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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-2
ARRÊT AU FOND
DU 20 JANVIER 2023
N° 2023/031
Rôle N° RG 19/02705 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BDZRM
[R] [X]
SAS LES DEUX GARCONS 1792
C/
[V] [N]
Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 6]
Copie exécutoire délivrée
le : 20 janvier 2023
à :
Me Philippe BRUZZO, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 41)
Me Michelle CHAMPDOIZEAU- PASCAL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 258)
Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
(Vestiaire 149)
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX EN PROVENCE en date du 22 Janvier 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 17/00454.
APPELANTS
Maître [R] [X] Mandataire Judiciaire de la SAS LES DEUX GARCONS 1792, demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Philippe BRUZZO de la SELAS BRUZZO / DUBUCQ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
SAS LES DEUX GARCONS 1792 prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège., demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Philippe BRUZZO de la SELAS BRUZZO / DUBUCQ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMES
Monsieur [V] [N], demeurant [Adresse 4]
représenté par Me Michelle CHAMPDOIZEAU- PASCAL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Association UNEDIC-AGS CGEA DE [Localité 6] Représentée par sa directrice MME [P] [B] ;
AFF. AGS13 LES DEUX GARCONS ME [X] / [N] -Les 2G appelant d’un jugement du CPH AIX du 22/01/2019, demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre
Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante
Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Janvier 2023
Signé par Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La société Les 2 Garçons exploite un établissement de type brasserie restaurant situé sur le [Adresse 3] à [Localité 5].
Monsieur [V] [N] a été initialement engagé par la Brasserie Les 2 garçons suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 15 septembre 2008 en qualité de commis de salle niveau II, échelon 2.
Il a été promu chef de rang niveau II, échelon 1 le 1er octobre 2009 puis maître d’hôtel niveau II, échelon 2 le 1er janvier 2013 et directeur des opérations statut cadre niveau V, échelon 1 suivant avenant en date du 1er janvier 2017.
Le 16 février 2017, il a été rétrogradé maître d’hôtel non cadre, niveau IV échelon 3.
Il a été placé en arrêt maladie le 29 janvier 2017.
Le 7 mars 2017, il a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 13 mars 2017 date à laquelle il a signé un contrat de sécurisation professionnelle. Il a été licencié pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 mars 2017.
Contestant la légitimité de son licenciement et sollicitant la reconnaissance de son statut de directeur des opérations à compter du 1er décembre 2016 ainsi que la condamnation de l’employeur à lui régler diverses sommes à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaire, d’indemnités pour dépassement de contingent des heures supplémentaires, pour travail dissimulé, sur indemnité de préavis et de licenciement ainsi que pour dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Monsieur [N] a saisi le 29 juin 2017 le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence.
La SAS Les Deux Garçons a été placée en redressement judiciaire le 06/03/2018.
Par jugement du 22 janvier 2019, la juridiction prud’homale a :
– fixé le salaire moyen de Monsieur [N] à la somme de 4.135,64 €,
– dit que le licenciement de Monsieur [N] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,
– constaté et fixé la créance de Monsieur [N] sur le redressement judiciaire de la SAS Les Deux Garçons 1792 représentée par Maître [C], représentant des créanciers à la somme de:
– 53.800 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 8.271,28 € à titre de congés payés et 827,13 € de congés payés afférents,
– 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la SAS Les deux Garçons 1792 à remettre à Monsieur [N] un certificat de travail, un solde de tout compte, une attestation Pôle Emploi sans astreinte,
– ordonné l’exécution provisoire à hauteur de 53.800 € du présent jugement et la consignation de ladite somme auprès de la Caisse des dépôts et consignation,
– débouté Monsieur [N] du reste de ses demandes,
– débouté la SAS Les Deux Garçons 1792 de l’ensemble de ses demandes,
– déclaré le jugement opposable au CGEA,
– dit que l’obligation du CGEA de faire l’avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties aux articles L.3253-4 et suivants du code du travail compte tenu du plafond applicable (article L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail) ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L.3253-15 du code du travail,
– dit que les dépens seront inscrits en frais de procédure collective.
La société Les deux garçons ainsi que Maître [R] [X], en qualité de mandataire judiciaire de la société ont relevé appel de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique en date du 15 février 2019.
