Merchandising : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00496

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Merchandising : 13 septembre 2022 Cour d’appel de Metz RG n° 21/00496
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Arrêt n°22/00578

13 septembre 2022

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N° RG 21/00496 –

N° Portalis DBVS-V-B7F-FOBM

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Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de METZ

12 février 2021

F 19/00813

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Treize septembre deux mille vingt deux

APPELANT :

M. [S] [K]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Stéphane FARAVARI, avocat au barreau de METZ, avocat postulant et par Me Manuel KELLER, avocat au barreau de SARREGUEMINES, avocat plaidant

INTIMÉE :

S.A. LEROY MERLIN FRANCE prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Bénédicte CHAIRAY, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Anne-Marie WOLF, Présidente de Chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

Mme Laëtitia WELTER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Hélène BAJEUX, Greffier

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne FABERT, Conseillère, substituant la Présidente de Chambre régulièrement empêchée et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

M. [S] [K] a été embauché par la SA Leroy Merlin, selon contrat à durée indéterminée, à compter du 2 janvier 2006, en qualité de chef de commerce.

Par courrier du 14 janvier 2019, M. [K] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé le 28 janvier 2019.

M. [K] a été licencié pour cause réelle et sérieuse le 15 février 2019.

Par acte introductif enregistré au greffe le 16 décembre 2019, M. [K] a saisi le Conseil de prud’hommes de Forbach aux fins de :

– Dire et juger que son licenciement est nul en raison de la violation du statut protecteur;

– Condamner la SA Leroy Merlin à lui verser la somme de 17 228,00 euros nets au titre du préjudice subi en raison de la violation du statut protecteur ;

– Condamner la SA Leroy Merlin à lui verser la somme de 39 624,00 euros nets au titre de la nullité du licenciement ;

A titre subsidiaire,

– Dire et juger que le licenciement dont il a fait l’objet le 16 février 2019 est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Par conséquent,

– Condamner la SA Leroy Merlin à lui verser la somme de 39 624,00 euros nets à titre de dommages et intérêts ;

En tout état de cause,

– La condamner au remboursement à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées pendant les six mois qui ont suivi son licenciement ;

– La condamner à lui verser la somme de 3 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– La condamner aux entiers frais et dépens de la procédure ;

– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par jugement du 12 février 2021, le Conseil de prud’hommes de Metz, section encadrement, a statué ainsi qu’il suit :

– Confirme le licenciement de M. [K] pour cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

– Déboute M. [K] de l’ensemble de ses demandes y compris celle formée au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Déboute la SA Leroy Merlin de sa demande de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile;

– Condamne M. [K] aux éventuels frais et dépens de l’instance.

Par déclaration formée par voie électronique le 26 février 2021 et enregistrée au greffe le jour même, M. [K] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Par ses dernières conclusions datées du 14 octobre 2021, M. [K] demande à la Cour de :

– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Statuant à nouveau, à titre principal,

– Dire et juger que son licenciement est nul en raison de la violation du statut protecteur,

– Condamner l’intimée à lui verser la somme de 17.228 euros nets au titre du préjudice subi en raison de la violation du statut protecteur,

– Condamner la société Leroy Merlin à lui verser la somme de 39.624 euros nets au titre de la nullité du licenciement.

A titre subsidiaire,

– Dire et juger que le licenciement dont il a fait l’objet le 16 février 2019 est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par conséquent,

– Condamner la société Leroy Merlin à lui verser la somme de 39.624 euros nets à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause,

– Rejeter l’appel incident de la société Leroy Merlin, le dire mal fondé.

– Condamner la société Leroy Merlin au remboursement à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées pendant les six mois qui ont suivi son licenciement.

– Condamner la société Leroy Merlin à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– Condamner la société Leroy Merlin aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel.

