreuse du magasin générant une mauvaise ambiance et altérant les conditions de travail 

L’employeur produit aux débats un courrier du 20 mai 2019 de Mme [C] [V] (vendeuse dans le magasin entre février et mai 2019) et qui fait état que les plannings étaient donnés trop tard, les horaires destinés à satisfaire avant tout Mme [R], que celle-ci s’absentait régulièrement sans dire où elle allait, qu’elle ne respectait pas les horaires du planning, qu’elle ne gérait pas correctement le magasin (articles défectueux en réserve, avoir enregistré par erreur), également qu’elle ouvrait les enveloppes contenant les bulletins de salaire ;

Il est également produit un lettre manuscrite intitulée « attestation de témoignage » de Mme [G] qui indique avoir travaillé avec Mme [R] de juin à décembre 2016 et qui indique que cette dernière n’était pas présente aux horaires mentionnés sur les plannings, prenait de longues pauses. Elle précise avoir été témoin d’une dispute entre Mme [R] et une autre salariée, relative aux mercredis que toutes deux devaient prendre chacune leur tour et que la salariée qui n’avait jamais son mercredi s’est mise à pleurer ;

Le témoignage de Mme [G] vise des faits anciens de 2016, et les critiques formées par celui de Mme [C] est remis en cause par les attestations produites par la salariée d’autres vendeuses ayant travaillé avec elle. Ainsi, Mme [X] (août 2017 à juillet 2018 ), Mme [K], Mme [N] (octobre 2018 à janvier 2019), Mme [Z] (2017 et 2918), Mme [A] (août 2016) attestent toutes que Mme [R] exerçait ses fonctions de responsable, étaient respectueuse et aidante, n’hésitant pas à revenir pour les aider et les former ;

Ce grief n’est donc pas suffisamment établi, y compris au vu de ces dernières attestations, le reproche d’être responsable d’un turn over au sein du magasin d'[Localité 4] ;

Attitude anti-commerciale qui rend la clientèle insatisfaite et participe au mauvais chiffre d’affaire 

L’employeur ne produit aucun élément ou pièce susceptible d’étayer ce grief, ne l’évoquant même pas dans ses écritures.Au demeurant, la salarié produit aux débats plusieurs attestations de clientes Mes [B], [P], [H], [M], [O], [Y] faisant état de son professionnalisme, son bon conseil et son amabilité ;

Ce grief ne sera pas retenu ;

En conséquence, sont retenus les griefs fondés sur le refus de réaliser les comptes rendus quotidiens et hebdomadaires, sur le non-respect des horaires fixés sur les plannings et le non-respect de la durée hebdomadaire de 35 heures ;

Si ces fautes caractérisent une insubordination et au vu de leur caractère répérée une cause réelle et sérieuse de licenciement, il convient cependant de relever que pour le premier grief, aucun rappel de l’employeur de transmettre les rapports d’activité n’est justifié, la notification du compte rendu de la réunion le 1er juillet 2019 ne contient aucune interpellation de la salariée à ce titre pour remedier à des manquements antérieurs, que pour les autres griefs, il n’est résulté aucune incidence sur la relation de travail des autres salariées, et sur le respect de l’ouverture du magasin au public. Concernant l’incidence sur le chiffre d’affaires, si la faiblesse du chiffre d’affaires par rapport à d’autres magasins avait motivé la tenue de la réunion du 23 mai 2019, force est toutefois de constater que l’employeur ne produit aucun élément de nature à établir une telle incidence, puisque la seule pièce produite, un tableau comparatif sur 2018 et 2019 démontre au contraire que le chiffre d’affaire a presque doublé en 2019 (124 631 en 2018 et 256 178 € en 2019) ;

En considération de ces éléments, il convient de considérer que ces griefs n’ont pas en l’espèce un caractère de gravité suffisant pour justifier une rupture immédiate du contrat de travail. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu’il a estimé que les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont constitutifs, non d’une faute grave, mais une simple cause réelle et sérieuse de rupture ;

La salariée peut par conséquent prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de préavis, augmentée des congés payés afférents, ainsi qu’à une indemnité légale (ou conventionnelle) de licenciement. Les sommes allouées à ce titre par les premiers juges, non contestées dans leur quantum y compris subsidiairement, seront confirmées ;

Elle sera en revanche par confirmation du jugement déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

II – Sur le harcèlement moral

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Selon l’article L.1154-1 du même code, le salarié a la charge a la charge de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que les faits qui lui sont imputés ne sont pas constitutifs de harcèlement et qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