Aux termes de leurs conclusions d’appelants n°1 notifiées par voie électronique le 9 mai 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, la société Les Deux Garçons et Maître [X], en qualité de mandataire judiciaire, ont demandé à la cour de :
– déclarer recevable et fondé l’appel relevé par la société Les Deux Garçons,
Y faisant droit:
Infirmer la décision entreprise et statuant à nouveau:
– dire que le licenciement de Monsieur [N] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– décharger la société Les Deux Garçons des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires,
– ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l’exécution provisoire de la décision entreprise en principal, intérêts, frais et accessoires, avec intérêts au taux légal à compter de leur versement et ce au besoin à titre de dommages-intérêts,
– condamner Monsieur [N] à payer à la société Les Deux Garçons la somme de 3.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner en tous les dépens,
– dire que ceux d’appel pourront être recouvrés directement par Philippe Bruzzo, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le redressement judiciaire de la société Les Deux Garçons a été converti en liquidation judiciaire le 28/05/2019.
Par conclusions d’intimé contenant appel incident, notifiées par voie électronique le 02/08/2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Monsieur [N] a demandé à la cour de :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– dit irrecevable la production des pièces 12 et 14 de la SAS,
– dit que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et retenu le principe d’une indemnisation sur la base de 12 mois de salaire,
– dit l’employeur redevable du préavis et du complément incidence congés payés,
– ordonné l’exécution provisoire pour la somme de 53.800 €,
– retenu le principe d’un article 700 du code de procédure civile,
– déclaré le jugement opposable au CGEA avec rappel des conditions subséquentes,
– dit les dépens inscrits en frais de procédure collective,
– constater au vu des pièces produites et de l’activité effective du concluant que les fonctions de directeur des opérations ont été occupées depuis le 1er décembre 2016,
– constater l’absence de procédure disciplinaire suite à la lettre du 16 février 2017,
– constater l’absence de consistance du grief d’abandon de poste le 14 janvier 2017 en l’état du motif légitime de retrait lié au non-paiement des salaires du mois de décembre 2016 et du traitement injurieux dont le salarié a fait l’objet,
– dire en conséquence nulle et de nul effet la lettre du 16 février 2017 portant révocation de ses fonctions,
– dire que la qualification du salarié lors du licenciement est celle de Directeur des opérations niveau V, échelon 1 et subsidiairement celle de maître d’hôtel,
– fixer le salaire de référence à la date du licenciement à la somme de 5.753 € brut et subsidiairement à la somme de 4.621 € brut, et encore plus subisidiairement à la somme de 4.135,96 € brut,
– constater en tant que de besoin l’absence de démonstration du caractère économique du licenciement du 22 mars 2017 ainsi que l’absence d’un motif réel et sérieuse de licenciement,
– dire abusif le licenciement dont le salarié a fait l’objet en date du 22 mars 2017,
– fixer à la somme de 69.036 € et subsidiairement à la somme de 55.452 € et encore plus subsidiairement à la somme de 53.800 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement abusif,
– fixer à la somme de 15.000 € les dommages-intérêts sur préjudice distinct,
– fixer la somme de 11.507 € à titre de préavis et 1.150 € d’incidence congés payés, et subsidiairement la somme de 9.242 € outre 924 € de congés payés afférents et plus subsidiairement celle de 8.271,28 € outre 827,13 € de congés payés afférents,
– fixer au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement la somme de 9.667 € et subsidiairement la somme de 7.767 € et plus subsidiairement la somme de 5.887,89 €,
– fixer à la somme de 3.000 € le montant de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et à 4000 € en appel,
– débouter les sociétés appelantes de toutes leurs demandes,
– entendre réserver les dépens d’appel en frais privilégiés de procédure collective.
Il fait valoir en substance qu’il a occupé les fonctions de Directeur des opérations depuis le 1er décembre 2016, que la rétrogradation au rang de maître d’hôtel opérée le 16 février 2017 est inopérante alors que la seule cause indiquée est un abandon de poste le 14 janvier 2017 qu’il conteste s’agissant d’un retrait opéré pour ne pas avoir été payé de ses salaires et avoir subi des injures graves de la part du Directeur Général , mais qui en tant que tel est un fait fautif qui aurait dû entraîner une procédure disciplinaire avec entretien préalable, qu’en outre à la date du 16 février 2017, sa période probatoire était achevée de sorte que la qualification qui doit être retenue est celle de Directeur des opérations, le salaire de référence devant être fixé à la somme mensuelle de 5.753 € bruts et subsidiairement à la somme de 4.621 €.