Par ses dernières conclusions, la SA Leroy Merlin demande à la Cour de :

– Confirmer le jugement entrepris dans son intégralité sauf en ce qu’il l’a déboutée de sa demande formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

En conséquence,

– SUR LA NULLITE –

– Constater que M. [K] ne bénéficie pas du statut protecteur

– Dire et juger que le licenciement de M. [K] est régulier

En conséquence,

– Débouter M. [K] de sa demande d’indemnité au titre de la violation du statut protecteur

– Débouter M. [K] de sa demande d’indemnité au titre de la nullité du licenciement

– SUR LA CAUSE REELLE ET SERIEUSE –

– Dire et juger que le licenciement de M. [K] repose sur une cause réelle et sérieuse

En conséquence,

– Débouter M. [K] de sa demande indemnitaire de ce chef

– SUR LES AUTRES DEMANDES –

– Débouter M. [K] de sa demande de 3 000 euros formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

Statuant à nouveau,

– Débouter M. [K] de sa demande de 5 000 euros formulée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile

– Condamner M. [K] au paiement des sommes de :

* 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile (au titre des frais de première instance) ;

* 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile (au titre des frais d’appel).

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2022.

Il convient en application de l’article 455 du Code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la nullité du licenciement

M. [K] fait valoir qu’il a demandé au délégué syndical CFTC du magasin Leroy Merlin Metz Technopole d’ajouter sa candidature sur la liste des candidats aux élections professionnelles et qu’il en a informé de nombreux collègues de sorte qu’il affirme que la direction ne pouvait ignorer sa volonté de se présenter comme candidat aux élections professionnelles.

M. [K] ajoute que sa mise à pied avait pour objectif de l’empêcher de bénéficier de la protection des candidats aux élections professionnelles.

M. [K] soutient qu’il bénéficiait du statut de salarié protégé au moment où il a été convoqué à l’entretien préalable à son licenciement mais que l’employeur n’a pas sollicité l’inspection du travail afin d’obtenir l’autorisation préalable à son licenciement.

Il sollicite donc la nullité de son licenciement en raison de la violation du statut protecteur.

La SA Leroy Merlin réplique qu’elle ne savait pas que le salarié serait candidat aux élections professionnelles.

Aux termes de l’article L.2411-7 du code du travail dans sa version applicable au litige, l’autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l’envoi par lettre recommandée de la candidature à l’employeur.

Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l’employeur la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique a été reçue par l’employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l’entretien préalable au licenciement.

En l’espèce, un protocole d’accord préélectoral a été signé le 12 octobre 2018 au sein de la SA Leroy Merlin. Le 1er tour des élections professionnelles du comité économique et social était programmé le 14 mars 2019 et la date limite de dépôt des candidatures était fixée au 21 février 2019.

La cour relève que M. [K] ne faisait pas partie de la liste des candidats aux élections professionnelles des membres du comité social et économique de la SA Leroy Merlin qui a été envoyée par le syndicat CFTC le 4 février 2019, si bien que l’employeur ne pouvait pas être au courant d’une quelconque candidature du salarié.

M. [K] soutient que sa volonté de se porter candidat aux élections professionnelles était connue par l’employeur, au moins depuis le 4 janvier 2019, et produit à l’appui de ses prétentions le courriel qu’il a envoyé le 4 janvier 2019 à M. [P] [E], délégué syndical central et représentant CFTC, dans lequel il indique « je souhaite me porter candidat aux prochaines élections professionnelles de mi mars 2019 » et demande des informations quant au protocole de candidature.

Or, la preuve que l’employeur a eu connaissance de l’imminence de la candidature du salarié n’est pas rapportée dès lors qu’aucun élément ne permet d’affirmer que la SA Leroy Merlin avait connaissance du courriel précité, transmis seulement au délégué syndical CFTC, avant la convocation à l’entretien préalable au licenciement ni que M.[K] aurait fait part de son intention d’être candidat aux élections professionnelles à son employeur ou aux membres du comité de direction.

Les premiers juges ont d’ailleurs souligné à juste titre que M. [A] [U], délégué syndical central CFTC, qui a accompagné M. [K] lors de son entretien préalable au licenciement, n’a jamais évoqué ni au cours de l’entretien, ni dans son compte rendu, ni à l’occasion de la rupture que le salarié souhaitait présenter sa candidature.

Enfin, l’appelant ne peut valablement prétendre qu’il n’a pas pu présenter sa candidature aux élections professionnelles du fait de sa mise à pied à titre conservatoire alors que la suspension de son contrat de travail n’était pas un obstacle à une telle candidature et qu’il n’est pas démontré que le syndicat CTFC l’aurait refusée compte tenu de la procédure disciplinaire.