La salariée fait valoir les appels téléphoniques chaque jour de Mme [D] gérante du magasin Naf Naf d’Evreux et épouse de M. [E] gérant de la société ALTAM pour connaître le chiffre d’affaires, en toute connaissance de cause de ce dernier ;

L’employeur rappelle que cette demande émane du franchiseur et que Mme [D] ne faisait que respecter les instructions données ;

La salariée invoque les faits suivants :

– des appels téléphoniques journaliers de Mme [D] pour connaître le chiffre d’affaires du magasin NAF NAF d’Alençon dès le mois de septembre 2018 ;

Elle produit aux débats une attestation de Mme [Z], vendeuse, indiquant que dès le 8 septembre 2018, Mme [D] appelle tous les soirs sur le téléphone personnel de Mme [R] pour qu’elle lui communique le chiffre d’affaires, et des extraits de son relevé d’appel de son téléphone portable démontrant des appels d’une dénommée « [L] » les 13, 15, 19, 21, 22 septembre 2018, ainsi que le 25 et 26 septembre 2018. Il est également produit des photos d’écran de son téléphone portable montrant pour le 27 juin un appel de « [L] », pour le 18, 22, 26 et 27 juin, un appel « d'[Localité 5] » ;

La mère de Mme [R] atteste d’appels incessants de Mme [D] à compter du 8 septembre 2018 sur le téléphone personnel de sa fille, qu’elle pouvait constater car sa fille venait régulièrement diner le soir et récupérer son fils ;

Les justificatifs d’appels produits concernent quelques jours en septembre 2018, et en juin (dont on suppose qu’il s’agit de l’année 2019 ) sont insuffisants pour déterminer leur répétition et leur horaire tardif, les appels de juin ont été passés entre 17h30 et 19h, ce qui affaiblit le témoignage de la mère de la salariée, étant relevé en outre que ceux de juin sont postérieurs à la réunion du 23 mai 2019 mettant en place ces appels. Par ailleurs le fait que les appels aient pu être passés sur le téléphone portable personnel de la salariée n’est pas en soi suffisant, celle-ci, communiquant fréquemment avec son employeur avec son téléphone portable personnel (la salariée transmettait ainsi à son emploi entre septembre 2018 et janvier 2019 les chiffres du magasin par SMS de son portable personnel) ;

Ce fait n’est pas établi ;

– visite de Mme [D] le 27 septembre 2018 dans le magasin d'[Localité 4] durant laquelle elle s’est adressée à Mme [R] de manière agressive et dévalorisante et a modifié le « merchendising » de la boutique ;

Mme [M], cliente et commerçante, atteste que ce jour là, elle était présente dans la boutique et que Mme [D] « a fait irruption dans la boutique » et « s’est littéralement acharnée sur Mme [R] ». Ce témoignage n’est pas suffisamment circonstancié pour caractériser une attitude agressive et dévalorisante. Les photographies produites qui sont selon la salariée celles de la boutique après les modifications de Mme [D] au mépris des consignes du franchiseur ne sont pas davantage de nature à étayer l’attitude reprochée, d’autant qu’aucun élément ne permet justement d’établir que les modifications faites l’ont été au mépris des consignes ;

Ce fait n’est pas établi ;

– fausses accusations par le courrier du 20 mai 2019 de Mme [C] ancienne vendeuse ;

La salariée indique que ce courrier contient de fausses accusations concernant le pull qui est dans la réserve du magasin ;

Dans le courrier du 20 mai 2019, Mme [C] mentionne effectivement des articles figurant dans une armoire derrière la caisse dont « certains sont là depuis plus de deux mois », et annexe à sa lettre une photographie d’un pull ;

Pour établir que ce pull avait en réalité été « réservé » par Mme [D] début décembre 2018, la salariée produit un sms adressé à son employeur indiquant « nous avons toujours le pull que [L] a mis de côté pour une cliente ‘ Comptez-vous venir le chercher bientôt ‘

L’employeur ne répond pas sur ce fait ;

Il convient d’en déduire que ce pull était bien destiné à Mme [D],et que la mise en cause de Mme [R] sur ce point par Mme [C] est ainsi erronée ;

Ce fait est donc établi ;

– insulte de Mme [D] le 18 juin 2019 ;

Pour établir que Mme [D] l’a traitée d’idiote et lui a dit « qu’elle mourait idiote », Mme [R] produit aux débats un sms qu’elle a envoyé à un destinataire qu’elle n’identifie pas et dans lequel elle dit « je me suis fait traiter d’idiote par [L] ». Cet élément est insuffisamment probant et la salariée n’établit pas comme elle l’affirme dans ses écritures que ce fait aurait été reconnu par M. [E] ;