Il conteste également la réalité du motif économique du licenciement alors que la lettre de licenciement est rédigée en des termes généraux, que la procédure collective qui a concerné la société Les Deux Garçons n’a été engagée qu’environ un an plus tard et que l’activité brasserie du groupe était bénéficiaire, la société ayant d’ailleurs bénéficié le 20 novembre 2018 d’un plan de continuation alors qu’au surplus, l’employeur a manqué à son obligation de reclassement en ne lui proposant aucun poste et en engageant concomitamment à la suppression de son poste un nouveau maître d’Hôtel.
Par conclusions d’intervenante forcée notifiées par voie électronique le 2/10/2019 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus,l’Unedic-Ags-Cgea de [Localité 6] a demandé à la cour de :
Réformer le jugement du 22/01/2019 du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence ayant jugé légitime le licenciement de Monsieur [N],
– débouter Monsieur [N] de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouter Monsieur [N] de son appel incident et confirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de toutes ses autres demandes au titre de l’exécution du contrat de travail et indemnité pour travail dissimulé,
– dire que Monsieur [N] ne rapporte pas la preuve d’un préjudice distinct de 10 000 € en sus des dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et contestation du caractère économique du licenciement 12 mois de salaire soit 69.036 € et subsidiairement 55.452 €,
– réduire le montant des dommages-intérêts,
En tout état de cause:
– dire que l’AGS garantit les sommes dues au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective de l’employeur (L.3253-8 1° du code du travail),
– dire qu’en application de l’article L.3253-17 du code du travail, la garantie AGS est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues à un ou des montants déterminés par décret (D.3253-5 du code du travail) en référence au plafond menseuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale ou d’origine conventionnelle imposées par la loi,
– dire que l’obligation de l’Unedic-Ags-Cgea de [Localité 6] de faire l’avance du montant total des créances définies aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail compte tenu du plafond applicable (article L.3253-17 et D.3253-5) ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement en vertu de l’article L.3253-19 du code du travail,
– dire que l’Unedic-Ags-Cgea de [Localité 6] ne doit pas sa garantie pour les demandes au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, des dépens, de l’astreinte, des cotisations patronales ou résultant d’une action en responsabilité;
– dire que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels (art L.622-28 c.com),
– débouter Monsieur [N] de toute demande contraire et le condamner aux entiers dépens.
L’organisme social a développé des moyens relatifs aux demandes initiales du salarié relatives aux heures supplémentaires, à des dommages-intérêts pour non-paiement des heures supplémentaires, à une indemnité concernant le dépassement du contingent des heures supplémentaires ainsi que l’absence de contrepartie en repos compensateur et le travail dissimulé, demandes auxquelles le salarié indique en page 4 de ses conclusions avoir renoncé.
Il indique que le mandataire liquidateur justifie la légitimité du licenciement pour motif économique en raison des difficultés financières rencontrées par l’entreprise l’ayant conduit à supprimer le poste du salarié pour sauvegarder sa compétitivité.
Suivant arrêt avant dire droit du 2 septembre 2022, la cour d’appel a :
– ordonné la réouverture des débats et révoqué l’ordonnance de clôture du 2 mai 2022 afin de permettre aux parties de mettre en cause Maître [R] [X] en qualité de mandataire liquidateur de la SAS Les Deux Garçons 1792 ou à ce dernier d’intervenir volontairement à l’instance, les parties devant également verser aux débats le jugement de liquidation judiciaire de la Société Les Deux Garçons 1792 et Maître Bruzzo remettre à la cour ses pièces n°1 à 20 régulièrement notifiées,
– renvoyé l’affaire à l’audience de jugement du Lundi 21 novembre 2022 à 14 heures avec nouvelle clôture de l’instruction fixée au 07 novembre 2022 mais ordonné le 21 novembre suivant.