M. [K] ne pouvant prétendre à la protection afférente aux candidats aux élections professionnelles qu’il invoque, il doit être débouté de sa demande tendant à la nullité de son licenciement et de ses demandes financières subséquentes.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a statué en ce sens sur ces points.

Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse

La lettre de licenciement en date du 15 février 2019, qui fixe les termes du litige, est rédigée comme suit :

« Nous avons à déplorer de votre part une dégradation manifeste de votre comportement, qui oscille entre laxisme et désinvolture, et qui s’inscrit dans une dégradation générale de votre travail en qualité de chef de secteur.

Ainsi, nous avons tout d’abord à vous reprocher votre refus d’appliquer les consignes qui vous ont été données concernant la mise en place du marché stratégique outillage, celui-ci s’étant exprimé avec un je-m’en-foutisme inadmissible au regard de vos fonctions.

Bien que cela ait constitué votre premier objectif fixé à votre EDP 2018, et bien que vous ayez été relancé à plusieurs reprises pour que vous réalisiez au 31 décembre au plus tard l’implantation physique de votre rayon conformément à votre objectif, vous avez sciemment refusé de suivre cette consigne, ce qui a engendré la non mise en application des éléments de merchandising prévus par l’entreprise et la dégradation puis la destruction de matériel commandé pour réaliser cette tâche. Ce qui engendre une perte sèche pour notre magasin.

Nous avons aussi à vous reprocher votre manque total de rigueur dans les taches qui étaient les vôtres ou les missions transverses que vous étiez sensé suivre.

Il en est ainsi de l’organisation de la planification à 4 semaines + 1 de vos équipes que vous avez consciemment négligée, alors que vous avez été régulièrement animé en CD sur ce sujet, comme vos homologues, et que vous avez été alerté sur la nécessité d’anticiper l’atterrissage de vos équipes à fin 2019.

Votre laxisme sur ce point a engendré non seulement une désorganisation du travail et un mécontentement de vos RR et des équipes de vente, du fait des iniquités sociales provoquées entre les uns et les autres (le dernier exemple flagrant concerne [V] [R] qui à son retour maladie fin décembre, s’est trouvé de fermeture plusieurs samedis de suite), mais aussi un surcoût de frais de personnel pour le magasin, puisque du fait de votre incapacité à établir et suivre votre planification, à fin 2019, vous étiez en écart à la fois sur les heures consommées par vos équipes (plus de 100 h pour les rayons 3/4/8) et sur les heures réalisées par vos équipes (30 heures de moins au minimum).

Même les DP nous ont récemment interpellés sur plusieurs questions en lien avec la planification de vos rayons, dans la mesure où vos positions mettent le magasin en infraction vis-à-vis de nos obligations sociales.

Il en est ainsi également au niveau de vos missions transverses, puisque vous avez là encore consciemment négligé le partenariat avec BLIDA, la mise en place de la Maker Faire pour laquelle vous étiez pourtant volontaire et pilote pour le magasin, l’animation transverse des RDV mensuels qui figurait aussi au titre des objectifs définis lors de votre EDP.

Nous avons enfin à vous reprocher la désinvolture que vous avez manifestée vis à vis de vos collègues, et ce, sur plusieurs points.

Ces derniers mois, vos dates de congés ou de repos ont systématiquement été posées sans vous soucier de l’adéquation de vos choix avec les absences déjà programmées de vos collègues, obligeant ces derniers à pallier à la désorganisation que cela entraîne.

L’utilisation de l’outil TACTIC avait déjà été l’occasion de divers échanges entre nous, car à plusieurs reprises, vous vous êtes refusé à l’utiliser correctement, pour mieux organiser à votre guise votre emploi du temps, en posant notamment vos congés en prévisionnel, et non en demande, empêchant ainsi de les valider, et mettant de fait tout le monde devant le fait accompli.

De même, ces dernières semaines, vous avez fait preuve sinon de mauvaise volonté, de propos discourtois vis à vis de vos collègues (cela a été le cas par exemple avec [C] [J] concernant le balisage de vos rayons, avec [L] [G] concernant le remboursement de vos frais de déplacement JDP, ou avec [B] [W] lors de la présentation Eval 2019).