Ce fait n’est pas établi ;

– l’appel téléphonique du 18 octobre 2019 ;

La salariée estime que Mme [D] a mis en scène cet appel en activant le haut parleur devant ses amis afin de constituer une preuve contre elle pour son licenciement ;

Mais ainsi qu’il a été précédemment exposé, c’est Mme [R] qui a pris l’initiative d’appeler Mme [D] ce jour là. Par ailleurs, le fait que cette dernière ait activé le haut parleur pour que l’appel soit entendu, compte tenu selon elle du ton et des propos tenus, n’est en soi de nature à caractériser une man’uvre ou mise en scène ;

Ce fait n’est donc pas établi ;

La salariée justifie des éléments médicaux suivants : un certificat médical de son médecin traitant du 24 octobre 2019 qui a constaté un syndrome dépressif caractérisé avec une angoisse importante suite selon Mme [R] à une agression verbale du même jour, et a prescrit un arrêt de travail renouvelé jusqu’au 19 février 2022 et un traitement médicamenteux. Elle justifie également avoir consulté un psychiatre le 23 novembre 2011 et bénéficier d’une prise en charge pour une affection longue durée ;

En l’occurrence, seul est établie la fausse accusation de Mme [C] dans son courrier du 20 mai 2019. Toutefois, en dépit des éléments médicaux rappelés, ce fait n’est pas de nature à faire présumer un harcèlement moral, alors même qu’il n’est pas prouvé que Mme [R] ait eu connaissance de la lettre du 20 mai 2019 adressée par Mme [C] à l’employeur, avant la présente procédure. Il convient en conséquence de la débouter, par confirmation du jugement, de sa demande indemnitaire pour harcèlement moral ;

III – Sur les heures supplémentaires

En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant ;

Il convient au préalable d’observer que contrairement à ce que soutient la salariée, l’employeur a bien fait appel incident sur la disposition du jugement ayant fait droit à sa demande de rappel de salaire pour les heures supplémentaires ;

La salariée produit un décompte (pièce n°73) dans lequel elle note pour certaines semaines des heures en plus et des heures en moins ;

Ainsi, après avoir relevé que « fin mai le magasin me devait 7h », elle note : semaine 22 : + 2H30 Ascension

Semaine 23 congés payés

Semaine 24 congés payés

Semaine 25 : – 5h,

semaine 26 : + 5h30.

Elle en déduit: à fin juin « le mag devait + 10h ».

Elle conclut après avoir fait une analyse similaire pour les mois de juillet, août, septembre et octobre 2019 qu’elle a fait 12h30 d’heures supplémentaires, déduction faite des 8 heures supplémentaires payées en juillet 2019 ;

L’employeur qui ne forme aucune observation sur ce décompte, indique que la salariée n’avait aucune instruction pour réaliser des heures supplémentaires, qu’elle réalisait des horaires fantaisistes et surestimait ses heures, qu’il a au demeurant réglé toutes les heures qu’elle a indiqué avoir accompli en remplissant des feuilles d’heures qui servaient au paiement des heures supplémentaires ;

Au vu de ce qui précède, il a été considéré que certaines tâches devaient être accomplies par la salariée en dehors des heures d’ouverture du magasin, que le fait qu’elle ait accompli d’autres horaires que ceux prévus à ces plannings n’impliquent pas qu’elle n’ait pas exécuté un temps de travail effectif durant ces horaires, l’employeur ne produisant aucun élément susceptible de l’établir.

Par ailleurs, l’employeur ne produit pas aux débats les feuilles d’heures renseignées par la salariée, ne permettant pas à la cour de les comparer au décompte produit, mais produit en revanche un courriel du 25 octobre 2019 de son service comptable aux termes duquel, ce dernier indique, après « avoir calculé les heures supplémentaires pour [T] », « en 2019 23 heures à fin octobre » ;

Or, l’employeur ne justifie pas avoir réglé la totalité de ces heures puisqu’au vu des bulletins de salaire, seule une partie de ces heures supplémentaires ont été réglées en mai et juillet 2019 ;

Il convient en conséquence de faire droit, par confirmation du jugement, à la demande de la salariée ;

IV – Sur les primes de résultat et d’inventaire

La salariée fait valoir que ces primes étaient versées en fonction des objectifs atteints, que l’employeur ne justifie pas des objectifs réalisés permettant de calculer la prime de résultats, qu’il ne justifie pas notamment des mauvais résultats invoqués alors qu’une partie de la prime a déjà été versée en 2019 ;