Suivant conclusions n°2 d’appelant notifiées par voie électronique le 18 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens soutenus, Maître [R] [C], en qualité de liquidateur judiciaire, a demandé à la cour de :
– déclarer recevable et fondé l’appel interjeté par la société Les deux Garçons,
Y faisant droit:
– constater que Maître [X] intervient désormais en qualité de liquidateur judiciaire désigné par jugement du 28 mai 2019,
– dit que le licenciement de Monsieur [N] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
– décharger la société Les Deux Garçons des condamnations prononcées contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires,
– ordonner le remboursement des sommes qui auront été versées en vertu de l’exécution provisoire de la décision entreprise en principal, intérêts, frais et accessoires avec intérêts au taux légal à compter de leur versement et ce au besoin à titre de dommages-intérêts,
– condamner Monsieur [N] à payer à la société Les Deux Garçons la somme de 3.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens,
– dire que ceux d’appel pourront être recouvrés directement par Philippe Bruzzo conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Maître [X], ès-qualités, soutient que le salarié a été promu directeur des opérations à compter du 1er janvier 2017 suivant avenant comportant une clause probatoire destinée à tester les compétences de Monsieur [N], que n’ayant pas donné satisfaction en raison du comportement adopté le 14 janvier 2017, la société Les Deux Garçons lui a régulièrement notifié dans les deux mois de sa période probatoire la fin de celle-ci entraînant le retour du salarié dans son ancien poste de Maître d’Hôtel, de sorte que le salaire de référence qui doit être pris en considération n’est pas celui associé au statut de directeur des opérations mais la moyenne des 12 ou des 3 derniers mois, soit la somme de 3.326,96 €.
Il ajoute que le motif économique du licenciement est justifié par une baisse du chiffre d’affaires, une baisse du résultat net, un endettement de 2.529 561 € cumulé sur le seul exercice 2017, des dettes fiscales et sociale massives et la nécessité de placer la société en redressement judiciaire du 6 mars au 20 novembre 2018 après l’échec du mandataire ad hoc désigné en septembre 2016 afin de négocier avec les créanciers des délais de paiement et sur assignation en liquidation judiciaire du service des impôts des entreprises pour une créance fiscale alors que le salarié n’a jamais été remplacé à son poste de maître d’hôtel, ses fonctions ayant été réparties entre le dirigeant de l’entreprise et d’autre collaborateurs et qu’il n’a pu être reclassé sur des postes très inférieurs à sa catégorie professionnelle ayant clairement indiqué lors de l’entretien préalable qu’il refusait tout poste moins bien classé que celui qu’il occupait.
SUR CE :
A titre liminaire, la cour rappelle que dans les procédures d’appel avec représentation obligatoire, les conclusions d’appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, que les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif étant rappelé qu’il n’y a lieu de statuer sur les demandes de «constater » et de « dire et juger» figurant dans le dispositif des conclusions de l’intimé et appelant incident, qui ne constituent pas des prétentions mais des rappels de moyens, qu’à la condition que ceux-ci viennent au soutien de la prétention formulée en appel et énoncée dans le dispositif des conclusions.
Sur l’exécution de la relation de travail :
La qualification professionnelle du salarié qui doit être précisée dans le contrat de travail est déterminée en référence à la classification fixée par la convention collective applicable dans l’entreprise .
En cas de litige, il appartient au juge d’apprécier les fonctions réellement exercées par le salarié.
Il n’est pas contesté par le salarié qu’il a signé le 1er janvier 2017 un avenant n° 3 (pièce n°4-1) l’ayant promu directeur des opérations statut cadre niveau V échelon 1 comportant une clause probatoire de deux mois s’achevant au 1er mars 2017 et de même que la juridiction prud’homale la cour considère qu’il ne démontre pas avoir réellement exercé cette fonction à compter du 1er décembre 2016.