Une telle dégradation de votre comportement est inadmissible et directement contraire tant aux valeurs de l’entreprise, qu’à l’exemplarité que vous êtes censé arborer vis-à-vis des équipes.

Nous avions pourtant déjà eu à vous alerter sur la dégradation de votre comportement en mars 2018, et vous aviez été mis à pied 2 jours pour cela.

Aussi, nous ne sommes pas en mesure de maintenir notre lien contractuel ».

La SA Leroy Merlin évoque le refus d’appliquer les consignes relatives à la mise en place du marché outillage, le manque de rigueur de M. [K] et la désinvolture à l’égard de ses collègues.

M. [K] conteste les faits qui lui sont reprochés, rappelle son professionnalisme et les résultats économiques relatifs aux trois rayons dont il avait la charge et estime que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

Sur la mise en place du marché stratégique outillage

La SA Leroy Merlin soutient que M. [K] n’a respecté aucune des consignes données pour la mise en place du marché outillage et n’a ainsi pas terminé cette mise en place avant la date butoir du 16 mars 2018, puis du 31 décembre 2018, malgré les différentes relances faites par son directeur de magasin sur le sujet.

M. [K] réplique que la version du merchandising mise à jour en septembre 2019 ne peut pas justifier les reproches faits alors qu’il a quitté l’entreprise le 18 mai 2019.

Le salarié assure que l’entretien de développement professionnel fixant les objectifs 2018 ne mentionnait aucun délai et que les travaux ont été terminés en mai 2018.

En l’espèce, en qualité de chef de secteur du rayon 03 – Outillage, M. [K] avait pour objectif pour l’année 2018 la « mise en place du marché stratégique outillage (physique + vente) » tel qu’il en résulte de son entretien de développement professionnel de l’année 2017.

Néanmoins, le compte rendu de l’entretien de développement professionnel ne prévoyait aucune date butoir et la seule pièce du dossier indiquant que la date prévisionnelle de fin des travaux était fixée à mars 2018 est la matrice de rentabilité du marché stratégique dont il ne ressort pas qu’elle a été établie par M. [K] ou qu’elle a été portée à sa connaissance si bien que la SA Leroy Merlin ne justifie pas que la date d’inauguration de la nouvelle implantation du marché outillage imposée au salarié était fixée au 16 mars 2018.

Dès lors, il n’est pas établi que M. [K] n’a pas respecté le délai imparti en commandant le 5 mai 2018 des planchers bruts nécessaires à la mise en place de la stratégie merchandising du rayon outillage conformément au guide de mise en place, peu important qu’il a été mis à jour en septembre 2019.

Par ailleurs, il n’est pas davantage démontré que le salarié n’a pas respecté les directives et n’a pas terminé la mise en place du marché avant la date du 31 décembre 2018, parce qu’il aurait fait preuve de « laxisme » ou de « je-m’en-foutisme », étant donné que les photographies du rayon outillage produites aux débats ne sont pas datées et qu’elles ne permettent pas à elles seules de déduire que l’objectif 2018 relatif à la mise en place du marché outillage n’a pas abouti avant la fin de l’année.

Enfin, la preuve que M. [K] aurait refusé d’appliquer les consignes ou qu’il aurait été désinvolte n’est pas non plus rapportée d’autant que l’employeur ne fournit pas d’élément s’agissant des « différentes relances faites par son directeur de magasin » que le salarié n’aurait pas respectées.

Le grief tiré du refus d’appliquer les consignes relatives à la mise en place du marché outillage ne sera pas retenu.

Sur la planification des équipes

La SA Leroy Merlin soutient que M. [K] n’a pas respecté la règle interne selon laquelle la planification des équipes doit s’effectuer à 4 semaines + 1, qu’il a planifié un salarié de fermeture plusieurs samedis de suite et qu’il a créé un surcoût en ayant recours aux heures supplémentaires de manière injustifiée.

M. [K] réplique que la nouvelle règle de planification des heures a été édictée lors d’un comité de direction datant du mois de mai 2018, que l’un des équipiers ne remplissait pas ses v’ux de planning à temps et que les heures supplémentaires s’expliquent notamment par le nombre important de jours d’absence de l’équipe et la charge de travail.

