Licenciement économique : 23 janvier 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/00212

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Licenciement économique : 23 janvier 2023 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/00212
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C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 23 janvier 2023

Me Christian QUINET

Me Estelle GARNIER

– LD

ARRÊT du : 23 JANVIER 2023

MINUTE N° : – 23

N° RG 20/00212 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GDDH

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE BLOIS en date du 17 Décembre 2019 – Section : INDUSTRIE

APPELANT :

Monsieur [W] [I]

né le 03 Mai 1972 à [Localité 4] (ANGOLA)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représenté par Me Christian QUINET, avocat au barreau de BLOIS

ET

INTIMÉS :

Maître [D] [G] agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la S.A.S. MAISONS TRADIBUDGET

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Estelle GARNIER, avocat au barreau D’ORLEANS

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 5] Représentée par sa Directrice Nationale Madame [N] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Alexis LEPAGE de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS

Ordonnance de clôture : 29 septembre 2022

Audience publique du 20 Octobre 2022 tenue par Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté/e lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Mme Laurence DUVALLET, Présidente de chambre a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.

Puis le 23 janvier 2023, délibéré initalement prévu le 16 Décembre 2022, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE

La SAS MAISONS TRADIBUDGET exploite une activité de construction de pavillons individuels sous l’enseigne MAISONS TRADIBUDGET. Elle fait partie du groupe Vivaxia.

M. [W] [I], né en 1972, a été engagé par la société LAIRE MICHEL ENTREPRISE en qualité d’ouvrier plaquiste, coefficient 185 niveau II, dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 28 juin 2004.

Le contrat de travail a été transféré à la SAS MAISONS TRADIBUDGET .

La convention collective applicable à l’entreprise est celle des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment du 07 mars 2018.

Membre suppléant de la délégation unique du personnel, M. [W] [I] avait la qualité de salarié protégé.

Par jugement du 24 janvier 2014, le tribunal de commerce de Blois a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice de la SAS MAISONS TRADIBUDGET. Il a été décidé de supprimer neuf postes de travail.

La SAS MAISONS TRADIBUDGET a sollicité de l’inspection du travail l’autorisation de procéder au licenciement de M. [I] qu’elle a obtenue le 15 octobre 2014.

M. [I] a été licencié pour motif économique le 22 octobre 2014. Il a accepté le contrat de sécurisation professionnelle.

Le 19 novembre 2014, il a saisi le tribunal administratif d’Orléans aux fins de contester cette décision d’autorisation de licenciement .

Par jugement du 20 février 2015, le tribunal de commerce de Blois a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la SAS MAISONS TRADIBUDGET, Me [G] étant désigné mandataire liquidateur.

Par requête du 18 mai 2015, M. [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Blois d’une demande tendant à reconnaître le licenciement abusif, l’existence d’heures supplémentaires impayées ainsi que le paiement de diverses sommes.

Par jugement du 8 septembre 2015, le conseil de prud’hommes, sur demande du salarié, a ordonné le sursis à statuer dans l’attente de la décision du tribunal administratif sur le recours introduit par Messieurs [Z] , [I] et [C] et dit que l’affaire reviendra à l’audience de jugement à la requête de la partie la plus diligente.

Par jugement du 28 avril 2016, le tribunal administratif a annulé la décision d’autorisation de licenciement de l’inspecteur du travail du 29 avril 2014 en raison d’un manquement dans la procédure des critères d’ordre de licenciement.

Me [G] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS MAISONS TRADIBUDGET a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 15 décembre 2017, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté la requête présentée par Me [G] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS MAISONS TRADIBUDGET

Par conclusions du 16 octobre 2018, M. [I] a sollicité la réinscription de son affaire devant le conseil de prud’hommes.