L’employeur estime que la salariée ne rapporte pas la preuve de ses demandes, que la prime de résultat de 2017 ne peut être maintenue alors que les résultats du magasin d'[Localité 4] étaient mauvais en 2018 et 2019. Il estime par ailleurs qu’aucun élément n’est fourni sur le versement d’une prime d’inventaire ;

En l’espèce, le contrat de travail prévoit le versement d’une prime d’objectif mensuelle « calculée sur le chiffre d’affaires réalisé. Pourcentage du chiffre magasin = points + pourcentage chaîne = points. Le total des points étant multiplié par la valeur du point soit : 0.35 € = montant multiplié par le nombre d’heures effectuées et divisé par 151.67 » ;

Cette prime figurait sur les bulletins de salaire sous le vocable « prime sur objectifs ou prime de résultat  » ;

Au vu du tableau produit par la salariée et non utilement contredit, celle-ci a perçu des primes d’objectifs de 5896.92 € en 2017, 2841.44 € en 2018 et de 856.47 € en 2019 ;

L’employeur ne justifie pas avoir informé la salariée des modalités de calcul de la prime d’objectifs pour 2019, alors qu’elle repose sur le chiffre d’affaires réalisé par le magasin dont lui seul connaît le montant. Il ne justifie pas davantage dans ses écritures les modalités de calcul de la prime versée en 2019. Il se contente de produire un tableau mentionnant les chiffres d’affaires de l’ensemble des magasins NAF NAF pour 2018 et 2019, en indiquant que les résultats du magasin d'[Localité 4] étaient mauvais ;

Toutefois, il importe peu pour déterminer cette prime que le chiffre d’affaires ait été moins bon que celui d’un autre magasin de même enseigne, cette condition n’étant pas un critère pris en compte pour déterminer la prime d’objectif. En outre, ce tableau mentionne pour le magasin d'[Localité 4] un chiffre d’affaires de 124 631 € au 31 décembre 2018 et de 256 178 € au 31 décembre 2019, ce qui démontre que le chiffre d’affaires de 2019 a doublé ;

Dès lors, faute pour l’employeur de déterminer et justifier les modalités de calcul de la prime d’objectifs 2019 conformément au contrat de travail, il convient d’allouer à la salariée une prime pour 2019 calculée sur la moyenne de celle versée en 2017 et 2018, après déduction des sommes versées en 2019, soit une somme de 3512.71 € (4369.18 € – 856.47 € ) ;

En ce qui concerne la prime d’inventaire, celle-ci n’est pas prévue au contrat de travail, les bulletins de salaire produits démontrent que la salariée a perçu, à ce titre, une somme de 450 € en novembre 2017 et de 300 € en septembre 2018.Toutefois la salariée ne produit aucun élément justifiant les conditions d’octroi et les modalités de calcul de cette prime d’inventaire. Elle sera par confirmation du jugement déboutée de sa demande ;

Il convient en conséquence, par infirmation du jugement, de condamner la société ALTAM à lui payer une somme de 3512.71 € au titre de la prime d’objectifs (prime de résultats) 2019 ;

V – Sur les autres demandes

La remise de l’attestation Pôle Emploi sera confirmée sauf en ce qu’elle a été assortie d’une astreinte en l’absence d’allégation de circonstances le justifiant ;

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront confirmées.

En cause d’appel, la société ALTAM sera condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. En équité, elle réglera, sur ce même fondement, une somme de 1200 € à Mme [R] ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement rendu le 24 mars 2021 par le conseil de prud’hommes d’Alençon sauf en ce qu’il a débouté Mme [R] de sa demande de rappel de prime d’objectifs et en ce qu’il a assorti d’une astreinte la condamnation de la société ALTAM à remettre à Mme [R] une attestation Pôle Emploi conforme au jugement ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant ;

Condamne la société ALTAM à payer à Mme [R] la somme de 3512.71 € au titre de la prime d’objectifs (prime de résultats) 2019, avec intérêt au taux légal à compter du 8 janvier 2020, date de  l’avis de réception de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes ;

Dit n’y avoir lieu à assortir d’une astreinte la condamnation de la société ALTAM à remettre à Mme [R] une attestation Pôle Emploi conforme au jugement ;

Condamne la société ALTAM à payer à Mme [R] la somme de 1200 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

La déboute de sa demande aux mêmes fins ;

Condamne la société ALTAM aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. ALAIN L. DELAHAYE

 


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