En l’espèce, il est constant que la société Leroy Merlin a modifié la procédure d’établissement des plannings en permettant aux salariés de proposer chaque semaine leurs v’ux qui devaient être validés ou modifiés par le chef de commerce avec un délai de prévenance de 4 semaines + 1.

La SA Leroy Merlin produit à cet égard un e-mail de Mme [L] [G], responsable du personnel et des ressources humaines, envoyé le 25 mai 2018 à tous les chefs de commerce du magasin Leroy Merlin Metz Technopole, qui laisse apparaître que M. [K] n’a pas validé les plannings à 4 semaines + 1 pour le mois de juin 2018 comme demandé lors du « CD [comité de direction] de la semaine dernière ».

Ce grief est donc établi étant toutefois précisé que la procédure était nouvelle et avait été mise en place seulement une semaine auparavant.

S’agissant de la mauvaise organisation des plannings, il résulte des plannings produits que l’ensemble des salariés composant l’équipe de M. [K] travaillaient tous les samedis mais que l’appelant a planifié M. [V] [R] au poste de fermeture trois samedis successifs en janvier 2019. Or, bien que ce dernier n’enregistrait pas ses v’ux suffisamment à l’avance, il incombait toutefois à M. [K] de modifier les plannings pour faire respecter l’équité entre les salariés.

Ce grief est également avéré d’autant les délégués du personnel se sont interrogés le 24 janvier 2019 sur l’établissement des plannings au rayon 04.

Par contre, le document atterrissage de l’annualisation met en évidence des heures supplémentaires et des heures perdues en 2018 pour les rayons 03 et 08, dont M. [K] avait aussi la charge, dans des proportions similaires aux 17 autres rayons du magasin, ce qui signifie qu’il était courant pour les chefs de commerce d’avoir recours à des heures supplémentaires pour certains salariés tandis que d’autres n’avaient atteint leur quotas d’heures de travail en fonction des équipes présentes et des besoins en personnel.

Seul le rayon 04 (outillage) a nécessité un nombre d’heures supplémentaires significatif, à savoir 79,26 heures supplémentaires pour l’ensemble de l’équipe en 2018, mais cela s’explique par la mise en place du marché stratégique et aucune heure de travail n’a été perdue dans le cadre de l’annualisation de sorte que l’existence d’heures supplémentaires ne caractérise pas une faute du salarié dans la gestion de la planification.

Sur le suivi du partenariat et de la Maker Faire

La SA Leroy Merlin affirme que M. [K] s’est complètement désintéressé de l’événement la Maker Faire, laissant M. [D] gérer seul la prestation et notamment le partenariat avec Blida, chargé de l’événement.

M. [K] assure qu’il a honoré toutes ses missions.

En l’espèce, le courriel de M. [T] [M] désigne Messieurs [K] et [D] comme pilotes pour la Maker Faire de 2018.

La SA Leroy Merlin n’apporte aucun élément s’agissant du manquement du salarié dans les relations avec le partenaire Blida et l’organisation de la Faire Maker, sachant que lors de l’entretien professionnel pour l’année 2017 l’employeur considérait le salarié comme « très engagé dans la mise en place d’un partenariat avec notre incubateur local, TCRM BLIDA », et n’apporte pas davantage d’observation s’agissant du grief tiré du laxisme dans l’animation des rendez-vous mensuels.

Dès lors, ces griefs ne seront pas retenus.

Sur la pose des jours de repos

La SA Leroy Merlin reproche à M. [K] de poser ses journées de RTT sans informer son supérieur hiérarchique et de poser des congés payés « en prévisionnel » de sorte que son supérieur hiérarchique n’en était pas informé sur le logiciel TACTIC et ne pouvait valider ou non ladite période.

En l’occurrence, la SA Leroy Merlin produit seulement un courriel de M. [T] [M] envoyé à M. [K] le 30 mai 2018, mentionnant qu’il existe un prévisionnel pour les journées du 21 au 23 juin 2018, qui ne démontre pas que le salarié a bien pris des congés payés pour ces journées ainsi qu’une capture d’écran du planning des congés payés de Mme [L] [G] et non de l’appelant.