Par jugement du 17 décembre 2019 notifié le 27 décembre suivant, auquel il est renvoyé pour un plus ample exposé des motifs, le conseil de prud’hommes de Blois, après avoir écarté la péremption de l’instance soulevée par le mandataire liquidateur, a :

– fixé la créance de Monsieur [W] [I] à la liquidation judiciaire de la SAS MAISONS TRADIBUDGET, représentée par Maître [D] [G] es-qualité de mandataire liquidateur, à la somme de 13 200 euros (treize mille deux cents euros) au titre du licenciement nul ;

– débouté Monsieur [W] [I] du surplus de ses demandes ;

-débouté Monsieur [W] [I] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

-débouté Maître [G] es-qualité de mandataire liquidateur de la SAS MAISONS TRADIBUDGET de sa demande au titre de Particle 700 du Code de Procédure Civile;

-dit que les sommes allouées à Monsieur [W] [I] devront figurer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS MAISONS TRADIBUDGETet être garanties par le centre de gestion et d’etude AGS (CGEA) D'[Localité 5], gestionnaire de l’AGS, dans la limite des plafonds prévis par les articles L 3253-2 et suivants du Code du Travail ;

– condamné Maître [D] [G] es-qualité de mandataire liquidateur de la SAS MAISONS TRADIBUDGET aux dépens.

Le 21 janvier 2020, Monsieur [W] [I] a relevé appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 17 mars 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [I] demande à la cour de :

– dire Monsieur M. [I] recevable et bien fondé en son appel.

Y faisant droit,

– infirmer le jugement entrepris.

– dire que son licenciement est entaché de nullité.

En conséquence :

Fixer sa créance aux sommes suivantes :

– Dommages et intérêts pour licenciement abusif :………………….39 600,00 euros

– Préavis :……………………………………………………………4 400,00 euros

– Congés payés sur préavis :………………………………………….440,00 euros

– Indemnité préjudice salarial:……………………………………15 809,95 euros

– Heures supplémentaires:…………………………………………..19167,18 euros – Travail dissimulé:……………………………………………….13 200,00 euros

– condamner solidairement Maître [D] [G] es-qualité de Mandataire Liquidateur de la SAS MAISONS TRADIBUDGET et le CGEA A.G.S. à verser à M. [I] la somme de 2.200,00 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 16 juin 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Maître [G] ès qualité de Mandataire Liquidateur de la SAS MAISONS TRADIBUDGET demande à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondé Maître [G] ès qualité de Mandataire Liquidateur de la SAS MAISONS TRADIBUDGET en son appel incident et y faire droit ;

– infirmer la décision du Conseil des Prud’hommes de Blois en ce qu’elle a écarté la péremption d’instance soulevée par Maître [G] ès qualités de Mandataire

Liquidateur de la SAS MAISONS TRADIBUDGET ;

Statuant à nouveau :

A titre principal :

-déclarer l’instance périmée ;

-déclarer M. [I] irrecevable en ses prétentions ;

A titre subsidiaire :

-déclarer mal fondé M. [I] en son appel, et l’en débouter ;

Le déclarer irrecevable, en tous cas mal fondé, en toutes ses demandes, fins et conclusions, et l’en débouter ;

En tout état de cause :

– rejeter toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes ;

-condamner M. [I] à régler à Maître [D] [G] ès-qualité de Mandataire Liquidateur de la SAS MAISONS TRADIBUDGET, la somme de :

– article 700 du Code de Procédure Civile…………………………………. 3 000,00 euros

-condamner M. [I] aux entiers dépens de 1 ère instance et d’appel.

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 27 mars 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA [Localité 5] demande à la cour de :

– réformer la décision entreprise en ce qu’elle n’a pas fait droit à l’exception de péremption soulevée par Maître [G] par-devant le Premier Juge et en ce qu’elle n’a pas, non plus, suivi l’argumentation du Mandataire judiciaire quant à la prétendue nullité de la mesure de licenciement ;

– réformer sur ces deux points la décision entreprise ;

– s’entendre M. [I] débouter de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire :

– confirmer la décision entreprise en ce qui concerne le quantum de la somme allouée à l’intéressé au titre de la nullité de la mesure de licenciement ;