En effet, les sms qu’il produit entre mars et novembre 2016 et ceux de décembre 2016 échangés avec des personnes identifiés uniquement par les prénoms ‘[J]’, ‘[A]’ et ‘[S]’ ne permettent pas de constater un changement de nature dans les fonctions exercées sur cette période, alors que que le seul échange portant sur la fonction de direction antérieur au 1er janvier 2017 remonte au 18 septembre 2016, s’agissant pour le gérant de proposer à Monsieur [N] des ‘créneaux de direction’ dans son planning ce que le salarié a formellement refusé, que les plannings manuscrits ne sont pas datés pas plus que les contrats de maintenance (n°46-B) et les négociations fournisseurs, que les courriers d’avertissements produits en pièce N°39B sont des imprimés type, que les témoignages de Mme [K] (pièce n°53-B) et de Monsieur [Y] (pièce n°55 -B) affirmant tous deux que le salarié travaillait en qualité de directeur des opérations à compter du 1er décembre 2016 ont une force probante limitée, la première affirmant avoir également commencé à exercer à la même date sa fonction de responsable de restauration sans que l’avenant qu’elle aurait également signé ne soit produit, le témoignage du second n’étant pas circonstancié.
En conséquence, les dispositions du jugement entrepris ayant rejeté la demande de Monsieur [N] de voir fixer à la date du 1er décembre 2016 sa prise de fonction en tant que directeur des opérations sont confirmées.
Par courrier recommandé du 06 février 2017, l’employeur a indiqué à Monsieur [N] que le samedi 14 janvier 2017 à midi, il avait quitté son poste de Directeur des Opérations en plein service sans aucune raison, que ce comportement constituait un accomplissement défectueux des tâches prévues dans son contrat de travail et que dans ces conditions, il ne validait pas l’avenant au contrat de travail du 1er janvier 2017 assorti d’une période probatoire de deux mois l’ayant promu en tant que Directeur des Opérations.
Contrairement aux affirmations de Monsieur [N], la seule obligation d’un employeur qui rompt une période probatoire quelle qu’en soit la raison, n’étant tenu ni à un quelconque formalisme ni de motiver cette rupture s’il la notifie dans le délai contractuellement prévu, est de replacer le salarié dans ses fonctions antérieures, celui-ci retrouvant son poste et toutes les caractéristiques de son contrat de travail avant la signature de l’avenant ce qui est le cas en l’espèce, le salarié ayant été replacé dans ses fonctions de Maître d’Hôtel et ne pouvant valablement soutenir qu’il s’agit en l’espèce d’une rétrogradation disciplinaire qui aurait nécessité une convocation préalable.
En conséquence, la qualification professionnelle de Monsieur [N] lors du licencement était celle de Maître d’Hôtel.
Sur la rupture de la relation de travail :
Sur le licenciement économique :
Selon l’article L.1233-3 du code du travail dans sa version applicable au litige :
‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au présent article.’
Le licenciement économique de Monsieur [N] lui a été notifié le 22 mars 2017 par lettre recommandée avec accusé de réception dans les termes suivants:
‘(..) Nous vous rappelons les motifs économiques nous ayant conduit à envisager votre licenciement:
La SNC les 2 Garçons se trouve actuellement dans une situation extrêmement précaire qui commande d’envisager des suppressions de poste.
En effet, à ce jour, la situation de la Société est extrêmement préoccupante. Le résultat courant net avant impôt est déficitaire. Cela se cumule avec un compte de résultat en très large baisse par rapport à l’exercice précédent tandis que les coûts notamment salariaux sont demeurés identiques.
A date, les dettes engagées par la société sont difficilement comblées par les revenus d’activité si bien que la société se trouve dans une situation proche de la cessation des paiements.
La société doit notamment faire face à une dette fiscale et auprès des organismes de sécurité sociale que son résultat ne lui permet pas d’assumer.
De même la société se trouve aujourd’hui dans l’impossibilité de faire face à ses encours bancaires la plaçant là encore dans une situation extrêmement précaire.
En outre, nous connaissons à ce jour un très fort ralentissement de notre activité du fait de la faible fréquentation de notre établissement pendant la période hivernale ce qui ne fait que fragiliser une situation financière déjà extrêmement préoccupante.
Ainsi, afin de tenter de redresser la situation financière et de tenter de sauvegarder notre compétitivité nous sommes contraints d’envisager une restructuration de nos effectifs et une réorganisation de notre activité.