Ces éléments ne démontrent pas que M. [K] avait pour habitude de prendre des congés payés, ou même des RTT, sans les faire valider par direction et sans la moindre considération de ses impératifs professionnels, des opérations commerciales propres au magasin ou des souhaits de congés de ses collègues si bien que ce grief n’est pas établi.

Sur l’attitude discourtoise envers les collègues

Il est enfin reproché à M. [K] d’avoir tenu des propos discourtois à l’égard de ses collègues.

La SA Leroy Merlin produit les courriels échangés entre M. [K] et Mesdames [C] [J] et [L] [G] qui sont relatifs à des désaccords concernant les zones de stockage et le remboursement de frais de déplacement mais desquels il ne résulte aucun propos discourtois de la part de l’appelant.

La société produit également le courriel de Mme [B] [W], responsable ressources humaines du magasin Leroy Merlin à [Localité 4], qui rapporte que M. [K] faisait des remarques qu’elle a elle-même interprétées comme « assez désagréables » ou « déstabilisantes » sans préciser la teneur des propos employés et leur contexte et qui ne permet pas à lui seul de caractériser l’attitude déplacée reprochée au salarié.

Aussi, ce grief ne pourra pas venir à l’appui du licenciement de M. [K].

En définitive, les seuls faits établis, à savoir le non respect de la procédure de validation des plannings à 4 semaines + 1 en juin 2019 et la planification d’un salarié jusqu’à l’horaire de fermeture trois samedis successifs en janvier 2019, ne suffisent pas à retenir le caractère sérieux du licenciement de M. [K], même en considération de la mise à pied disciplinaire du 29 mars 2018, dont les faits reprochés n’avaient pas la même nature, dans la mesure où d’une part, la procédure de validation des plannings était nouvelle, que le salarié l’a appliquée dès le mois suivant et que M.[K] n’a pas respecté l’équité dans la planification des salariés aux horaires de fermeture une seule fois en près de 13 ans et d’autre part, que l’employeur ne justifie pas de la désorganisation interne ni du mécontentement de l’équipe qu’il invoque.

Il s’évince de l’ensemble de ces éléments que le licenciement de M. [K] est donc dépourvu d’une cause réelle et sérieuse et le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes à ce titre.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er avril 2018, dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par cet article, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

M. [K] comptait lors de son licenciement plus de 2 ans d’ancienneté dans une entreprise de plus de 11 salariés de sorte que le salarié relève du régime d’indemnisation de l’article L.1235-3 al 2 du code du travail dans sa rédaction applicable à la cause qui prévoit une indemnité minimale de 3 mois de salaire et une indemnité maximale de 11,5 mois de salaire pour une ancienneté de 13 ans.

Aussi, compte tenu de l’âge du salarié lors de la rupture de son contrat de travail (43 ans), de son ancienneté (13 ans) et du montant de son salaire mensuel moyen 3 445,55 euros bruts), et alors qu’il justifie de la perception d’allocations chômage après la rupture, il convient d’allouer à M. [K] la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts destinés à réparer le préjudice subi du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le surplus

Les conditions s’avèrent réunies pour ordonner le remboursement, par l’employeur, en application de l’article L.1235-4 du code du travail, à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, du jour de son licenciement au jour de la décision, dans la limite de six mois d’indemnités.

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile seront infirmées.

La SA Leroy Merlin qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Conformément aux prescriptions de l’article 700 du code de procédure civile, la SA Leroy Merlin sera condamnée à verser à M. [S] [K] la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par ce dernier en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté M. [S] [K] de sa demande tendant à voir son licenciement déclaré nul en raison de la violation du statut protecteur et de ses demandes financières subséquentes.

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

Dit que le licenciement de M. [S] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Condamne la SA Leroy Merlin à payer à M. [S] [K] les sommes suivantes :

– 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ordonne le remboursement, par la SA Leroy Merlin, à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [S] [K] du jour du son licenciement jusqu’au jour de la présente décision, dans la limite de 6 mois d’indemnités.

Condamne la SA Leroy Merlin aux dépens de première instance et d’appel.

La Greffière P/La Présidente régulièrement empêchée

La Conseillère

 


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