– confirmer la décision entreprise en ce que, pour le surplus, M. [I] a été débouté de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– dire n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure

civile au préjudice de l’AGS ;

En toute hypothèse :

– déclarer la décision à intervenir opposable au CGEA en qualité de gestionnaire de l’AGS, dans les limites prévues aux articles L 3253-8 et suivants du Code du Travail, et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail ;

– la garantie de l’AGS est plafonnée, toutes créances avancées pour le compte du salarié, à un des trois plafonds définis à l’article D.3253-5 du Code du travail ;

– en l’espèce, le plafond applicable est le plafond 6.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 29 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

– Sur la péremption de l’instance :

Me [G] soulève à titre principal la péremption de l’instance au motif notamment que M. [I] a sollicité la réinscription de l’affaire par conclusions du 16 octobre 2018, soit plus de deux années après la date du jugement du tribunal administratif, évènement visé par la juridiction prud’homale dans son jugement de sursis à statuer à compter duquel un nouveau délai de péremption a commencé à courir, en application des articles 378 et 392 du code de procédure civile.

Il fait valoir ensuite que le jugement a mis à la charge des parties une diligence.

L’Unedic délégation AGS CGEA Orléans s’associe à cette argumentation.

M. [I] soutient sur ce point que le sursis à statuer est une mesure qui continue à courir jusqu’à la réinscription de l’affaire et que le jugement de sursis à statuer a précisé que celui-ci était accordé dans l’attente d’un jugement du tribunal administratif. En présence d’un appel relevé par le mandataire liquidateur, le délai a cmmencé à courir à compter de la date de l’arrêt de la cour administrative d’appel du 15 décembre 2017.

Il soutient également l’absence de diligences mises à sa charge, le jugement en cause étant un jugement de sursis à statuer et non un jugement de radiation.

Selon l’article 378 du code de procédure civile, ‘la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.’

Selon l’article 392 du code de procédure civile dans sa version applicable au litige, ‘L’interruption de l’instance emporte celle du délai de péremption.

Ce délai continue à courir en cas de suspension de l’instance sauf si celle-ci n’a lieu que pour un temps ou jusqu’à la survenance d’un événement déterminé ; dans ces derniers cas, un nouveau délai court à compter de l’expiration de ce temps ou de la survenance de cet événement. ‘

Selon la Cour de cassation, lorsque la suspension du délai de péremption est la conséquence d’une décision de sursis à statuer jusqu’à la survenance d’un événement déterminé, un nouveau délai court à compter de la réalisation de cet événement( Soc., 18 décembre 2002, pourvoi n° 00-46.519, Bull. 2002, V, n° 399, 2e Civ., 15 septembre 2005, pourvoi n° 03-20.037, Bull. 2005, II, n° 219 3e Civ., 17 mai 2018, pourvoi n° 15-23.924), et non à compter de la notification de la survenance de cet événement ou de la connaissance de cet évènement ( 2e Civ., 3 septembre 2015, pourvoi n° 14-11.091, Bull. 2015, II, n° 194) .

Au cas particulier, par jugement du 8 septembre 2015, le conseil de prud’hommes, a ordonné un sursis à statuer dans l’instance prud’homale ‘dans l’attente de la décision du tribunal administratif ‘ statuant sur le recours formé par le salarié contre la décision d’autorisation de licenciement et a dit explicitement que l’affaire reviendrait à l’audience de jugement à la requête de la partie la plus diligente.

Il en résulte que la péremption de l’instance s’est trouvée suspendue par l’effet du sursis à statuer jusqu’à la date de la décision de la juridiction administrative et qu’un nouveau délai courrait à compter de la réalisation de cet événement, visé précisément par le conseil de prud’hommes.

Il est constant que le jugement du tribunal administratif d’Orléans statuant sur le recours formé par M. [I] est intervenu le 28 avril 2016 et que sur appel de Me [G], la cour administrative d’appel de Nantes a elle-même statué sur le litige par arrêt du 15 décembre 2017, cette décision étant définitive. Il en résulte qu’un nouveau délai de péremption de deux ans a commencé à courir à compter de la date du 15 décembre 2017.