A ce titre, nous envisagions la suppression de votre poste de maître d’hôtel. En application des critères d’ordre des licenciements, vous êtes directement concerné par cette mesure de suppression de poste ce qui nous a conduit à envisager votre licenciement pour motif économique.
Malgré les recherches menées au sein de notre société nous n’avons aucun poste de reclassement à vous proposer et n’avons pas d’autre solution que de prononcer votre licenciement pour motif économique….(…)’
Cependant, il résulte d’un courrier adressé par la société à la Direction Générale des Finances publiques de Provence Alpes Côtes d’Azur début juillet 2017 (pièce n°16) que celle-ci présentait les éléments comptables sur lesquels elle s’est fondée pour licencier le salarié pour motif économique ainsi qu’il suit :
‘En 2014, le chiffre d’affaires de la société s’est établi à 3.196.343 générant un bénéfice de 30.075 €.
Elle a réalisé un chiffre d’affaires de 3.503.490 € au titre de l’exercice 2015 (+6% vs 2014) dégageant un résultat net de 26.872 €.
Au titre de l’exercice clos de 2016, son chiffre d’affaires est de 3.623.130 € (+4% vs 2015) générant un résultat net de 74.542 € (+177,40% vs 2015)’ faisant ainsi état d’un chiffre d’affaires et surtout d’un résultat net en forte augmentation et non déficitaire tel que mentionné dans la lettre de licenciement alors que si l’endettement social et fiscal était effectivement conséquent en juillet 2017, soit 4 mois après le licenciement litigieux, avec une dette sociale de 1.020.534 € et fiscale de 355.388 € le niveau de celui-ci permettait à la société les 2 garçons de faire face à son passif exigible avec son actif disponible l’activité brasserie, bien que plombée par les pertes de l’activité brasserie, étant ‘bénéficiaire et servant de moteur au groupe’ (pièce N°2D du salarié – rapport de l’administrateur judiciaire), la date de cessation des paiement ayant d’ailleurs été provisoirement fixée par le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire à la date de ce dernier, le 06 mars 2018 et la société ayant bénéficié par jugement du 20 novembre 2018 d’un plan de continuation de sorte que l’employeur ne rapporte pas la preuve des difficultés économiques au jour du licenciement de Monsieur [N] alors que la suppression de son poste de maître d’hôtel n’est pas non plus démontrée deux postes de maître d’hôtel figurant toujours au nombre des effectifs à l’ouverture de la procédure collective et que le salarié soutient sans être utilement contredit que le 6 mars 2017, veille de son licenciement, la société a recruté Monsieur [U] [T] non en qualité de chef de rang tel que mentionné dans le registre du personnel mais en tant que maître d’hôtel, affirmation corroborée par l’examen du registre du personnel produit en pièce n°25 sur lequel l’employeur se fonde vainement pour affirmer que les fonctions de Monsieur [N] ont été réparties entre le dirigeant de l’entrepris et d’autres collaborateurs.
La suppression de l’emploi de Monsieur [N] consécutive à des difficultés économiques ou à une réorganisation de l’entreprise, seulement alléguée par cette dernière n’est pas établie pas plus que ne l’est le respect par l’employeur de l’obligation de reclassement lui incombant selon l’article L.1233-4 du code du travail lequel ne versant aux débats aucun élément, ne justifie pas avoir tenté de reclasser loyalement et sérieusement le salarié aucune proposition n’ayant été faite à ce dernier, alors que trois chefs de rang ont été embauchés entre le 6 mars 2017 et le 15 avril 2017, postes d’un niveau inférieur mais qu’il était tenu de lui proposer, aucune pièce ne justifiant le refus allégué de ce dernier d’occuper un poste moins bien classé que celui qu’il occupait.
Dès lors, les dispositions du jugement entrepris ayant dit que le licenciement de Monsieur [N] ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse sont confirmées.
Sur les demandes financières :
Si le licenciement économique est jugé sans cause réelle et sérieuse, le contrat de sécurisation professionnelle (CSP) devient également sans cause réelle et sérieuse, de sorte que l’employeur est tenu de payer au salarié l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférente.
Monsieur [N] est ainsi fondé à solliciter le paiement d’une indemnité de préavis et les congés payés afférents, d’une indemnité de licenciement ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement abusif, dont le principe n’est pas contesté à titre subsidiaire par le mandataire liquidateur et l’organisme social.