M. [I], ayant sollicité la réinscription de l’instance par conclusions du 16 octobre 2018, la cour ne peut que constater la péremption de l’instance n’est pas acquise et déclarer le salarié recevable en ses demandes.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur la demande d’indemnisation du préjudice résultant de l’annulation du licenciement

Aux termes de l’article L.2422-4 du code du travail, lorsque l’annulation d’une décision d’autorisation est devenue définitive, le salarié investi d’un des mandats mentionnés à l’article L. 2422-1 a droit au paiement d’une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration, s’il en a formulé la demande dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision.

L’indemnité correspond à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et l’expiration du délai de deux mois s’il n’a pas demandé sa réintégration.

Ce paiement s’accompagne du versement des cotisations afférentes à cette indemnité qui constitue un complément de salaire.’

M. [I] demande, en application de l’article L.2422-4 du code du travail, le paiement de la somme totale de 15 809,95 euros brut au titre de la perte de salaires pour les mois de novembre et décembre 2014, années 2015, 2016, 2017, et janvier et février 2018 se prévalant, pour son calcul, de la période allant de son licenciement jusqu’à la date de l’arrêt de la cour administrative d’appel du 15 décembre 2017suivie de deux mois. Il produit des décomptes et justificatifs pour chacune de ces années.

Me [G] fait valoir que la demande présentée à ce titre par le salarié est déjà indemnisée au titre du licenciement abusif qui indemnise le préjudice résultant de la perte injustifiée d’emploi qui traduit la perte de salaire.

L’indemnisation prévue à l’article L.2422-4 du code du travail résulte de l’annulation de l’autorisation de licenciement. Elle se distingue par son objet de l’indemnité au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, celle-ci n’étant pas automatique en cas d’annulation de l’autorisation de licenciement, cette annulation pouvant résulter d’un motif de légalité externe de la décision de l’administration et être sans rapport avec l’appréciation de la régularité du licenciement ; ce qui n’est pas le cas de M. [I]. L’argumentation du mandataire liquidateur doit être écartée.

Il doit être tenu compte des sommes perçues pendant la période.

La période couverte par l’indemnisation est déterminée par rapport à la date où le salarié peut faire valoir son droit à réintégration. S’il ne demande pas sa réintégration, cette période a pour terme le délai de deux mois suivant la notification de la décision d’annulation ouvrant droit à réintégration.

Ainsi conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, dans le cas de M. [I], c’est le jugement du tribunal administratif qui a annulé l’autorisation de licenciement qui emporte droit à réintégration, le recours formé par l’employeur devant la cour administrative d’appel de Nantes n’ayant pas d’incidence sur l’étendue de cette période (Soc., 19 octobre 2005, pourvoi n° 02-46.173, Bull. 2005, V, n° 293), sauf s’il avait obtenu un sursis à exécution de la réintégration, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

L’autorisation de licenciement de M. [I] a été annulée par jugement du tribunal administratif d’Orléans du 28 avril 2016.

Il en résulte que le salarié peut prétendre à une indemnisation correspondant à la totalité de son préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement datant du 22 octobre 2014 et le 29 juin 2016. Au regard des décomptes du salarié pour la période retenue qui ne sont pas contestés, il convient de lui allouer la somme totale de 10 726, 80 euros.

Cette indemnité est garantie par l’AGS en cas de liquidation judiciaire puisqu’elle se rattache à l’exécution du contrat de travail ( Soc., 16 novembre 1999, pourvoi n° 97-42.069, Bulletin civil 1999, V, n° 440).

– Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif et indemnité de préavis:

M. [I] demande le paiement de dommages-intérêts pour licenciement abusif sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail ( 39 600 euros correspondant à 2200 euros X18), l’autorisation de licenciement ayant été annulée par les juridictions administratives pour un motif relevant d’une appréciation d’élément de fond et non de forme.

Me [G] soutient que M. [I] ne peut prétendre à une indemnité excédant 10 mois de salaire et ne justifie pas de ses démarches pour retrouver effectivement un emploi, notamment jusqu’en janvier 2016, date de ses justificatifs d’emploi. Il demande de réduire les prétentions à de plus justes proportions.

Le salarié protégé licencié en vertu d’une autorisation administrative ensuite annulée peut prétendre, qu’il ait ou non demandé sa réintégration, au paiement des indemnités de rupture, s’il n’en a pas bénéficié au moment du licenciement et s’il remplit les conditions pour y prétendre, ainsi qu’au paiement de l’indemnité prévue par l’article L. L.1235-3 du code du travail, s’il établit que son licenciement était, au moment où il a été prononcé, dépourvu de cause réelle et sérieuse (Soc., 5 février 2002, pourvoi n° 99-43.896, Bulletin civil 2002, V, n° 53).

L’arrêt de la cour administrative d’appel du 15 décembre 2017 a annulé, comme le premier juge, l’autorisation de licenciement de M. [I] en raison de l’absence de justification de l’application de la procédure des critères d’ordre de licenciement aboutissant à la désignation de celui-ci parmi les salariés licenciés composant la catégorie des plaquistes. Elle a retenu qu’il existait un lien entre le mandat syndical et le licenciement litigieux. Il en résulte qu’elle a ainsi annulé l’autorisation de licenciement pour un motif relevant d’un élément de fond de la procédure et non de légalité externe. Ce motif s’impose au juge judiciaire. Le licenciement est frappé de nullité en raison de ce lien. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu la nullité du licenciement.

La perte injustifiée de son emploi cause au salarié un préjudice dont il appartient au juge d’apprécier l’étendue.

En ce qui concerne les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, selon les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable au litige, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de non réintégration, le juge octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l’âge du salarié, de sa capacité à retrouver un emploi et de son ancienneté, l’octroi d’une indemnité de 14 000 euros pour licenciement nul et abusif réparera justement son préjudice.

Le salarié ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle, le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse ou nul, M. [I] peut prétendre à l’indemnité de préavis dont le montant réclamé n’est pas discuté (Soc., 10 mai 2016, pourvoi n° 14-27.953, Bull. 2016, V, n° 89). La créance de M. [I] à ce titre à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société sera de 4400 euros brut, outre 440 euros au titre des congés payés afférents.

– Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires et d’indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l’article L. 3171-2, alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant (Soc., 18 mars 2020, pourvoi n°18-10.919, publié).

M. [I] soutient qu’il accomplissait des heures supplémentaires pour l’exécution des chantiers et notamment pour s’y rendre et bénéficiait de la mise à disposition d’un véhicule, muni d’un système de géolocalisation permettant de décompter les temps de trajet et les temps de travail sur les chantiers. Il produti des attestations et des fiches mensuelles faisant apparaître l’existence de ces véhicules. Il présente une demande d’un montant de 19 167,18 euros correspondant à un décompte précis calculé sur un dépassement d’horaires d’1,5 heure/jour sur cinq jours/semaine au taux horaire sur 47 semaines de travail, le tout sur trois années remontant à la date de la rupture du contrat de travail.

Me [G] soutient la prescription partielle de la demande du salarié et son caractère mal fondé.

La durée de la prescription est déterminée par la nature la créance, objet de la demande. Selon l’article L.3245-1 du code du travail dans sa version issue de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. Dans l’état du droit antérieur à la loi du 14 juin 2013, le délai de prescription était de 5 ans.