Monsieur [N] ayant été en arrêt maladie du 6 au 26 février 2017, le salaire de référence calculé sur les trois mois précédant son arrêt maladie s’établit au vu des bulletins de salaire sur les mois de novembre 2016, décembre 2016 et janvier 2017 à la somme de 3.813,15 €.
Par infirmation des dispositions du jugement entrepris, seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Les Deux Garçons les créances suivantes :
– 7.626,30 au titre de l’indemnité de préavis et 762,63 € de congés payés afférents,
– 830,91 € au titre du solde de l’indemnité conventionnelle de licenciement le calcul ayant été opéré par l’employeur en retenant un salaire de référence de 3.326,96 €.
Par application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, tenant compte d’une ancienneté supérieure à deux années (8 ans et 5 mois) dans une entreprise occupant plus de 11 salariés, d’un âge de 26 ans, de ce qu’il était au chômage entre mars et juillet 2018 (pièces n°19 C à 29 C) mais également de ce qu’il ne justifie pas de sa situation professionnelle et notamment des recherches d’emploi effectuées postérieurement à cette date, il convient de fixer au passif de la procédure collective de la société Les 2 Garçons une somme de 32.411,77 € à titre de dommages-intérêts réparant la perte injustifiée de son emploi.
Monsieur Monsieur [N] sollicite enfin la fixation d’une somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts au titre d’un préjudice distinct qu’il motive par le comportement injurieux de l’employeur à son égard le 14 janvier 2017 ainsi que par la production par l’employeur en première instance des pièces n°12 et 14 démontrant selon lui sa volonté de lui nuire.
Cependant, alors que la totalité des sms échangés entre le salarié et ses supérieurs hiérarchiques du mois de mars 2016 au mois de janvier 2017 sont particulièrement cordiaux, que le seul sms du 14 janvier 2017 émanant d’un prénommé ‘[J]’ qui serait Monsieur [G] mais que le salarié impute dans ses écritures à Monsieur [Z] s’il est grossier n’est contextualisé par aucun élément, la réunion du même jour alléguée par le salarié ne résultant d’aucune des pièces produites et que les pièces n°12 et 14 écartées des débats en première instance et dont la recevabilité n’a pas été de nouveau débattue en appel n’évoquent le salarié que dans l’exposé d’une plainte dirigée contre X (pièce n°12) c’est à juste titre, par des dispositions qui sont confirmées, que la juridiction prud’homale a débouté Monsieur [N] de ce chef de demande alors que le comportement fautif de l’employeur n’est pas établi pas plus que ne sont justifiées l’existence et l’étendue du préjudice dont le salarié sollicite l’indemnisation.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Les dispositions du jugement entrepris ayant dit que les dépens seraient inscrits en frais privilégiés de procédure collective et ayant fixé au passif de celle-ci une somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile sont confirmées.
Les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de procédure collective et la demande de Monsieur [N] d’indemnité au titre des frais irrépétibles exposés en appel est rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour:
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant :
– fixé le salaire moyen de Monsieur [N] à la somme de 4.135,64 €,
– rejeté la demande de Monsieur [N] d’indemnité conventionnelle de licenciement,
– chiffré à la somme de 53.800 € le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à la somme de 8.271,28 € le montant de l’indemnité de préavis outre 827,13€ de congés payés afférents,
qui sont infirmées.
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Fixe le montant du salaire mensuel brut à la somme de 3.813,15 €.
Fixe au passif de la procédure collective de la société Les Deux Garçons les créances suivantes:
– Sept mille six cent vingt six euros et trente centimes (7.626,30 €) au titre de l’indemnité de préavis et Sept cent soixantes deux euros et soixante trois cts (762,63 €) de congés payés afférents,
– Huit cent trente euros et quatre vint onze cts (830,91 €) au titre du solde de l’indemnité conventionnelle de licenciement,
– Trente deux mille quatre cent onze euros et soixante dix sept cts ( 32.411,77 €) à titre de dommages-intérêts.
Dit que les dépens d’appel seront employés en frais privilégiés de la procédure collective.
Déboute Monsieur [N] de sa demande d’indemnité au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le greffier Le président