Les dispositions transitoires de la loi du 14 juin 2013 ( l’article 21 V) ne s’appliquent qu’aux actions en rappel de salaire engagées avant le 16 juin 2016 . Selon l’article 21 V de la loi du 14 juin 2013), les dispositions réduisant à trois ans le délai de prescription de l’action en paiement de salaire s’appliquent aux prescriptions quinquennales ayant commencé à courir antérieurement à la date de promulgation de loi du 14 juin 2013, soit le 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. (Soc, 18 octobre 2017 pourvoi n°16-11.670 et Soc, 30 mai 2018 pourvoi n°16-25.557 publié)

En matière salariale, le jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer est la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible (Soc., 14 novembre 2013, pourvoi n° 12-17.409 et Soc. 9 juin 2022, pourvoi n°20-16.992 ) .

Au cas particulier, en présence d’une saisine intervenue le 18 mai 2015, le contrat de travail ayant été rompu le 22 octobre 2014, la demande en paiement des heures supplémentaires présentée par la période de trois années précédant la rupture n’est pas prescrite. Le moyen de Me [G] sera rejeté.

Il importe peu que M. [I] ne produise pas un décompte chronologique des heures supplémentaires effectuées, ces éléments sur les heures de travail prétendument accomplies étant suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre en produisant ses propres éléments et notamment l’organisation de ces chantiers. Il fait valoir à juste titre que le décompte forfaitaire n’intègre pas les périodes de congés sans solde, d’absences non rémunérées ou d’absences pour maladie dont la réalité est attestée par des pièces adverses versées aux débats.

Ainsi, au regard des éléments versés aux débats par l’une et l’autre des parties, la cour a la conviction que le salarié a accompli des heures supplémentaires n’ayant pas donné lieu à rémunération ou à récupération.

Dans ces conditions, après examen des éléments produits par l’une et l’autre des parties, il y a lieu, par voie d’infirmation du jugement, de fixer à 7000 euros brut la créance de M. [I] à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre 700 euros brut au titre des congés payés afférents. Il y a lieu de fixer ces créances au passif de la liquidation judiciaire de la SAS MAISONS TRADIBUDGET.

En revanche, il ne ressort pas des éléments versés aux débats que cette société se serait intentionnellement abstenue de mentionner sur les bulletins de paie des heures de travail effectuées par le salarié ou qu’elle aurait sciemment omis de rémunérer des heures de travail dont elle avait connaissance de ce qu’elles avaient été accomplies.

L’élément intentionnel du travail dissimulé n’étant pas caractérisé, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement déféré, de débouter M. [I] de sa demande à ce titre.

– Sur les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes des parties présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il convient de laisser à chacune des parties la charge de ses frais non compris dans les dépens exposés en cause d’appel. Les demandes présentées par elles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Il convient de fixer au passif de la passif de la liquidation judiciaire de la SAS MAISONS TRADIBUDGET la charge des dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud’hommes de Blois le 17 décembre 2019 en ce qu’il a :

– déclaré les demandes de M.[I] recevables,

– rejeté les demandes des parties présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la demande en paiement d’une indemnité pour travail dissimulé présentée par M.[I],

– prononcé la nullité du licenciement de M.[I] ;

L’infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,

Fixe au passif de la procédure collective de la SAS MAISONS TRADIBUDGET les créances de M. [W] [I] aux sommes suivantes :

– 10 726, 80 euros au titre de l’indemnisation du préjudice résultant de l’annulation de la décision d’autorisation de licenciement,

-14 000 euros au titre d’un licenciement nul,

– 4 400 euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 440 euros au titre des congés payés afférents,

– 7000 euros brut au titre d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires impayées,

– 700 euros au titre de congés payés afférents,

Déclare le présent arrêt opposable à l’Unedic délégation AGS CGEA Orléans, laquelle ne sera tenue de garantir les sommes allouées à M.[I] que dans les limites des plafonds définis aux articles L.3253-8 à L.3253-17 et D3253-5 du code du travail , le plafond applicable étant le plafond 6 ;

Rejette les demandes formées à hauteur d’appel par M.[I], Me [G] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS MAISONS TRADIBUDGET et l’Unedic délégation AGS CGEA Orléans sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Fixe au passif de la procédure collective de la SAS MAISONS TRADIBUDGET les dépens de première instance et d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET

 


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